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Fibrilles amyloïdes :

Dans le document AMYLOSES : AVANCEES RECENTES (Page 70-80)

Liste des tableaux

C. Anomalies des protéines amyloïdes

2- Fibrilles amyloïdes :

2.1- Structure des fibrilles :

Les dépôts amyloïdes se constituent de fibrilles dont l’aspect ultrastructural, commun à toutes les variétés d’amylose, est très caractéristique. Ces fibrilles apparaissent en microscopie électronique rigides, linéaires, non branchées les unes aux autres, rappelant l’aspect d’un paquet d’épingles jeté à terre, disposées en amas désordonnés de longueur encore indéterminée (figure 5). L’étude ultra-structurale révèle que les fibres sont généralement constituées de 2 à 6 protofilaments de 2 à 5 nm de diamètre chacun (figure 7) (Figure 6, a). Ces protofilaments se torsadent pour former une fibre de 7 à 13 nm d’épaisseur (Figure 6, b) [14,56].

Les études par diffraction des rayons X ont montré que dans le protofilament, les peptides ou protéines sont organisés de manière à ce que les chaînes polypeptidiques forment des brins β perpendiculaires à l’axe de la fibre donnant ainsi une structure dite bêta plissée (Figure 6,c) [14,57].

Les liaisons hydrogènes sont donc dans l’axe de la fibre. Ces liaisons hydrogène entre 2 brins polypeptidiques sont typiques des feuillets β qui vont être à la base de la formation des fibrilles. Cette structure est responsable de la fixation du rouge Congo, dans laquelle les extrémités N- et C-terminales sont orientées dans des directions opposées, ce qui explique l’intensité de la Thioflavine T, la résistance à la protéolyse, et l'insolubilité de l’amylose [58].

Même si les fibrilles sont le composant principal de l'amylose, elles n'expliquent pas nécessairement toutes ses propriétés [14].

Figure 5: Microscopie électronique. Les fibrilles amyloïdes sont droites enchevêtrées, mais non branchées, rappelant l’aspect d’un paquet d’épingles. x13000 [59]

Figure 7: structure de la fibrille à six protofilaments [28].

2.2- Fibrillogenèse :

Nos connaissances sur les mécanismes de la fibrillogenèse in vitro ont beaucoup progressé dans l’étude des aspects thermodynamique et cinétique du repliement anormal des protéines et de la formation des fibrilles.

a- Thermodynamique :

La fibrillogenèse est gouvernée par les règles fondamentales de la thermodynamique, comme toute autre réaction chimique. De façon simplifiée, la fibrillogenèse peut être vue comme une réaction en deux étapes, conduisant la protéine d’un état natif à un état fibrillaire (Figure 8). La première étape de cette transition est réversible et conduit à la formation d’un intermédiaire amylogène. Si cet intermédiaire n’est pas complètement éliminé par le métabolisme cellulaire physiologique, il s’assemble en une fibrille insoluble dans une seconde étape irréversible de la réaction. Il existe des arguments expérimentaux en faveur d’un important avantage énergétique de la structure fibrillaire en feuillets bêta caractéristique de la fibrille amyloïde [60,61].

Figure 8: Mécanismes généraux des amyloses [24]. Le précurseur protéique est l’objet de modifications quantitatives ou qualitatives dans un contexte pathologique variable (inflammation, prolifération cellulaire, vieillissement), et change de conformation spatiale.

Certains composés, de conformation intermédiaire entre la protéine native et la forme dénaturée, ont une structure instable propice à l’auto-agrégation. Au cours de ce phénomène

apparaissent des agrégats de taille variable, du dimère au macro-agrégat qu’est la fibrille amyloïde. L’agrégat responsable de la toxicité cellulaire n’est pas identifié avec certitude. Les

différentes structures peuvent être reconnues par des anticorps spécifiques de chaque étape [62] : certains anticorps reconnaissent d’ailleurs des épitopes communs à des oligomères de protéines amyloïdes différentes, en accord avec l’hypothèse d’une structure spatiale commune à ces agrégats [63]. L’immunologie ne se limite pas à l’aide au diagnostic (immuno-histochimie) et à la dissection des mécanismes de la maladie, mais pourrait participer à la thérapeutique [64].

b- Rôle de la conformation spatiale :

L’absence de points communs entre les structures primaires, et les fonctions, des différentes protéines amyloïdes a suggéré que ce qui relie ces protéines réside dans l’acquisition d’une conformation spatiale spécifique. Reste à comprendre comment des protéines qui ont une conformation native plus ou moins riche en structure β-plissée adoptent cette conformation de manière extensive et répétée dans les fibrilles [65].

Il est possible de créer de l’amylose in vitro à partir de la TTR normale par simple dénaturation en milieu acide [66]. Au cours de la dénaturation du tétramère de TTR, qui est la forme physiologique, il y a formation des monomètres intermédiaires amylogènes qui précédent la formation des fibrilles amyloïdes. L’effet des mutations de la TTR aurait le même effet déstabilisant du tétramère [67].

L’étude par diffraction aux rayons X de plusieurs variants de la TTR n’a pas montré de changement important de structure du monomère. L’analyse des fibrilles de TTR en microscopie électronique et par diffraction aux rayons X a suggéré que les monomères s’enrouleraient sous la forme d’une hélice β-plissée [68].

Certaines substitutions d’acides aminés seraient directement responsables du changement de conformation de la chaine légère d’immunoglobuline et de son agrégation sous forme d’amylose alors que d’autres substitutions pourraient gouverner la formation d’un dépôt de chaines légères non amyloïdes [69-71].

Le changement de conformation d’hélice α en feuillet β est maintenant bien établi pour la protéine PrP et correspond au passage de la forme cellulaire PrPc à la forme pathogène PrPSC [72, 73]. Le même type de transconformation avec formation d’intermédiaires amylogènes a été récemment montré pour les deux variants du lysozyme responsables de formes héréditaires d’amylose [74].

c- Agrégation à partir d’un nucléus :

Il est largement accepté que la formation des fibres amyloïdes est réalisée selon un mécanisme de type nucléation dépendant « nucleated growth » [75,76].

Le mécanisme commence par une phase de latence suivie d’une formation rapide de fibres de type exponentiel. La phase de latence est considérée comme le temps nécessaire à la constitution d’un nucléus ou noyau (Figure 10). C’est la nucléation. Au cours de cette étape, une série de réactions d’assemblage de protéines conduit à la formation d’un noyau stable. Les réactions d’assemblage de protéines sont thermodynamiquement défavorables : la diminution d’énergie apportée par l’interaction stabilisatrice entre deux protéines ne compense pas la diminution d’entropie (une fonction d'état extensive) [77]. La diminution d’entropie provient du fait que lorsque les protéines sont liées, elles ne peuvent plus se déplacer librement et indépendamment et donc, il y a moins de désordre dans la solution. L’assemblage augmente de taille et il y a de plus en plus de feuillets β intermoléculaires qui sont formés. Lorsque les interactions à l’intérieur de la structure sont suffisamment stabilisées pour compenser la diminution d’entropie, l’agrégat est thermodynamiquement stable. On parle alors de «noyau».

La phase de latence peut être supprimée par addition d’agrégats préformés (noyaux) comme représenté ci-dessous (Figure 9) [75,78].

La seconde étape de ce processus est la croissance. Une fois le noyau formé, l’association de monomères ou d’oligomères permet l’élongation des fibres selon une phase de croissance exponentielle (élongation) jusqu’à atteindre un équilibre (plateau). (Figure 9)

Ces interactions sont fortement stabilisatrices et compensent la diminution de l’entropie due à la liaison de la protéine sur la structure. La réaction d’assemblage de protéine sur le noyau directement sous forme amyloïde est donc thermodynamiquement favorable. Ces réactions permettent à la fibre de grandir et constituent la phase de croissance.

La diversité des peptides et protéines amyloïdes implique qu’il n’existe pas un mécanisme unique de formation des espèces oligomériques. Ces dernières peuvent se former entre peptides ou protéines non structurées, entre protéines globulaires partiellement structurées ou dans leurs structures natives. La représentation schématique, proposée par Chiti et Dobson, des différentes voies en fonction des états conformationnels des protéines amyloïdes est présentée dans la figure 11 [82]. Quel que soit l’état conformationnel initial de la protéine, il existe un équilibre entre l’état fonctionnel et la formation d’oligomères, non amylogènes, qui se structurent ensuite en feuillet β pour former les protofibres. Ces protofibres s’organisent ensuite pour former le protofilament. Cependant, les mécanismes moléculaires ainsi que les facteurs déterminants à la formation de structures riches en feuillets β ne sont pas clairement connus.

Figure 10: Mécanismes de formation de fibrilles amyloïdes: Mécanismes possibles de formation de noyau à partir d'une protéine globulaire ou intrinsèquement désordonnée (IDP). Les

cases verticales font référence aux différentes étapes du processus de formation des fibrilles amyloïdes. Différents modèles d'agrégation sont présentés horizontalement, notamment la polymérisation nucléée (flèches marron), la conversion de conformation

nucléée (flèches bleues) et l'agrégation de type natif (flèches vertes). Le cadre vertical de droite fait référence à des processus secondaires, tels que la nucléation secondaire

Figure 11: Représentation schématique des différentes voies de formation des fibres amyloïdes [28].

d- Rôle de la protéolyse :

La plupart des protéines amyloïdes sont des fragments de précurseurs, c’est le cas notamment des protéines AA et Aβ, et AGel. A l’inverse d’autres protéines amyloïdes sont formées de leur précurseur dans son intégralité : Lysozyme, facteur natriurétique auriculaire. La question de savoir si la protéolyse précède ou suit la formation des fibrilles n’est pas tranchée. La protéolyse apparait donc inconstante. A travers les diverses espèces étudiées, la protéine AA est presque toujours un fragment de son précurseur, la protéine SAA. La plupart des fragments de la protéine SAA qui sont trouvés dans les dépôts ont 76 acides aminés avec des variations interindividuelles et d’un organe à l’autre. Le lieu exact de la dégradation de la SAA n’est pas connu avec certitude. Plusieurs travaux ont montré qu’il existait une dégradation de la SAA dans le sérum, mais aussi associée à la membrane des macrophages et des polynucléaires neutrophiles [83].

D’autres ont rapporté chez l’homme une diminution de la capacité du sérum à dégrader la protéine SAA en cas d’amylose AA. Des produits de dégradation de la protéine SAA ont été plus récemment identifiés dans le sérum, ils seraient présents en plus grande quantité chez les malades atteints de polyarthrite rhumatoïde compliquée d’amylose AA que chez les malades sans amylose [84].

D’autre part diverses données histologiques ont apporté de sérieux arguments pour une formation intra cytoplasmique et plus encore intra-lysosomales des fibrilles amyloïdes AA [85].

La capacité de diverses enzymes lysosomales à dégrader les fibrilles AA a été testée in vitro. La cathepsine B est capable de dégrader la partie C-terminale de la SAA et de former, entre autres, le résidu de 76 acides aminés [86].

Tous ces résultats suggèrent indirectement que la protéolyse de la SAA précède la formation des fibrilles et serait ainsi un événement indispensable. Cependant d’autres travaux faisant appel à des anticorps dirigés spécifiquement contre les protéines SAA et AA, suggèrent que la protéolyse serait un événement postérieur à la formation des fibrilles [88].

Ces données ne sont nullement transposables à certaines variétés où le rôle de la protéolyse dans la formation des fragments amylogènes repose sur des résultats solides comme dans les amyloses Aβ et AGel.

La création de fibrilles amyloïdes de diverses natures in vitro en présence d’extraits lysosomales pourrait être déterminée par le caractère acide de ces extraits et non par leur activité protéolytique [66].

Le rôle des macrophages serait dans cette perspective lui aussi restreint. Dans l‘amylose AA expérimentale, les macrophages sont certes présents là où les fibrilles amyloïdes se forment : zone périfolliculaire de la rate, sinusoïde hépatique, mésangium rénal. Mais dans le rein, les fibrilles pourraient se former dans les cellules tubulaires [89]. Ainsi le lieu de formation des fibrilles amyloïdes - intra ou extracellulaire - reste à déterminer avec certitude dans la plupart des variétés [90].

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