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Les facultés cognitives

CHAPITRE 1 : CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE

B. L’âge et les déficiences liées

3) Les facultés cognitives

Les facultés cognitives varient de nombreuses manières : les systèmes de mémoire évoluent et les pertes cognitives touchent la mémoire de travail, la mémoire épisodique, la mémoire sémantique et du langage et la mémoire non déclarative ; l’intelligence est aussi modifiée et des stratégies de raisonnement et de résolution de problèmes sont créées pour compenser ces modifications.

a) Les systèmes de mémoire

La mémoire est souvent divisée en deux grands axes : la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. La mémoire à court terme est aussi appelée mémoire de travail. C’est elle qui permet de stocker les informations qui se trouvent dans le focus attentionnel. Elle est assez limitée [Miller, 1956] et influe fortement sur les facultés cognitives supérieures de la personne : langage, mémoire, raisonnement, etc. [Baddeley, 1986], [Van der Linden, 1997]. La mémoire à long terme est constituée des mémoires dites déclaratives et non déclaratives. Pour la mémoire déclarative, deux types de mémoire existent : la mémoire épisodique et la mémoire sémantique et du langage. La mémoire épisodique correspond aux souvenirs de l’expérience personnelle [Schacter et Tulving, 1994] ; la mémoire sémantique permet le stockage des connaissances conceptuelles qui interviennent dans la communication et dans l’élaboration de représentations abstraites [Tulving, 1983]. La mémoire procédurale ou non

La mémoire de travail

La mémoire de travail peut être utilisée de nombreuses façons et est liée à plusieurs types de capacités : la capacité à reproduire directement une information, la capacité à calculer, la capacité à lire, etc. En fonction du type de capacité, l’âge influencera ou non sur leur efficacité. Par exemple, pour la capacité de restitution directe lors d’une tâche de répétition d’une suite de chiffre ou de lettres, les personnes âgées ne se démarquent pas significativement des jeunes adultes [Kausler, 1994]. A contrario, lorsque le sujet doit réaliser des manipulations en plus de l’information fournie, l’âge influence significativement [Salthouse, 1994], [Van der Linden, 1994], [Hupet et Nef, 1994], [Craik et al., 1995].

La mémoire épisodique

La mémoire épisodique se base sur les acquis appris durant la vie. Pour pouvoir la tester, différentes tâches sont utilisées : des tâches de rappel libre, des tâches de rappel indicé et/ou des tâches de reconnaissance. Pour toutes ces tâches, le vieillissement induit des modifications plus ou moins importantes [Isingrini et Taconnat, 1997]. Les tâches de rappel sont plus impactées par l’âge que les tâches de reconnaissance [Insingrini et al., 1996]. Pour la reconnaissance, plus le nombre de distracteurs augmente, plus l’effet de l’âge est visible [Kausler et Keilm, 1978]. Les personnes âgées ont aussi beaucoup de mal à se rappeler précisément du contexte lors de la mémorisation [Kausler, 1994], [Spencer et Raz, 1995].

La mémoire sémantique et du langage

La mémoire sémantique est dans l’ensemble très peu touchée par le vieillissement [Light, 1992]. Elle peut même être supérieure avec l’âge dans certaines tâches comme celle sur le vocabulaire. Il est donc admis que la mémoire sémantique reste stable avec l’âge. Pour des tâches de rappel de mot limitées dans le temps, les personnes âgées ont plus de mal, mais lorsqu’elles ne sont plus limitées par le temps, elles ont de meilleurs résultats que les jeunes adultes [Burke et al., 1991]. La mémoire sémantique subit un ralentissement avec l’avancée en âge. Le langage se base principalement sur la mémoire sémantique et n’est donc que très peu touché par l’âge. La compréhension est équivalente [LaBerge et Samuels, 1974] et pour les paradigmes de décision lexicale ou d’amorçage présémantique, les performances sont équivalentes sauf pour le temps de réalisation de la tâche qui est plus long [Stern et al., 1991].

La mémoire non déclarative

La mémoire non déclarative se base sur des expériences antérieures qui influencent la performance actuelle sans en avoir conscient [Squire, 1994]. Deux aspects en découlent : les apprentissages procéduraux et les effets d’amorçage.

L’apprentissage procédural correspond à un apprentissage à base de répétition. Il est touché chez les personnes âgées pour l’apprentissage de nouvelles tâches tandis que pour les tâches déjà acquises, l’âge n’affecte que très peu les performances [Charness et Bosman, 1992], [Brennan et al., 1997].

Les effets d’amorçage correspondent à des souvenirs non conscients réagissant à des stimuli spécifiques rencontrés au moins une fois et améliorant les performances. Les tâches implicites de rappel n’engendrent pas de différences entre les jeunes adultes et les personnes âgées tandis que les tâches explicites en engendrent [Isingrini et al., 1995]. Dans l’ensemble, les effets d’amorçage ne sont pas impactés par l’âge [Hultsch et al., 1991].

Pour conclure cette partie sur la mémoire, le vieillissement n’affecte pas de la même manière toutes les mémoires. La mémoire de travail est la plus touchée et c’est elle qui a les effets les plus visibles sur la perte de performances dans des tâches cognitives complexes. Les personnes âgées ont aussi du mal au niveau du rappel d’événements précis et de la reconnaissance d’objets avec des distracteurs. Au niveau de la mémoire sémantique, elle est ralentie, mais non dégradée. Pour l’apprentissage procédural, les personnes âgées ont besoin de plus de temps pour l’apprentissage de nouvelles tâches. Pour les effets d’amorçage, on aperçoit, comme pour la mémoire de travail et la mémoire épisodique au niveau de la reconnaissance, que la complexité de la tâche demandée augmente l’impact de l’âge.

b) L’intelligence

L’intelligence est une « fonction cognitive essentielle qui concerne la capacité de mise en œuvre de moyens pour résoudre un problème » selon Jean-Claude Marquié [Marquié et Isingrini, 2001]. Pour pouvoir fonctionner, elle fait appel à la mémoire et/ou à l’élaboration de nouvelles stratégies. Plusieurs moyens permettent de tester l’intelligence : les tests psychométriques et les tâches de raisonnement ou de résolution de problèmes.

pas impactées de la même manière. Par exemple, pour le test de la WAIS-R permettant de calculer des Quotients Intellectuels (QI), les personnes âgées ont des scores proches pour les tests de QI verbal (Arithmétique, Compréhension, Mémoire des chiffres, etc.) par rapport aux jeunes adultes, tandis que pour les tests de QI de performance (Assemblage d’objets, Complément d’image, Labyrinthe, etc.), une baisse peut être associée au vieillissement [Kaufman et al., 1989]. Lorsque le niveau d’étude est contrôlé, le QI verbal n’est plus réduit avec le vieillissement [Grégoire, 1993], [Isingrini et Vazou, 1997].

De ces résultats en ressort une analyse factorisant l’intelligence en deux catégories : une intelligence robuste à l’âge et une sensible à l’âge [Horn et Cattell, 1967]. La catégorie d’intelligence robuste est nommée intelligence cristallisée. Elle peut être associée à l’accumulation des connaissances mémorisées à travers la pratique et l’éducation. La catégorie d’intelligence sensible à l’âge est dite intelligence fluide. Elle est associée à la faculté de manipuler de l’information et utilise la mémoire de travail.

Pour l’intelligence cristallisée, le test de vocabulaire Mill Hill [Raven, 1943] a montré que les personnes âgées ont une intelligence relativement stable. Cette intelligence cristallisée peut même s’améliorer avec l’âge. Pour l’intelligence fluide, le test AH4 part 2 (un test dérivé des tests sur le QI qui est basé sur un problème s’apparentant à des puzzles) montre une différence mesurable entre les personnes de différents âges [Heim, 1968].

Il faut quand même faire attention à ne pas limiter toutes les situations à une de ces deux intelligences. Quel que soit le test demandé, il existe toujours un lien entre les deux types d’intelligence. Par exemple, un test sur la navigation de pages Web fait plutôt appel à une intelligence fluide afin de s’adapter à la construction de la page Web. Cependant, les personnes âgées se servent de leurs connaissances dans la recherche d’informations [Fairweather, 2008] [Chin et al., 2009].

Le raisonnement et la résolution de problèmes

Le raisonnement et la résolution de problèmes font intervenir principalement la mémoire fluide. La capacité de raisonner diminue avec l’âge [Lemaire, 1999], [Salthouse, 1991]. Plus le problème a de variables, plus le taux de réussite décroît. Ce n’est pas la capacité à réaliser des inférences qui est réduite, mais celle de garder en mémoire de travail les informations nécessaires pour la réalisation du problème [Salthouse et al., 1989]. En définitive, le problème est plus lié à la mobilisation des ressources qu’à leur utilisation. La résolution de problèmes est impactée par l’âge autant pour des problèmes familiers que pour des problèmes non

familiers. L’expertise acquise durant la vie peut dans certains domaines compenser les effets du vieillissement [Charness, 1981].

c) Les facteurs du vieillissement cognitif

L’étude des principales activités cognitives que sont la mémoire, le langage et l’intelligence, montre une non-homogénéité au niveau de l’impact du vieillissement. Pour pouvoir expliquer cette non-homogénéité, plusieurs facteurs ont été proposés dans la littérature [Marquié et Isingrini, 2001] : la vitesse de traitement, la capacité de la mémoire de travail et le dysfonctionnement exécutif.

L’hypothèse d’une vitesse de traitement plus lente chez la personne âgée explique de nombreux résultats au niveau de la mémoire, du raisonnement et de la perception [Salthouse, 1996]. Elle permet de prédire l’effet de l’âge sur la mémoire de travail [Salthouse et Babcock, 1991], la mémoire à long terme [Bryan et Luszcz, 1996] et dans des tâches de rotation spatiale et de raisonnement [Lindenberger et al., 1993]. Cette hypothèse conforte l’idée que les différences liées à l’âge sur les tâches cognitives sont associées à la réduction des capacités perceptives [Bryan et Luszcz, 1996].

L’hypothèse sur la mémoire de travail comme facteur du vieillissement est applicable à une grande part des activités cognitives : de nombreuses tâches cognitives demandant de stocker et manipuler des informations [Van der Linden, 1997]. Elle influe sur les activités de raisonnement [Salhtouse, 1996], la compréhension du discours [Stine et Wingfield, 1987] ou la mémoire de texte et de mots [Park et al., 1996].

Les fonctions exécutives sont d’après [Dubois et al., 1994] l’ensemble des opérations, ou processus mentaux, nécessaires à l’exécution et au contrôle de comportements finalisés mis en œuvre dans des situations complexes et nouvelles. Elles font donc intervenir la mémoire, la résolution de problèmes, etc. L’hypothèse d’un dysfonctionnement exécutif est susceptible d’être à l’origine des principaux problèmes cognitifs chez les personnes âgées [Albert et Kaplan, 1980]. Ce dysfonctionnement intervient significativement dans l’explication des effets de l’âge au niveau de l’intelligence fluide [Isingrini et Vazou, 1997]. Il intervient aussi dans le fonctionnement mnésique [Fabiani et Friedman, 1997], [Schacter et al., 1997].

Toutes ces hypothèses ont chacune leur légitimité, mais n’expliquent pas à 100% le vieillissement cognitif. Ces trois facteurs partagent plus de 50% de variance liée à l’âge

n’est qu’un indicateur d’un facteur plus général faisant intervenir le ralentissement de traitement, mais aussi les habilités sensorielles comme la vision ou l’audition [Salthouse et al., 1996b].

L’hypothèse sur le dysfonctionnement exécutif peut se rapprocher des deux autres hypothèses (vitesse de traitement et mémoire de travail), mais contrairement à celles-ci, le déclin du système nerveux serait sélectif au lieu d’être global pour les deux autres approches.

d) Les facteurs de variabilité du vieillissement cognitif

L’étude du vieillissement cognitif doit être très contrôlée au niveau du vécu de la personne âgée : les personnes âgées ayant des résultats similaires aux jeunes adultes sur des tâches de QI verbal lorsque l’on contrôle leur niveau d’étude en est l’exemple [Grégoire, 1993]. Le vécu de la personne n’est pas la seule variable à contrôler. Il est important de faire attention à son état physique et/ou son état de santé au moment du test, mais aussi à connaître son expérience aux domaines se rapportant au test. En effet, pour la santé, il faut soit prendre des précautions avec l’échantillonnage, soit vérifier statistiquement le facteur de celle-ci lorsque des tests sont réalisés et qu’ils visent à expliquer des phénomènes fondamentaux du vieillissement cognitif. Pour l’expérience acquise dans un domaine précis, elle est souvent plus significative que l’âge sur les performances [Charness et Campbell, 1988].