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II- Cancer du sein

4- Facteurs de risque

a- L’Age

La probabilité de développer un cancer du sein augmente avec l’âge. Environ deux tiers sont diagnostiqués chez des femmes âgées de plus de 55 ans et 10% chez les femmes de moins de 40 ans.

L’âge jeune (< à 35 ou 40 ans selon les séries) est considéré comme un facteur de mauvais pronostic indépendant dans de nombreuses séries : il favorise le risque de rechute à distance mais aussi le risque de rechute locorégionale [22-24].

b- Le sexe

Le cancer du sein survient de manière quasi exclusive chez la femme, mais peut toucher l’homme dans environ 1% des cas [3].

De diagnostic souvent tardif, le cancer du sein chez l’homme a un pic de survenue à 67 ans, sa prise en charge est comparable à celle d’une femme ménopausée et son pronostic est identique à celui de la femme à âge et stade égal [25, 26].

Au Maroc, son incidence standardisée est estimée à 0,8 selon le RCRC, et représente 0,2 à 1,5% de l’ensemble des tumeurs malignes de l’homme et 1 à 4 % des cancers du sein selon l’Institut National d’Oncologie (INO) de Rabat [3, 27].

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c- Facteurs hormonaux et reproductifs

 Age aux premières règles et à la ménopause

Nombreuses études montrent que la survenue des premières règles avant l’âge de 12 ans augmente le risque de cancer du sein [28, 29]. Selon Kotsopoulos, les femmes dont l’âge ménarchique est compris entre 14 et 15 ans, ont 54% de réduction du risque de CS, comparées à celles dont l’âge ménarchique est inférieur ou égal à 11ans. Ce paramètre demeure un puissant et consistant prédicteur du risque de CS dans la population en général [30].

L’explication biologique de cette association s’appuie sur l’exposition précoce et prolongée à l’imprégnation hormonale qui existe durant la période d’activité des ovaires. Plus les premières règles surviennent précocement, plus le risque de CS augmente [31]. Il semblerait également que la durée des cycles de la femme ainsi que leur régularité constituent aussi un facteur de risque ; des cycles courts et réguliers pourraient augmenter le risque de cancer du sein [31, 32].

On observe une augmentation du risque de CS avec l’augmentation de l’âge à la survenue de la ménopause. Appelée aussi âge climatérique, elle consiste en l'arrêt des règles. Lors de la ménopause, la femme ne possède plus suffisamment de follicules car ceux-ci ont été soit utilisés pour le cycle ovarien soit les cellules folliculaires ont dégénéré par le phénomène d'atrésie folliculaire. La ménopause survient en moyenne vers 50 ans.

Un âge tardif à la ménopause est également un facteur de risque reconnu du cancer du sein [33-36]. Chez les femmes ménopausées, l’âge à la ménopause est associé à une augmentation du risque de cancer de 3% par année supplémentaire [37].

Le fondement biologique de ces associations correspond à l’exposition précoce et prolongée à l’imprégnation hormonale qui existe durant la période d’activité des ovaires [38].

 Densité mammaire

La densité mammaire est déterminée par la proportion relative, sur un cliché mammographique, entre tissus adipeux et tissu glandulaire. Elle peut être évaluée selon les types BI-RADS (Breast Imaging-Reporting and Data System), la densité mammaire étant alors quantifiée en % de la glande mammaire (Annexe I).

De nombreuses recherches ont établi que le risque de cancer du sein augmente progressivement avec la densité mammaire et que ce risque est 4 à 6 fois plus élevé chez les femmes avec 75 % ou plus de densité mammaire comparées aux femmes qui ont peu ou pas de densité mammaire et que ce risque accru persiste jusqu’à 10 ans suivant l’évaluation de la densité mammaire [39-41].

37  Maladies bénignes du sein

Les maladies bénignes du sein, ou mastopathies bénignes, sont des facteurs de risque de CS. Ce risque est modulé selon le caractère prolifératif de la maladie. On classe les maladies bénignes du sein en trois catégories : les lésions non prolifératives (cellules qui se divisent très lentement), les lésions prolifératives sans atypie (cellules se divisant rapidement) et les lésions prolifératives avec atypie (cellules anormales se divisant rapidement). Les lésions non prolifératives et prolifératives sans atypie sont associées à un faible sur-risque de CS, tandis que les lésions prolifératives avec atypie multiplient le risque par 4 environ [42, 43]. L’étude de Tice et coll., menée sur un large échantillon, stipule que les femmes ayant une densité mammaire élevée et une maladie proliférative bénigne du sein sont à très haut risque de développer un cancer du sein contrairement aux femmes ayant une faible densité du sein qui sont à faible risque, quel que soit leur maladie mammaire bénigne [44].

 Grossesses menées à terme

De façon générale, les femmes qui ont mené au moins une grossesse à terme avant l’âge de 30 ans présentent un risque de cancer du sein diminué par rapport aux femmes nullipares [45]. L’effet protecteur de la multiparité semble augmenter proportionnellement au nombre des accouchements. En effet, Chapelon et Gerber montrent que chaque grossesse additionnelle menée à terme diminue le risque de cancer de 3% pour les cancers du sein précoces ou intervenant avant la ménopause, et de 12% pour les cancers du sein tardifs ou intervenant après la ménopause [31]. Toutefois, la période reproductive semble avoir un double effet puisque le risque est accru immédiatement après l’accouchement, puis diminue graduellement[46, 47]. En effet, Bruzzi et

coll., ont retrouvé que le risque de cancer du sein est augmenté pendant 10 ans après une

grossesse avec un risque relatif de 2 à 3 dans les trois premières années suivant une naissance [48].

La grossesse provoque une différenciation accélérée du tissu mammaire et une prolifération rapide de l’épithélium. Les changements amorcés au cours de la première grossesse, en particulier si elle est survenue précocement, sont accentués par chacune des grossesses ultérieures, et le développement du cancer du sein est lié à la vitesse de prolifération des cellules épithéliales mammaires et inversement au degré de différenciation [49]. Ainsi, plus l’âge au premier enfant est précoce, plus les femmes bénéficient de la période de protection induite par la différenciation des cellules épithéliales glandulaires, celles-ci devenant alors moins sensibles aux actions des cancérogènes. Albrektsen et coll., montrent une diminution du risque de cancer du sein plus importante chez les femmes ayant eu leur première grossesse menée à terme avant l’âge de 20 ans [50]. Par ailleurs, l'augmentation de la fréquence des cancers du sein observée juste

38 après une grossesse serait par contre liée à une stimulation hormonale de la croissance tumorale de cancers déjà existants [51].

 Allaitement

Aujourd’hui, l’effet de l’allaitement sur le risque de cancer du sein reste controversé.

Cependant, une étude internationale effectuée à partir de 47 études, a rapporté une diminution significative du risque de cancer du sein de plus de 4% pour chaque période d’allaitement de 12 mois [52]. Le fondement biologique d’une association inverse entre l’allaitement et le risque de cancer du sein n’est pas entièrement connu. Toutefois, plusieurs mécanismes sont plausibles. La lactation produit des changements hormonaux endogènes, en particulier une réduction d’œstrogènes qui permettrait de diminuer l’exposition totale aux œstrogènes chez la femme. Par conséquent, la lactation réprimerait l’apparition et le développement du cancer du sein [53]. Enfin, l’effet protecteur de l’allaitement pourrait être attribuable à son rôle dans le retardement du rétablissement de l’ovulation et donc à une reprise différée des cycles menstruels précédemment évoqués comme étant des facteurs de risque.

 Prise de contraceptifs

Dans la littérature, le lien entre les contraceptifs oraux et le cancer du sein est très controversé. En 1996, le « Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer » a réalisé une méta-analyse sur des données individuelles de 54 études épidémiologiques, incluant 53 297 cas de cancers du sein et 100 239 femmes témoins correspondant à environ 90% des données épidémiologiques disponibles sur cette association [52]. Les résultats de cette étude montrent que les femmes en cours d’utilisation de contraceptifs oraux ont un risque relatif augmenté de cancer du sein comparativement aux non-utilisatrices. Cette augmentation décroît progressivement après l’arrêt d’utilisation et disparaît complètement 10 ans après cet arrêt.

En revanche, la « Women’s Care Study » ne montre aucune augmentation de risque de cancer du sein quelle que soit la durée d’utilisation [54]. Même pour les femmes ayant utilisé des contraceptifs oraux pendant plus de 15 ans, aucune association n’a pu être mise en évidence. Il en va de même pour des études plus récentes, comme la « Oxford Family Planning Association study » incluant 17 000 femmes ayant entre 25 et 39 ans entre les années 1968 et 1974 [55]. L’étude « Royal College of General Practitioners' Oral Contraception Study » incluant 46.000 femmes suivies depuis 1968-1969, n’a également pas mis en évidence d’augmentation du risque de cancer du sein associée à l’utilisation de contraceptifs oraux [56].

39  Traitement hormonal substitutif de la ménopause

Les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause sont prescrits pour pallier la diminution du niveau d’hormones ovariennes circulantes. Les femmes sous traitement hormonal substitutif présentent un risque augmenté de cancer du sein, comparées aux femmes qui n’en ont jamais utilisé, et le risque de cancer du sein augmente avec la durée d’utilisation [57].

Pour les femmes ayant suivi un traitement hormonal substitutif pendant cinq ans ou plus, le risque est augmenté de 26% à 35% comparé aux femmes n’ayant jamais utilisé ce type de traitement [58].

Par ailleurs, l’étude « Million Women Study» (MWS) initiée en 1996 a suivi plus d'un million de femmes âgées de 50 à 64 ans au Royaume-Uni. Les premiers résultats publiés en

2003 ont montré que les femmes sous traitement œstro-progestatif avaient un risque de cancer doublé par rapport aux non-utilisatrices. Ce risque augmente avec la durée du traitement [57]. Un des mécanismes par lesquels le traitement hormonal substitutif influence le risque de cancer du sein est qu’il retarde les effets protecteurs de la ménopause en remettant la femme sous l’influence des œstrogènes.

d- Facteurs génétiques et antécédents familiaux

On estime que 95 % des cancers du sein surviennent de façon sporadique. Les formes familiales, en rapport avec une mutation génétique, sont une minorité et représentent 5 à 10% des cancers du sein et jusqu’à 25 à 40 % des cancers du sein diagnostiqués avant l’âge de 35 ans [59]. La transmission génétique se fait sur un mode autosomique dominant.

L’origine génétique du cancer du sein est fortement suspectée si plusieurs individus d’une même famille en sont atteints sur plusieurs générations, et surtout si la maladie survient avant 40 ans. Le risque de survenue d’un cancer du sein est de l’ordre de 60 à 80 % pour les individus prédisposés génétiquement, alors qu’il est de 10 % dans la population générale.

La mutation des gènes de réparation de l’ADN, BRCA1 et BRCA2, respectivement sur les chromosomes 17 et 13, est la plus fréquente. Plus rarement, on peut retrouver la mutation dans d’autres gènes suppresseurs de tumeurs comme :

 PTEN (Phosphatase and tensin homolog) dans le syndrome de Li et Fraumeni, et  p53 (protéine 53) dans la maladie de Cowden.

Le risque de cancer du sein est augmenté d’environ deux fois lorsque la mère ou la sœur est atteinte. Ce risque est encore accru si plusieurs parentes sont touchées et ce d’autant plus que le cancer est survenu à un âge jeune [60]. Un cancer diagnostiqué après 60 ans n’est pas un

40 antécédent familial à risque. Par contre le risque de cancer est accru de manière considérable dans le cas de cancer bilatéral [61].

De même, une consultation d’oncogénétique est recommandée quand l’histoire familiale est évocative. Il s’agit à la fois de prendre en compte la localisation des cancers ainsi que, pour chaque tumeur, l’âge d’apparition, le degré de parenté, la branche d’affiliation et le nombre de sujets atteints et non atteints.

Le Score d’Eisinger a été élaboré afin d’aider les professionnels de santé à mieux orienter les patientes en fonction de critères clarifiés et de définir un dépistage adapté. Les éléments pris en compte et le poids de chacun sont indiqués dans le Tableau I.

La somme des poids de chaque cas doit être effectuée dans chacune des branches parentales (Maternelle et Paternelle) séparément. Le score s’interprète ensuite de la manière suivante :

 un score de 5 ou plus est une « excellente indication» d’une consultation d’oncogénétique ;

 un score de 3 ou 4 correspond à une «indication possible» ;

 un score de 2 ou moins indique une «utilité médicale faible» de la consultation. Il permet également de graduer le risque de cancer du sein en l’absence de mutation [62].

Tableau I : Ensemble des scores suggérant une indication d’une consultation d’oncogénétique

[62]

Situation Poids

Mutation constitutionnelle délétère de BRCA identifiée dans la famille

5

Cancer du sein chez une femme avant 30 ans 4

Cancer du sein chez une femme 30-40 ans 3

Cancer du sein chez une femme 40-50 ans 2

Cancer du sein chez une femme 50-70 ans 1

Cancer du sein chez un homme 4

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e. Facteurs environnementaux et de mode de vie

 Indice de masse corporelle (IMC)

Le surpoids est un facteur associé au risque de cancer du sein en fonction du statut ménopausique : le surpoids diminue le risque de cancer du sein avant la ménopause mais l’augmente en postménopause [63, 64]. En effet, avant la ménopause, les femmes en surpoids ont un plus faible nombre d’ovulation et une diminution du taux d’hormones sanguin. A la ménopause, la production d’œstrogènes est stoppée dans les ovaires mais elle se poursuit dans les tissus adipeux. Une femme ménopausée avec un IMC élevé a donc une production accrue d’œstrogènes par rapport aux femmes ayant un IMC « normal » [65].

 Activité physique

Parmi les facteurs qui diminuent le risque de cancer avec un niveau de preuve jugé convaincant, il faut retenir l’activité physique. Cette dernière est associée à une diminution de risque de cancer du sein, de l’endomètre et du côlon après la ménopause. Pour l’année 2000, il a été estimé qu’en France, environ 2200 décès par cancers étaient attribuables à l’inactivité [66].

L’activité physique pourrait exercer une influence sur le risque du CS parce qu’elle permet de diminuer la production d’œstrogènes et de maintenir l’équilibre énergétique [67].

 Consommation de tabac

Des études ont suggéré une augmentation du risque de cancer du sein chez les fumeuses, en particulier si l’exposition est longue ou débute avant la première grossesse, suggérant que l’effet du tabac pourrait varier au cours de la vie et selon le début de l’exposition [68].

Ophira et coll., montrent que l’exposition passive aux carcinogènes du tabac augmente le risque

du CS chez les porteurs des mutations BRCA1 [69]. Une autre étude souligne que le tabagisme passif est associé à un risque de CS accru d’environ 60%; ce risque est multiplié par trois chez les femmes après la ménopause [70].

Une étude très récente montre que fumer un an avant ou après le diagnostic est associé à une mortalité plus élevé de cancer du sein [71].

Il faut noter que la nicotine est le composant principal qui crée une dépendance au tabac. Les substances néfastes présentes dans la fumée de tabac et leurs produits de décomposition se retrouvent dans l’urine et le système sanguin tant chez les fumeurs actifs que chez les fumeurs passifs. Dans le corps, les substances cancérigènes peuvent s’associer à des protéines du sang et à l’ADN et générer ainsi des mutations de gènes [72].

42  Consommation d’alcool

L’alcool est le seul facteur de risque nutritionnel établi pour le cancer du sein. Les données de 53 études épidémiologiques ont été ré-analysées et ont permis de montrer que la consommation d’alcool augmentait le risque de cancer du sein et que ce risque était en fonction de la quantité d’alcool consommée [73]. Par rapport aux femmes abstinentes, les femmes ayant eu un cancer du sein et consommant au moins une boisson alcoolisée par jour, ont une durée de survie diminuée de 15 à 40% [74].

L’alcool provoque une augmentation du niveau d’hormones dans le sérum et une production accrue de facteurs de croissance IGF (insulin-like growth factor). Les IGF agissent comme des mitogènes, inhibent l’apoptose et interagissent avec les œstrogènes. Une production accrue d’IGF augmente le risque de cancer du sein, surtout avant la ménopause [74, 75].

La MWS, estime que dans les pays développés et jusqu’à l'âge de 75 ans, l'augmentation de l'incidence du cancer du sein est estimée à environ 11 pour 1000 femmes pour chaque boisson alcoolique (10 grammes) supplémentaire régulièrement consommée quotidiennement [76]. Selon le statut en récepteur hormonal, l’augmentation de risque serait particulièrement marquée pour les cancers ayant un statut de type ER+ (Récepteur à l’œstrogène positif) [77].

 Nutrition

L’étude menée par Bissonauth et coll., montre que la nutrition dans la pathologie du CS est un facteur de risque modifiable sur lequel on doit focaliser les efforts de prévention [78]. Les habitudes alimentaires associées au style de vie peuvent faire augmenter ou diminuer le risque de CS d’une part et/ou favoriser ou inhiber la récidive d’autre part [79].

Le rapport du « World Cancer Research Fund) » (WCRF) et de « l’American Institute for Cancer

Research» (AICR) , montrent que les facteurs nutritionnels qui englobent à la fois l’alimentation

et l’activité physique, font partie des facteurs comportementaux sur lesquels il est possible d’agir pour accroître la prévention des cancers [80]. Ces facteurs de risque ne sont que des variantes de la même cause : l’exposition à un excès d’hormones féminines, l’œstrogène et la progestérone, fera augmenter le risque de CS. Les femmes dont la nourriture est riche en aliments d’origine animale et pauvre en aliments complets d’origine végétale voient leur règles apparaître plus précocement et sont ménopausées plus tardivement, ce qui rallonge leur vie reproductive. Elles ont également des taux plus élevés d’hormones féminines pendant toute leur vie [81].

43  Expositions aux radiations ionisantes

Le risque de cancer du sein est augmenté chez les femmes qui ont été exposées à de fortes doses de radiations ionisantes au niveau du thorax. Le rôle néfaste des radiations semble surtout important quand l’irradiation a eu lieu dans l’enfance ou l’adolescence, par contre l’exposition aux radiations après l’âge de 30 ans ne semble pas avoir d’effet cancérigène signifiant au niveau mammaire [82].

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