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CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

1.3. Le développement de l’enfant adopté

1.3.3. Facteurs de risque liés au développement de l’enfant adopté

1.3.3.4. Facteurs post-adoptifs

La structure du milieu adoptif peut influencer le développement de l’enfant adopté. En ce sens, les résultats d’une étude américaine menée auprès de 1587 enfants adoptés et 85 578 enfants non adoptés mettent en évidence l’effet modérateur de la structure familial sur le développement de l’enfant adopté (Miller, Fan, Christensen, Grotevant, & Dulmen, 2000) : l’écart entre les enfants adoptés et les enfants non adoptés, en ce qui a trait aux problèmes de comportements et aux difficultés scolaires, est plus marqué dans les familles monoparentales que dans les familles biparentales. À l’inverse, une autre étude n’observe aucune différence sur le plan du bien-être et du développement entre les enfants selon qu’ils évoluent dans une famille adoptive, une famille monoparentale, une famille biparentale, une famille recomposée avec le père biologique ou une famille recomposée avec la mère biologique (Lansford et al., 2001). De même, aucune différence n’est rapportée entre les filles chinoises en famille

monoparentale (n=144) et celles vivant dans une famille biparentale (n=509), et ce, autant en ce qui a trait aux problèmes externalisés, qu’internalisés à l’âge préscolaire (1,5 à 5 ans) et scolaire (6 à 11 ans) (Tan, 2004). Ainsi, l’influence de la structure familiale sur le développement de l’enfant adopté demeure à l’heure actuelle encore débattue.

Les études obtiennent aussi des résultats contradictoires quant à l’influence sur le développement de l’enfant adopté de la présence dans la famille d’autres enfants biologiques ou adoptifs. Alors que plusieurs études n’observent peu ou pas de différences (Brodzinsky, 1993; O'Brien & Zamostny, 2003), une étude constate que, parmi les enfants adoptés à la naissance, ceux qui manifestent des difficultés sont plus nombreux à évoluer dans des familles adoptantes où on retrouve aussi des enfants biologiques (Howe, 1997). Ce constat n’a toutefois pas été répliqué avec les deux autres groupes d’enfants présents dans l’étude soit les enfants adoptés tardivement ayant connu peu d’expériences adverses et ceux adoptés tardivement ayant connu beaucoup d’expériences adverses.

Caractéristiques des parents adoptifs

Certains auteurs ont postulé que la surreprésentation des enfants adoptés dans les milieux cliniques s’expliquait par les caractéristiques personnelles des parents adoptants (Hauggard, 1998; Miller et al., 2000; Warren, 1992). Selon eux, les parents adoptifs seraient moins tolérants face aux problèmes de comportement manifestés par leur enfant et donc plus susceptibles de rechercher une aide professionnelle même lorsque les problèmes sont mineurs (Peters, 1999; Warren, 1992). Une autre hypothèse formulée est que les difficultés de l’enfant sont perçues par les parents adoptifs comme étant une sérieuse menace à l’intégrité et à l’identité de la famille (Peters, 1999; Warren, 1992). Les relations familiales très fragiles et le stigma social associé à l’adoption poussent les parents à référer leur enfant plus rapidement à des services psychiatriques ou psychologiques Par ailleurs, certains soutiennent que les parents adoptifs ont été habitués à utiliser les ressources et les services disponibles durant le processus d’adoption, et que cette habitude les amène à consulter plus rapidement pour les problèmes de leur(s) enfant(s) (Brodzinsky, 1993; Hauggard, 1998). Étant donné que les

parents adoptifs ont plus de revenus et un plus grand niveau d’éducation que les parents d’enfants non adoptés (Fergusson et al., 1995; Maughan et al., 1998; Miller et al., 2000; Wierzbicki, 1993), ils disposent de davantage de ressources pour aller chercher de l’aide et ce, même pour des problèmes mineurs.

Qualité de l’environnement familial et stratégies éducatives

Plusieurs études soulignent l’importance de la qualité de l’environnement familial sur le développement des enfants, notamment lorsqu’ils présentent un risque génétique. Les résultats d’une étude longitudinale américaine Early Growth and Development Study, menée auprès de 361 familles adoptives, démontrent que la présence de problèmes de santé mentale chez les parents adoptifs (anxiété / dépression) est associée à une plus grande irritabilité de l’enfant à 18 mois (Natsuaki et al., 2010), davantage de problèmes de comportements à 27 mois (Pemberton et al., 2010) et de comportements externalisés durant l’enfance (Kerr et al., 2013). Par ailleurs, les résultats de cette étude démontrent que la présence d’un risque génétique est associée à une plus grande intolérance à la frustration à 9 mois seulement lorsque la mère adoptive présente des symptômes dépressifs (Leve et al., 2010) et que la sensibilité de la mère adoptive à 9 mois joue un rôle modérateur dans l’association entre le risque génétique et l’irritabilité de l’enfant à 18 mois (Natsuaki et al., 2010). Ainsi, ces quelques résultats soutiennent l’hypothèse que la qualité de l’environnement familial peut jouer un rôle protecteur en présence d’un risque génétique chez l’enfant adopté.

La qualité de la relation que l’enfant adopté développe avec son parent joue aussi un rôle important sur le développement de l’enfant. Une étude longitudinale, menée auprès de 160 enfants, démontre que la qualité du lien d’attachement parent-enfant durant la petite enfance (5-30 mois) est associée à un meilleur développement psychosocial à l’âge scolaire (Stams, Juffer, & Van IJzendoorn, 2002) et indirectement à un meilleur développement à l’adolescence (Jaffari-Bimmel, Juffer, Bakermans- Kranenburg, & Mooijaart, 2006). Les résultats d’une autre étude menée auprès de 701 adolescents adoptés rapportent que les enfants adoptés qui ont une bonne relation avec

leurs parents adoptifs sont moins sujets à être suspendus de l’école, à avoir des démêlés avec la justice ou à consommer des drogues illicites (Whitten & Weaver, 2010).

D’autre part, les pratiques éducatives des parents adoptifs ont aussi fait l’objet d’une attention particulière. Les résultats d’une étude comparant le développement de 50 enfants adoptés à l’international et de 50 enfants adoptés localement mettent en évidence que les parents adoptant à l’international utilisent davantage les techniques de résolution de problèmes, prennent davantage soins des enfants et ont des pratiques plus intrusives, surprotectrices et contrôlantes ; ces différences n’ont toutefois pas d’impact significatif sur le développement cognitif, scolaire et affectif des enfants adoptés (Levy-Shiff et al., 1997). Une autre étude menée auprès de 133 filles adoptées obtient des résultats comparables à ceux rapportés en population générale : l’usage de pratiques éducatives autoritaires et coercitives sont associées à davantage de problèmes de comportements (Tan, Camras, Deng, Zhang, & Lu, 2012). Ainsi, les données actuelles montrent qu’en regard des pratiques éducatives, les mêmes constats que ceux observés en population générale s’appliquent aux enfants adoptés.

En conclusion, les recherches des dernières années ont permis d’identifier plusieurs facteurs qui influencent le développement affectif et comportemental de l’enfant adopté, allant de son histoire familiale aux caractéristiques de son milieu adoptif. Toutefois, la plupart des études répertoriées [voir annexe 2] contrôlaient pour la majorité des facteurs identifiés, nommément l’âge et le sexe de l’enfant adopté, l’âge et le nombre d’années d’éducation des parents, la taille de la famille et le statut socio-économique, ainsi que plusieurs facteurs périnataux tels que le poids à la naissance, la durée de gestation, le suivi médical et l’exposition prénatale aux substances. Ainsi, malgré le contrôle de nombreux facteurs de risque associés au développement de l’enfant adopté, il persiste des écarts entre les enfants adoptés et les enfants non adoptés sur les échelles de problèmes de comportement. Plus spécifiquement, un sous-groupe d’enfants adoptés semble connaître beaucoup plus de difficultés que les autres (Brand & Brinich, 1999; Hauggard, 1998; Sharma et al., 1998). Certains cliniciens postulent que ces difficultés chez l’enfant adopté découlent de la perte de contacts avec ses origines (Lifton, 2002; Verrier, 2004). Selon

Grotevant (1997a), l’enfant adopté doit tenter de donner un sens à son adoption, c’est- à-dire créer un sentiment de continuité avec son passé, son présent et son futur. Ce processus est complexe et dépend de la façon dont l’enfant adopté évolue au sein de son réseau familial et social.