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La fiabilité humaine, les facteurs de performance et les facteurs de contexte

Chapitre 1. De la sûreté de fonctionnement à la résilience

1.3. Définitions et concepts de la résilience

1.3.2. La fiabilité humaine, les facteurs de performance et les facteurs de contexte

De très nombreux articles et ouvrages ont été consacrés à la fiabilité humaine et à l’erreur humaine, à leur définition, aux méthodes pour les appréhender, aux moyens pour les mesurer (Swain & Guttmann, 1983 ; Leplat, 1985 ; Kirwan, 1992a ; Kirwan, 1992b ; Kirwan, 1998a ; Kirwan, 1998b ; Vanderhaegen, 2003 ; SAIC, 2005 ; Vanderhaegen et al., 2011).

Pour Swain et Guttmann (1983), la fiabilité humaine est la capacité d'un opérateur humain à réaliser une tâche avec succès dans un temps donné, et à ne pas exécuter des tâches supplémentaires nuisibles au bon fonctionnement du système homme-machine. Dans la même perspective, ces auteurs définissent l’erreur humaine comme étant la capacité d'un opérateur humain de ne pas exécuter les tâches prescrites correctement ou d'exécuter des tâches supplémentaires nuisibles au bon fonctionnement du système homme machine. Pour ces auteurs, il y a erreur dès lors qu’il y a un écart par rapport à la tâche prescrite.

De nombreux travaux concernent les erreurs humaines en général (Leplat, 1985), ou les erreurs dans un contexte précis, par exemple dans le contexte des exigences d’utilisabilité et la formulation du critère d’ergonomie « Gestion des erreurs » comprenant la « Protection contre les erreurs », la « Qualité des messages d’erreur » et la « Correction des erreurs » (Bastien & Scapin, 1993).

Reason (1997) propose une définition alternative de l’erreur humaine. Il la définit comme un écart à l’intention. Cet écart à l’intention est dû à l’incapacité des actions planifiées à atteindre l’objectif attendu, dans le cadre d’une activité régulière sans l’intervention d’événement non prévue. L’erreur est inhérente à l’activité humaine. Dans leur activité, les opérateurs mettent en place des moyens de récupération des erreurs. Cette récupération est d’autant plus importante que les opérateurs sont experts. À ce titre, les erreurs contribuent à la régulation de l’activité, à l’apprentissage, et à la construction de la capacité d’adaptation, et donc de l’expérience, de l’expertise des opérateurs.

Reason (1997) différencie plusieurs types d’actions erronées :

 les ratés (slips) et les lapsus (lapses) qui sont des erreurs de routine. Elles correspondent à un dysfonctionnement lors de l’exécution de l’action (activités basées sur des automatismes, tâches routinières) ;

 les méprises (mistakes) qui sont des erreurs de connaissance. Ce sont des dysfonctionnements lors de la planification de l’action, une simplification excessive, des biais et heuristiques inadéquats (biais de confirmation …).

Par ailleurs, Reason (1997) distingue les erreurs et les violations. Ces dernières sont des transgressions volontaires de règles ou de procédures imposées, desquelles il exclut le sabotage malveillant (intention délibérée de nuire). Il différencie ces violations en trois types:

 les violations routinières consistent à couper au plus court pour réduire la charge de travail ;

 les violations d’optimisation, visant à optimiser les objectifs non fonctionnels, par exemple pour obtenir des sensations fortes, des frissons, pour montrer sa témérité à ses pairs ;

 les violations nécessaires, induites par les situations particulières d’activités, le non-respect des procédures est essentiel pour que la tâche soit réalisée.

Notre contribution s’inscrit dans le cadre des violations nécessaires, telles que les définit Reason, pour réintroduire la contrôlabilité du système, ainsi que le propose Amalberti. Nous détaillons cette notion de violation dans la section 1.2.3 « Les franchissements de barrières, les violations des règles de sécurité et les migrations spontanées ».

Plusieurs techniques de quantification considèrent actuellement les influences des facteurs humains sur la performance du système pour calculer la probabilité d’erreur humaine. Ces influences, appelées facteurs de performance (PSF pour performance shaping factors), peuvent être liées au temps dont disposent les opérateurs pour comprendre, décider et agir, à la qualité des interfaces utilisateur, à leur niveau de formation, entre autres (Kirwan, 1992a). Il est extrêmement difficile et délicat d’attribuer l’origine d’un accident à une cause unique, qui serait une défaillance du matériel ou une erreur humaine. En effet, les enquêtes menées après des accidents (BEA-TT, 2009 ; NTSB, 2010 ; BST, 2013) montrent qu’il n’y a pas une cause unique mais un ensemble de causes dont les interactions, à un moment donné, dans un contexte donné, sont à l’origine de l’accident.

Le Tableau 1.4 montre la liste des facteurs de performance identifiés dans le domaine des systèmes critiques nucléaires (SAIC, 2005).

Dans la même perspective, Hollnagel (Belmonte et al., 2008 ; Hollnagel et al., 2006) caractérise onze facteurs de contexte qui peuvent avoir des effets positifs ou des effets négatifs sur les performances de l’activité, et, à ce titre, contribuent à la variabilité de ces performances. Ces onze facteurs de contexte sont : 1) la disponibilité des ressources, 2) l’entraînement et l’expérience du collectif de travail, de l’équipage, 3) la qualité des communications entre les opérateurs, 4) la qualité des interfaces opérateurs-machines, 5) l’accessibilité et la disponibilité des méthodes et des procédures, 6) les conditions de travail, 7) le nombre d’objectifs simultanés auxquels les opérateurs doivent répondre, 8) le temps disponible pour mener les activités, 9) le rythme circadien, 10) la qualité de collaboration en équipe, 11) la qualité et le support de l’organisation. Ces onze facteurs de contexte (cf. Tableau 1.5) sont définis dans le cadre du management de risques industriels.

PSF Libellé des facteurs de performance

PSF01 Applicabilité et pertinence de l’entrainement, de l’expérience

PSF02 Pertinence des procédures et des objectifs

PSF03 Disponibilité et clarté des modes opératoires

PSF04 Temps disponible et temps requis pour réaliser complètement l’action menée, incluant la concurrence entre les activités

PSF05 Complexité du diagnostic et de la réponse requis, du besoin d’une séquence spécial et de la familiarité de la situation

PSF06 Charge de travail, pression temporelle et stress PSF07 Dynamique de l’équipage, caractéristiques de l’équipage

PSF08 Dotation en personnel disponible

PSF09 Qualité ergonomique de l’interface humain-système PSF10 Environnement dans lequel l’activité doit être réalisée PSF11 Accessibilité et capacité des équipements à être opérés, manipulés

PSF12 Besoin d’outils spécifiques

PSF13 Communication et conditions par lesquels quelqu’un peut être facilement écouté

PSF14 Besoins d’aptitudes spéciales

PSF15 Prise en compte de déviations et de détournements réalistes de séquences d’actions

Tableau 1.4. Liste des facteurs de performance (SAIC, 2005).

FC Libellé des facteurs de contexte

FC01 Disponibilité des ressources

FC02 Entraînement et expérience du collectif de travail FC03 Qualité des communications entre les opérateurs

FC04 Qualité des interfaces opérateurs-machines

FC05 Accessibilité et disponibilité des méthodes et des procédures

FC06 Conditions de travail

FC07 Nombre d’objectifs simultanés auxquels les opérateurs doivent répondre

FC08 Temps disponible pour mener les activités

FC09 Rythme circadien

FC10 Qualité de collaboration en équipe

FC11 Qualité et support de l’organisation

Tableau 1.5. Liste des facteurs de contexte (Belmonte et al., 2008).

Ces facteurs de contexte, facteurs de performance, sont les leviers sur lesquels agir pour améliorer la résilience du système. C’est maintenant la résilience que nous traitons dans la section suivante.