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Génétique Conception

2.4.2 Facteurs de risque chez l’enfant et l’adulte

Facteurs de stress

Certaines études suggèrent une relation entre un niveau de stress élevé et le risque de développer la schizophrénie (56, 57). Le stress intervient autant au cours de la vie intra- utérine, par le stress maternel (58), que sous forme d’événements de la vie de tous les jours. Le stress se présente sous forme d’émotions vécues en famille, sous forme de stress social ou d’anxiété sociale. Des chercheurs ont démontré qu’un faible niveau de stress dans les relations familiales peut avoir un effet protecteur pour la santé mentale des enfants qui sont biologiquement prédisposés à la schizophrénie (59). Il existe également des éléments de preuves indiquant qu’un niveau de stress social ou d’anxiété sociale élevé peut devenir un facteur de risque pour déclencher la schizophrénie (60).

Une étude parue en 2004 suggère une forte association entre un environnement familial sain et la diminution du risque de développer la schizophrénie chez les groupes

génétiquement prédisposés (61). Cette étude a été réalisée chez des bébés adoptés par des mères diagnostiquées avec la schizophrénie et évaluait l’effet de l’interaction entre les facteurs génétiques et environnementaux sur le risque de développer la schizophrénie. Les résultats ont indiqué un risque pour la schizophrénie de OR = 1,11 (IC 95% : 0,37 – 3,39) pour le groupe avec un faible risque génétique et de OR = 10,0 (IC 95% : 3,26 – 30,69) pour le groupe à haut risque génétique. Chez les enfants à haut risque génétique, les auteurs ont remarqué que seulement 5,3% développait la maladie s’ils étaient élevés dans une famille adoptive ayant un environnement familial sain, comparativement à 36,8% s’ils étaient élevés dans un environnement familial dysfonctionnel. Ces résultats supportent donc l’hypothèse d’un modèle de prédisposition héréditaire comme une cause de la schizophrénie dans lequel les facteurs de stress environnementaux ont un impact particulièrement nocif sur les personnes ayant une vulnérabilité génétique.

Faible statut socio-économique (nutrition, éducation, environnement social)

Une étude populationnelle (62) basée sur une cohorte nationale incluant deux générations a démontré une augmentation du risque pour la schizophrénie, ou pour d’autres psychoses, chez les enfants issus des milieux moins favorisés. Leurs résultats suggèrent que l'adversité sociale pendant la vie fœtale ou l'enfance contribue au risque de développer la schizophrénie. Afin d’éviter la confusion entre ce qui pourrait être l'effet de la maladie plutôt que la cause, plusieurs chercheurs étudiaient antérieurement l’association entre la maladie et la classe sociale à la naissance. Certaines de ces études soutiennent la théorie de la dérive sociale (63) et d’autres, l'hypothèse de la causalité sociale (64-66). Pour cette dernière hypothèse, il n’existe pas de consensus entre les études. Par exemple, l’étude de Makikyro et al. (65) a montré une augmentation du risque de développer la schizophrénie chez les personnes avec un statut socio-économique élevé, tandis que l’étude de Timms (63) a démontré une augmentation de ce risque pour les personnes provenant du groupe socio-économique moyen et finalement, d’autres auteurs ont trouvé une augmentation du risque pour la schizophrénie chez les individus de faible classe socio-économique (64, 66).

Il y en a même, comme Mulvany et al. (67), qui ne font aucune association entre la faible classe socio-économique à la naissance et le développement de la schizophrénie. Murray et al. (68) présentent dans leur livre paru en 2003, les résultats concernant les études d’association entre la classe sociale à la naissance et le risque de schizophrénie.

Milieux urbain avant l’âge de 15 ans

Le milieu de vie semble avoir un impact sur le risque de développer la schizophrénie. Des chercheurs ont trouvé une corrélation positive entre la naissance en milieu rural et les conditions de vie qui s’y rattachent, et des taux plus faibles de schizophrénie. Dans le même sens, un certain nombre d'études ont démontré que la maladie est plus répandue dans les milieux urbains que dans les milieux ruraux, mais l’explication demeure toutefois nébuleuse. En général, les études rapportent un risque 2 fois plus élevé de développer la schizophrénie chez les personnes nées en milieu urbain comparativement à celles nées en milieu rural (69-71). Dans l’étude de Pedersen et al. (69), une relation dose-réponse a été proposée entre l’augmentation du risque de développer la maladie et l’intensité du niveau d’urbanisation existant à la naissance. Ils observent également une augmentation du risque de développer la schizophrénie avec le nombre d’années passées dans un milieu présentant un haut niveau d’urbanisation. Plus précisément, les personnes ayant vécu leurs quinze premières années de vie dans des régions avec un niveau élevé d’urbanité avaient 2,75 (IC 95% : 2,31-3,28) fois plus de risque de développer la schizophrénie comparativement à celles n’ayant pas vécu dans des telles régions. Une deuxième étude effectuée par les mêmes auteurs (70) sur une cohorte de 2,66 millions de personnes confirme cette association. Mortensen et al., de leur côté, rapportent un risque de développer la schizophrénie 2,40 (IC 95% : 2,13-2,70) fois plus élevé pour les personnes nées dans en milieu d’intense urbanisation comparativement à celles nées dans des régions rurales.

Dans une étude effectuée sur une cohorte suédoise de près de 50 000 personnes, les individus élevés en milieu urbain avaient 1,65 (IC 95% : 1,19 – 2,28) fois plus de risque de

développer la schizophrénie que ceux élevés dans les zones rurales (72). Cette différence de risque pour la schizophrénie entre les milieux de vie pourrait être expliquée en partie par le fait que dans les zones urbaines il y a plus de pollution, plus de propagation des virus de la grippe ou des infections, une plus forte concentration de personnes immigrantes et un contexte social souvent plus difficile, comparativement aux zones rurales. On estime que les facteurs qui caractérisent les milieux urbains sont plus importants que la prédisposition génétique des personnes. Dans les nouvelles du Dr. Susser parues dans le CMAJ en 2004 (73), citant les propos d’une conférence présentée à New York, on rapporte que 34,6% des cas de schizophrénie auraient pu être évités si les gens étaient nés et élevés en milieu rural, comparativement à seulement 5,4% de cas potentiellement évités si les gens n'avaient pas eu de parents, de frères ou de sœurs souffrant de cette maladie.

L’association entre le milieu urbain et le risque de développer la schizophrénie a été aussi confirmée par les résultats de l’étude faite par Sundquist et al. (74). Après l’ajustement pour l'âge, l'état matrimonial, l'éducation et le statut d'immigrant, un niveau élevé d'urbanisation a été associé avec l’augmentation du taux d'incidence de la schizophrénie. Donc, les personnes vivant dans les zones les plus peuplées (5-ième quintile) avaient 68% à 77% (pour les femmes : HR = 1,68; IC 95% : 1,49 – 1,88 et pour les hommes, HR = 1,77; IC 95% : 1,55 – 1,98) plus de risque de développer une psychose, par rapport au groupe de référence (1-er quintile), et ceci peu importe le sexe. Dans la même cohorte, les deux premiers auteurs de cette étude ont démontré qu’un niveau d’urbanisation élevé est associé avec l’augmentation du risque d’hospitalisation pour abus d’alcool et de substances illicites (75). Après avoir été ajusté pour les mêmes caractéristiques sociodémographiques (l'âge, l'état matrimonial, l'éducation et le statut d'immigrant), le taux d'hospitalisation pour abus d'alcool était de 1,76 fois plus élevé (IC 95% : 1,58-1,96) chez les femmes et 1,71 fois plus élevé (IC 95% : 1,60-1,82) chez les hommes vivant dans les zones densément peuplées (5-ième quintile), par rapport aux personnes vivant dans des zones moins peuplées (1-er quintile). Les taux correspondants pour l’abus de drogues

étaient de 1,89 (IC 95% : 1,67 – 2,15) pour les femmes et de 2,38 (IC 95% : 2,12 – 2,67) pour les hommes.

Étant donné qu’une forte proportion d’individus souffrant de maladie mentale, incluant la schizophrénie, consomment des substances illicites et abusent de l’alcool, on s’attend inévitablement à retrouver une forte corrélation entre les deux. Il est donc difficile de départager la cause de la schizophrénie de l’effet de la maladie. De plus, une autre étude a déjà démontré que la variation entre les milieux ruraux et urbains est expliquée en grande partie par la qualité des réseaux sociaux, l’abus d'alcool ou l'expérience d’abus sexuel au cours de l’enfance (76).

Plusieurs autres études ont toutefois confirmé ou infirmé cette association (76-79). Notamment, l’étude de Paykel et al. (78) qui a démontré qu’il existe des différences considérables en matière de santé mentale entre les deux milieux de vie, mais qu’une grande partie d’entre elles peuvent être attribuées aux effets néfastes de l’environnement social urbain.

Consommation de substances illicites ou abus d’alcool

Près de la moitié des personnes souffrant de schizophrénie présentent également des antécédents de consommation de substances illicites ou d’abus d’alcool (80-82). Dans le Tableau 1, on y présente les taux de prévalence d’abus de substances illicites et licites (alcool et tabac) chez les personnes qui souffrent de schizophrénie et dans la population générale, tels que publiés par Volkow en 2009 (82).

Tableau 1 : Prévalence de l’abus de substances illicites et d’alcool

Abus de substances Personnes atteintes de schizophrénie

Population générale adulte

Taux d’usage rapporté Code DSM-IV rapporté Taux d’usage rapporté Code DSM-IV rapporté Nicotine 60% - 90% 28,5% 25,9% 12,8% Cannabis 17% - 80,3% 50,8% 5,8% - 16,4% 0,5% Alcool 21% - 86 % 43,1% - 65% 2,9% - 17,9% 5,1% Cocaïne - 23% 0,7% - 1,7% 0,09%

Il est bien connu que la consommation de substances illicites peut provoquer des psychoses, mais il est moins clair qu’elle constitue un facteur de risque pour la schizophrénie. Plusieurs auteurs se sont penchés sur cette question et la preuve la plus évidente provient de l’étude effectuée par Andreasson et al. (83). Dans cette étude, l’association entre le niveau de consommation de cannabis et le développement de la schizophrénie a été étudiée sur une cohorte d’approximativement 45 000 sujets suédois, suivis pour un maximum de 15 ans. Le risque relatif de schizophrénie chez les forts consommateurs de cannabis (usage de cannabis à plus de 15 occasions) était de OR = 6,0 (IC 95% : 4,0-8,9), par rapport aux non-utilisateurs. La consommation de cannabis semble être un facteur de risque indépendant pour la schizophrénie, car cette association reste significative même après l'ajustement pour d’autres troubles psychiatriques et pour le milieu social. Comme il a été spécifié antérieurement, il est difficile d’identifier avec certitude la cause de la schizophrénie de l’effet de la schizophrénie, car l’interprétation inverse pour la consommation de cannabis est aussi plausible. Ainsi, les personnes prédisposées pour la schizophrénie sont plus à risque de consommer ces substances. Cette

association inverse est d’autant plus plausible quant on regarde les résultats de l’étude de Jones et Cannon (84). Ceux-ci ont observé que les taux de prévalence et les taux d’incidence de la schizophrénie n’ont pas suivi la tendance croissante observée pour la consommation de cannabis dans les trois dernières décennies.