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Extension des résultats au discret

Nρ˜t+ ˜ρtN − tr (N + Ntρ˜t− tr(ρtρ˜t)(N + N) × (dYt(1)− η1U (ρt)dt + η2tr [ ˜ρtH[N](ρt)] dt). (4.1.3) Un tel système d’équations différentielles stochastiques généralise la proposition de Chantasri et Jordan [159] au cas où toutes les mesures ne sont pas perdues. Il n’est pas très facile de résoudre un tel système, même numériquement, car on a des conditions aux limites mixtes (initiale sur ρ et finale sur ˜ρ). On peut néanmoins calculer d’assez

bonnes approximations des solutions en résolvant pour un certain nombre de conditions initiales puis en essayant de se rapprocher des bonnes conditions finales par dichotomie. La méthode proposée permet de repurifier une trajectoire quantique et pourrait de ce fait être utile pour nettoyer des résultats expérimentaux a posteriori (ne serait-ce que pour les courbes soient plus «jolies»). Il y a évidemment encore un travail important à effectuer pour s’assurer qu’on est effectivement capable d’approximer fidèlement les solutions de (4.1.3), étudier leurs propriétés et éventuellement leur trouver d’autres intérêts pratiques.

4.2 Extension des résultats au discret

Les résultats que l’on a obtenus pour la limite de mesure forte sont plus robustes qu’il n’y paraît. La situation que l’on a étudiée en 2.1 et 2.2 peut en effet sembler exotique. On a effectué une première limite pour passer des mesures faibles itérées aux mesures continues, puis on a pris la limite de mesure forte à partir de cette pre-mière limite. En réalité, les simulations numériques montrent que la prepre-mière limite, bien qu’indéniablement pratique puisqu’elle permet de faire du calcul différentiel, n’est manifestement pas nécessaire. Plus précisément, si l’on considère des mesures faibles (mais pas infiniment faibles) itérées et que l’on fait simplement tendre la fréquence de ces dernières vers +∞, le comportement limite que l’on obtient est (au moins qualita-tivement) similaire à ce que l’on a observé au chapitre2(voir Fig.4.3). Cette nouvelle situation est pourtant bien plus générale ! Si nos résultats s’y exportent vraiment, alors il est indispensable de le prouver.

Dans ce qui suit on va préciser la situation générale simple que l’on a à l’esprit. On va montrer qu’il est possible d’y démontrer un nouveau théorème sur les sauts. Dans ce nouveau contexte, un analogue de la proposition sur la distribution des échardes est en revanche manifestement plus difficile à prouver mais on peut se risquer à une conjecture. Plus généralement, le fait que ces résultats semblent s’étendre montre qu’il est possible de définir une nouvelle limite continue pour les trajectoires quantiques.

4.2.1 Modèle considéré

On considère qu’un système possédant une dynamique propre est soumis à une me-sure faible sans démolition tous les ∆t. La meme-sure faible est symbolisée par l’application

4.2. Extension des résultats au discret 103

0 10000

0 1

qn

Figure4.3 – Trajectoire quantique discrète qn= q(n∆t) générée à partir de l’équation (4.2.6) pour λ = 1, qeq = 0.5, ∆t = 10−3 et ε = 0.5 c’est à dire une limite de mesure forte obtenue à partir de mesures faibles discrètes (et pas infiniment faibles). La trajectoire est qualitativement similaire à ce que l’on observe en partant de trajectoires quantiques continues.

stochastique M :

M(ρ) = ΩαΠ[α]ρΩα avec probabilité Π[α] = tr[ΩαρΩα].

Les matrices Ωα sont codiagonalisables, ce qui est équivalent à la condition de non-démolition, et on aP

i

αΩα par conservation de la probabilité. On note |ki les poin-teurs de la base dans laquelle les Ωα sont diagonaux. On note ¯M l’application com-plètement positive correspondant à la moyenne de M : ¯M =PiΩαρΩ

α. On suppose que l’évolution du système entre chaque mesure est donnée par une application com-plètement positive φ∆t possédant un générateur L , i.e. φ∆t= e∆tL.

La dynamique consiste en l’itération de l’application stochastique χ = M◦φ∆t, i.e. on s’intéresse à la trajectoire quantique discrète ρn = χnρ0. Faire tendre la fréquence des mesures vers l’infini correspond à prendre la limite ∆t → 0 avec t = n∆t. Comme pour les sauts obtenus dans le cas continu, il faut rescaler la dynamique propre pour éviter que les transitions dissipatives ne soient les seules à survivre. Il faudrait évi-demment faire le même type d’analyse sérieuse qu’enCpour déterminer le rescaling le plus général. Pour une première étude on peut simplement essayer de prendre la même redéfinition qu’en2.1:

L = A +1

∆t(B + C) + 1 ∆tD

où on rappelle que A envoie les probabilités sur les probabilités, B les phases sur les probabilités, C les probabilités sur les phases, D les phases sur les phases ; et D est diagonal : Dij

kl= −δi

kδljdkl. En pratique le rescaling en 1/∆t de D est un peu artificiel. Dans toutes les situations simples, typiquement évolution Hamiltonienne + couplage à un environnement thermique, D = 0 et les calculs suivant sont un peu plus simples (et le lecteur peut raisonnablement fixer D = 0 quand bon lui semble sans perte excessive de généralité).

4.2.2 Sauts quantiques

Le fait que la limite est bien une limite de saut est assez clair. En l’absence d’évolu-tion propre, l’applicad’évolu-tion stochastique M fait naturellement tendre le système vers un des états pointeurs (voir par exemple [160]). Quand ∆t → 0, M domine la dynamique et le système est presque tout le temps dans un pointeur de la mesure. Reste à savoir quel sont les taux de transition entre les différents pointeurs. Pour cela on peut utili-ser le même type d’approche perturbative sur l’équation maîtresse (moyennée) qu’en

2.1.2.b. L’idée est de faire apparaître les taux de saut sur l’équation aux valeurs propres de l’évolution élémentaire moyenne :

¯

∆ = ¯χ− 1 = ¯M ◦ φ∆t− 1.

Par la suite, on note ∆t = dt pour mettre l’accent sur le fait qu’on attend une limite continue bien définie de processus de saut. La première chose à faire est de développer

φdt jusqu’au premier ordre en dt. À cause du terme D 6= 0 cette application n’est pas infinitésimale à la limite et le développement est du coup un tout petit peu non trivial. On a en effet : φdt= edtL = eD+dt (B f(D) + f(D) C) + dt  A +BC 2 + g(D, CB)  + O(dt3/2) (4.2.1) avec f (D) = +∞ X n=1 Dn−1 n! −→ f(D)ijkl= δi kδlj 1 − e−dkl dkl pour dkl6= 0 et 1 sinon g(D, CB) = +∞ X n=2 n−2X k=0 DkCBDn−k−2 n! .

Encore une fois, notons que le lecteur peut fixer D = 0 sans perte excessive de géné-ralité. De plus, la fonction g n’est utile que pour écrire l’équation (4.2.1) et n’apparaît pas par la suite. L’objectif est désormais d’écrire l’équation aux valeurs propres pour

¯ ∆ :

¯

∆x = Ex. (4.2.2)

On peut ensuite développer perturbativement valeurs propres et vecteurs propres :

x = x0+dt x−1+ dt x−2+ O(dt3/2)

E = E0+dt E−1+ dt E−2+ O(dt3/2) (4.2.3)

On s’intéressera par la suite aux valeurs propres au voisinage de E0 = 0 car, comme en 2.1.2.b tous les états correspondant aux valeurs propres non nulles sont écrasés à la limite. Reste désormais à calculer, i.e. à insérer le développement (4.2.3) dans l’équation aux valeurs propres (4.2.2) et à écrire les équations obtenues aux ordresdt et dt :dt : ( ¯MeD− 1)x−1+ ¯Mf(D)Cx0= E−1x0 dt : ( ¯MeD− 1)x−2+ ¯M(Bf(D) + f(D)C)x−1+ Ax0+ 1 2BCx0=E−1x−1+ E−2x0 (4.2.4)

4.2. Extension des résultats au discret 105

car ¯MA = A et ¯MB = B. On suit toujours la même idée qu’en2.1.2.bet on décompose l’espace vectoriel sur lequel agit ¯∆ de la manière suivante : S ≃ Hs⊗ Hs = S0⊕ S1, avec S0 = Ker( ¯MeD − 1). On décompose ensuite x−1 sur cette somme directe x−1 =

x(0)−1+ x(1)−1. On a alors :

( ¯MeD− 1)x(1)−1+ ¯Mf(D)Cx0 = 0

E−1x0 = 0

L’opérateur ( ¯MeD− 1) est inversible sur S1 et on peut donc écrire

x(1)1 = −( ¯MeD− 1)−1|S1Mf(D) Cx¯ 0.

La deuxième ligne de l’équation (4.2.4) donne quant à elle :

( ¯MeD− 1)x−2+ ¯Mf(D)Cx(0)−1= 0

Bf (D)x(1)−1+ Ax0+1

2BCx0= E−2x0

En insérant l’expression de x(1)−1 à la deuxième ligne on obtient :

 A +1 2BC + B f (D) (1− ¯MeD)−1|S1 ¯ M f(D) C  | {z } M x0 = E−2x0

où on reconnaît comme précédemment la matrice M telle que ¯∆x0 = dtMx0, i.e. la matrice contenant les taux de transition entre pointeurs. On peut être explicite en introduisant une expression en composantes pour ¯M :

Ωα=Xνα(k)|kihk| → ¯Mijkl= δi kδljX α να(i)να(j)∗. On obtient ainsi : Mi←j = Ai j+ ℜeX k>l Bkli Cjkl 1 + 2 " 1 − e−dkl dkl #2" P ανα(k)να(l)∗ 1 − e−dklP ανα(k)να(l)∗ #

Ce qui se simplifie pour D = 0 (le cas qui servira probablement dans la plupart des situations) en : Mi←j = Ai j+ ℜeX k>l Bkli Cjkl 1 + 2 " P ανα(k)να(l)∗ 1 −P ανα(k)να(l)∗ #! .

Aux réserves sur la généralité du scaling près, on voit que l’on peut étendre la propo-sition sur les sauts à une situation de mesures répétées sans limite continue.

4.2.3 Échardes

Les échardes semblent pouvoir aussi bien se passer de la limite continue pour appa-raître dans une situation de mesure forte. Ce résultat est assez contre intuitif et semble même impossible à première vue. En effet, dans une situation où l’on itère des mesures faibles discrètes, la matrice densité du système possède une évolution discontinue en-trecoupée de sauts (pas entre pointeurs) de taille finie. Il est difficile d’imaginer qu’une telle évolution puisse donner lieu à une distribution continue et invariante d’échelle pour les maxima locaux (échardes). Et pourtant, au moins visuellement, il est difficile de distinguer une limite de mesure forte venant d’une mesure continue ou de mesures faibles itérées. Essayons au moins de donner précisément une conjecture minimale.

Même à la limite continue, nous n’avons en réalité exploré les échardes que dans deux situations précises avec |Hs| = 2. La plus simple des deux consistait en la me-sure continue de l’énergie pour un qubit couplé à un bain thermique. Dans ce cas la population qtde l’état fondamental vérifiait l’équation différentielle stochastique :

dqt= λ(qeq− qt) dt + √γ qt(1 − qt) dWt. (4.2.5) Comme on l’a vu en1.2.6, la partie mesure √γ qt(1 − qt) dWt peut être vue comme la limite continue de l’évolution discrète :

q(1 + εδ)q + (1 − εδ)(1 − q)(1 + εδ)q avec probabilité P[δ = 1] = q (4.2.6) où δ = ±1 est le résultat de mesure, quand ε → 0 et que l’itération élémentaire discrète est répétée rapidement. Le cas «discret» le plus simple que l’on puisse imaginer est donc l’évolution :

tqt= λ(qeq− qt)

qt(1 + εδ)q(1 + εδ)qt

t+ (1 − εδ)(1 − qt) tous les ∆t,

(4.2.7)

qui correspond à un couplage à un bain doublé d’une mesure faible de l’énergie tous les ∆t. La conjecture que l’on peut faire est que l’évolution (4.2.7) quand ∆t → 0 à ε 6= 1

fixé donne lieu exactement à la même distribution d’échardes que l’équation (4.2.5) à

la limite γ → +∞. Cette conjecture semble numériquement crédible mais la preuve apparaît pour le moment hors de portée des outils introduits dans cette thèse.

4.2.4 Discussion

En imaginant que l’on réussisse à prouver une version un peu plus générale de la conjecture sur les échardes en plus de la proposition sur les sauts qui est déjà plus solidement établie, on est une nouvelle fois surpris par le caractère extrêmement parti-culier des mesures projectives. En effet, les mesures purement projectives du postulat de la mesure apparaissent comme qualitativement isolées et extrêmement particulières au milieu de l’ensemble des mesures possibles. Ajouter une probabilité d’erreur, fut elle infime, transforme une mesure projective en une mesure faible pour laquelle la dynamique est bien plus riche (avec notamment la présence d’échardes). Les mesures continues, qui peuvent apparaître à première vue aussi comme un cas assez particulier,