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1-! Facebook : une volonté de faire circuler des informations de qualité

Si l’on reprend les propos d’Anne-Sophie Bordry, l’ancienne directrice des affaires publiques de Facebook nous expliquait que le rapport de Facebook aux contenus qualifiés est historique dans le développement de l’entreprise. Elle qui était dans l’entreprise entre 2010 et 2013, nous raconte que dès son arrivée ses collègues disaient « pour avoir du contenu à valeur ajoutée, il faut qu’on développe les partenariats en matière de contenus […] l’idée c’était d’avoir du contenu qualifié, écrit par des journalistes, sur la plateforme155 ». En fait cela s’inscrit dans le

modèle économique, elle explique qu’avoir des contenus qualifiés c’est vertueux pour la plateforme « les ambitions de Facebook ont toujours été d’avoir du trafic et du trafic qualifié156 », on est donc bien dans un rapport au trafic qualifié qui s’intègre dans le modèle

économique de l’entreprise.

154 Op. Cit. p. 108

155 Entretien avec Anne-Sophie Bordry, voir annexe 10 156 Op. Cit.

Ce choix des contenus qualitatifs est donc historique et il s’inscrit dans une logique d’industrie médiatique où on cherche à garantir à un public un contenu qualifié. Ce choix du qualitatif nous amène à penser la comparaison entre Facebook et les médias traditionnels, non pas sur le mode de diffusion de l’information où le fil d’actualité étant breveté, l’algorithme opaque, on peut difficilement dire que sur ce plan Facebook imite des comportements médiatiques existants. Mais sur l’angle du choix du qualitatif pour les contenus, on peut penser que c’est une approche qui s’apparente à celle que font des rédactions lorsqu’elles choisissent les sujets qu’elles vont traiter ainsi que l’angle qui sera abordé. Une conférence de rédaction permet à une équipe de journalistes de s’assurer de la qualité du traitement des sujets. C’est une phase préparatoire à l’écriture journalistique qui garantit le bon traitement de l’information. Cette étape s’inscrit dans le processus qui permet de produire des contenus de qualité. Or c’est une étape qui n’existe pas chez Facebook car l’entreprise ne produit pas elle-même des contenus. Elle se contente d’offrir un cadre dans lequel les contenus peuvent circuler. Mais dans ce cas comment garantir à ses utilisateurs la qualité des contenus publiés ? Il y a deux échelles sur lesquelles Facebook agit. D’abord Facebook peut agir sur les éditeurs qui peuvent ou non publier. Les conditions générales d’utilisation permettent à Facebook de supprimer toute page qui serait signalée comme ne respectant pas ces conditions d’utilisation. Ce fut le cas récemment en France avec les pages Facebook et Instagram (qui appartient à Facebook) de Génération Identitaire157, le

groupe inciterait à la haine et ne respecterait donc pas les conditions d’utilisation explique Facebook. Pour agir sur les éditeurs qui publient du contenu sur la plateforme, Facebook a noué également de nombreux partenariats avec des médias traditionnels. En France par exemple, l’entreprise finance de nombreux médias (Le Monde, LCI, L’Obs etc…), Mediapart158 explique

que cet argent financerait le pôle web de LCI aux deux tiers. Cela enclencherait une double dépendance chez ces médias : « Une dépendance financière qui s’ajoute à celle du trafic généré sur le site, via le réseau social, qui représente entre 30 et 40 % des visites » toujours selon Mediapart. Cet exemple nous montre comment Facebook peut favoriser la présence ou non de contenus qualifiés sur sa plateforme en finançant partiellement une partie des contenus produits par les médias afin de garantir la présence constante de ces derniers sur la plateforme. Par

157 Facebook ferme la page du groupe d'extrême droite Génération identitaire, le 04/05/2018, article disponible

en ligne : https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/facebook-ferme-la-page-du-groupe-d-extreme- droite-generation-identitaire_2735559.html

158 Nicolas Becquet, Comment Facebook achète la presse française, 01/09/2017, Mediapart, article disponible en

ligne : https://www.mediapart.fr/journal/france/011217/comment-facebook-achete-la-presse- francaise?onglet=full

exemple LCI s’est engagé à produire 14 heures de live par mois sur Facebook chacun durant entre 6 et 20 minutes159.

Enfin le deuxième point qui permet à Facebook de sélectionner les contenus de qualité sur sa plateforme, c’est en modifiant son algorithme afin de faire apparaître dans les fils d’actualités, des publications de qualité. L’inverse fonctionne aussi, l’algorithme peut être programmé pour rendre moins visible les publications de mauvaise qualité. On peut citer en exemple les publications clickbait contre lesquelles Facebook essaie de lutter160. Limiter les contenus peu

qualitatifs, c’est une façon de mettre en avant les contenus qualitatifs.

Qu’est-ce que Facebook défini comme contenus qualitatifs ? Anne-Sophie Bordry nous dit que c’est d’abord les contenus écrits par des journalistes. Donc des professionnels de la création de contenu qui s’appuient sur des faits vérifiés. Mark Zuckerberg explique que l’information locale est importante pour les utilisateurs et qu’il cherche à la mettre davantage en avant161. Il cite le

Wall Street Journal et le New York Times comme exemple de journalisme de grande qualité162.

On peut aussi supposer que les médias avec lesquels Facebook a noué des partenariats sont considérés comme des médias produisant des contenus de qualité. En France, on aurait donc Le Monde, Libération, L’Obs, RTL, LCI, TF1, Le Figaro, Le Parisien. On remarque qu’on a des médias issus de l’ensemble des secteurs traditionnels (radio, presse écrite, télévision) ce qui implique que Facebook est convaincu que n’importe quel type de média traditionnel peut adapter ses formats à la plateforme. Par exemple une radio peut faire de la radio filmée et la presse écrite peut faire des vidéos. Tandis que la télévision peut adapter ses formats à ce que Facebook impose.