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Facteurs pouvant influencer les variables étudiées

4.2 Analyse des résultats en regard de la littérature

4.2.2 Facteurs pouvant influencer les variables étudiées

Pour les facteurs indiqués au tableau 2, 3 et 4 ; nous espérions qu’il n’y aurait pas de différence significative afin de pouvoir tenir compte de ces éléments pour la comparaison.

Le score de douleur était significativement différent entre les groupes étudiés. Ce résultat parait cohérent avec la littérature : l’analgésie péridurale est une méthode pharmacologique de soulagement de la douleur significativement plus efficace que

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toute autre méthode (14,15). Un témoignage recueilli par Danièle Carricaburu soulève le point de vue de certains soignants « Moi je préfère un accouchement sous péridurale, c’est beaucoup plus pratique, car comme la femme n’a pas mal et qu’elle ne sent pas ce qu’on fait, notre liberté d’action est plus grande, ça, c’est un premier argument, et le second c’est qu’on peut accélérer le travail, puisqu’elle ne sent pas, donc on peut raccourcir les accouchements... » (3). Ainsi, la douleur de la patiente lors de l’accouchement aurait pu influencer les pratiques cliniques des sages-femmes dans les deux groupes. Cependant, l’étude n’a pas pu établir ce lien.

La moyenne des durées du travail de l’étude était significativement plus longue dans le groupe de parturientes avec péridurale, d’environ 1H49 minutes. D’une part, cette différence peut s’expliquer, par la proportion de stagnations significativement plus élevée dans le groupe avec péridurale. D’autre part, cela peut s’expliquer par l’impact de l’analgésie péridurale sur la durée du travail. En effet, même si les conclusions d’études récentes ne permettent pas de dire si c’est la première ou deuxième phase du travail qui est allongée, elles s’accordent toutes à dire que la durée du travail est augmentée de 90 minutes chez les nullipares comme les multipares (31).

4.2.3 Eléments de la pratique clinique des sages-femmes

4.2.3.1 Surveillance de la femme : VVP, constantes et TV

Les résultats ont montré qu’un cathéter veineux périphérique était posé à toutes les patientes de chaque groupe. Ceci rejoint la littérature qui considère la pose d’une voie veineuse comme une intervention possible lors d’un accouchement sans péridurale (26). La pose d’une voie d’abord pour une patiente ayant une péridurale est quant à elle obligatoire (27). Toutefois, il est important de préciser que la pose d’une voie veineuse était obligatoire à l’admission dans les deux hôpitaux concernés d’où ces résultats. Ainsi, 35% des parturientes sans péridurale recevaient le passage de solutés au travers de cette voie, ce qui laisse à penser que ces patientes attendaient la pose d’une péridurale. Or, les recommandations précisent que le pré-remplissage vasculaire systématique n’est pas recommandé dans ce cas (26). Il

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aurait sans doute été judicieux de savoir combien de femmes souhaitaient la péridurale parmi celles ne l’ayant pas eue pour pouvoir différencier le passage de liquide systématique du pré-remplissage vasculaire. De même, toutes les parturientes sous péridurale recevaient des fluides intra-veineux alors que les recommandations indiquent que cela ne doit pas être systématique sauf dans certaines situations pathologiques responsables d’hypovolémie (26,29). Ainsi, l’étude a montré une médicalisation significativement plus importante dans le groupe avec péridurale pour le critère VVP.

Dans les partogrammes, la prise de constantes était notifiée chaque heure pour 73% des patientes avec péridurale et pour 6% des patientes sans péridurale. Si la patiente présente une péridurale, la pression artérielle doit être surveillée toutes les 3 minutes durant les 20 minutes suivant la pose et les ré-injections. Puis une surveillance toutes les heures est réalisée (26). Donc, pour plus d’un quart des patientes avec péridurale, la surveillance n’a pas été conforme aux recommandations ou bien la notification a été oubliée. Si la patiente n’a pas de péridurale, la surveillance de la température, du pouls et de la tension artérielle doit être réalisée au minimum toutes les quatre heures conformément aux recommandations de l’OMS (26, 28). L’intervalle de quatre heures n’a pas été notifié lors du recueil car ces recommandations ont été publiées en 2018, soit après le recueil. La prise de constantes était significativement moins fréquente, donc moins médicalisée dans le groupe sans péridurale : ceci est en accord avec les recommandations qui laissent plus de liberté d’intervalle pour les femmes sans péridurale.

Concernant le TV, il était réalisé de manière moins rapprochée chez les patientes sans péridurale : 2 tiers des patientes sans péridurale étaient examinées de façon non horaire versus 1 tiers des patientes avec péridurale. Les sages-femmes médicalisaient donc significativement moins le suivi de travail des patientes sans péridurale pour ce critère. D’ailleurs, les recommandations actuelles préconisent, durant le premier stade du travail, la réalisation d’un TV toutes les 2 à 4 heures ou sur signes d’appel et à la demande de la parturiente et toutes les heures durant le deuxième stade du travail (26, 28). Ces recommandations s’adressent aussi bien aux

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femmes avec ou sans péridurale. Pourtant, les résultats ont montré que les sages-femmes réalisaient un TV horaire pour 66% des patientes avec péridurale. Plusieurs explications peuvent justifier cela. D’une part, la douleur est moindre sous péridurale : l’intervention douloureuse et intrusive que peut représenter l’examen vaginal ne se pose donc plus (32). D’autre part, ces recommandations récentes reprennent une recommandation de l’OMS 1997, qui n’était donc pas forcément connue et appliquée dans cette étude au vu de son ancienneté. Il faut donc prendre en compte un temps d’adaptation aux protocoles dictés par les nouvelles recommandations.

Une étude prospective anglaise s’est basée sur les mêmes recommandations pour déterminer le nombre de TV lors d’un travail physiologique et la raison du TV. Il en ressort que le nombre de TV était plus élevé que celui recommandé. Les sages-femmes justifiaient cela par la nécessité d’évaluer le progrès du travail et de détecter une dystocie (39). Il ne faut pas oublier que le TV, même s’il reste une norme, ne doit pas être réalisé de manière systématique : cet examen doit être adapté au contexte, à la patiente et être réalisé de manière réfléchie (32). De même, si une stagnation apparait, la réalisation du TV horaire est justifiée. Or notre groupe avec péridurale comporte significativement plus de stagnations ce qui peut expliquer un nombre plus élevé de TV horaire.

4.2.3.2 Surveillance du RCF

Une différence significative a été retrouvée entre les 2 groupes de ce mémoire concernant le monitoring continu : la surveillance était systématiquement continue dans le groupe avec péridurale et chez 68% des femmes sans péridurale. Ainsi, les sages-femmes médicalisaient donc significativement moins le suivi de travail des patientes sans péridurale concernant la variable RCF. La proportion élevée de surveillance continue dans le groupe sans péridurale est cohérent avec les recommandations du CNGOF qui précisent : « la surveillance du RCF de manière discontinue n’est envisageable que pour une patiente à bas risque et nécessite une sage-femme par parturiente. Durant la phase active du travail, la surveillance de manière continue est recommandée compte tenu des pratiques obstétricales actuelles et du personnel disponible en salle de naissance » (34). Les deux

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maternités d’accueil sont des gros centres hospitaliers pouvant expliquer une charge de travail importante et donc une impossibilité de surveillance discontinue. Aucune étude ne s’est intéressée au type de surveillance du RCF en fonction de la péridurale ou non.

En revanche, le passage de surveillance discontinue du RCF à une surveillance continue du RCF est tout de même justifié lorsque la patiente a une analgésie péridurale ou s’il y a eu recours à l’utilisation d’ocytociques et/ou la rupture artificielle des membranes : la surveillance doit être accrue (26, 35). Le rythme cardiaque fœtal est le principal indicateur du bien être fœtale mais n’est pas le seul. En effet, la couleur du liquide est un autre indicateur pouvant justifier un monitoring continu mais l’étude ne montrait pas de différence significative entre les 2 groupes pour ce facteur.

4.2.3.3 Confort de la patiente : mobilisation, alimentation et position d’accouchement

Concernant la mobilisation de la femme durant le travail, la médicalisation était significativement moindre dans le groupe sans péridurale. En effet, 69% des femmes sans péridurale déambulaient, utilisaient du ballon ou prenaient un bain alors que seules les postures étaient employées pour les femmes avec péridurale.

Ces résultats sont similaires à ceux d’une étude française récente qui s’est intéressée aux pratiques des sages-femmes concernant la mobilisation des femmes durant le travail : sans péridurale les sages-femmes proposaient le plus souvent le ballon, la déambulation ou la douche ; avec péridurale les sages-femmes, étant limitées, proposaient généralement différentes positions horizontales notamment sur le côté (40).

Ce mémoire a étonnamment retrouvé plus de patientes en position couchée sur le lit lorsqu’elles n’avaient pas de péridurale, ce qui n’est pas cohérent avec la littérature. Il est simplement possible d’émettre l’hypothèse que ces femmes étaient dans l’attente d’une péridurale ou encore que la douleur et la fatigue étaient au maximum de telle sorte qu’elles ne pouvaient plus se mobiliser.

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Selon la HAS, toutes les femmes qu’elles aient ou non une péridurale devraient bénéficier d’un soutien continu et personnel, adapté en fonction de leurs souhaits au cours du travail et de l’accouchement (26). Il est notamment recommandé aux sages-femmes de permettre aux femmes de changer régulièrement de position pour prévenir d’éventuelles complications, mais surtout pour leur confort (26, 27). Le CIANE a étudié en 2012 les souhaits et le vécu des femmes durant l’accouchement : concernant la mobilisation, 75% des femmes dont les souhaits n’étaient pas respectés ont été gênées de ne pas pouvoir prendre les positions qu’elles voulaient pendant le travail (41). La liberté de mouvements est alors un réel critère de satisfaction des patientes et s’il n’est pas respecté, un manque de tolérance à la douleur et une médicalisation peut apparaitre.

Nos résultats semblent toutefois rassurants sur les pratiques actuelles des sages-femmes : peu de patientes se retrouvent couchées de manière passive. Il faut noter que les deux maternités d’accueil ne proposaient pas la péridurale déambulatoire parmi leurs offres de soins. Cela pourrait pourtant être une alternative aux positions limitées lors d’une péridurale classique d’autant plus que les données actuelles n’ont pas montré d’effet négatif sur la bonne progression du travail et sur la voie d’accouchement. Cette technique qui permet une certaine autonomie des femmes sous péridurale est malheureusement peu développée en France : seulement 8% des maternités françaises la propose (14, 40).

Il apparait important d’aborder aussi l’hydratation per-os durant le travail, un autre critère de confort des femmes souvent oublié. En effet, au cours de notre étude nous aurions souhaité relever si les femmes avaient le droit de boire, qu’elles aient ou non une analgésie péridurale. Ces éléments n’ont pas été retrouvés dans les dossiers car ils n’étaient pas notifiés. Pourtant la restriction hydrique durant le travail peut apparaitre comme une forme de médicalisation puisqu’elle est à l’encontre de la physiologie et des recommandations en matière d’accouchement normal. Effectivement, la HAS, l’OMS et la SFAR autorisent la consommation de liquides clairs (eau, thé sans lait / café noir sucrés ou non, boissons gazeuses ou non, jus de fruits sans pulpe) pendant toute la durée du travail sans limitation de volume, chez les patientes ayant un faible risque d’anesthésie générale, qu’elles aient ou non une

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péridurale (26, 27, 29). Cependant, concernant la consommation d’aliments solides, l’OMS l’autorise pendant tout le travail chez les femmes à bas risque tandis que l’HAS recommande de ne pas consommer d’aliments solides durant la phase active et n’émet aucune indication durant la phase de latence. Il est à noter qu’aucun cas de Syndrome de Mendelson (inhalation bronchique du contenu gastrique pendant une anesthésie générale) n’a été relevé dans les études sur lesquelles les recommandations de l’OMS s’appuient (26, 27). Ainsi, il semble perspicace que d’autres études s’intéressent aux habitudes des sages-femmes en matière d’hydratation et d’alimentation des femmes accouchant avec et sans péridurale.

Concernant la position d’accouchement des femmes sans péridurale, les résultats montraient que les sages-femmes médicalisaient significativement autant que pour les femmes accouchant avec péridurale. En effet, dans les 2 groupes plus de 90% des accouchements se déroulaient en position gynécologique. Ces résultats sont similaires aux données nationales de l’enquête périnatale 2016 qui indiquent que près de 95,5% des accouchements par voie basse se réalisent en position gynécologique (2). D’après les témoignages recueillis par le CIANE, le choix de la position durant l’expulsion ne semble pas toujours être respecté mais plutôt imposé ce qui amène un certain mécontentement de la part des patientes (41). Un essai randomisé contrôlé récent a révélé que les femmes accouchant sans péridurale en position accroupie avaient une durée d’efforts expulsifs significativement moins longue (p<0,05), une échelle visuelle de la douleur significativement moins élevée (p<0,05) et une satisfaction significativement plus élevée (p<0,01) comparé aux femmes accouchant sans péridurale en position semi-couchée. Cette technique peut être profitable aux patientes et permettrait une moindre médicalisation (42).

4.2.3.4 Interventions obstétricales au cours du travail

A propos de l’utilisation de la RAM, les sages-femmes y avaient recours deux fois moins dans le groupe sans péridurale, et cela significativement. Les deux groupes confondus comprenaient 43,7% de RAM, ce qui est semblable à la proportion nationale chez les femmes en travail spontané (41,4%). Aucun chiffre national ne permet de comparer les résultats de chacun des 2 groupes à la

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population générale (2). L’emploi de cette technique aurait pu être expliquée par une stagnation mais seulement 2 stagnations ont été relevées dans le groupe sans péridurale. Il apparait alors que la rupture artificielle est une méthode encore largement utilisée, même si la patiente n’a pas de péridurale ce qui amène à s’interroger sur le bien fondé de ce geste dans la pratique des sages-femmes.

Le recours à l’oxytocine était significativement trois fois moins fréquent pour les patientes sans analgésie péridurale. Effectivement, 20% des patientes sans péridurale en ont reçu, ce qui est similaire aux données nationales de 2010 (37). Il est à noter que l’administration d’oxytocine chez les femmes avec péridurale était plus faible : 60% dans notre étude versus 75% retrouvé par le CNGOF en 2010 en se basant sur l’enquête périnatale (37). Ces chiffres sont rassurants, ils montrent une diminution du recours aux oxytociques ces dernières années, ceci étant probablement dû à l’apparition des nouvelles recommandations en la matière, et des nouvelles définitions des phases du travail précédemment évoquées (25). Des améliorations semblent toutefois à attendre de la part des sages-femmes pour l’ensemble des patientes, avec ou sans péridurale : les 2 groupes montraient une utilisation importante d’ocytocine, pourtant très peu de stagnations de la dilatation étaient relevées. De même, la proportion de variétés postérieures était significativement équivalente dans les 2 groupes et ne pouvait donc pas justifier d’un recours à l’oxytocine, d’autant plus que son administration systématique dans ce cas n’a pas prouvé son efficacité et n’est donc pas recommandée (26).

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