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A. Anomalies des muscles locomoteurs

6) Fatigue musculaire et fatigabilité

La fatigue est définie par la réduction réversible de la production de force. C'est aussi un des premiers symptômes évoqués par les patients lors d'une activité physique. En pratique courante, elle est quantifiée par l'utilisation d'une échelle (EVA, Borg) et retraduit un impact sur la qualité de vie du patient BPCO. Pour évaluer le bénéfice de la prise en charge des patients, il est initialement important de mesurer précisément cette fatigue. Son évaluation doit donc faire entrer en jeu une mesure de la production de force ainsi que la reproductibilité de cette mesure. Or la production de force est dépendante de la motivation du patient et de sa volonté. Il est donc primordial de répondre à une question : "est ce que le patient ne veut pas ou ne peut pas ?" (SPLF Alvéole 2010)

L'utilisation de la stimulation magnétique du nerf fémoral permet de s'affranchir en partie de l'aspect volontaire de la contraction musculaire. Cette technique, indépendante

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de la volonté du patient, permet un contrôle précis des conditions de mesure. Son principe est de provoquer, via le nerf moteur, une secousse musculaire unique appelée « twitch » qui peut être ou pas surimposée à la contraction maximale volontaire (CMV) (Swallow et al. 2007). Ainsi il est possible de potentialiser la contraction maximale volontaire. L'utilisation de cette technique a permis de mettre en évidence de façon plus rationnelle l'apparition de fatigabilité musculaire des patients BPCO modéré à sévère (Mador et al. 2000; Swallow et al. 2007). L'étude de Mador et al. montre qu'après un exercice épuisant sur cyclo-ergomètre, les patients BPCO présentent une diminution du pic de force du quadriceps par stimulation magnétique (TwQ) d'environ 80% par rapport à leur valeur initiale. Cette fatigue musculaire est définie comme la réduction de plus de 15% de TwQ. Par la stimulation magnétique répétitive du quadriceps, les patients BPCO atteignent une diminution importante du pic de force (-70% de la force maximale initiale) plus rapidement que les sujets sains. Cette décroissance est continuellement plus grande [figure 19 et 20] elle peut se prolonger jusqu'à une heure en post effort (Mador et al. 2000; Swallow et al. 2007). Par contre, la fatigue ne concernant que les muscles sollicités, l'origine de la diminution de performance musculaire pourrait donc être un facteur local (Mador et al. 2000). Une autre étude de Mador et al. montre que cette technique d'évaluation de la fatigue musculaire est plus sensible que l'évaluation par la contraction maximale volontaire utilisée seule : 81% des patients présentent une diminution >15% lors de TwQ en post-exercice contre seulement 48% des patients avec CMV (Mador et al. 2001).

Figure 19 et 20 : temps mis pour obtenir une diminution du pic de force de 70% de la valeur initiale (à gauche) et évolution de la force du quadriceps au cours des 50 stimulations magnétiques (à droite) d'après (Swallow et al. 2007).

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Cependant, tous les patients ne développent pas de fatigue : plusieurs auteurs retrouvent que un à 2 tiers seulement des patients BPCO la développe (Mador et al. 2000, 2003; Saey et al. 2003, 2005). On peut donc distinguer deux groupes chez les patients BPCO : les patients « fatigueurs » et les « non fatigueurs » [figure 21]. Dans une étude de Saey et al (Saey et al. 2005), les auteurs remarquent que les « fatigueurs » ont globalement une lactatémie supérieure aux « non fatigueurs » et un index de capillarisation du quadriceps plus faible. Ils montrent aussi que les patients « fatigueurs » ont une sensation de fatigue des jambes significativement supérieure au cours de l’exercice par rapport aux patients « non fatigueurs », alors qu’il n’y a pas de variation significative de leur dyspnée.

Figure 21 : diminution de la force du quadriceps par potentiels évoqués (A) ou par contraction maximale volontaire (B) chez les patients BPCO fatigueurs (ronds blancs) ou non fatigueurs (ronds noirs) (Saey et al. 2005)

D'autres équipes ont montré les effets d'une pré-fatigue du quadriceps par électrostimulation avant un test temps limite à charge constante (CWT), chez les sujets sains et les patients BPCO (Gagnon et al. 2009). Chez tous les sujets, les auteurs retrouvent une diminution du temps d'endurance lors de l'exercice avec pré-fatigue, mais ils notent aussi une augmentation significative de la ventilation, des sensations de fatigue et de dyspnée dans la population saine, alors qu’ils ne retrouvent pas chez les patients BPCO. Ceci indique que la cause de l'arrêt de l'exercice peut être due à l'état de fatigue du muscle lui-même pour les patients BPCO, d'autant plus que la condition de pré-fatigue

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par stimulation électrique ne sollicite pas le système cardio-vasculaire, ni une adaptation métabolique. Les sujets sains ont une adaptation différente. Les auteurs retrouvent une valeur identique du rapport 𝑉̇E/𝑉̇CO2 entre l'exercice sans fatigue et l'exercice fatigué, ce qui suggère que l'augmentation de la ventilation observée dans l'état de pré-fatigue serait d'origine métabolique, peut-être en relation avec l'acidose, le lactate et l'accumulation de phosphate inorganique dans les muscles fatigués. Par contre, chez le patient BPCO, la fatigue périphérique induite par l'exercice peut être le facteur limitant qui empêche sa poursuite. Une étude de Saey et al. (2003) sur les patients BPCO fatigueurs, montre que les patients arrêtent l'exercice au même degré de fatigue du quadriceps, qu'ils aient eu un bronchodilatateur ou un placebo avant l'exercice.

Ces observations soutiennent l'affirmation selon laquelle la fatigue du quadriceps pendant l'exercice est étroitement régulée chez les patients atteints de BPCO. Elles sont également conformes à l'idée que le système nerveux central intègre les informations provenant des muscles périphériques pour déterminer la durée de l'exercice et le degré de fatigue musculaire (Amann et al. 2009, 2008).On appelle fatigue musculaire périphérique, celle ayant pour origine: une diminution de la transmission neuro-musculaire, de l'excitabilité du sarcolemme, du couplage excitation-contraction, de la contraction musculaire à proprement parler ou encore de la production d'énergie et une augmentation des métabolites produits. Il existe aussi une fatigue issue du cortex moteur du système nerveux centrale : appelée fatigue centrale (Noakes and Gibson 2004). Cette fatigue centrale est mise en évidence chez le sujet sain par des exercices des membres inférieurs, qui vont augmenter les signaux neuronaux des zones locomotrices du système nerveux central et qui vont être responsable en réponse, via le système nerveux autonome, d'une augmentation de la pression artérielle et de la redistribution du débit cardiaque (Rowell et al. 2011).