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Les facteurs Hes et la voie de signalisation Notch

CHAPITRE 3 : Le facteur de transcription HES6

2) Les facteurs Hes et la voie de signalisation Notch

Les gènes Hes sont étroitement liés à la voie de signalisation Notch. En effet, les facteurs Hes fonctionnent comme les effecteurs nucléaires de la signalisation Notch, en régulant l’activité transcriptionnelle de plusieurs gènes cibles de la voie Notch.

La voie de signalisation Notch est une voie hautement conservée à travers les espèces, et joue un rôle fondamental dans divers processus développementaux chez les vertébrés et les invertébrés tels que le contrôle de la différenciation et du choix du destin cellulaire dans le développement embryonnaire dans plusieurs organes (Schwanbeck et al. 2011). La signalisation est initiée par l’interaction des ligands Jagged ou Delta avec les récepteurs Notch des cellules adjacentes. La voie comprend quatre récepteurs (Notch1-4), et cinq ligands : Dll1, 3, 4 (Delta-like ligands) et Jagged1 et 2 (Jag1-2). La liaison du ligand induit des clivages protéolytiques successifs du récepteur. Le clivage final survient dans le domaine transmembranaire du récepteur et est catalysé par la γ-sécrétase, qui induit la libération du domaine intracellulaire du récepteur Notch, appelé NICD (Notch Intra Cellular Domain), représentant la forme active de Notch. Une fois libéré, NICD est transloqué dans le noyau, où il forme un complexe avec le régulateur transcriptionnel CBF1 (également appelé RBPJ) et le co-activateur MAML. Ces protéines forment un complexe hétérotrimérique qui induit la transcription des gènes cibles de la voie Notch, incluant les répresseurs transcriptionnels de la famille Hes (Lai 2004) (Figure 12). Ce sont les cibles directes de la voie Notch les mieux caractérisées et sont particulièrement connues pour inhiber la neurogénèse. Par exemple, il a été montré que l’expression de HES1 et HES5 durant le développement du cerveau de la souris entraine une inhibition de la différenciation neuronale, indiquant que ces deux facteurs jouent un rôle important dans la maintenance des cellules souches neurales (Ohtsuka et al. 2001). De plus, en l’absence de HES1 et HES5, NICD ne peut pas jouer son rôle dans l’inhibition de la neurogénèse, faisant de ces facteurs les effecteurs essentiels de la voie Notch dans le système nerveux (Ohtsuka 1999).

Dans le développement embryonnaire, il a été montré que la voie Notch peut interagir avec la signalisation YAP/TAZ, qui joue un rôle clé dans le développement du MU, pour contrôler la différenciation cellulaire, le choix du destin cellulaire, l’auto- renouvellement cellulaire et la morphogénèse. Cette interaction peut avoir lieu de deux façons : les co-activateurs YAP/TAZ peuvent réguler la transcription des ligands et récepteurs de la voie Notch, et ainsi réguler l’activation de la voie, et YAP/TAZ et Notch peuvent exercer une co-régulation de leurs cibles directes communes (Totaro et al. 2018).

La voie Notch est également impliquée dans le développement de nombreux cancers, et l’effet d’aberrations de sa signalisation dépend des contextes tissulaire et cellulaire (Koch and Radtke 2010). Dans le mélanome cutané par exemple, l’activation du récepteur Notch1 entraine la prolifération cellulaire et l’invasion dans des modèles de sphéroïdes en trois dimensions (Liu et al. 2006).

59 HES6 quant à lui, diffère de tous les autres membres de la famille Hes car il ne constitue pas une cible de la voie Notch. Nous allons également voir que HES6 n’agit pas de la même façon que les autres Hes dans le développement embryonnaire.

Une étude a montré qu’HES6 est exprimé dans le système nerveux des embryons de souris et de Xénope, mais également dans le cerveau, les muscles squelettiques, le thymus et le pancréas, ainsi que dans l’épithélium olfactif et les yeux à des stades embryonnaires plus tardifs (Koyano-Nakagawa et al. 2000). Cette même étude montre que HES6 entraine la différenciation neurale contrairement à tous les autres gènes Hes qui l’inhibent.

Concernant l’activation de HES6, il est montré dans cette étude que son expression durant la neurogénèse est activée par des protéines proneurales de type bHLH grâce à une boucle de régulation positive, mais pas par la voie Notch, contrairement aux autres facteurs Hes. Une étude réalisée dans le poisson zèbre montre que HES6 peut également être induit par la signalisation FGF (Fibroblast Growth Factor) (Kawamura et al. 2005).

HES6 diffère également des autres membres de la famille Hes de par la taille de la boucle de son domaine de liaison à l’ADN. Il a été montré que la taille de la boucle des protéines bHLH est critique pour la liaison à l’ADN (Winston and Gottesfeld 2000). La boucle de HES6 étant plus courte de quatre ou cinq résidus que les autres Hes, il a été démontré que les dimères HES6 ne peuvent se lier directement aux séquences de régulation E et N, contrairement aux autres facteurs Hes (Bae et al. 2000; Koyano-Nakagawa et al. 2000). Cependant, il a été démontré que HES6 peut hétérodimériser avec d’autres protéines de type bHLH et ainsi se lier à l’ADN (Bae et al. 2000).

HES6 n’est donc pas induit par la voie Notch mais peut interagir avec certains effecteurs de cette voie, tel que HES1. Il a en effet été montré que HES6 peut se lier à HES1 pour inhiber son activité de répresseur, et entrainer ainsi la différentiation neuronale. Comme dit précédemment, HES1 réprime la transcription, soit en se liant directement à la Boîte N de ses gènes cibles, soit grâce à son effet dominant négatif sur les activateurs transcriptionnels bHLH tels que Mash1 et E47. HES6 est capable de supprimer ces deux activités de HES1, et permet à Mash1 et E47 d’activer la transcription en présence de HES1. En inhibant HES1, HES6 peut être impliqué dans la régulation négative de la voie Notch (Bae et al. 2000). Il a été montré dans des cellules embryonnaires de souris, que HES6 pourrait inhiber HES1 par différents mécanismes ; en inhibant l’interaction de HES1 avec ses co- répresseurs transcriptionnels TLE/Groucho, et en favorisant la dégradation protéolytique de HES1 (Gratton et al. 2003). Dans l’embryon de poulet, des régulations négatives entre HES5 et HES6 contrôlent l’activité de la voie Notch durant la neurogénèse (Fior and Henrique 2005).

HES6 joue également un rôle important dans la myogénèse embryonnaire. De façon très générale, il existe des facteurs de transcription de type bHLH qui activent la différenciation des myoblastes, cellules souches responsables de la formation des muscles squelettiques dans l’embryon, tel que le facteur MyoD, et des facteurs bHLH qui empêchent cette différenciation en inhibant MyoD, tel que le facteur MyoR. Il a été montré que HES6 peut dimériser avec un autre membre bHLH pour se lier à la Boîte N de MyoR et ainsi

60 réprimer son expression, menant à l’expression de MyoD et à la myogénèse (Gao et al. 2001). De façon intéressante, il est montré dans cette étude, que dans les myoblastes, HES6 n’antagonise pas HES1, contrairement à son action dans la différenciation neurale, et que la coexpression de HES1 et HES6 peut mener à une répression potentialisée. Cela peut être dû à un effet spécifique de l’hétérodimère HES1-HES6 dans les cellules musculaires, résultant de modifications post-traductionnelles tissu spécifiques de l’un ou des deux membres du dimère. HES6 pourrait donc dimériser avec un partenaire bHLH muscle-spécifique, pour lier la Boîte N, recruter les co-répresseurs TLE, et inhiber la transcription, comme c’est le cas pour MyoR par exemple. De cette façon, les hétérodimères contenant HES6 pourraient coopérer avec les homodimères HES1 pour réprimer la transcription Boîte N-dépendante de façon hautement efficace.

D’autres protéines inhibent l’expression de MyoD tels que les protéines Grg2 et Grg4 de la famille des co-répresseurs Groucho. Grâce à son domaine WRPW, HES6 est capable de se lier aux membres de la famille Groucho pour empêcher leur rôle de répresseur sur MyoD, et ainsi induire la différenciation myogénique (Murai et al. 2007).