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Ce qui semble par ailleurs très intéressant dans ce projet concerne son aspect esthétique. Les illustrations qui parent les cartes, réalisées par Amélie Barnathan, sont très éloignées de l’esthétique que l’on a l’habitude depuis

quelques années de voir couvrir les salles de brainstorming des start- up et des nouvelles administrations. Cette esthétique qui relève du flat design, et aujourd’hui utilisée par de grandes entreprises illustre des méthodologies de travail issues du Design Thinking (lui-même emprunté aux méthodologies de travail des designer·euse·s). Les illustrations d’Amélie Barnathan rompent donc ce cercle esthétique consensuel au sein de ces structures et proposent une sensibilité dans les nombreux détails de ses dessins ou dans les jeux de dégradés. Là où le flat design des start up témoigne d’un manque de finesse et d’analyse, Instant Archetypes rappelle qu’on ne peut pas tout penser sur des post-it.

démarche. Outre la fonction d’illustrer la reprise de contrôle des personnes concernées par la gynécologie sur la médecine, cette friction permet également une démarche de décontextualisation du médical, en proposant des accès aux savoirs en dehors du contrôle du corps médical. Mais cette esthétique doit être dépassée pour explorer une forme de design sorcière.

Le terme de design sorcière m’est apparu lors d’un cours proposé par Pia Pandelakis, Queered Design, dans le cadre de la Licence 3 Design, Prospective, Société de l’Université Toulouse - Jean Jaurès. Iel citait, à ce propos, le travail de Clément Rosenberg, designer diplômé de l’ENSCI en 2018, et dont le travail de diplôme portait sur cette notion. Le designer avait déjà réfléchi aux liens qui unissent sorcière et designer·euse·s, dans un projet qui transposela télécommande en une baguette magique : « Symboles étranges, voyants lumineux, pouvoirs extraordinaires sur les choses, ma télécommande est une baguette magique. Lors de certains sabbats, sorciers et sorcières récitaient la messe à l’envers. ll me suffit d’appuyer sur le bouton reverse pour remonter le temps. Les boutons s’émancipent et se métamorphosent en talismans mystérieux. Les symboles des touches forment un bestiaire maléfique ».

Pour son projet intitulé « Les génies domestique » , il réfléchit notamment à ce que représente le terme sorcière en temps que qualificatif plus qu’en tant que personnage. Il se décrit ainsi sur la page d’accueil de son site web : « je suis sorcière » . Il met en parallèle pratiques sorcières et design italien des années 1970-80, incarné notamment par Ettore Sottsass. Son design sorcière s’emploie à « puiser dans le vocabulaire oublié de nos ancêtres païens et de réintroduire les génies ménagers dans nos maison » : il parle de « génies domestique » , de « contre-enchantement de la domesticité » , de « danse mécanique des robots ménagers et des potions opaques des supermarché » , d’autels suspendus, de « la malédiction que l’industrie avait jetée sur les consommables ménager » . C’est l’image de la sorcière et de son balai qui lui inspire son terrain de projet : les arts ménagers.

Il se réapproprie les objets des sorcières pour les réemployer dans le cadre du ménage (chaudron, baguette, cape,

grimoire). Clément tente donc, au travers de ce vocabulaire, de véhiculer une autre image du ménage : pas celle d’une corvée invisible et polluante, mais plutôt d’un rituel puissant et sain, incarné par des énergies, des formes vivantes. Sa démarche de projet, bien que se posant plus comme un design manifeste, me permet de créer ma propre approche de ce que pourrait être mon design sorcière.

Ma réflexion sur la définition de mon design sorcière a été tortueuse. De ce mot qui me fascine, j’ai eu beaucoup de mal à en extraire une définition. Ma conclusion, après deux années de recherche, est qu’il n’était probablement pas nécessaire d’en créer une définition. À l’instar du terme queer, mon design sorcière ne se définit sûrement pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il n’est pas. Mon design sorcière tente de s’extraire des normes ; ainsi, toute démarche qui tente de créer de nouvelles représentations inclusives du médical, de la santé, des corps, en dehors des normes imposées par le patriarcat, est une démarche de design sorcière.

J’ai construit une méthodologie de travail sous ce terme de design sorcière, mais je ne suis pas sûre qu’elle suffise à le définir. En rapprochant les questions de gynécologie de la figure de la sorcière, j’ai transposé certains de ses outils pour en faire des outils d’empowerment dans le domaine de la santé. C’est le cas, dans cette recherche, du tarot divinatoire et du grimoire. Finalement, mon design sorcière est un design militant qui s’inscrit à plusieurs endroits de ce militantisme : il apparaît dans une position de manifeste radical, dans celle d’un support d’échanges dans le milieu associatif, mais aussi comme une démarche de dialogue avec les soignant·e·s qui sont en contact direct avec des personnes non sensibilisées aux démarches militantes féministes intersectionnelles.

The Pendle Witches England’s Deadly Witch Hunt Hysteria.

Représentation fantaisiste des essais de sorcière de Salem, 1892.

Les sorcières, Hans Baldung, 1484-85. Malleus Malleficarum, 1486.

Hocus Pocus, 1993.

Le monde de Narnia, 2005. Les 101 Dalmatiens,1961.

Shula, I’m not a witch, 2017.

Le magicien d’Oz, 1939. Yubaba, Le voyage de Chihiro, 2001.

Le magicien d’Oz, 1939.

Kiki la petite sorcière, 1989.

Biscuits pour fêter ses premières règles.

I am not a witch, Rungano Nyoni, 2017. Cœur d’envoûtement d’amour,

collection Dominique Camus.

Sachet de protection : amour, collection Dominique Camus.

James Marion Sims.

Performance Public Cervix Announcement, Annie Sprinckles.

Totems, Ettore Sottsass, 1998.

Design Fiction Club n°7, La Gaîté Lyrique, 2018. Lampe Tahiti, Ettore Sottsass, 1981.

Design Fiction Club n°7, La Gaîté Lyrique, 2018.

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