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CHAPITRE V- LE POSITIONNEMENT DES ASSOCIATIONS DE RÉSIDENTS

5.1 Quatre grands dilemmes des associations de résidents

5.1.3 Entre efficacité et représentativité

L’enquête de terrain a démontré que les associations de résidents sont de réels points d’ancrage dans plusieurs coins de la ville de Gatineau. Elles ont généralement une vue d’ensemble de leur quartier et connaissent bien les enjeux qui préoccupent les citoyens. Ces enjeux sont de natures diverses : sécurité dans les rues, circulation automobile, affichage commercial ou résidentiel, transports actifs et collectifs, vandalisme, vie communautaire, etc.

Bien qu’elles soient des mines d’or d’information pour l’administration municipale ou les élus, les associations de résidents ne sont toutefois pas représentatives de la réalité

sociodémographique du milieu. En effet, les jeunes familles ainsi que les personnes âgées seraient plus difficiles à rejoindre et donc, ne rejoindraient pas les conseils d’administration des associations de résidents (AR2). Les observations sur le terrain appuient ce fait et ont aussi démontré une certaine homogénéité dans la composition des conseils d’administration.

En effet, les jeunes et les personnes âgées de même que les minorités ethniques et linguistiques sont largement sous-représentées.

Selon un représentant d’une association de résidents, ceux qui s’impliquent sont en quelque sorte «la petite élite locale» (AR3). Le contexte gatinois est particulier dans la mesure où le premier employeur est le gouvernement fédéral. Cela se reflète dans la composition des conseils d’administration, dont une grande partie est d’anciens fonctionnaires fédéraux nouvellement retraités.

Selon une représentante d’une association de résidents, tous les efforts pouvant être déployés pour attirer les résidents et rechercher la plus grande représentativité possible sont faits :

des invitations sont lancées personnellement à chaque porte du quartier et la date et lieu [de l’assemblée générale annuelle] sont indiqués longtemps d'avance. […] Les personnes ayant quelque chose à dire ou demander vont très souvent choisir l'AGA pour le faire, ils auront donc le loisir de rallier des gens à leur idée. D'autre part, nous habitons le quartier et nous y intervenons fréquemment, nous rencontrons les citoyens qui assistent aux activités entre 6 et 10 fois l'an. Nous offrons une gamme d'activités:

sportives, sociales, pour enfants, pour familles, pour du bénévolat, des actions communautaires, en plus nous gardons un contact régulier par le Bulletin, entre 6 et 8 parutions par année. Nous avons aussi un site web, une adresse courriel et un site Facebook. Le CA et certains résidents font partie de comités qui interagissent avec le CA et la population, nous informons et rendons-compte de nos rencontres avec la Ville, la CCN, etc. sur les dossiers pistes cyclables, sécurité, sentiers non-officiels et autres.

Lorsque nous présentons un mémoire, à la Ville, la CCN ou autres nous les affichons sur nos sites sociaux. Bref nous avons le sentiment que nous connaissons bien notre communauté et la représentons bien dans nos activités d'association (AR2).

Selon cette représentante d’une association de résidents, il est aussi de la responsabilité des citoyens de répondre aux invitations de l’association et de démontrer la volonté de vouloir s’impliquer (AR2). Selon elle, le faible taux de participation aux assemblées générales annuelles ne reflète pas un manque d’intérêt vis-à-vis l’association, mais démontre une absence de menace sur la qualité de vie des résidents. Selon cette représentante, les gens se déplacent aux rencontres quand il y a un dossier litigieux et se font discrets quand tout va bien (AR2).

Selon les élus rencontrés, avoir une association de résidents dans leur district représente un réel gain de temps, d’énergie et de ressources quand vient le moment de consulter leur population sur différents dossiers. Selon une élue municipale, avoir une association de résidents permet d’obtenir le pouls du quartier sans toutefois avoir à rencontrer plusieurs centaines de personnes : «Tu as 5000 portes dans un quartier. Tu n’es pas capable de voir tout le monde et tu n’es pas toujours capable d’être présent. Moi je ne peux pas passer ma journée à serrer des mains dans les rues. Pour moi, l’association de résidents, c’est une façon d’aller chercher le pouls de la population et des citoyens du quartier» (EM1).

Par contre, tous les élus rencontrés se questionnaient quant à la réelle représentativité des associations de résidents. Selon une élue, l’association de résidents est «les yeux et la voix d’un quartier» (EM1). Cette élue demeure toutefois consciente que certains groupes de la population peuvent être sous-représentés. Dans son cas, elle explique que ce sont les personnes âgées qui sont les plus dures à impliquer : «j’ai un quartier assez vieillissant et ce qui est dommage est qu’on a de la difficulté à les rejoindre et ils pourraient amener un grand bagage de compétences aux associations» (EM1). Pour un autre élu, les associations de résidents ne sont pas représentatives de la population et cela s’explique par le fait que la population ne se déplace pas aux rencontres de l’association et que ce faisant, les priorités sont définies en conseil d’administration et non en assemblée des membres. «Techniquement, les priorités d’une association doivent être présentées à l’assemblée générale annuelle. Mais à l’AGA, il n’y a pas de monde. Il faut s’assurer de représenter les citoyens» (EM3). Enfin, après avoir reçu plusieurs appels de citoyens insatisfaits de la gestion démocratique d’une association, le troisième élu rencontré remet aussi en question la représentativité des associations : «jusqu’ici, j’avais l’impression que les associations parlaient au nom de la communauté, mais il y a peut-être quelque chose à regarder de plus près auprès des associations. Est-ce qu’elles sont représentatives du quartier et du milieu?» (EM2)

De leur côté, la majorité des fonctionnaires municipaux rencontrés sont bien conscients des moyens limités des associations de résidents pour mener à terme des consultations sur les problématiques qu’elles travaillent. C’est pour cette raison qu’ils font preuve de vigilance au moment de s’entretenir avec l’association. Tel que l’explique un fonctionnaire, au moment d’une consultation, il ne faut pas se restreindre aux recommandations de l’association de

résidents, mais bien couvrir plus large : «C’est un son de cloche, mais il faut essayer d’avoir de l’information des individus qui sont de l’extérieur des associations de résidents. […] Être capable de dire que c’est une partie de la population qui réclame cela, mais pas toute la population» (FM6). Ce même participant indique que le manque de représentativité de l’association n’est pas dû à une mauvaise gestion ou à un manque de transparence. En effet, selon lui, «Les individus qui sont là, et ce n’est pas de la mauvaise volonté, ils ont des croyances, ils ont des valeurs et c’est ce qu’ils vont essayer de défendre et ils ne vont pas nécessairement essayer de défendre les valeurs et les croyances des gens qui ne s’impliquent pas dans leur association» (FM6). Une autre fonctionnaire questionne aussi l’aspect démocratique des associations de résidents, dans la mesure où certaines associations de résidents entretiennent peu de contacts avec leurs membres et semblent davantage un regroupement de voisins qu’un regroupement de résidents d’un secteur géographique élargi (FM3).

Par contre, cette vigilance n’est pas présente chez tous les fonctionnaires. En effet, certains fonctionnaires engagent un dialogue avec l’association pour valider les décisions qui sont prises, sans nécessairement faire de vérifications à l’extérieur de l’association : «ça te permet de valider certaines décisions pour t’assurer que cela va répondre aux besoins du milieu»

(FM4). Pour un autre fonctionnaire, les associations de résidents sont des outils importants pour les élus lorsqu’il est temps d’aller chercher de l’information sur les intérêts des citoyens.

Comme ce participant l’indique, «le rôle de l’élu par rapport à son association de résidents est de représenter les intérêts de l’association de résidents et du citoyen. Et comment tu fais pour représenter l’intérêt du citoyen? Tu vas chercher le pouls avec ce que l’association met de l’avant comme action ou demande» (FM2). Un autre fonctionnaire souligne qu’il est dangereux pour un élu de ne se fier qu’à l’association, car celle-ci pourrait manquer de représentativité (FM3).

5.1.4 La recherche du financement : entre autonomie financière, subventions municipales et