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Fanny : Finalement, quelles sont les activités réalisés par l’association

Julie : Il y a donc des réunions régulières pour construire la ligne directrice de l’association et organiser les activités. On commente l’actualité médicale, on organise aussi des ateliers de paroles sur des sujets différents (contraception, examen

gynécologique …) et nous sommes sollicitées pour ca.

Lori : Les interventions, c’est donc soit dans des festivals, soit auprès de médecins, à la faculté de médecine. Et c’est, je pense à ces endroits que l’on a le plus d’impact, parce qu’on est face à des gens. On se forme aussi, on organise des formations, on crée aussi des documents à remettre aux patient.e.s ou pour les soignant.e.s. Et finalement les rencontres

soignant.e.s soigné.e.s auxquelles on tient beaucoup. On réponds aussi à beaucoup de personnes comme toi qui étudient le sujet. Cela reste difficile de se structurer, même si on est assez nombreuses, mais on essaie de construire des choses. Julie : Les formations qu’on organise sortent du cadre médico- médical, des choses qu’on ne voit pas à la fac, par exemple, sur les femmes homosexuelles, les personnes trans, la grossophobie... En off, nous avons discuté de

la question de la médecine des plantes et l’homéopathie. Lori m’a confié en être très méfiante. Selon elle, la médecine des plantes est tout aussi dangereuse que la médecine allopathique car naturel ne signifie pas sans danger. Beaucoup de personnes se réfugient dans ce type de médecine alternative et parfois source de “charlatanisme”, alors même que la médecine allopathique est issue, pour beaucoup des propriétés des plantes. Le fossé n’est donc pas si net, entre ces deux visions du soin. L’homéopathie, quant à elle, serait plus à assimiler à du placebo, quand bien même ce dernier n’est pas négatif, mais il faut replacer les choses dans leur contexte. Les principes actifs sont dilués dans de telles proportions qu’il est impossible qu’ils aient un réel effet sur le corps. Julie me dit en prescrire parfois, sur des problématiques comme le sommeil par exemple, tandis que Lori n’est pas à l’aise avec cette idée.

J’ai évoqué l’idée que les plantes pourraient être une solution pour les “petits maux” qui peuvent parfois être récurrent, et permettraient donc une forme d’indépendance à ce niveau. Ce à quoi Lori a répondu que ce type de petits problèmes ne nécessitent souvent pas grand chose pour être résolu (souvent du temps) comme les cystites où il suffit de boire beaucoup d’eau. Elle n’est en

soit pas contre les personnes qui utilisent ces soins mais accorde une grande méfiance vis à vis des professionnel.le.s qui profitent parfois de personnes fragiles pour facturer très cher leurs consultations.

Cela me permet donc de questionner ma volonté de travailler sur la médecine des plantes. Il s’agit de se demander pourquoi la médecine des plantes est une solution ? Dans quels contextes, sur quels publics ? Quels sont les petits maux

gynécologiques qui nécessitent des soins ? Sont-ce des soins de confort ou de traitement ? Cette médecine restant “dangereuse” utilisée de la mauvaise façon, il est nécessaire de questionner l’accompagnement de ces soins.

dénué de sexisme envers professionnelles et patientes et la création d’espaces de réflexions et de discussion, qui implique nécessairement la tenue de certains groupes de paroles en non- mixité. Elle rassemble des soignant·e·s de diverses spécialités, notamment en gynécologie.

En dehors de l’université de médecine, peu sont celleux qui acquièrent une légitimité médicale. Il ne s’agit pas ici d’expertise, car il existe une multitude de moyens d’acquérir des savoirs médicaux mais bel et bien de la capacité du corps médical à reconnaître les compétences d’une personne non issue du cursus universitaire. À ce titre, le Planning Familial rencontre ce type de problèmes car bien que ses conseiller·ère·s aient reçu une formation de 160h et malgré la réputation évidente de cette structure, elle incarne encore une forme de savoir non officiel. C’est le cas pour les personnes formées à faire des ateliers d’éducation à la sexualité et la vie affective qui déplorent le manque de reconnaissance dont elles font l’objet et ne reçoivent pas de diplôme d’État13. Cela pourrait

s’expliquer par les méthodes éducatives utilisées comme les outils d’éducation populaire. On peut également évoquer la question des patient·e·s expert·e·s : lors d’une rencontre sur les violences gynécologiques, dans le cadre de la Queer Week 2019, à Paris, des personnes représentant la communauté des personnes trans et des personnes intersexes déploraient le manque de reconnaissance envers les personnes concernées par une problématique (transidentité, intersexuation) qui acquièrent des compétences solides et continuent d’être considérées comme ignorantes par le corps médical, car elles ne possèdent pas de diplôme.

Doctissimo ou la jungle des savoirs

L’accès à la création du savoir est, comme nous l’avons vu, bloqué par des dispositifs rigides, qui sont notamment

13 Cf entretien avec des membres du Planning Familial de Toulouse, décembre 2017.

induits par les lieux consacrés de la Science, ainsi que les méthodologies inhérentes et la notion de légitimité (avoir des diplômes ou ne pas en avoir). Les laboratoires, les hôpitaux, les universités, sont autant de lieux où se crée le savoir, mais également autant de lieux fermés et hermétiques. Les codes qui y sont imposés créent un huis clos de la connaissance, qui circule en interne. Ainsi, le savoir peut-il se créer en dehors de ces lieux ? Pour ce faire, peut-on utiliser des outils comme Wikipédia ou Doctissimo ?

L’exemple de Wikipédia, que Jean-Philippe Leresche décrit comme « un phénomène nouveau dont les dynamiques sont le produit de la compilation de connaissances (scientifiques ou non) au travers de logiques et d’outils propres aux principes des communautés virtuelles »14, est particulièrement intéressant

car il permet de questionner la construction sociale des savoirs et leur diffusion. Jean-Philippe Leresche souligne avec justesse que le schéma classique de la production et la diffusion des savoirs où la production appartient à un microcosme de scientifique et la vulgarisation est tournée vers le grand public. L’encyclopédie collaborative permet d’inverser les rôles, et de permettre à des non-professionnel·le·s de créer un savoir tout aussi valable que celui de scientifiques15. En démontre l’étude

menée par la revue Nature, en 2005, qui compare 42 articles issus de l’encyclopédie Britannica et Wikipédia et en conclut que la différence qualitative est moindre. Wikipédia se démarque donc par le passage d’une « légitimité à priori (celle de

l’expert) à une légitimité a posteriori (celle de tout contributeur potentiel) »16. On voit la mise en place, de par l’absence de

hiérarchie d’autorité, d’un catopticon, un dispositif par lequel chacun est en mesure de voir chaque autre et de partager son

14 LERESCHE Jean-Philippe, La Fabrique des sciences : des

institutions aux pratiques. Lausanne : Presses polytechniques et

universitaires romandes, 2006. p. 238. 15 Ibid.

16 BARBE Lionel (dir.), MERZEAU Louise (dir.), SCHAFER Valérie (dir.), Wikipédia, objet scientifique non identifié. Nanterre : Presses universitaires de Paris Nanterre, 2015.

point de vue, en opposition avec le panopticon de Michel Foucault.

Wikipédia est l‘outil le plus efficace actuellement, mais l’espace virtuel est à investir dans le champ de la création de connaissance car il est accessible à tous·tes. Des principes en extension de Wikipédia émergent dans le domaine de la gynécologie comme Pussypédia, qui a pour objectif de rassembler de façon collaborative des savoirs sur « la chatte » ou encore Gynopédia, un wiki open source rassemblant une documentation sur les thématiques de la santé des femmes, sexuelle et reproductive à travers le monde avec les spécificités de chaque pays. Il faut cependant garder un regard critique sur ces dispositifs qui, bien qu’ils ouvrent de nouveaux horizons continuent de perpétuer certains biais oppressifs : par exemple, Wikipédia dénombre, en 2017, seulement 16% de biographies de femmes. Le projet Les Sans Pages, s’inspirant du projet anglophone Women In Red, a pour objectif de combler ce fossé des genres en proposant des ateliers d’écriture de biographies de femmes.

D’autres espaces du web nécessitent également que l’on s’y intéresse. Le site Doctissimo (plus particulièrement ses forums) souvent dénoncé comme le fondateur de l’hypocondrie moderne, reste avant tout un outil de discussion permettant de faire état de ses expériences. L’esprit critique nécessaire à l’appréhension de ce type de contenu permet d’en faire un tri éclairé. Noémie Marignier, Docteure en Sciences du Langage, étudie dans un article intitulé L’agentivité en question : étude des pratiques discursives des femmes enceintes sur les forums de discussion17, la manière dont les femmes s’emparent du

médium des forums de discussion comme outil critique du monde médical. Elle décrit, par exemple, des discussions

17 MARIGNIER Noémie, L’agentivité en question : étude des

pratiques discursives des femmes enceintes sur les forums de discussion. Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Langage

portant sur la grossesse et l’accouchement où, même si le terme de féminisme revient très peu, on voit se créer « un pouvoir pour et par les femmes face à un processus de domination » 18.

La chercheuse invoque la pensée de Judith Butler à propos de la notion d’agency, qui désigne « la capacité à faire quelque chose avec ce qu’on fait de moi »19 : en tant que sujet, je suis

constitu·é·e par des rapports de pouvoirs dont je dépends mais sur lesquels j’ai la possibilité, parfois mince, d’agir. Dans les discussions qu’elle observe, elle voit l’émergence d’une « agentivité en reconquête » avec le constat d’une emphase des pronoms personnels (tu, toi), parfois mis en majuscule pour souligner l’agentivité des parturientes dans leur processus d’accouchement. Cependant, elle souligne également que cette agentivité est souvent redistribuée. La notion de Nature revient souvent sous l’assertion « laisser la nature faire son travail ».

Florence Quinche souligne, dans un article intitulé Sites internet santé : vecteurs de normes santé ou lieux de contestation ?20, à propos des forums de discussion intégrés aux

sites de santé que « le type d’informations échangées [sur ces forums] s’avère bien différent de la vulgarisation scientifique : éléments liés au vécu individuel de la maladie, traitements alternatifs, et informations qui ne relèvent pas du savoir scientifique ou médical, ni même technique. Ces échanges loin de la verticalité du discours vulgarisateur, plus « horizontaux », relèvent cependant également de formes de savoirs, mais contrairement au savoir scientifique théorique sont hautement contextualisés et individualisé »21. Elle observe que le doute est

une valeur mise en avant sur ces forums. Les utilisateur·ice·s de ces forums insiste sur l’aspect subjectif et personnel de leur expérience, ce qui permet de mettre en avant « une autre

18 Ibid.

19 Ibid.

20 QUINCHE Florence, Sites internet santé : vecteurs de normes santé

ou lieux de contestation ?. Philosophia Scientiæ [En ligne], 12-2 |

2008, octobre 2011. 21 Ibid.

vision de la santé, qui la resitue dans un contexte subjectif, émotionnel, dans l’histoire du patient. Cet aspect de la santé est en effet souvent négligé dans la médecine contemporaine, basée essentiellement sur l’objectivation du corps, par une réduction à ses pathologies » .

Circé offrant la coupe à Ulysse, John William Waterhouse, 1891.

Pharmacopée royale galenique et chymique, 1676.

Officine d'apothicaire, Outlander, saison 2.

Herboristerie Place de Clichy, Paris.

Cuillère en laiton, XVIIIe siècle.

Pilon et mortier, en verre.

Filtre entonoir, 35 ml, en verre.

Dictionnaire VIDAL..

Ordonnancier, Coopération pharmaceutique de Melun, 1935-36.

Interface du logiciel TELEVITALE.

forum de discussion Doctissimo.

Extraits de plantes utilisées dans une herboristerie, Les Ateliers du Bleuet.

Resorceler : se