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UNE FÉCONDITÉ EN RAPIDE DÉCLIN

14 La réduction de la fécondité mexicaine a commencé vers la fin des années soixante. La fécondité a baissé très rapidement, passant de 7,5 enfants par femme en 1966, le niveau le plus élevé, à 3,8 enfants

par femme en 1986, soit une diminution de 50 pour cent en vingt ans (graphique 1).

15 Dans une certaine mesure, la diminution rapide des niveaux de fécondité est à mettre en relation avec la politique démographique définie par la Loi générale de population de 1973 et le Programme national de planification familiale de 1977. Le Conseil national de population (Conapo) a été chargé de la mise en oeuvre de la politique démographique à partir de 1976 et des Conseils de population ont été récemment mis en place à l’échelon des États (Conepos). 4

16 L’influence des programmes officiels de planification familiale dans la baisse de la fécondité a été important. Le Programme national de planification familiale a largement diffusé les méthodes contraceptives dans l’ensemble du pays, en utilisant le réseau de cliniques et de dispensaires des instituts de sécurité sociale (IMSS et ISSSTE) et du ministère de la Santé (SSA). Le secteur privé, essentiellement par le biais des pharmacies, a aussi joué un rôle considérable. Un effort particulier a porté sur les services de planification familiale offerts par les unités médicales rurales et les cliniques IMSS-Coplamar implantées dans les petites localités rurales, surtout à partir de 1980.

17 Cependant, la baisse de la fécondité a commencé dix ans avant la mise en place du Programme national de planification familiale (graphique 1), et cette réduction a eu pour origine la population des zones urbaines, la plus éduquée, alors même que la fécondité des zones rurales continuait à augmenter jusque vers 1975 5 .

18 En effet, dans les années 1960, au moment où se produisait dans le monde développé ce que l’on a appelé la “seconde révolution contraceptive”, soit l’apparition de méthodes modernes de contraception (pilule, stérilet), les premiers programmes offrant des services de planification familiale se sont implantés : clinique ouverte en 1960 à Mexico par l’Association pour la santé maternelle,

qui a étendu le champ de ses activités à trois programmes en milieu rural dès 1963. A son tour, la FEPAC (Fondation pour les études de la population A.C) ouvrait quatre centres de planification familiale à Mexico en 1966 ; elle en gérait 98 en 1974, dont 29 dans le District fédéral et 69 dans différents États. La FEPAC réunissait des chercheurs éminents, ainsi que des économistes et des hommes politiques se préoccupant publiquement de la forte croissance démographique et de ses effets sur le développement économique et social.

19 Malgré un cadre législatif encore pro-nataliste à l’époque -la première loi de population de 1936 modifiée en 1947 était encore en vigueur et elle voulait le peuplement du pays -l’attitude du gouvernement à l’égard de la planification familiale était largement tolérante et de “laissez-faire”. Les consultations étaient autorisées dans la mesure où elles étaient intégrées à des institutions de recherche. La seule chose explicitement interdite était l’avortement, lourdement pénalisé à partir de 1931.

20 La pensée malthusienne reposait au Mexique sur le constat de l’incapacité du modèle de développement économique à absorber la forte croissance démographique, mise en évidence par les tensions sur le marché du travail qui sont apparues après 1965. Ce courant de pensée a gagné des adeptes à la fin des années 1960, parmi un nombre considérable d’économistes prestigieux, qui ont réussi en 1972 à convaincre le président de la République de la nécessité de changer la loi de population en vue de freiner l’augmentation de la population.

21 De plus, à la veille de la première conférence mondiale des Nations Unies sur la population de Bucarest (1974), l’environnement international exerçait un effet favorable à l’idée d’une intervention en matière de population.

22 Or, il n’y avait pas au Mexique même de véritable opposition à la planification familiale. Bien au contraire, les médecins dans leur

grande majorité étaient largement favorables au développement de la contraception, notamment en tant que moyen de lutte contre l’avortement provoqué, reconnu comme un fléau social frappant essentiellement les familles à bas niveau de vie, nombreuses en milieu urbain.

23 La seule opposition institutionnelle à l’idée de politique démographique venait des hauts dignitaires de l’Église catholique ; notamment après l’Encyclique Humanae Vitae de 1968 qui réaffirmait l’hostilité du Vatican face aux pratiques contraceptives.

Pourtant, différentes enquêtes ont montré que la pratique religieuse avait un effet très limité sur la fécondité des couples catholiques, particulièrement en milieu urbain. La pratique religieuse n’a pas empêché l’adoption de la contraception, devenue pratique courante au cours des vingt dernières années. En 1986, des différences de fécondité importantes sont encore observées, l’indice conjoncturel de fécondité étant de 5,9 enfants par femme dans les localités rurales, de 3,6 enfants par femme dans les zones urbaines et de 3 enfants par femme dans les trois grandes métropoles [Mexico, Guadalajara, Monterrey (tableau 5)1. Même si la baisse de la fécondité a touché l’ensemble du pays, on observe des rythmes très différents à la ville et à la campagne. Les disparités demeurent et ont tendance à s’aggraver en termes relatifs. Par contre, même si la baisse de la fécondité a touché l’ensemble du pays, on observe des rythmes très différents à la ville et à la campagne. Les différences demeurent et ont tendance à s’aggraver en termes relatifs.

24 Dans la pratique, les services de planification familiale ont eu plus d’effet sur la population résidant en milieu urbain, dès l’origine plus motivée à limiter la taille de sa descendance. Le tableau 5 montre que les proportions d’utilisatrices de méthodes contraceptives sont beaucoup plus élevées dans les villes que dans les campagnes dès le début de programme (en 1976), et cela reste vrai après dix ans de fonctionnement (en 1986).

25 Bien que des progrès importants aient été obtenus en zone rurale, l’utilisation de la planification familiale varie du simple au double entre les grandes villes et les campagnes : en 1986, alors que deux femmes sur trois utilisent des moyens contraceptifs dans les métropoles, cette proportion est seulement d’une femme sur trois en zone rurale (tableau 5). Ainsi s’explique le décalage important dans les niveaux de la fécondité urbaine et rurale, les pratiques de limitation des naissances s’étant diffusées plus tardivement et moins massivement à la campagne qu’à la ville.

TABLEAU 5. PROPORTION D ’UTILISATRICES DE MÉTHODES CONTRACEPTIVES EN 1976 ET EN 1986, SELON LA ZONE DE RÉSIDENCE (pour 100 femmes unies au moment de l’enquête) ET INDICES CONJONCTURELS DE FÉCONDITÉ

Sources : Enquête Mexicaine de Fécondité, 1976 ; Enquête Nationale de Fécondité et Santé, 1986. Notes : Rural : moins de 2500 hab. ; Urbain : de 2500 à 499999 hab.

Métropolitain : Mexico, Guadalajara, Monterrey

26 S’il est vrai que le Programme national de planification familiale a accéléré la baisse de la fécondité dans des catégories sociales qui n’auraient sans doute pas limité leurs naissances si le programme n’avait pas existé, la fécondité reste malgré tout élevée en zone rurale, de l’ordre de six enfants par femme (tableau 5). Les femmes rurales qui utilisent des moyens contraceptifs y ont recours en général lorsque leurs familles sont déjà nombreuses, ce qui explique

la décision de ne plus vouloir d’enfants supplémentaires. Mais ce comportement implique des niveaux élevés de fécondité.

27 Dans les villes, les moyens modernes de contraception sont plus souvent utilisés après deux ou trois naissances. Cependant, un effet non prévu des programmes de planification familiale se manifeste par un rajeunissement considérable du calendrier de la fécondité (graphique 2). Les femmes continuent à s’unir très jeunes, à 20 ans en moyenne, et ont très tôt leurs premiers enfants, car aucune alternative sérieuse au mariage précoce n’est encore proposée aux jeunes filles dans la société mexicaine, ni dans le domaine de la formation professionnelle, ni dans le domaine du marché du travail.

28 Par conséquent, l’offre abondante de moyens contraceptifs concourt à conserver ces modalités de nuptialité et de fécondité précoces, le recours à la contraception permettant en temps voulu, et souvent encore très jeune, de limiter efficacement la taille des familles. Cela explique le recours à la stérilisation féminine, qui, en 1987, concerne 20 pour cent des femmes unies en âge de procréer (9 pour cent pour la pilule, 11 pour cent pour le stérilet).

29 En termes de fécondité, ce phénomène explique pourquoi les indices conjoncturels de fécondité restent supérieurs aux descendances finales des générations féminines nées entre 1937 et 1951 (graphique 1) et, par conséquent, pourquoi les naissances n’ont pas diminué dans les années 1980 autant qu’il était prévu dans la politique démographique (tableau 6).

PERSPECTIVES POUR L’AN 2000 ET