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B - Les facteurs ayant facilité le respect des normes

La Cour déplore chaque année une définition restrictive du périmètre des normes et des « facilités » qui réduisent les dépenses sur le champ de la norme « 0 valeur ».

1 - Un périmètre de la norme « 0 valeur » défini de manière restrictive

La définition du périmètre de la norme de dépense par la direction du budget limite la portée du respect de son plafond.

a) La non-prise en compte des décaissements au titre des investissements d’avenir

Les PIA sont constitués de dotations consommables et de dotations non consommables, toutes déposées sur un compte du Trésor.

Seuls les versements aux opérateurs gestionnaires correspondant aux intérêts sur les dotations non consommables sont comptabilisés dans la norme de dépense « 0 volume » (0,69 Md€ en 2014) mais non dans la

En revanche les décaissements effectués par les opérateurs gestionnaires au profit des bénéficiaires finaux (3,31 Md€ en 2014), à partir des dotations consommables ne sont pas pris en compte dans la norme « 0 valeur ». La direction du budget justifie le traitement dérogatoire de ces dépenses par la difficulté à prévoir le montant de ces décaissements avec précision. Pourtant, le rythme de versement de ces dépenses, en général plus lent que prévu, ne ferait pas obstacle à la correcte tenue de la norme de dépense, bien au contraire.

Cette exclusion de la norme de dépense est d’autant plus contestable que les crédits des PIA sont susceptibles de se substituer à des dépenses qui auraient dû être effectuées à partir du budget général de l’État. Cette substitution de crédits peut s’analyser comme autant de débudgétisations qui, dès lors qu’elles sont effectuées en cours de gestion, peuvent compenser les insuffisances de crédits de certaines missions et altérer les conditions de l’exécution budgétaire (infra, chapitre 2). En 2014, les crédits consacrés aux investissements d’avenir se sont élevés à 4,0 Md€ (contre 2 Md€ en 2013).

La prise en compte dans le périmètre de la norme « 0 valeur » des décaissements de dotations consommables du PIA comme des intérêts versés au titre des dotations non consommables ne remettrait en rien en cause le respect des enveloppes initiales des deux PIA, mais elle préserverait les instruments d’encadrement de la dépense de l’État.

Cette recommandation a déjà été formulée par la Cour à l’occasion de l’examen de l’exécution budgétaire de 2010, année de lancement du premier programme. Sa mise en œuvre est devenue d’autant plus nécessaire que le dispositif des investissements d’avenir, dérogatoire aux principes budgétaires d’annualité, d’unité et d’universalité et qualifié d’exceptionnel lors de son lancement en 2010, a été renouvelé en 2014.

b) Les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux correspondent à une dépense d’intervention

La norme « 0 valeur » devrait être élargie à certaines dépenses de la mission Remboursements et dégrèvements, à hauteur de 11,5 Md€.

La Cour recommande en effet depuis plusieurs années que les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux soient considérés comme des dépenses de l’État alors qu’ils sont actuellement déduits des recettes fiscales brutes. Cette déduction n’est pas justifiée : les recettes fiscales brutes concernent uniquement des impôts d’État, il n’y a donc aucune raison d’en déduire des restitutions d’impôts locaux.

Dès lors que les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux seraient traités en dépenses, il serait logique de les inclure dans le champ de la norme « 0 valeur ». Cette inclusion s’inscrirait dans la démarche de maîtrise des contributions de l’État aux collectivités territoriales : le périmètre « 0 valeur » inclut déjà les dotations budgétaires de la mission Relations avec les collectivités territoriales et les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales.

L’impact de l’inclusion dans le champ de la norme « 0 valeur » des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux aurait été négatif, de – 143 M€76.

c) Un élargissement indispensable du périmètre de la norme à certaines dépenses effectuées à partir de comptes spéciaux

Le recours à certains comptes d’affectation spéciale n’est pas ou plus justifié. À défaut de leur clôture, la norme « 0 valeur » devrait, à tout le moins, être élargie à certaines dépenses qui y sont effectuées et ne présentent pas de différence de nature avec celles du budget général.

Les dépenses exécutées à partir des comptes d’affectation spéciale (CAS) sont conditionnées à l’existence d’une recette. Ces mécanismes semblent donc rendre inutile, en théorie, l’inscription des comptes spéciaux dans le champ des normes. Néanmoins, la Cour relève depuis plusieurs années l’existence de dépenses effectuées à partir des CAS qui pourraient tout aussi bien l’être à partir du budget général, et donc être incluses dans le périmètre des normes de dépense.

76Les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ont été de 11 502 M€ en 2014 contre 11 645 M€ en 2013.

L’élargissement de la norme à des dépenses de certains comptes d’affectation spéciale

Certains crédits inscrits sur des CAS pourraient tout aussi bien l’être sur le budget général. Des opérations financées initialement sur les CAS peuvent même être « basculées » en cours de gestion sur des missions du budget général. Par exemple, les CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État et Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien sont concernés au premier chef, pour certaines de leurs dépenses.

Le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État se caractérise en particulier par l’imprécision des critères fixés dans sa charte de gestion pour définir les dépenses éligibles : alors que ses activités sont, selon l’article 60 de la LFI pour 2010, « directement liées à des opérations concourant à une gestion performante du parc immobilier de l’État », il n’est pas rare qu’il serve également de support à d’autres opérations immobilières, voire à des dépenses d’entretien courant.

De plus, comme en 2013, un rétablissement de crédits a permis de mobiliser 125 M€ du CAS pour des dépenses auparavant effectuées à partir du programme 212 - Soutien de la politique de défense.

Le CAS Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien avait permis, en 2013, de soustraire du budget général des dépenses de fonctionnement et d’investissement du ministère de la défense et du ministère de l’intérieur. En 2014, ce CAS a financé des dépenses du programme militaire SYRACUSE pour 16 M€.

De même, la Cour estime que la variation du solde du CAS Pensions doit être intégrée à la norme « 0 valeur ». Elle avait arrêté cette position lorsque le CAS était déficitaire, en 2010, 2011 et 2012, car ce déficit correspondant à une ponction sur la trésorerie du compte, permettait d’alléger la dépense sur le budget général. Par cohérence, le CAS ayant été exécuté avec un excédent de 0,63 Md€ en 2014 (après 0,21 Md€ en 2013), ce montant devrait venir en déduction de la dépense sous norme de l’année.

2 - Des opérations en cours de gestion qui ont allégé la dépense sous norme

Certaines opérations réalisées en cours de gestion facilitent artificiellement le respect des normes de dépenses.

Les changements de périmètre aident au respect de la norme lorsqu’ils ne sont pas neutralisés. La réforme des primes d’apprentissage destinées aux régions en est une illustration flagrante.

Les dotations correspondantes étaient usuellement versées à partir de la mission Travail et emploi du budget général ; en 2014, le CAS

Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage a participé à ce financement à hauteur de 50 M€, réduisant d’autant la dépense dans le périmètre de la norme.

Les rattachements tardifs de fonds de concours peuvent alléger la contrainte de la norme. En effet, leur montant est déduit de l’exécution, sur le périmètre de la norme. Rattacher des fonds de concours tardivement alors que la consommation des crédits ainsi rattachés ne pourra intervenir que l’année suivante revient à abaisser artificiellement l’exécution. Tel est le cas chaque année du fonds de concours du fonds de péréquation adossé à la Caisse de garantie du logement locatif social sur la mission Égalité des territoires, logement et ville (190 M€), rattaché le 31 décembre 2014 alors que sa consommation a été reportée en 2015.

L’inscription contestable en dépenses du CAS Participations financières de l’État, d’une souscription obligataire en faveur de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) pour 50 M€, alors que cette association est en situation structurellement déficitaire, a également facilité la tenue de la norme puisque cette opération aurait dû être portée par le budget général. La situation est identique pour une avance d’actionnaire de 30 M€ au profit de la société nationale Corse Méditerranée, en liquidation judiciaire.

Tableau n° 32 : exemples d’opérations ayant facilité le respect de la norme de dépense (en M€)

Changements de périmètre (réforme de l’apprentissage) 50 Rattachement tardif de fonds de concours (Égalité des territoires) 190 Rétablissement de crédits sur le CAS Immobilier 125

CAS Participations financières de l'État 80

Total 445

Source : Cour des comptes

Ces quelques opérations ont réduit artificiellement la dépense sous norme de 445 M€, soit un montant supérieur à l’écart d’exécution pour 2014 (120 M€).

Outre la définition étroite du champ de la norme « 0 valeur » qui exclut des montants importants de charges de l’État - versements effectués au profit des investissements d’avenir (+2 Md€) et remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (-413 M€) - certaines dépenses ont été repoussées à 2015, tels des versements de l’État à la sécurité sociale, ce qui a conduit à l’augmentation de la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale (+119 M€), ou des reports de charges sur 2015 résultant de la régulation infra-annuelle de la dépense (infra,

chapitre 2). En sens inverse, les budgets rectificatifs de l’Union européenne, adoptés en 2014, diminueront les appels à contribution de la France en 2015.

III - Un pilotage infra-annuel renforcé, des