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CHAPITRE I : LE DIAMANT

I. F.3 Biocapteurs enzymatiques

Un biocapteur est un outil analytique dédié à la détection d’un analyte, combinant un transducteur physicochimique et une espèce biologique. L’espèce biologique pourra être une enzyme, un anticorps, de l’ADN… Le transducteur quantifiera l’interaction entre l’analyte et l’espèce biologique en un signal optique, électrochimique, piézoélectrique…

Nous nous intéresserons ici au cas des biocapteurs enzymatiques ampérométriques. Considérons le cas bien connu de l’enzyme glucose oxydase (GOx) à titre d’exemple introductif. L’immobilisation de l’enzyme à la surface de l’électrode peut être menée de différentes façons. On peut ainsi envisager un greffage direct de l’enzyme sur le substrat diamant via un bras espaceur portant un groupement d’intérêt mais il est également possible d’encapsuler l’enzyme dans un film de polyélectrolytes cationiques tel que le PDDA du fait du point isoélectrique de la GOx au pH d’immobilisation. L’activité catalytique de l’enzyme s’exprime alors en présence de l’analyte cible, ici le glucose, mais requiert également la présence d’un co-substrat qui dans le cas de l’activité naturelle de la GOx est l’oxygène. Il existe plusieurs moyens de quantifier l’activité enzymatique de la protéine et donc la quantité d’analyte en solution. Chacune de ces méthodes a donné lieu à une génération de biocapteur différente. On trouve ainsi trois générations de biocapteurs illustrés sur la Figure I- 10:

- Les biocapteurs de première génération sont basés sur la détection directe de l’un des produits de la réaction enzymatique à l’électrode, en l’occurrence le peroxyde d’hydrogène. Ce type de biocapteur pose toutefois quelques problèmes car l’oxydation du peroxyde d’hydrogène nécessite l’application d’une surtension importante et se situe aux alentours de +0,65 V par rapport à l’ECS sur platine. Or, dans les milieux biologiques complexes tels que le sang, ils existent de nombreuses substances électroactives présentant un potentiel d’oxydation similaire voir plus faible (tels que par exemple l’acide ascorbique, l’acide urique, glutathion..) susceptibles d’interférer via la génération d’un courant « aspécifique » indépendant de la catalyse enzymatique.

30 - Les biocapteurs de deuxième génération permettent la détection du substrat de l’enzyme via l’utilisation d’un médiateur redox, en solution ou immobilisé, susceptible soit de connecter le centre actif de l’enzyme soit d’échanger des électrons avec le produit de la réaction enzymatique. Cette génération de biocapteur permet alors d’abaisser le potentiel de détection de l’espèce électroactive du fait d’une surtension mieux maîtrisée. On trouve une large gamme de médiateurs redox, le ferrocène étant le plus largement utilisé pour les oxydases.

Dans les deux générations précédentes, le transfert électronique entre l’électrode et l’enzyme se fait au travers d’au moins une espèce électroactive.

- Les biocapteurs de troisième génération sont basés sur un transfert électronique direct entre le centre prosthétique de l’enzyme et l’électrode. Cette génération de biocapteur comporte le premier avantage de pouvoir s’affranchir du co-facteur naturel de l’enzyme qui peut présenter, in vivo par exemple, des fluctuations sévères de concentration. Second avantage, cette connexion directe permet de s’affranchir de la présence d’un médiateur artificiel susceptible d’être nocif pour les milieux biologiques et pouvant interférer voir dégrader les espèces en solution dans les milieux biologiques complexes. Enfin, le potentiel d’oxydoréduction de la plupart des enzymes est proche de 0V. Cela permet de s’affranchir de tout problème d’interférence lors de mesures en milieux complexes. La seule limite d’utilisation de ce type de biocapteur est liée au positionnement du centre prosthétique de l’enzyme. Lorsque le centre actif de l’enzyme est profondément enfoui dans le complexe protéique, il est parfois impossible d’assurer une connexion directe avec l’électrode.

Figure I- 10 : Schéma de principe du mode de fonctionnement des biocapteurs ampérométriques enzymatiques à glucose.

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Dans le cas de la GOx, la connexion électrique directe de son centre prosthétique

Flavine Adénine Dinucléotide (FAD) avec l’électrode n’est pas envisageable car il est trop profondément enfoui dans la structure protéique de l’enzyme. Carlisle et al. [76] ont été les premiers à immobiliser la GOx sur diamant en procédant à la réduction électrochimique des sels de diazonium. Ils ont ainsi pu élaborer un biocapteur ampérométrique de première génération en détectant le produit de dégradation enzymatique qui est le peroxyde d’hydrogène. Les Figure I- 11.c et d montrent les voltampérogrammes caractérisant l’immobilisation de la GOx (insert) ainsi que la courbe de calibration au glucose obtenue à un potentiel de + 1,1V vs Ag/AgCl. On peut constater que cette courbe de calibration présente l’allure d’une cinétique de Michaelis-Menten (conf. Chap. II, partie III.G), la gamme dynamique du biocapteur étant comprise entre 0,5 et 5mM. Il est néanmoins important de souligner la faible réactivité des électrodes diamant vis-à-vis de l’eau oxygéné. Il faut en effet appliquer de hauts potentiels pour pouvoir oxyder cette espèce, ici de 1,1V vs Ag/AgCl, qui entraîneront à coup sur la mesure d’interférents présents dans les milieux complexes et qui, potentiellement, peuvent provoquer des dommages irréversibles.

Figure I- 11 : a) Courbe de calibration du biocapteur réalisée sur un échantillon diamant dopé à l’azote sur lequel est déposé un film de PSS-GOx, b) Voltampérogrammes, réalisés à différentes vitesse de balayage, de l’échantillon diamant dopé à l’azote modifié par le film de PSS-GOx [77]. c)

Voltampérogrammes d’une électrode de diamant fonctionnalisée par la glucose oxydase par voie électrochimique dans une solution de PBS saturée en oxygène et en présence ou pas de 10mM de

glucose. Vitesse de balayage : 50 mV.s-1, d) Courbe représentant l’évolution du courant anodique,

32 Villalba et al. [77] ont récemment réalisé un biocapteur à Glucose en immobilisant la GOx dans un film de Poly(4-styrenesulfonic acid) (PSS) sur un substrat nanocristallin de diamant dopé à l’azote (NND pour Nitrogen doped Nanocrystalline Diamond). Les Figure I- 11.a et b montrent les voltampérogrammes de cette électrode de diamant modifiée par la GOx immobilisée avant et après injection de glucose (une augmentation du courant d’oxydation associée à la détection du peroxyde d’hydrogène étant clairement visible à partir de 0.6 V vs Ag/AgCl.), ainsi que la courbe de calibration (insert) obtenue. Il faut ici noter que la détection du glucose par ampérométrie a été réalisée à un potentiel de + 0,6V vs Ag/AgCl. La gamme dynamique de ce biocapteur est alors de 1µM à 8 mM compatible avec la détection d’une phase d’hyperglycémie chez un patient diabétique. Dans le cas présent, contrairement au travail de Carlisle et collaborateurs, le courant catalytique mesuré n’est pas du à une monocouche d’enzyme mais à un film épais dans lequel sont encapsulées l’équivalent de multicouches enzymatiques, d’où une sensibilité accrue du dispositif. Notons toutefois les potentiels élevés requis pour la détection du peroxyde d’hydrogène qui compromettent l’utilisation de ces biocapteurs en milieux biologique réel. Olivia et al [79] ont partiellement levé cette limitation en introduisant à la surface de l’électrode de diamant des nanoparticules de platine permettant une détection du glucose à un potentiel moins anodique, 0,4 V vs Ag/AgCl, plus favorable à la sélectivité du biocapteur.

Garrido et al. sont les seuls à avoir mis en œuvre sur diamant des biocapteurs de troisième génération dédiés à la détection du peroxyde d’hydrogène. Pour le premier biocapteur [80], ils ont immobilisé la catalase via l’intermédiaire d’un bras espaceur introduit sur la surface par greffage photochimique de fonctions alcènes terminales. Le couplage électrochimique direct du centre héminique de la catalase a été mis en évidence par voltammétrie cyclique Figure I- 12.a. Les couples redox observés correspondent aux états d’oxydation Fe3+

/Fe2+ caractéristiques du centre actif de l’enzyme. La gamme dynamique du biocapteur est comprise entre 1mM et 150 mM et il affiche une sensibilité de 70 A.mm-1.M-1.

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Figure I- 12 : a) Voltampérogrammes de l’électrode de diamant non traitée (en noir) et fonctionnalisée par la catalase (en rouge) [80]. b) Courbe de calibration du biocapteur obtenue à partir d’un échantillon diamant sur lequel la HRP est immobilisée. Chronoampérogramme mettant en

évidence la variation du courant cathodique en fonction de la concentration d’H2O2 [81].

Dans un deuxième article, ces mêmes auteurs ont également immobilisé la peroxydase de Raifort (HRP pour Horse Radish Peroxidase) [81]. Cette enzyme comporte elle aussi un groupement héminique suffisamment proche de l’enveloppe extérieure de la protéine pour pouvoir être connecté directement avec l’électrode diamant. On peut voir sur la Figure I- 12.b. la réponse ampérométrique du biocapteur élaboré faisant apparaître l’évolution du courant cathodique enregistré successivement à l’incrément de la concentration d’H2O2 du milieu

d’analyse. A partir de ce chronoampérogramme, la courbe d’étalonnage du biocapteur a été tracée. Elle affiche une allure typique d’une cinétique enzymatique pseudo Michaelienne. La gamme dynamique de ce biocapteur s’étend de 0,1 à 45 mM. Ce groupe a également immobilisé la HRP sur diamant oxydé via une silanisation [82], obtenant une gamme dynamique fortement réduite. Cela illustre l’influence de la méthode de fonctionnalisation choisie, ainsi que celle l’état de surface du diamant, sur ses propriétés électrochimiques.

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