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Génétique Conception

2.9 Coût de la schizophrénie

La schizophrénie est la plus coûteuse des maladies mentales. Au Canada en 2004, le coût direct des soins de santé et autres a été estimé à 2,02 milliards $ et, respectivement, à 4,83 milliards $ pour la perte de productivité associée à la morbidité et à la mortalité prématurée des patients atteints de schizophrénie (1). Les coûts directs étaient distribués comme suit : 61,1% en coûts d’hospitalisation, 16,8% en soins de longue durée, 7,4% en coûts de médicaments et le reste en coûts médicaux reliés aux incarcérations ou reliés aux suicides et tentatives de suicide.

Même si le pourcentage des personnes atteintes de schizophrénie dans une population générale est d’environ seulement 1%, le coût direct de la schizophrénie est très élevé et estimé entre 1,5% et 3,5% du total des dépenses nationales en santé (1, 190, 191). Au Canada, ce pourcentage est de 1,7% (1). De plus, le coût indirect en perte de productivité, due à la mortalité et la morbidité associées à la schizophrénie, a été estimé 4 fois plus élevé que le coût direct de la schizophrénie (191).

Une étude moins récente montrait qu’en 1996 au Canada, le coût direct des soins de santé et autres soins s’élevait à 1,12 milliards $ et que le coût relatif à la perte de productivité était légèrement supérieur, soit estimé à 1,23 milliards $. Les différences

observées dans l’estimation des coûts de la schizophrénie faites en 2004 par le même principal auteur (1), peuvent être expliquées par l’augmentation dans le temps des coûts des programmes et services offerts au Canada, mais aussi par le taux de non-emploi dans la population souffrant de schizophrénie qui a été assumé 4 fois plus élevé en 2004 par rapport à 1996.

À l’international, les estimés des coûts directs de la schizophrénie démontrent des résultats similaires à ceux du Canada quant à la proportion du total des dépenses nationales en santé consacrée aux personnes souffrant de schizophrénie (moyenne de 2,1% [IC 95% : 1,5% - 3%], médiane de 2%). Toutefois, une plus grande variation est observée au niveau des coûts absolus (190-196). Cette situation est tout à fait raisonnable, considérant qu’il subsiste des différences entre les pays pour la prévalence et l’incidence observées, l’accès aux programmes et services et pour les coûts engendrés par le système de santé en général.

Il est important de spécifier que le coût des hospitalisations constitue une grande proportion du coût direct et il est estimé entre 28% et 93% (moyenne de 60% et médiane de 62%) dans la plupart des études évaluant le coût de la schizophrénie (191).

Une étude effectuée en Grande Bretagne établit une corrélation entre l’évolution de la maladie et le coût de la maladie dans les cinq premières années suivant le diagnostic de schizophrénie (197). Dans cette période de cinq ans, les auteurs estiment un coût sociétal moyen par personne de 114 988 £ et démontrent une augmentation du coût pour les personnes avec un pronostic moins favorable. Ainsi, ils estiment que les personnes qui guérissent après un premier épisode de schizophrénie coûtent en moyenne 5 596 £, par rapport à 249 756 £ pour une personne qui présente la pire évolution de la maladie.

Tel qu’exposé dans les sous-sections 2.7 et 2.8, l’évolution de la maladie est influencée par différents facteurs qui ont été associé avec l’augmentation du risque de mauvais pronostic ou de décès. La littérature demeure néanmoins limitée quant à l’impact

de ces facteurs sur le coût de la schizophrénie. Par contre, des études ont déjà démontré que l’inobservance aux traitements antipsychotiques augmente la probabilité de rechute et qu’elle contribue de manière significative à l’augmentation des coûts. Weiden et Olfson ont estimé que l’inobservance aux traitements représente environ 40% des coûts de ré- hospitalisation dans les deux années suivant la fin d’un traitement en milieu hospitalier (198). Une autre étude plus récente a démontré une augmentation du coût moyen annuel d’environ 2 500 £ pour le coût des hospitalisations et une augmentation de 5 000 £ pour le coût total des soins de santé, respectivement, qui peuvent être attribuables à l’inobservance aux traitements antipsychotiques (199).

2.10 Résumé

La schizophrénie est une maladie du cerveau qui affecte la pensée, les sentiments et les émotions, tout comme les perceptions et les comportements des personnes qui en sont atteintes. Elle est un trouble mental grave, chronique et très complexe, qui frappe des individus de partout dans le monde, de toutes les races, de toutes les cultures et de toutes les classes sociales. La schizophrénie n'est pas considérée comme une maladie rare, car à l'échelle mondiale, elle touche 1 % de la population. Elle survient chez les jeunes à la fin de l'adolescence ou au début de la vie adulte, habituellement entre 15 et 30 ans, et pour cette raison son impact sur l’évolution vers une vie d’adulte indépendant est très important.

Les causes de la schizophrénie sont encore inconnues, mais elle semble être le résultat d’une combinaison de facteurs, mettant en cause une certaine vulnérabilité génétique et des facteurs propres à l’environnement. Présentement, il n’existe pas de traitements pour guérir la maladie, mais plusieurs traitements sont efficaces pour diminuer les symptômes de la schizophrénie, tels que les antipsychotiques. De plus, un traitement précoce est crucial, car il augmente les chances d’un rétablissement complet ou quasi complet. Un traitement pharmacologique combiné à la psychothérapie, à une formation

axée sur les compétences, à un soutien à la famille et à l’éducation est essentiel pour augmenter les chances d’un meilleur pronostic dans l’évolution de la schizophrénie. Pour éviter les rechutes, il est important de suivre le traitement prescrit et de recevoir un soutien psychosocial adéquat. Malheureusement, les traitements existants ne sont pas efficaces pour tous les patients atteints de schizophrénie. Ainsi, il demeure une forte proportion des gens pour lesquels les symptômes de la schizophrénie sont peu ou pas améliorés, ou même empirés.

Donc, l’évolution de la maladie est très variable d’une personne à l’autre, potentiellement explicable par différents facteurs tels que les caractéristiques individuelles (cliniques, génétiques et environnementales), l'histoire personnelle de schizophrénie, ainsi que l’inobservance ou la non-persistance aux traitements antipsychotiques. Dans ce chapitre, nous avons présenté les données disponibles dans la littérature en ce qui concerne les facteurs trouvés en association avec le risque de développer la schizophrénie, les facteurs trouvés en association avec l’évolution de la maladie et avec le risque d’avoir un pronostic moins favorable ou le risque de décès, respectivement.

Présentement, la recherche en santé mentale est en plein essor particulièrement dans le développement des médicaments issus de la pharmacogénomique. Ces nouveaux traitements apporteront potentiellement une meilleure efficacité, mais aussi des coûts supplémentaires. Donc, les évaluations pharmacoéconomiques joueront un rôle croissant dans le processus de prise de décisions actuel. Malheureusement, les modèles utilisés dans les évaluations pharmacoéconomiques actuelles sont des modèles d’arbre de décision ou des modèles de Markov, basés sur des cohortes homogènes des personnes, avec des probabilités de transitions identiques pour toutes les personnes et ils sont principalement dérivés des essais cliniques. De façon générale, les essais cliniques ne peuvent pas répondre adéquatement à la modélisation de l’évolution de la schizophrénie à long terme dû aux courtes durées de suivi, aux faibles tailles d’échantillons et aux populations hautement sélectionnées.

Dans un but d'évaluation des coûts et des avantages relatifs aux nouveaux traitements pour le contexte canadien, il est donc important de construire des modèles qui tiendront compte de la variabilité du cours naturel de la schizophrénie. Cette démarche implique aussi de tenir compte des facteurs prédicteurs de l’évolution de la maladie à long terme. Ces modèles permettront une meilleure prédiction de l'évolution d’une maladie aussi complexe que la schizophrénie, et ceci dans un contexte réel. Quant aux facteurs prédicteurs de l’évolution de la schizophrénie, malgré le grand nombre de publications sur les facteurs de risque associés au décès prématuré des patients souffrant de schizophrénie, on connaît peu les facteurs de risque associés à l’évolution de la schizophrénie, autres que les facteurs socio-économiques. Pour ces derniers toutefois, il demeure difficile de savoir s’ils sont les conséquences de la maladie ou des facteurs indépendants de l'association. Il est donc nécessaire d’identifier dans un contexte réel d’autres facteurs de risque pouvant aider à prédire l’évolution à long terme de la schizophrénie.

Il est essentiel que les modèles simulant l’évolution de la schizophrénie à long terme soient validés, tant au niveau interne qu’externe, avant d’être utilisés dans les évaluations pharmacoéconomiques. Cette validation assurera aux décideurs de la qualité des évaluations faites à partir de ces modèles. Donc, le modèle que nous proposons de développer en tenant compte des facteurs de risque identifiés, est un modèle de Markov avec microsimulations de Monte-Carlo, qui sera validé et ensuite utilisé pour des évaluations pharmacoéconomiques. Le modèle offre une structure flexible pour la modélisation de la schizophrénie basée sur les antécédents du patient, qui affectent le cours de la maladie au fil du temps. En outre, le modèle de Markov avec microsimulations de Monte-Carlo est un modèle avec mémoire, qui permet la modélisation d’un niveau de variabilité élevé. Cet aspect du modèle est donc très bien adapté pour une maladie aussi complexe que la schizophrénie.

Le présent programme de recherche est construit principalement à partir des bases de données administratives du Québec. Il propose premièrement, l’identification des

facteurs prédicteurs de l’évolution de la maladie dans une cohorte des patients nouvellement diagnostiqués pour la schizophrénie. Deuxièmement, il propose de développer et valider un modèle qui prédira l’évolution de la schizophrénie à long terme en tenant compte des facteurs prédictifs, qui pourra ensuite être utilisé pour estimer le coût de la schizophrénie et pour les évaluations pharmacoéconomiques des nouveaux traitements de la schizophrénie.