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Chapitre 3 Recension des écrits

3.3 Facteurs pouvant influencer la charge de travail social

Comme mentionné précédemment, trois études se sont intéressées aux différentes caractéristiques pouvant influencer la charge de travail social. Bien que ces études n’aient pas été réalisées exclusivement auprès de personnes âgées de 65 ans et plus, l’examen des caractéristiques étudiées peut donner un éclairage sur l’identification de variables pertinentes à considérer. Ainsi, les prochains paragraphes aborderont les caractéristiques des usagers, des travailleurs sociaux et de l’environnement physique et organisationnel des établissements dispensateurs de services qui ont été examinées dans ces études. Aucune étude plus récente n’a été identifiée lors des recherches dans les banques de données pertinentes au domaine d’étude. Les dates de publication des articles correspondent aux périodes les plus marquantes de développement concernant la mesure de la charge de travail telle que décrite précédemment.

La première étude, celle de Coulton et al. (1985), s’est déroulée dans un centre hospitalier auprès d’une clientèle adulte. La majorité des 207 sujets étaient des personnes âgées. Cette étude visait à analyser les facteurs qui affectaient la somme de temps fourni aux patients par les travailleurs sociaux. Les caractéristiques suivantes ont été étudiées : les données

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sociodémographiques des patients, les diagnostics et la durée de séjour. De plus, une mesure d’acuité, composée de trois dimensions a été utilisée. Ces dimensions sont : 1) le fonctionnement biopsychosocial (santé physique et mentale; AVQ et ressources sociales et économiques); 2) la présence de facteurs de risque et 3) le nombre de problèmes liés à l’épisode de soins. En ce qui concerne l’environnement, la localisation du patient (unité) a été considérée. La mesure du temps fourni pour accomplir les activités directes et indirectes a été captée par un journal d’activités complété par les travailleurs sociaux. Ils devaient aussi identifier la raison pour laquelle l’activité était accomplie (ex. : la planification du congé). Suite à une analyse de régression multiple, la mesure d’acuité, le type d’activités et la localisation du patient expliquaient 34 % de la variance du temps total fourni. Le nombre de problèmes traités par l’intervenant serait l’élément le plus lié à la consommation de temps lorsqu’une seule dimension de la mesure d’acuité est utilisée. Cette étude comporte toutefois certaines limites. D’abord, les auteurs ne fournissent pas d’information sur la fréquence à laquelle les travailleurs sociaux devaient compléter leur journal d’activités. De plus, cinq activités ont été mesurées, ce qui n’offre pas un portrait complet de la charge de travail. Le nombre d’observations recueillies semble insuffisant puisqu’il y a une grande variabilité des temps fournis aux patients (Coulton et al., 1985).

L’étude de Semke et al. (1993) s’est inspirée à plusieurs niveaux de celle de Coulton. La population d’intérêt s’avère être des patients d’une unité psychiatrique d’un hôpital universitaire offrant des services de troisième ligne et situé dans un milieu urbain. Ces patients ont été admis de façon volontaire. L’objectif était aussi de connaître les caractéristiques des usagers qui affectent le temps consacré par les travailleurs sociaux. L’étude s’est effectuée auprès de 474 patients dont 64 % étaient atteints de dépression majeure ou de trouble bipolaire et 17 % de schizophrénie. Le temps passé pour un patient provient des statistiques compilées quotidiennement par les travailleurs sociaux dans le système d’information Hospital Social Work Information System (Friedman, 1990). Ce système, développé par un groupe d’experts à travers les États-Unis, inclut aussi des informations sur les caractéristiques des usagers qui sont : une liste de 31 problèmes (ex. : logement, relations familiales, barrières culturelles), une liste de 31 facteurs de risque, les diagnostics, les données sociodémographiques, les conditions économiques, le statut au

plan de la couverture d’assurance {Medicaid) et la durée de séjour. Le temps moyen par dossier était de 3,87 heures et l’écart-type de 2,83, indiquant une grande variabilité dans les valeurs de temps. Les variables associées au temps fourni ont été identifiées à partir d’analyses de régression. Le modèle final incluait la durée de séjour, le nombre de problèmes identifiés, les personnes d’appartenance ethnique de l’Asie, l’interaction entre le placement et le programme Medicaid, et une référence à un service de protection de l’enfance et de la jeunesse. L’ensemble de ces variables prédisaient 37 % de la variance du temps fourni. Il est difficile de faire des liens entre cette population et celle des personnes âgées en perte d’autonomie. Ce sont des adultes plus jeunes, avec des problèmes de santé mentale, avec des enfants mineurs à charge qui vivent des problèmes sociaux forts différents des personnes âgées en perte d’autonomie. Les différentes activités effectuées auprès des patients n’étaient pas définies dans le système d’information utilisé, ce qui fait que les auteurs ne sont pas en mesure d’identifier la ou les activités qui consomment le plus de temps. Le nombre de travailleurs sociaux impliqués dans cette étude n’est pas précisé (Semke, Stowell, & Durgin, 1993).

L’étude de Gathercole et al. (2001) s’est effectuée dans des unités d’évaluation et de réadaptation auprès d’une clientèle adulte avec des problèmes orthopédiques, neurologiques ou avec une amputation. L’âge des patients n’est pas spécifié. Cette étude avait aussi comme objectif d’identifier les éléments qui affectent la charge de travail social. Les caractéristiques telles que les données sociodémographiques, l’autonomie fonctionnelle et les diagnostics ont été considérées. De plus, une mesure de la complexité psychosociale incluant des variables comme le niveau de motivation, la capacité de résolution de problèmes, l’ajustement aux pertes et la complexité des problèmes sociaux a aussi été utilisée. Ces variables furent évaluées sur une échelle de Likert à cinq niveaux. Des éléments liés à la prestation de services comme la durée de séjour, de même que certaines caractéristiques des intervenants ont aussi été considérés. Le temps fourni pour effectuer neuf activités a été mesuré à l’aide des statistiques administratives compilées par les intervenants à tous les mois. La complexité psychosociale expliquait 41 % de la variance du temps fourni. Combinées à des données sociodémographiques et à la durée de séjour, ces variables expliquent 67 % de la variance du temps fourni. Les limites de cette étude se

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situent aussi au niveau de la mesure du temps fourni. Le choix d’utiliser des statistiques administratives compilées une fois par mois représente une source d’imprécision liée au biais de mémoire. Les auteurs soulignent que la mesure de la complexité psychosociale n’était pas suffisamment développée pour capter le soutien social disponible, élément très important dans le processus de réadaptation et qui influence l’implication et les activités des travailleurs sociaux (Gathercole & DeMello, 2001).

Quoique les études recensées se soient surtout intéressées aux caractéristiques de l’usager, le temps que prend le travailleur social pour faire une activité peut aussi dépendre de ses propres caractéristiques. Une mesure des caractéristiques sociodémographiques telles que l’âge, le sexe et le niveau de scolarité sont des aspects à considérer dans la mesure de la charge (Douville, 1993; Gathercole & DeMello, 2001). L’expérience et la familiarité du professionnel avec les problématiques présentées par l’usager peuvent également influer sur le temps puisque ce dernier répondra plus aisément et rapidement à ces situations variées (Cesta, 2005; Gathercole & DeMello, 2001; North East London Foundation Trust, 2009; Stevens, 2008). Les compétences professionnelles du travailleur social et ses habiletés d’intervention sont aussi utiles dans la détermination du nombre de situations d’usagers qu’il se verra confier (King et al., 2004). Les intervenants qui combinent plus d’un rôle professionnel, par exemple, travailleur social et gestionnaire de cas ou travailleur social et superviseur clinique, doivent constamment être alertes au pourcentage de temps qu’ils sont supposés consacrer pour les accomplir (King et al., 2004). Aussi, le nombre de cas et l’affiliation professionnelle ont été considérés pour mesurer leur influence sur le type d’activités (Douville, 1993). Un autre facteur important à prendre en compte est la perception du travailleur social quant à sa performance. Dans une journée de travail, il doit jongler avec plusieurs situations de personnes âgées et effectuer un ensemble d’activités. Les imprévus et le manque de soutien dans la prise de décision représentent des obstacles à la gestion de sa charge de cas (King, 2009). D’ailleurs, dans l’établissement de temps standards explicité au chapitre 3, les imprévus et la fatigue, éléments qui peuvent ralentir le rythme de travail, sont pris en compte (Niebel & Freivalds, 2003). De plus, la performance du réseau de la santé et des services sociaux est également à considérer. Une étude rapporte que la perception des intervenants face à l’efficacité du réseau de services peut entraîner

une modification dans leur offre de services (Fiorentine & Grusky, 1990). Par exemple, si l’intervenant croit que le délai est trop long avant d’avoir accès à des ressources de répit pour les proches aidants, il pourrait alors offrir un suivi psychosocial plus intensif et de l’enseignement pour diminuer le risque d’épuisement.

Au plan organisationnel, des informations sur les effectifs comme le taux d’absentéisme et la rotation du personnel peuvent expliquer le temps passé en formation par le nouveau personnel. Ceci influence la charge de travail des intervenants en place qui compensent pour le manque de ressources (Orme, 1995; Stevens, 2008). Aussi, des éléments tels que le type d’unité, le type de programme-services et le nombre d’intervenants dans l’équipe peuvent influencer le temps d’exécution de certaines activités (Coulton et al., 1985; Douville, 1993; Gathercole & DeMello, 2001). De plus, les lieux physiques et la disponibilité du matériel (ex. : attendre que l’ordinateur soit libre) occasionnent une perte de temps. La zone géographique, de même que certains indicateurs socio-économiques, seraient non négligeables (King et al., 2004). Les temps de déplacement seront plus importants lorsque les établissements sont en milieu rural. Le niveau de pauvreté de la population et la disponibilité des services communautaires peuvent affecter la charge de travail des travailleurs sociaux en entraînant plus de demandes d’évaluation (Gellis, Kim, & Hwang, 2004; Stevens, 2008).

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