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4.5 Le mélanome de la choroïde

4.5.3 Mécanismes moléculaires impliqués dans le développement des

4.5.3.1 Facteurs de transcription et modulation d’expression de

MITF est un facteur de transcription b-HLH-LZ qui possède un domaine basique per- mettant la liaison à l’ADN et des domaines hélice-boucle-hélice (HLH)) et crémaillère à leucine (LZ) permettant de former des homo ou des hétéro-dimères (Fig. 4.16). Chez l’homme, il est localisé en position 3p12.3-p14.1 [Tachibana et al., 1994]. Dans les cel-

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lules mélanocytaires, MITF intervient dans la synthèse de la mélanine en activant les gènes tyrosinase, TRP1 et TRP2 [Bertolotto et al., 1998a; Shibahara et al., 2000]. Il est également un gène clé, impliqué dans la maturation des mélanocytes dérivés de la crête neurale, la rétine pigmentaire, les mastocytes dérivées de la moelle osseuse et les ostéoclastes [Steingrímsson et al., 2004]. Ce facteur de transcription est largement exprimé dans les mélanomes cutanés et uvéaux mais son rôle dans la transformation des mélanocytes reste assez flou. Dans les mélanocytes, MITF régule l’expression de nombreux gènes impliqués dans la migration (DAIPH1, MET), la survie (BCL2, MET) ou encore la prolifération (CDK2) [Cheli et al., 2010]. L’extinction de MITF entraîne l’activa- tion d’une voie de réparation à l’ADN entrainant l’activation de p53 nécessaire à l’entrée en sénescence. MITF est donc requis pour prévenir la sénescence et favoriserait la pro- lifération cellulaire des mélanomes [Giuliano et al., 2010]. L’expression et la fonction de MITF peuvent être régulés par différents facteurs de transcription tels que PAX3, CREB ou encore SOX10[Goding, 2000].

FIG. 4.16: Structure de MITF.

MITF est un facteur de transcription à domaine b-HLH-LZ. Les différents domaines qui ont été caractérisés présentent des sites de modification post-transcriptionel.

Figure et légende d’après [Steingrímsson et al., 2004]

MITF peut agir comme un oncogène dans les mélanomes, il est sur-exprimé durant la progression des mélanomes cutanés en association avec la mutation V600E de BRAF [Garraway et al., 2005]. Il a également été montré qu’une diminution de l’expression de MITF pouvait être associé à un comportement métastatique via le contrôle de DIAPH1 [Carreira et al., 2006]. Le niveau de MITF semble critique dans les cellules de mélanomes et doit être maintenu à un niveau intermédiaire. Une sur-expression stimule la différen- ciation alors qu’avec un niveau faible les cellules meurent par apoptose [Wellbrock et al., 2008].

MITF est localisé dans une région perdue dans les MU agressifs (chromosome 3) mais son rôle dans ce mélanome particulier n’est pas clairement établi même si son implication potentielle a déjà été décrite [Mouriaux et al., 2003].

RB, p16, cycline D et le cycle cellulaire

Le cycle cellulaire comprend une succession de quatre étapes qui permet à une cellule mère de se diviser en deux cellules filles. La première phase G1 est la phase de crois- sance ou de biosynthèse cellulaire. Durant cette phase, la cellule a la possibilité de se mettre en G0, phase de quiescence, ou de passer en phase S. La phase S est la phase de réplication de l’ADN pendant laquelle la cellule passe d’un état diploïde (2N) à un état

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tétraploïde (4N). La cellule passe ensuite en phase G2 qui est une phase de préparation à la mitose. Finalement, durant la phase mitotique, la cellule se sépare en deux cellules filles qui chacune se retrouvent en phase G1 d’un nouveau cycle.

Les cellules ont besoin de facteurs mitogènes pour rentrer dans le cycle cellulaire. Les mécanismes de la régulation reposent essentiellement sur deux structures protéiques complémentaires qui sont les Cycline-dependent kinases (Cdk) et les cyclines. Les Cdk sont les composantes de base qui s’associent avec les cyclines pour s’activer et ainsi former des complexes hétéro-dimériques.

La protéine RB (Retinoblastoma) bloque la progression du cycle en G1-S, donc une inactivation de RB entraine une prolifération non régulée. Dans les MU, RB est inac- tivé par hyper-phosphorylation [Loercher et al., 2005; Delston and Harbour, 2006]. Cette hyper-phosphorylation, montrée dans un tiers des MU [van der Velden et al., 2001], peut être due à l’inactivation de p16IN K4A qui est une cible de MITF, ou à une sur-expression

de la cycline D, une cible en aval de la voie MAP kinases, dans les deux tiers des cas [Mouriaux et al., 1998; Brantley and Harbour, 2000; Coupland et al., 2000].

p53 et l’apoptose

Afin d’échapper à l’apoptose et favoriser la survie, il semblerait que les cellules de MU exploitent plusieurs voies de signalisation comme les voies p53 ou BCL2.

La voie de signalisation p53, « le gardien du génome », est mutée dans de nombreux cancers, ne permettant plus la reconnaissance des dommages à l’ADN et donc l’activa- tion des voies apoptotiques. Le gène p53 est rarement décrit muté dans les MU [Ehlers and Harbour, 2006]. L’inhibition fonctionnelle de p53 dans MU pourrait être due à la sur- expression de son inhibiteur HDM2 [Brantley and Harbour, 2000]. Un inhibiteur de HDM2 dans des cellules de MU entraîne une apoptose massive, montrant ainsi l’importance de sa sur-expression dans les cellules de MU pour leur survie [Harbour et al., 2002].

La famille de gènes anti-apoptotique BCL2 peut également jouer un rôle dans les MU. BCL2 est une cible directe de MITF qui est fortement exprimé dans les mélanocytes [McGill et al., 2002]. BCL-xL, un autre membre anti-apoptotique, de la famille BCL2, peut être inactivé par déamidation [Deverman et al., 2002], mais les cellules de MU présentent souvent une incapacité à déamider BCL-xL en réponse aux dommages à l’ADN [Sun et al., 2005].

BAP1

Comme nous l’avons énoncé dans la partie 4.5.2, les mélanomes uvéaux peuvent être discriminés en deux classes selon leur profil d’expression [Onken et al., 2004, 2010]. Les tumeurs de classe 1 présentent un risque plus faible de développer des métastases comparées aux tumeurs de classe 2 qui sont plus agressives et présentent un plus haut risque de décès [Onken et al., 2004, 2005, 2010]. Cependant, les bases génétiques expliquant ce phénomène métastastique restent imprécises.

La monosomie du chromosome 3 étant associée aux tumeurs de mauvais pronos- tique et donc aux tumeurs de classe 2 [Worley et al., 2007], cela suggère que la perte d’une copie de ce chromosome renferme peut-être un ou plusieurs gènes permettant d’expliquer l’apparition de métastases. Harbour et al. ont analysé 31 tumeurs de classe 2 par séquençage nouvelle génération et ont mis en évidence 84% de mutation perte de fonction pour le gène BAP1 (BRCA1 associated protein 1) localisé en 3p21.1 [Har- bour et al., 2010]. BAP1 code une ubiquitine hydrolase localisé dans le noyau et joue

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un rôle clé dans le remodelage de la chromatine en entrainant la déubiquitination de l’histone H2A et HCF1 [Yu et al., 2010]. BAP1 interagit également avec ASXL1 pour for- mer des groupes polycombes et est ainsi impliqué dans la pluripotence des cellules et autres processus de développement [de Ayala Alonso et al., 2007; Scheuermann et al., 2010]. BAP1 est décrit impliqué dans de nombreux cancers comme le poumon, le sein ou encore les carcinomes du reins [Hershko and Ciechanover, 1998; Wilkinson, 2000; Ange- loni, 2007]. BAP1 participe a des complexes protéiques contenant de nombreux facteurs de transcription et participe au contrôle de nombreux gènes impliqués dans différents processus cellulaires [Yu et al., 2010].

Des mutations, délétions ou des réarrangements de BAP1 ont été détectés dans les cancers du poumon et du sein [Buchhagen et al., 1994; Jensen et al., 1998; Mallery et al., 2002; Yu et al., 2010]. Une mutation perte de fonction de BAP1 entraîne l’altération de l’expression de nombreux gènes impliqués dans le cycle cellulaire, la réplication de l’ADN, le métabolisme, la survie ou encore l’apoptose [Yu et al., 2010]. Il s’agit d’un gène suppresseur de tumeurs qui nécessite à la fois une localisation nucléaire et sa fonction de déubiquitination active pour jouer ce rôle [Ventii et al., 2008; Machida et al., 2009]. La présence de si-RNA BAP1 dans la lignée 92.1 de mélanome uvéal montre une diminution de l’expression de gènes tels que ROBO1 (gène de différenciation de la crête neurale), CDH1, C-KIT ou encore SOX10 et EDNRB (gènes de la différenciation mélanocytaire) [Harbour et al., 2010]. D’autres études seront nécessaires pour comprendre le rôle de BAP1 dans les mélanomes uvéaux.