• Aucun résultat trouvé

Les conséquences de ces inégalités dans la sphère privée

Chapitre 3 : Causes idéologiques du faible taux de natalité

3.2. Les conséquences de ces inégalités dans la sphère privée

Les conséquences de ces inégalités dans la sphère privée sont nombreuses et touchent le couple en tant qu’entité, l’homme, la femme et enfin les enfants. Pour comprendre l’effet de ces inégalités, on peut évidemment se baser sur la théorie de l’équité des sexes. Cette dernière explique très bien le fait que quand une relation est inégalitaire, le taux de natalité a tendance à rester très bas. Un autre élément à prendre en compte est aussi, comme nous l’avons vu, l’importance du sentiment de sécurité pour ce qui est de la prise de décision. Si cela ne posait pas vraiment de problèmes par le passé où le taux de divorce était encore très bas et que le risque de devoir élever un enfant seul était quasiment inexistant, aujourd’hui, avec la montée du taux de divorce, les couples, et surtout les femmes qui obtiennent le plus souvent la garde des enfants et ce, sans réel soutien de leur ex-mari, ont tendance à peser le pour et le contre avant d’avoir des enfants. Cela n’est d’ailleurs pas étonnant. En effet, étant donné que les hommes sont le plus souvent absents de chez eux et ne participent que très peu aux tâches domestiques, ils finissent par devenir étrangers au foyer. Tellement que nombre d’entre eux acquièrent un statut d’ « invité spécial » chez eux. Il est évident que dans de telles situations, le maintien de la bonne entente et de l’unité familiale peut être compromis. Le gouvernement a bien essayé de mettre en place quelques mesures pour favoriser la présence des pères à la maison, notamment en leur permettant de prendre des congés parentaux, mais, les attentes de l’employeur sont telles qu’il est très difficile pour un homme de faire valoir ses droits sur ce point.

Sur les femmes, celles qui doivent rester chez elles ou cumuler emplois à temps partiel et tâches domestiques, les effets sont particuliers. Certaines vont développer des maladies mentales. L’une d’elles, très particulière, le « syndrome de la cuisine », fait que les femmes, à la seule idée de devoir faire à manger, perdent conscience, ont des maux de têtes ou des nausées (Mizue, et al., 1987). D’autres vont s’ennuyer et finir par entrer en dépression nerveuse et d’autres encore, devant l’impossibilité d’obtenir personnellement un certain succès social, vont s’investir entièrement dans la réussite de leurs enfants. À tel point d’ailleurs qu’un certain

87

nombre d’entre eux finiront par développer eux-mêmes certaines pathologies causées par la trop grande pression imposée par leur mère (Lock, 1990).

Enfin, il est aussi évident qu’un certain mal-être ne peut manquer de s’imposer. En effet, le fait qu’au Japon, les valeurs traditionnelles, dont la répartition sexuée des tâches, soient très importantes fait que ces valeurs ont été, en quelque sorte, montées non seulement en idéal à atteindre, mais surtout en norme sociale que toutes personnes respectueuses des traditions et des autres, s’efforcera de respecter. Ainsi, les femmes se retrouvent dans une situation où toutes envies et même besoins de travailler à temps plein auront tendance à être perçus comme étant la preuve d’un caractère égoïste, immature et donc, totalement incompatible avec les valeurs essentielles prônées par les entreprises japonaises ainsi que par le gouvernement (Dales, 2009).

Du côté des hommes, les conséquences ne sont pas moins importantes. En effet, même s’ils n’ont pas la possibilité d’être plus souvent chez eux, ils ont tout à fait conscience des attentes de leur épouse ainsi que de leurs enfants. Par le passé ces attentes étaient somme toute minimes puisque tout le monde était en accord sur le rôle de chacun. Si l’on se réfère aux trois rôles de la parentalité dont parle Futoshi (2007) (Pourvoyeur, Socialisateur et Soigneur), les hommes étaient limités au rôle de pourvoyeur, c'est-à-dire que leur seul rôle est de subvenir aux besoins matériels de leur famille et ne jouent donc presque aucun rôle dans la sphère privée (Futoshi, 2007). Aujourd’hui, avec l’émergence, même au Japon, d’une littérature insistant sur l’importance du père au foyer, des conséquences de l’absence du père sur le taux de délinquance juvénile et sur la natalité, les pères se sentent de plus en plus concernés par les problèmes que peuvent rencontrer leur famille. En fait, près de 90% d’entre eux auraient voulu pouvoir s’investir plus en 2000 (Futoshi, 2007)70.

Mais, face à l’impossibilité de remplir leur rôle de père « socialisateur » et « soigneur », bon nombre d’hommes finissent par éviter leur foyer et préfèrent, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, se consacrer encore plus à leur travail et deviennent, pour beaucoup, des « workaholist » (Shimazu, Demerouti, Bakker, Shimada, & Kawakami, 2011).

88

Ce genre de comportement de « fuite » face à des attentes qui ne peuvent être comblées démontre qu’il y a clairement un conflit apparemment insoluble entre les attentes du monde du travail et celui de la famille et ne peut que participer à la mise en place d’un climat d’insécurité dans lequel les couples peuvent avoir tendance à hésiter de vouloir avoir des enfants. Nous avons vu jusqu’ici que les attentes des entreprises n’ont pas changées depuis la mise en place du système de l’emploi à vie, et ce même si la situation demanderait des ajustements. Ainsi, le gouffre s’est avant tout creusé via les changements dans les attentes de la population qui n’ont pas manquées de se produire lors de la seconde transition démographique, conformément à la théorie du même nom. Lors de la prochaine section, nous tâcherons de définir quelques-uns de ces changements qui, selon nous, ont un effet direct sur le taux de natalité.

4.0. Inadéquation entre réalité et nouveaux idéaux et ses conséquences sur la