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Chapitre 3 : Causes idéologiques du faible taux de natalité

5.2. La femme idéale

De leur côté, les hommes ont eux aussi certains critères pour ce qui est du choix de leur future épouse. Ces critères du fait de l’évolution des mentalités peuvent aussi contribuer au recul du mariage. Toutefois, la situation est ici différente. En effet, les hommes n’ont pas d’attente particulière concernant la capacité des femmes à apporter de l’argent dans le foyer. Comme nous l’avons vu, l’idée que c’est la responsabilité de l’homme de subvenir aux besoins de sa famille

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est toujours très forte et, même si le revenu de la femme est de plus en plus nécessaire pour poursuivre un certain train de vie, les hommes n’ont pas vraiment d’exigences de ce côté. Ce que les hommes attendent de leur femme concerne surtout leur capacité à être compréhensive face à leur absence, leur capacité à prendre en charge les tâches domestiques et l’éducation des enfants. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela n’est pas que les hommes ne voudraient pas être plus présents chez eux avec leur famille, mais c’est qu’ils ne le peuvent tout simplement pas. Du moins, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, s’ils veulent avoir une chance d’avoir des promotions au sein de l’entreprise.

Un autre élément qui peut participer au recul du mariage est le soin aux parents. Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, les familles tendent de plus en plus à n’avoir qu’un seul enfant. Or, l’attente des parents est que cet enfant puisse, plus tard, prendre soin d’eux. Ainsi, les hommes, enfants uniques, auront tendance à rechercher une femme qui aura, à l’avenir, la possibilité de prendre soin de leurs parents à eux. De son côté, les femmes, enfants uniques, auront-elles aussi tendance à rechercher un homme dont les parents n’auront pas besoin de leur aide, leur laissant ainsi la possibilité de s’occuper de leurs propres parents (Rindfuss, Minja, Bumpass, & Tsuya, 2004).

Comme nous venons de le voir, tant du côté des femmes que des hommes, les Japonais ont certaines attentes vis-à-vis de leur conjoint potentiel et auront donc tendance à repousser le mariage tant qu’ils n’auront pas trouvé la « bonne personne ». L’évolution des mœurs telles que le lien entre la sexualité et le mariage tend à faciliter cet état de fait puisque désormais il n’est plus nécessaire d’être marié pour avoir des relations sexuelles. En fait, les attentes des jeunes femmes vis-à-vis d’un petit ami sont totalement différentes que ce qui est attendu d’un conjoint potentiel. D’un petit ami, dans une relation non sérieuse, il est attendu qu’il soit intéressant et donne l’occasion de s’amuser alors qu’il est plutôt attendu d’un futur mari de posséder une certaine stabilité sociale, une excellente situation professionnelle et économique de même qu’une disponibilité accrue envers leur famille (West, 2011). Étant donné la situation économique au Japon et l’essor des emplois irréguliers, il devient de plus en plus difficile pour les jeunes hommes d’obtenir un tel emploi et plus encore un salaire qui permettrait de se marier sans qu’il y ait d’effet négatif sur leur train de vie. Il paraît clair que les critères de sélection des femmes sont irréalistes ou presque et ne peuvent qu’entraîner un recul de l’âge du mariage. Du

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côté des hommes, la situation est elle aussi problématique puisque d’un côté il leur faut avoir un emploi régulier pour être considéré comme un conjoint potentiel et, d’un autre côté, ce même emploi les place dans une situation où ils n’auront pas l’occasion de développer une relation romantique avec une jeune femme en vue d’un mariage d’amour. De ce fait, les jeunes hommes ont de plus en plus tendance, eux aussi, de vouloir repousser le mariage pour éviter de devoir faire face à de telles exigences et contraintes sans avoir la moindre chance de satisfaire tous les partis.

Si l’on revient sur les différents modèles familiaux que nous avons vus dans le premier chapitre de ce mémoire, nous nous rendons compte qu’il y a effectivement un gouffre entre les attentes des entreprises et celles de la population en général. Plus précisément, si l’on se réfère au modèle de Majnoni d’Intignano, on se rend compte que les entreprises défendent le modèle « phase patriarcale » alors que la population défend plutôt un modèle « à double carrière avec état providence »73. De même, si l’on se réfère au second modèle que nous avons vu, celui de

Dizard & Gadlin (1990), nous voyons que les entreprises défendent le premier type de mariage alors que la majorité de la population défend un mariage de type 3.

Dans les deux cas, toutefois, nous avons aussi vu que les femmes ont tendance à vouloir que les hommes cumulent les rôles qui leur sont échus par les différents modèles. Ainsi, un homme doit avoir un bon salaire pour subvenir aux besoins de sa famille, mais doit aussi être plus présent chez lui pour s’occuper des enfants. Cela, en soi, ne devrait pas poser trop de problèmes, mais, étant donné que, pour avoir un bon salaire, les hommes doivent justement s’absenter de chez eux, il leur est impossible de satisfaire les critères de ces femmes. Il y a donc un conflit très clair entre les valeurs des Japonais et celles du milieu du travail. Ce conflit fait en sorte de reculer l’âge du mariage et de limiter les naissances.

Le gouvernement, conscient de cette situation a, même s’il est lui-même plutôt conservateur, tenté de mettre en place certaines lois visant à réduire les heures de travail et ainsi

73 Les femmes veulent toutefois que leur mari continue de remplir le rôle qui est le sien dans le modèle familiale

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favoriser l’implication des hommes dans leur foyer. Toutefois, comme nous allons le voir, cela n’est pas vraiment efficace.