• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : LE DIAMANT

I. F.2 Biocapteurs-Biopuces

Les biocapteurs et les biopuces sont des dispositifs analytiques complexes faisant intervenir un support sur lequel sont immobilisés respectivement une ou plusieurs entités biologiques douées de reconnaissance moléculaire et nommées biorécepteurs. Différents travaux de recherche ont utilisé le diamant comme matériau support de ces dispositifs du fait de sa nature carbonée permettant un greffage direct du (des) biorécepteur. Dans le cas des biocapteurs, les propriétés physico-chimiques du diamant sont alors mises à profit pour la traduction du signal de reconnaissance en un signal électrique. Le diamant joue alors un rôle actif de transducteur parallèlement à son rôle passif de substrat. Les paragraphes suivant visent à introduire de manière exhaustive les différents biocapteurs et biopuces développées sur diamant dans la littérature.

25

I.F.2.a

Biopuces

L’expansion des thématiques de recherche dans les domaines des biotechnologies, du diagnostic médical, du contrôle alimentaire ou encore de l’analyse environnementale, a engendré un réel essor dans le développement des biopuces. L’intérêt d’une biopuce est de pouvoir mener, sur la base de la détection d’un phénomène de reconnaissance moléculaire, des études multiparamétriques sur le même support. Notons que la lecture de ces dispositifs peut être effectuée via des méthodes électrochimiques, microgravimétriques, micromécaniques ou optiques, la microscopie de fluorescence étant le mode de détection le plus répandu.

Toutefois, le multiplexage de l’information sur un même support d’analyse nécessite la miniaturisation des dispositifs et implique donc de greffer des espèces de manière localisée et à de petites échelles. Or, très peu de méthodes de fonctionnalisation de surface (Chapitre II, partie III.B) permettent une immobilisation localisée et directe des espèces d’intérêts sur le support. Elles impliquent classiquement plusieurs étapes chimiques et souvent font appels à des procédés de lithographie. Ce sont autant de facteurs qui rendent la conception des biopuces délicate, complexe et longue alors qu’une grande réactivité est aujourd’hui demandée dans ces domaines d’études. Toutes les méthodes de fonctionnalisation ou de modification de surface abordées pour la fonctionnalisation du diamant seront détaillées de façon exhaustive ultérieurement dans le Chap. II.1 plus particulièrement dédié à cette problématique centrale du design des biopuces. Sur la base d’une fonctionnalisation de surface adéquate, les quelques paragraphes suivants vont, quant à eux, se focaliser sur les applications du diamant pour la fabrication de biopuces et de biocapteurs.

2.a.1 Biopuces à ADN

Yang et al. ont été les premiers à réaliser une biopuce ADN en 2002. Ils ont immobilisé deux oligonucléotides (ODN) différents (S1, S2) de manière locale en réalisant des plots millimétriques. La conception de cette biopuce nécessite trois étapes distinctes de fonctionnalisation de surface par brin d’ODN. La première étape consiste en l’immobilisation sur le diamant d’un bras espaceur portant une fonction primaire de greffage par fonctionnalisation photochimique via un alcène terminal. Cette étape implique une insolation de l’espèce à greffer sous un rayonnement UV à 233 nm pendant 12 heures sous atmosphère contrôlée, elle est suivie de 2 étapes chimiques postérieures (aboutissant au greffage du brin sonde). La mise en évidence du greffage consiste en l’hybridation des brins sondes par leurs

26 brins d’ODN (F1 et/ou F2) complémentaires modifiés par un fluorophore. Le greffage est alors révélé par microscopie de fluorescence (Figure I- 6).

Cette biopuce affiche une excellente sélectivité ainsi qu’une grande stabilité. En revanche elle nécessite plusieurs étapes de greffage et implique des temps d’insolations longs qui limitent un multiplexage plus large de l’information biologique introduite sur le support diamant.

Figure I- 6 : Images de fluorescence obtenues après hybridation des brins complémentaires cibles (F1 et/ou F2) modifiés avec un fluorophore, des deux séquences d’ODN sondes immobilisées sur la

surface du diamant. [69]

Zhang et al. [70], quant à eux, ont réalisé une biopuce en procédant à l’amination de surface par illumination UV dans un environnement d’ammoniac gazeux, les zones non aminées étant alors bloquées par des terminaisons fluorées via une modification de surface par plasma d’ocatfluoropropane. Il s’en suit une étape de couplage chimique entre les amines de surface, présentes sous forme de plots micrométrique, et les brins d’ADN sondes modifiés au travers de 5 étapes successives. Comme pour les travaux précédemment cités, a révélation du greffage s’effectue également par hybridation avec un brin d’ADN complémentaire modifié par un fluorophore et caractérisation par microscopie de fluorescence (Figure I- 7).

Figure I- 7 : Images de microscopie de fluorescence mettant en évidence l’hybridation du brin d’ADN cible modifié avec un fluorphore avec le brin d’ADN sonde complémentaire immobilisé sur la surface

27

Au regard du temps de couplage de la fonction primaire de greffage sur la surface via les méthodologies précédemment citées, la fonctionnalisation électrochimique de la surface a été développée du fait de sa capacité d’adressage et de sa rapidité (quelques cycles voltampérométriques ou l’application d’un champ de quelques secondes suffisent ici). Ainsi, Nebel et al. [71] ont mis au point une technique de micro-structuration du diamant permettant d’obtenir des zones conductrices de diamant lourdement dopé au bore de taille micrométrique, entourées de diamant intrinsèque. A la différence d’un réseau de microélectrodes, les zones conductrices sont ici toutes reliées et ont une taille de 15µm. Ils ont ensuite procédé au greffage des sels de diazonium par réduction électrochimique. Cependant plusieurs étapes chimiques sont encore nécessaires pour immobiliser de manière collective sur toutes les électrodes les brins d’Oligomère DésoxyriboNucléique (ODN) sondes.

Nebel et al. [72], en utilisant les mêmes échantillons de diamant microstructurés, ont pu procéder à la détection électrochimique indirecte d’ADN. Cette détection est en fait basée sur l’utilisation en solution du ferrocyanure comme sonde électrochimique Nernstienne. En comparant l’intensité des réponses obtenues en DPV (differential pulse voltametry) sur électrode nue, après immobilisation du brin d’ODN sonde et après hybridation du brin d’ODN complémentaire, il est possible de déduire la présence ou non du brin complémentaire. La limite de détection est atteinte pour une concentration en brin d’ODN sonde en solution de 10 pM. Bien que comparée à la microscopie de fluorescence, la révélation électrochimique soit plus rapide et ne nécessite pas de marqueur sur le brin cible, il ne peut y avoir avec ce type d’électrode d’études multiparamétriques du fait de l’interconnexion des réseaux d’électrodes et de la modification collective de la surface. Notons cependant que l’apport de la microstructuration des électrodes est nécessaire pour abaisser la limite de détection aux valeurs précédemment citées.

Clément Hebert de l’équipe SC2G à l’institut Néel a récemment mis au point des réseaux de microélectrodes sur diamant [travaux non publiés]. Avec ces microélectrodes, il serait possible d’envisager des détections d’ODN multiparamétriques par électrochimie. Néanmoins la fonctionnalisation de chaque électrode devrait se faire indépendamment. Avec les méthodes de fonctionnalisation actuelle, il faudrait alors envisager un temps de préparation du réseau total de microélectrode avoisinant la semaine.

28

Figure I- 8 : Voltampérogrammes obtenus par Differential Pulse Voltametry (DPV, voltammétrie à impulsion différentielle) sur une électrode diamant microstructurée après greffage de l’ADN (ss DNA)

et après hybridation du brin complémentaire (ds DNA). [72]

2.a.2 Biopuces à peptides et anticorps

Hormis l’immobilisation d’enzymes destinée à la mise en œuvre de biocapteur, il n’existe que très peu d’exemples d’immobilisation d’anticorps ou d’integrines. Coffinier et al. [73] ont immobilisé des peptides FLAG modifiés sur diamant. La première étape consiste en une amination de surface d’un substrat diamant hydrogéné par plasma sous ammoniac. Il s’en suit une étape de couplage chimique aboutissant à l’introduction d’une fonction semicarbazide sur la surface du diamant. Le peptide FLAG est ensuite couplé chimiquement de manière locale par drop casting. La mise en évidence du greffage s’effectue par microscopie de fluorescence en introduisant l’anticorps anti-Flag marqué par un fluorophore (Figure I- 9). Les plots sont ici de l’ordre de quelques centaines de µm. Ils ont également mis en évidence la spécifié de la reconnaissance en immobilisant un peptide HA.

Figure I- 9 : Image en microscopie de fluorescence d’un réseau de plot du peptide FLAG greffé sur diamant après ajout de l’anticorps dirigé contre le peptide FLAG modifié par un fluorophore [74].

29

Hamers et al. [75] ont immobilisé l’anticorps E. Coli K12, en utilisant le greffage des alcènes par photochimie, il s’ensuit une série d’étapes chimiques permettant de coupler l’anticorps par une de ses fonctions amines disponibles (conf. Chapitre II, partie III.B.4, Figure III- 11). Ils ont caractérisé l’immobilisation de la protéine par spectroscopie infrarouge et ont déduit que la structure secondaire de l’anticorps avait été préservée pendant la fonctionnalisation.

Documents relatifs