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2. Microenvironnement tumoral et cancer ovarien

2.2. Ascite et facteurs sécrétés

2.2.2. Cytokines et facteurs de croissance

Les protéines, aussi bien cytokines que facteurs de croissance, composent la seconde population des molécules contenues dans l’ascite pouvant aussi bien être sécrétées par les cellules tumorales ovariennes que par les cellules du microenvironnement. Nous nous intéresserons ici à l’IL-6, l’IL-8, le VEGF, l’EGF, le TNF-α et le TGF-β, régulièrement retrouvés dans le liquide d’ascite et impliqués à tous les niveaux de la progression tumorale ovarienne.

L’IL-6 est une cytokine pléiotropique présentant des effets pro et anti-inflammatoires, sécrétée entres autres par les cellules tumorales ovariennes, les cellules mésothéliales, les fibroblastes, les macrophages (63) et dont l’expression est corrélée avec un mauvais pronostic chez les patientes atteintes d’un cancer des ovaires (64-66). Son récepteur, l’IL-6R, est surexprimé dans les tissus tumoraux comparés aux cellules ovariennes saines (67). De plus, la voie STAT3 dépendante de la liaison de l’IL-6 à son récepteur est constitutivement active dans certaines lignées tumorales ovariennes (68). Les effets de l’IL-6 sur les cellules tumorales ovariennes sont multiples. En effet, cette cytokine peut favoriser la prolifération, la migration et l’invasion de lignées tumorales ovariennes, mais aussi diminuer leur apoptose et ainsi contribuer à la progression de la maladie (68, 69). L’IL-6 peut également activer les cellules endothéliales et ainsi favoriser l’angiogenèse tumorale (70, 71). Cette cytokine est de même impliquée dans l’une des problématiques majeures du traitement des cancers ovariens, la chimiorésistance. Le traitement au paclitaxel entraîne une augmentation de l’IL-6 dans le sérum et l’ascite de patientes (72, 73) et la production autocrine de cette cytokine par les cellules tumorales ovariennes est responsable d’une résistance au cisplatine et au paclitaxel plus importante (74). Les effets de l’IL-6 passeraient alors par une augmentation de l’expression de protéines de détoxification de chimiothérapies (MDR1 et GSTpi) et de protéines anti-apoptotiques (Bcl-2, Bcl-xL et XIAP) et une activation des voies de prolifération (MAP kinases) et de survie cellulaire (PI3K/Akt).

L’IL-8, aussi appelée CXC chemokine ligand 8 (CXCL8), est une cytokine pro-inflammatoire sécrétée entre autres par les cellules tumorales ovariennes, les monocytes, les cellules endothéliales et les cellules mésothéliales (75). L’expression de cette cytokine dans les cancers ovariens est associée à un stade avancé et est corrélée avec une mortalité élevée (76-78). L’IL-8 peut agir de manière directe et indirecte sur la progression tumorale. En effet, l’expression de cette cytokine et de son récepteur dans les cellules tumorales ovariennes est corrélée à la prolifération cellulaire in vitro et in vivo induite par une action autocrine de l’IL-8 (79). Des travaux menés sur des modèles de tumeurs ovariennes chez la souris ont également montré des effets de cette cytokine sur le microenvironnement tumoral. Une inhibition de l’expression de l’IL-8 dans les tumeurs entraîne une diminution de la croissance tumorale via une plus faible vascularisation des tumeurs et une diminution de la dissémination métastatique via une synthèse réduite des MMP-2 et MMP-9 (77). De même que pour l’IL-6, la production autocrine d’IL-8 par les cellules tumorales ovariennes est responsable d’une résistance accrue au cisplatine et au paclitaxel (74). En opposition avec les résultats précédents, Lee et al. a montré que l’expression de l’IL-8 dans les cellules cancéreuses ovariennes pourrait réduire la croissance tumorale en augmentant l’infiltration des neutrophiles et des macrophages (80).

Le VEGF est une cytokine pro-angiogénique majeure augmentant la prolifération et la migration des cellules endothéliales ainsi que la perméabilité des vaisseaux préexistants (81). L’expression de

cette cytokine dans le cancer des ovaires est associée à un mauvais pronostic pour la patiente (76). Une étude menée sur un modèle in vivo de cancer ovarien montre que l’immunoneutralisation du VEGF par un anticorps monoclonal, le A4.6.1, entraîne une diminution de la croissance de tumeurs sous-cutanées obtenues à partir d’implantation de cellules tumorales ovariennes SKOV-3. Sur des tumeurs intrapéritonéales SKOV-3, l’inhibition du VEGF ne diminue que partiellement la croissance tumorale mais supprime totalement la formation de liquide d’ascite (82). La voie de signalisation impliquant le facteur de transcription nuclear factor-κB (NF-κB) semble responsable de l’expression du VEGF, mais aussi de l’IL-8, entraînant ainsi une augmentation de l’angiogenèse et de la tumorigenicité de cellules tumorales ovariennes (83). Des travaux réalisés chez la souris sur des modèles de cancer ovarien, antérieurs aux études cliniques des molécules ciblant le VEGF décrits précédemment (partie 1.7), ont montré l’intérêt d’inhiber cette cytokine afin d’améliorer la prise en charge des patientes. En effet, l’association d’inhibiteurs du VEGF avec le paclitaxel réduit sensiblement la croissance tumorale et le développement de liquide d’ascite comparé à l’utilisation de paclitaxel seul (84, 85).

L’epidermal growth factor (EGF) est un facteur de croissance dont l’expression du récepteur (EGFR) est corrélée avec un mauvais pronostic chez les patientes atteintes d’un cancer ovarien (86). Pourtant, l’utilisation d’inhibiteurs de l’EGFR tels que le cetuximab ou l’erlotinib n’ont pas montré de bénéfice clinique dans le traitement des cancers ovariens. Cette constatation pourrait être due au fait que les mutations de ce récepteur, associées avec la réponse thérapeutique à ces molécules, sont très peu retrouvées dans le cancer ovarien comparé à d’autres types tumoraux (87). Cependant, des travaux indiquent que l’EGF, comme le LPA, stimule la chimiorésistance des cellules tumorales ovariennes HEY au cisplatine (41). De plus, ce facteur de croissance est capable d’induire la transition épithélio- mésenchymateuse (TEM) dans les cellules de la surface de l’épithélium ovarien (88, 89).

Le tumor necrosis factor-α (TNF-α) est une cytokine clé dans la régulation des processus inflammatoires, longtemps considérée comme anti-tumorale. Cependant, les études menées ces 25 dernières années ont permis de mettre en évidence les effets immunosuppresseurs de cette cytokine et sa capacité à activer la croissance tumorale (90). Dans le cancer ovarien, il a par exemple été montré que l’expression de TNF-α est corrélée avec le grade de la tumeur (91). De plus, la production autocrine de cette cytokine par les cellules tumorales ovariennes permet de favoriser la synthèse de monocyte chemoattractant protein-1 (MCP-1), SDF-1, IL-6, macrophage inhibitory factor (MIF) et VEGF, favorisant ainsi l’angiogenèse et la dissémination péritonéale (92). Des études récentes ont également montré que la production de TNF-α favorise la synthèse d’IL-17, permettant ainsi le recrutement de cellules myéloïdes et l’activation de la progression tumorale ovarienne (93). Le TNF-α permet donc la création d’un environnement cytokinique pro-tumoral.

Le transforming growth factor-β (TGF-β) est une cytokine présentant des effets anti et pro- tumoraux, impliquée notamment dans la TEM (94). Il a été montré que le TGF-β, dont l’expression est

associée à l’angiogenèse tumorale ovarienne,entraîne l’invasion des cellules tumorales via l’activation de MMPs (95, 96).

En résumé, le liquide d’ascite constitue un réservoir de facteurs protéiques et lipidiques régulant la progression tumorale ovarienne de manière directe ou indirecte par une action sur le microenvironnement (Tableau 3). La connaissance de ces différentes molécules et des mécanismes impliqués permet de déterminer des facteurs pronostics ainsi que de nouvelles cibles thérapeutiques dans le traitement du cancer des ovaires.

Molécule Cellules productrices Rôles dans le cancer ovarien

LPA

Cellules mésothéliales, fibroblastes, adipocytes, cellules tumorales ovariennes

Mauvais pronostic. Protection contre le cisplatine. Active la prolifération des cellules tumorales, la réexpression de la télomérase, la croissance tumorale, la migration, l’invasion et le processus métastatique

S1P Présence dans l’ascite tumorale

ovarienne Régulation de la migration et de l’invasion tumorale

Voie COX et PGE2

Cellules tumorales ovariennes

Mauvais pronostic. Active la prolifération et inhibe l’apoptose des cellules tumorales. Expression corrélée avec l’angiogenèse et la chimiorésistance. Active la sécrétion de SDF-1

IL-6

Cellules mésothéliales, fibroblastes, macrophages, cellules tumorales ovariennes

Mauvais pronostic. Active la prolifération, la migration, l’invasion des cellules tumorales. Active l’angiogenèse. Protection contre le cisplatine et le paclitaxel

IL-8

Cellules mésothéliales, cellules endothéliales, monocytes, cellules tumorales ovariennes

Mauvais pronostic. Active la prolifération, la croissance, l’angiogenèse et l’invasion tumorale. Protection contre le cisplatine et le paclitaxel. Recrutement des macrophages et des neutrophiles

VEGF Cellules endothéliales, cellules

tumorales ovariennes

Mauvais pronostic. Active l’angiogenèse et la formation de liquide d’ascite

EGF Cellules tumorales ovariennes Mauvais pronostic. Active la transition épithélio- mésenchymateuse. Protection contre le cisplatine

TNF-αααα Cellules tumorales ovariennes,

macrophages

Mauvais pronostic. Active la synthèse de MCP-1, SDF-1, IL-6, MIF, VEGF et d’IL-17. Active l’angiogenèse et le processus métastatique

TGF-ββββ Cellules tumorales ovariennes,

macrophages Activation de l’angiogenèse et de l’invasion tumorale

Tableau 3 : Facteurs contenus dans les ascites tumorales ovariennes

Tableau non exhaustif présentant les principaux facteurs, protéiques et lipidiques, contenus dans les ascites tumorales ovariennes, ainsi que leurs rôles et la liste non exhaustive des cellules responsables de leur production.