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Les femmes dans la police, des exigences de parité à la reconnaissance de qualités

Chapitre IV : le secteur de la police : l’histoire, l’évolution et l’intégration de la femme policière

8- Les femmes dans la police, des exigences de parité à la reconnaissance de qualités

A l’occasion de la journée mondiale de la femme du 8 mars 2015, de nombreuses associations et organisations ont mis à l’honneur le succès des femmes policières dans un corps de métier traditionnellement réservé aux hommes. En effet, les préjugés entourant la réussite professionnelle des femmes dans la police sont nombreux. Les attributs féminins, tels l’émotivité, la fragilité physique, ont longtemps été considérés, à tort, incompatibles avec l’exercice de telles fonctions. Pour autant, la tendance actuelle semble démentir les idées préconçues traditionnelles.

On recense de plus en plus de femmes parmi les nouvelles recrues des polices par-delà le monde.

Ces dernières contribuent à renouveler les pratiques traditionnelles et à humaniser le travail policier.

À l’heure où de nombreuses initiatives gouvernementales visent à augmenter les effectifs féminins parmi les rangs de la police, les femmes sont particulièrement recherchées pour leurs qualités professionnelles et humaines. Car longtemps considérées comme trop fragiles pour mener des interventions physiques ou endurer des enquêtes, les femmes eurent de la difficulté à briller dans un environnement masculin, exaltant la force, la virilité et la brutalité. Les femmes présentes dans les équipes et sections étaient ouvertement décrites comme des handicaps par leurs collègues masculins, pour qui il était parfois honteux et dégradant d’être adjoint d’une femme.162

« L’activité policière est désormais assurée par des professionnels recrutés, employés, formés, dotés d’un mandat et agissant au sein d’organisations policières structurées ».163

Depuis une dizaine d’années, la tendance s’infléchit dans de nombreux pays : les femmes sont de plus en plus nombreuses à investir les métiers de la police. En France, si on ne comptait aucune femme parmi les rangs de CRS (Compagnies Républicaines de sécurité) en 2009, elles constituent aujourd’hui 8,4% des effectifs. Elles représentent en général de 15 à 30% des corps de gendarmerie et de police.164

L’un des fondements de la division sexuelle du travail est de réserver aux seuls hommes le maniement des armes et d’interdire aux femmes l’accès aux métiers d’ordre qui font usage de la

162 Actu Policing [en ligne], disponible sur http://www.google.com/amp/s/actupolicing.com/2015/03/10/la-place-des-femmes-dans-la-police-amp [page consulté le18juin 2018].

163 Jobard FABIEN et Maillard JACQUES, Sociologie de la police, Parsi, Armon Colin, 2015, p.81.

164 Actu Policing [en ligne], disponible sur http://www.google.com/amp/s/actupolicing.com/2015/03/10/la-place-des-femmes-dans-la-police-amp [page consulté le18juin 2018].

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force « la féminisation de la police, profession qui a le monopole de l’usage légitime de la force et qui connote un bastion masculin ».165

Dès lors, l’entrée des femmes dans l’institution policière constitue une rupture anthropologique qui met fin au monopole masculin de la force publique. A partir d’un riche matériau d’archives et de récits de vie, le livre de Geneviève Pruvost montre qu’en France, il a fallu plus d’un demi-siècle de débats pour que les femmes passent du statut d’assistantes de police dévouées à l’enfance dans les années 1930 au statut de fonctionnaire de police à part entière.

L’ouverture progressive de la police aux femmes, parce qu’elle transgresse les usages, est un levier pour explorer tout au long du siècle l’inédite collaboration entre police, travail social et féminisme réformiste, la dénonciation de la violence d’État par les policiers de la génération « 1968 », la constitution du féminisme d’État autour du principe d’égalité professionnelle, le rôle d’arbitrage joué par le conseil de l’Europe et les syndicats policiers, la fabrique médiatique de battantes, enfin la place accordée aux minorités dans la police de proximité.

« Depuis les années 1970, tous les grades policiers se sont ouverts progressivement aux femmes. Celles-ci représentent aujourd'hui 14% des effectifs de la police nationale. Réparties de façon équitable dans chaque direction policière (à l'exception notable des CRS), elles ont d'abord investi les postes à commandement (le monopole du commandement est en définitive plus facile à lever que celui de l'usage de la force) ».166

Au Québec, selon un rapport du ministère de la Sécurité publique publié en 2011, le nombre de policières a augmenté de 74% depuis 2000. Deux policiers sur cinq âgés de moins de 25 ans sont aujourd’hui des femmes, pour autant, beaucoup d’entre elles travaillent au sein des corps administratifs et techniques. Les postes de direction demeurent attribués aux hommes.167

Selon la professeur Kerry Carrington, du Queensland University of Technology, des équipes composées de femmes aideraient à répondre au crime d’une façon plus appropriée. Le 9 mars 2015, l’universitaire invite à établir des postes de police exclusivement féminins en Australie.

Ces derniers aideraient à réduire les violences domestiques en facilitant le report des agressions et l’établissement d’un climat de confiance entre la population féminine et le corps policier.

165Pruvost GENEVIEVE, Profession : policier sexe : féminin, Paris, édition maison des Sciences de l'Homme, collection « Ethnologie de la France », 2007, p.125.

166 Pruvost GENEVIEVE, Profession : policier sexe : féminin, Paris, édition maison des Sciences de l'Homme, collection « Ethnologie de la France », 2007,

167 Actu Policing [en ligne], disponible sur http://www.google.com/amp/s/actupolicing.com/2015/03/10/la-place-des-femmes-dans-la-police-amp [page consulté le18juin 2018].

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Reconnues pour leur sensibilité et leur écoute, les policières sont préférées à leurs homologues masculins dans l’établissement du dialogue social.168

Le réseau des femmes policières belges estime aussi qu’une combinaison des caractéristiques homme-femme dans des équipes mixtes permettrait d’améliorer considérablement le travail policier. La composition de la police doit se faire le « reflet de la société » afin d’anticiper ses évolutions et répondre au mieux aux besoins d’un environnement pluraliste. La présence pondérée de femmes dans les équipes permettrait la réalisation d’un travail diversifié, la multiplicité des approches et augmenterait les performances du corps policier.169

Si les pays du Nord s’appliquent depuis une dizaine d’années à intégrer les femmes, cette tendance gagne désormais les pays en développement. De nombreuses polices de pays du sud font désormais ce choix dans un but de réduction de la criminalité. Tel est le cas de l’Inde qui s’illustre aujourd’hui par de nombreuses initiatives. le 8 mars 2015, le commissaire de police de la ville de Dehli, a annoncé 45 promotions de femmes à des postes d’inspecteur. Il entend ainsi donner une autre teneur aux efforts engagés pour la réduction des crimes commis à l’encontre des femmes. La présence prochaine de 150 femmes inspecteurs –aujourd’hui 105- a pour but d’aider aux déclarations des plaignantes et à l’établissement d’un climat de confiance.170

D’abord motivée par des impératifs de parité et de représentativité, l’intégration progressive des femmes dans l’univers policier est aujourd’hui légitimée par les qualités propres reconnues aux policières. L’introduction d’une touche féminine aux corps de police contribue à l’élaboration d’un nouveau policing, plus humain et sensible, plus à même de répondre aux besoins de sociétés pluralistes. Ce phénomène ne connait pas de frontière, alors que l’Inde multiplie les initiatives d’intégration des femmes. Les vertus reconnues aux femmes dans l’exercice de leurs fonctions ont triomphé sur l’alibi vétuste de la culture masculine policière.171

Les policières tunisiennes vont désormais avoir leur propre structure syndicale: la Ligue nationale tunisienne de la femme policière (LNTFP). Créée par Wiem Chadlia Jrad (présidente), Sonia El-Ghoul (vice-présidente) et Raoudha Kaddachi (trésorière), la LNTFP entend œuvrer à la promotion des compétences de la femme policière pour qu’elle jouisse d’une plus grande égalité des

168 Actu Policing [en ligne], disponible sur http://www.google.com/amp/s/actupolicing.com/2015/03/10/la-place-des-femmes-dans-la-police-amp [page consulté le18juin 2018].

169 Actu Policing [en ligne], disponible sur http://www.google.com/amp/s/actupolicing.com/2015/03/10/la-place-des-femmes-dans-la-police-amp [page consulté le18juin 2018].

170 Actu Policing [en ligne], disponible sur http://www.google.com/amp/s/actupolicing.com/2015/03/10/la-place-des-femmes-dans-la-police-amp [page consulté le18juin 2018].

171Actu Policing [en ligne], disponible sur https://actupolicing.com/2015/03/10/la-place-des-femmes-dans-la-police/

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chances, contribué à l’élaboration de la stratégie nationale policière et au développement de formation. Elle entend aussi représenter la femme policière tunisienne dans les manifestations nationales et internationales.172

La Ligue nationale tunisienne de la femme policière pour développer les compétences de la femme policière, et de valoriser le rôle de la femme policière, et de valoriser l'image de la femme policière, ainsi la nomination des femmes dans les postes de commandement dans le domaine sécuritaire, et l’échange d'expérience avec les femmes policières dans plusieurs pays, en outre elle représente la femme policière dans les séminaires et les conférences. La Ligue nationale tunisienne de la femme policière travaille surtout sur l'éducation et la formation professionnelle, les violences et la culture, les sports et les loisirs au niveau mondial. La Ligue a 2 années d'expérience de travail spécifique dans l'égalité des sexes.173

Les femmes policières en Algérie sont au nombre de 11 161 tous corps confondus à la mi-février dernier. C’est ce qu’a indiqué hier la Direction générale de la Sureté nationale (DGSN) à l’occasion de l’annonce de la création d’une structure chargée de la promotion des droits de la femme policière. Selon la Direction générale de la Sureté nationale, la nouvelle structure en charge de la promotion des droits de la femme au sein de l’institution policière aura pour objectif de suivre le déroulement des carrières des personnels féminins et de relever toute insuffisance dans la gestion des personnels féminins, laquelle gestion ne serait pas conforme au principe de l’égalité des chances. Ladite structure aura également pour rôle de représenter la Direction générale de la Sureté nationale dans les réunions, séminaires et autres rencontres nationales ou internationales traitant du problème de l’égalité des chances de la femme dans les fonctions étatiques. Le chef de cette structure, indique-t-on, est une femme policière ayant le grade de commissaire divisionnaire de police et occupant actuellement le poste de directeur d’études auprès du directeur général de la Sureté nationale chargé de la promotion des droits de la femme policière dans les rangs de la Sureté nationale. Ceci dit, ces 11 161 fonctionnaires de la DGSN ne représentent que 10% de l’effectif global des fonctionnaires de la Sureté nationale. Il a fallu attendre l’année 1998 pour voir les premières femmes en tenue policière intervenant sur la place publique. Mais, il n’en demeure qu’avant cet important évènement, la femme policière a intégré le corps de la police en 1973.

Quelques années plus tard, soit au début de l’année 2000, le corps de la Sureté nationale a renforcé par quelque 5 000 femmes exerçant en uniforme sans compter celles opérant en civil, soit 4,6% du nombre global de l’effectif de la Sureté nationale de l’époque. Le renforcement du recrutement des

172 Nabil BEN AMEUR, les policières tunisiennes se liguent [en ligne], disponible sur http://www.kapitalis.com/politique/27755-les-policieres-tunisiennes-se-liguent.html [page consulté le 18 juin 2018].

173 Ligue nationale tunisienne de la femme policière [en ligne], disponible sur https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/profile/soniaelghoul [page consulté le 18 juin 2018].

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femmes policières en 1996 a permis à ces dernières de prouver leurs capacités en s’imposant sur tous les plans. Elles sont présentes pratiquement dans toutes les structures de la Sureté nationale, y compris les plus périlleuses, telles que le désamorçage des engins explosives, a-t-on indiqué. Bien évidemment, ce chiffre a revu à la hausse, puisque, chaque année, de nouvelles recrues rejoignent l’institution policière. Il faut savoir qu’un quota de 1200 postes, dont 1000 agents de l’ordre public (AOP), 150 inspectrices et 50 femmes officiers, est dégagé annuellement pour le recrutement des femmes. Selon des observateurs, ce pourcentage place l’Algérie en tête des pays du monde arabe en matière de recrutement des femmes dans les structures sécuritaires, notamment policières. Ainsi, le taux de femmes dans la majorité des pays arabes est nettement inférieur à celui enregistré en Algérie.174