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CHAPITRE VI- EXAMEN DE L’OFFRE INSTITUTIONNELLE ET DE LA DEMANDE

6.2 Les facilitateurs de participation

Bien sûr, tout n’est pas noir en ce qui concerne le processus de participation de la Ville de Gatineau. Les entrevues ont permis de tirer quelques éléments bien appréciés des différents acteurs et qui selon eux, contribueraient à améliorer le processus de participation et ainsi, les réconcilier avec celui-ci. Selon les participants aux entretiens semi-dirigés, ces facilitateurs de participation auraient un impact positif sur leur contribution aux questions d’aménagement du territoire et d’urbanisme.

6.2.1 Le rôle déterminant joué par les agents de développement des communautés

Tel que mentionné, les associations de résidents partenaires de la Ville ont accès à une ressource municipale, soit un agent de développement des communautés ou agent de développement loisirs issus du Service des Loisirs, des Sports et du Développement des communautés (SLSDC). Selon le Bilan 2013-2015 de la Politique de développement social (Ville de Gatineau, 2015a), le soutien des agents de développement des communautés aux associations apporte de nombreuses retombées et permet notamment :

de mieux appuyer et de contribuer à la création et à la remobilisation d’un certain nombre d’organismes et d’associations, notamment en soutenant les administrateurs des organisations, de favoriser une meilleure synergie des actions entre les organismes et de structurer la mobilisation dans les quartiers; de favoriser le développement d’un regard spécifique sur les quartiers avec leurs besoins particuliers plutôt qu’une intervention mur à mur sur l’ensemble du territoire de la ville; d’accompagner les organismes vers les autres services municipaux au besoin, jouant en quelque sorte un rôle de guichet unique vers les ressources, et réciproquement de soutenir les intervenants municipaux dans leurs relations avec les organisations; d’interpeller les autres bailleurs de fonds pour un financement mieux harmonisé; de développer des liens de confiance dans les diverses relations entre les organisations et la Ville (p.2).

Les agents de développement employés par la Ville sont certainement la ressource la plus appréciée des associations de résidents gatinoises. La nature des relations entre les associations de résidents et les agents de développement, que ceux-ci soient en loisirs ou en développement des communautés, est loin d’être superficielle. Bien plus que des interactions axées sur le modèle questions-réponses, les liens qu’entretiennent les associations de résidents et les agents qui leur sont respectivement attribués par la Ville de Gatineau sont fondés sur la confiance et la camaraderie. Par contre, les agents de développement des communautés n’ont aucune formation en urbanisme, en aménagement ou en planification territoriale, ce qui rend leurs interventions plus difficiles à ce sujet. Ils sont les employés municipaux qui entretiennent le lien le plus étroit avec les associations de résidents, mais ils n’arrivent pas à répondre à leurs attentes en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme, car ils n’ont pas assez de connaissances pour les guider (FM2). Une agente de développement indique que son manque de connaissances à ce niveau rend son accompagnement plus ardu : «Je suis l’agente de développement, mais quand ça vient au niveau des questions d’urbanisme, je n’ai pas l’expertise, mais c’est moi qui est près de l’association. Alors des fois cela devient difficile de travailler avec toute cette administration municipale et de savoir où je vais chercher l’information et à qui je vais parler, comment je m’assure d’à qui je dois parler et à qui je dois m’adresser pour m’assurer que ces questions soient prises en compte?» (FM2). Les agents de développement de communautés sont en quelque sorte démunis devant de telles questions, car ils ne possèdent pas les connaissances requises et ne savent pas vers qui orienter les associations de résidents qui désirent s’impliquer concrètement au niveau de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Les agents de développement des communautés sont les seules ressources municipales affiliées directement aux associations de résidents. Les services de l’Urbanisme et du développement

durable ainsi que celui de la planification stratégique n’ont aucun lien suivi et permanent avec les associations de résidents. Encore une fois, cette absence de contacts entre la société civile et les professionnels de la participation publique et de l’aménagement du territoire trahit-elle les réelles attentes de la Ville de Gatineau quant au rôle des associations de résidents? En effet, l’absence d’une affectation d’un employé du SUDD aux associations de résidents pourrait témoigner d’un certain désintérêt de la Ville de Gatineau d’intégrer réellement les associations de résidents aux décisions prises en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme.

Au point de vue du développement des communautés, les agents de développement deviennent les références premières des associations de résidents et ces dernières n’hésitent pas à contacter leur agent pour discuter de nouveaux projets ou pour exprimer une préoccupation. Le mandat des agents de développement des communautés s’apparente beaucoup à la définition de Bourque (2012) sur les intervenants communautaires, qu’il qualifie d’une «profession du développement» (p.49). Les professions reliées à l’intervention communautaire «[s’exercent] sur un même territoire de proximité dans le but de soutenir des projets favorisant des rapports de coopération, de concertation ou de partenariat entre les acteurs locaux» (Bourque, 2012, p.49). Certes, les agents de développement qui accompagnent les associations de résidents ont des connaissances procédurales, mais ils manquent de connaissances théoriques et pratiques sur l’aménagement du territoire. Le fait que le préalable requis pour postuler pour cet emploi soit des études en travail social reflète peut-être les attentes qu’entretient l’administration municipale à leur égard et au type d’accompagnement que la Ville veut privilégier.

Les agents de développement des communautés se révèlent une ressource extrêmement précieuse pour accompagner des citoyens qui désirent fonder une association de résidents dans leur quartier ou guider les élus qui désirent en mettre une sur pied dans leur district.

Leur accompagnement est surtout administratif dans la mesure où les agents aident les citoyens à structurer l’organisme, à aller chercher les lettres patentes, à rédiger les règlements généraux, à organiser et à publiciser l’assemblée générale de fondation, etc. Par la suite, ils expliquent au groupe quelles sont les démarches à entamer afin d’être reconnu comme un partenaire de la Ville et ainsi bénéficier des programmes de soutien.

Les agents de développement des communautés semblent parvenir à redorer l’image de la Ville auprès des associations de résidents, car ceux-ci se montrent disponibles pour aider les associations pour une multitude de dossiers, notamment l’appui aux associations qui désirent faire des consultations et promouvoir les résultats auprès des services municipaux. La disponibilité, la rigueur et le professionnalisme dont font preuve les agents de développement seraient donc des éléments susceptibles de redonner confiance en l’administration municipale. Par contre, lors des entretiens semi-dirigés, à aucun moment les représentants des associations de résidents n’ont établi de lien clair entre le rôle des agents de développement des communautés et leur contribution aux questions d’aménagement du territoire et d’urbanisme. En effet, quand il était question d’aménagement du territoire, les représentants d’associations de résidents faisaient immédiatement référence aux mécanismes de consultation et de participation de la Ville de Gatineau ou de leurs liens avec l’élu municipal.

Les questions reliées au rôle des agents de développement des communautés vis-à-vis l’association étaient traitées en vase clos, comme s’il n’y avait aucune correspondance entre le rôle de l’agent et l’implication des associations dans les enjeux d’aménagement du territoire et d’urbanisme.

6.2.2 Les cadres de soutien pour les associations de résidents

Les entretiens avec les représentants d’associations de résidents ont démontré que le soutien de la Ville aux associations de résidents est très apprécié, notamment les soutiens financier et matériel. Ces cadres de soutien démontrent que la Ville reconnaît l’importance des associations de résidents en matière de développement social. Selon Poquet (2001), le soutien à la vie associative «témoigne d’un consensus pour considérer les associations comme des partenaires à part entière […], porteurs de lien social et de solidarité. […] (p.34).

L’embauche d’agents de développement des communautés et l’octroi de fonds publics pour stimuler la participation communautaire à l’échelle des quartiers sont certainement des facilitateurs pour les associations de résidents. Ils témoignent aussi de la volonté de la Ville de Gatineau d’avoir des regroupements citoyens sur son territoire. Selon les élus et les fonctionnaires, l’administration municipale compte sur les associations de résidents pour animer la vie de quartier et organiser des fêtes à caractère social qui sont susceptibles de créer

un sentiment d’appartenance et une identité forte. La définition d’une association de résidents selon la Ville est plutôt éloquente : « organismes d’action communautaire dont la mission est étroitement liée à la vie de quartier ou s’y apparentant fortement et qui ont un impact significatif dans leur milieu» (Ville de Gatineau, 2010a). Or, l’offre institutionnelle de participation semble plutôt restreinte et remettrait en question le statut de partenaire «à part entière» des associations, surtout en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme. En effet, tel que mentionné plus haut, les agents de développement des communautés n’ont que très peu de connaissances urbanistiques et il n’y a pratiquement aucun lien direct entre les associations des résidents et le Service d’urbanisme et de développement durable. L’examen des différentes sources de collecte de données semble confirmer que la Ville a une vision strictement communautaire en ce qui concerne les associations de résidents et qu’elle n’a que très peu d’intérêt à les intégrer au débat public en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme.