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: Extension du pouvoir réglementaire local

Dans le document PROJET DE LOI SÉNAT (Page 165-170)

ÉTUDE D’IMPACT

Article 2 : Extension du pouvoir réglementaire local

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le pouvoir réglementaire5 consiste dans l'édiction d'actes à caractère général et impersonnel d'une valeur inférieure à la loi.

En effet, dans sa décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002 sur la loi relative à la Corse, le Conseil constitutionnel a considéré, pour la première fois, que le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales avait pour fondement le deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution, posant le principe de leur libre administration, et non les seuls articles 13 et 21 relatifs au pouvoir réglementaire national.

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République l'a consacré en inscrivant, aux termes de l’article 72, alinéa 3, de la Constitution que « Dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales (...) disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ». Elle a ainsi entériné une jurisprudence établie.

Le Conseil d’État a en effet reconnu aux collectivités territoriales la capacité à prendre les mesures réglementaires liées à l’organisation de leur service public (par exemple organiser le droit de grève en l’absence de dispositions législatives ; cf. Conseil d’État, 9 juillet 1965, Pouzenc) ou à la gestion de leur domaine (Conseil d’État, 6 novembre 1998, n°171317).

Il a précisé que « le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales n’est pas inconditionné. Il s’exerce dans les bornes d’une compétence définie par la loi et doit avoir un fondement législatif. Cette double limitation est imposée par l’article 34 de la Constitution aux termes duquel : " la loi détermine les principes fondamentaux (...) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources " » (avis d’Assemblée générale du 15 novembre 2012).

Le Conseil constitutionnel a également reconnu aux collectivités territoriales un pouvoir réglementaire en matière d’organisation interne (décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999) en considérant qu’il appartenait, non pas au législateur, mais à l’assemblée délibérante de se prononcer sur le caractère public des séances de sa commission permanente, au travers de son règlement intérieur.

5 Le pouvoir réglementaire est défini comme le pouvoir dont disposent les autorités exécutives et administratives de prendre unilatéralement (c’est-à-dire sans l’accord des destinataires) des actes exécutoires comportant des dispositions générales et impersonnelles.

Enfin, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a reconnu aux régions un pouvoir de proposition en matière d’adaptation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur6, ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement d’une, de plusieurs ou de l’ensemble des régions.

Le pouvoir réglementaire local reste cependant peu utilisé et trouve principalement une traduction concrète à l’échelle des communes. A titre d’exemple, le maire dispose d’un pouvoir réglementaire local dans des domaines précis, notamment :

l’urbanisme : il peut déterminer des prescriptions d’urbanisme dans les bornes de la loi, dont il suit et contrôle l’application dans les permis de construire qu’il délivre ;

au titre de ses prérogatives de police : il dispose d’un pouvoir d’appréciation en matière de limitation de vitesse. Si les vitesses maximales autorisées sont fixées par le pouvoir réglementaire national (article R. 413-2 du code de la route), le maire peut les restreindre pour des motifs liés à la sécurité publique (article R. 413-1 du même code) ou, en agglomération, pour des motifs liés notamment aux nécessité de la mobilité ou de la protection de l’environnement (article L. 2213-1 du code de l’environnement). Il peut même relever la vitesse maximale autorisée jusqu’à 70 km/h en agglomération, en fonction des circonstances locales (article R. 413-3 du code de la route). L’article 36 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, codifié à l’article L. 3221-4-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), prévoit la possibilité pour le président du conseil départemental ou, lorsqu'il est l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), de fixer, pour les sections de routes hors agglomération relevant de sa compétence et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation, une vitesse maximale autorisée supérieure de 10km/h à celle prévue par le code de la route, dans le cadre précisé par la loi ;

la sécurité dans les établissements recevant du public : les règles sont fixées par le pouvoir réglementaire national (article R. 123-12 du code de construction de l’urbanisme - CCH). L’article R. 123-13 du CCH précise que certains établissements peuvent, en raison de leur conception ou de leur disposition particulière, donner lieu à des prescriptions exceptionnelles soit en aggravation, soit en atténuation. Les atténuations aux dispositions du règlement de sécurité ne peuvent être décidées que sur avis conforme de la commission consultative départementale de la protection civile. L’autorité compétente pour prendre ces prescriptions exceptionnelles est le

6 Selon les alinéas 4 et 5 de l’article L.4221-1 du CGCT, « un conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, en vigueur ou en cours d'élaboration, concernant les compétences, l'organisation et le fonctionnement d'une, de plusieurs ou de l'ensemble des régions. Les propositions adoptées par les conseils régionaux en application du quatrième alinéa du présent article sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans les régions concernées ».

maire, en tant qu’autorité accordant le permis de construire ou en tant qu’autorité de police. Cela lui permet, par exemple, d’autoriser qu’une porte donnant sur l’extérieur s’ouvre dans le sens contraire de l’évacuation (CAA Paris, 31 janvier 2008, n°06PA01728).

Le pouvoir réglementaire local peut trouver à s’étendre, dans le cadre juridique actuel, tout en préservant un équilibre nécessaire entre simplification et lisibilité des normes et ainsi favoriser l’efficacité de l’action publique locale en fonction de ses spécificités et de ses besoins.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

En application des dispositions de l’article 72 alinéa 3 de la Constitution, les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences dans le respect des conditions suivantes :

le législateur définit les cas et conditions de l’exercice de celui-ci dans le respect des compétences des autres collectivités ;

le pouvoir réglementaire local ne peut avoir pour effet de remettre en cause le pouvoir réglementaire du Premier ministre : les collectivités territoriales doivent respecter, le cas échéant, le cadre qu’il fixe. Si la loi ne prévoit aucun décret d’application, les collectivités peuvent arrêter elles-mêmes les règles qu’appelle l’exercice de la compétence que la loi leur a confiée, dans la mesure toutefois où aucune disposition d’ordre national n’est nécessaire ;

il serait contraire aux articles 21 et 72 de la Constitution de confier aux collectivités territoriales le soin de fixer des règles d’application d’une législation étrangère aux compétences locales ;

le pouvoir réglementaire local ne doit pas intéresser les conditions essentielles de mise en œuvre des libertés publiques (décision n° 84-185 DC du 18 janvier 1985 et n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002) et il ne peut en résulter une rupture du principe d’égalité. En pratique, la limite tenant au principe d’égalité reste souple. Les règles d’urbanisme varient d’une commune à l’autre sans qu’il s’ensuive aucune question quant à la constitutionnalité des facultés ainsi ouvertes par le législateur.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le législateur est compétent pour attribuer un pouvoir réglementaire aux collectivités territoriales. Le Conseil d'État considère de manière constante que, le Gouvernement ayant pour mission d'assurer l'exécution de la loi, il peut être amené à prendre tous les compléments nécessaires sans lesquels la loi ne serait pas applicable, y compris dans les domaines de

compétences des collectivités territoriales. L'avis du Conseil d'État du 15 novembre 2012 précité rappelle que la révision constitutionnelle de 2003 n'a pas modifié cette interprétation.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les dispositions envisagées poursuivent un objectif d’adaptation locale dans le respect des orientations posées par le pouvoir constituant ainsi que par la jurisprudence constitutionnelle et administrative afin de répondre au besoin d’une plus grande proximité et d’une meilleure lisibilité de l’action publique exprimée par nos concitoyens lors du Grand Débat National, dans lequel le Président de la République a affirmé sa volonté d’ouvrir « un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire ». La concertation conduite en 2020 dans chaque région et département sous l’égide des préfets sur les modalités de l’exercice local des compétences a été animée par l’ambition de transformer les relations entre l’État et les collectivités territoriales, en partant des besoins et des projets du terrain. La présente disposition entend ainsi, dans divers champs de l’action publique, ouvrir par la loi, eu égard aux exigences constitutionnelles, de nouveaux champs au pouvoir réglementaire local.

Enfin, certaines collectivités locales, entendues dans le cadre de la mission flash sur le pouvoir réglementaire local menée par les députées Monica MICHEL et Patricia LEMOINE, ont à nouveau exprimé le « besoin de pouvoir adapter les politiques publiques aux spécificités locales, en ayant la possibilité de déroger à la norme nationale (législative ou réglementaire).

Renforcer le pouvoir réglementaire local doit être un moyen de gagner en efficacité pour rapprocher la prise de décision du terrain. Les élus locaux doivent avoir plus d’autonomie pour trouver des solutions locales adaptées au contexte de leurs territoires ».

3. DISPOSITIF RETENU

La disposition envisagée vise à élargir le pouvoir réglementaire local sur différents points de compétence dans le cadre des concertations territoriales, comme peut l’être, à titre d’exemple, la fixation du nombre d’élus au conseil d’administration des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS et CIAS), le fait de laisser au maire le soin de déterminer le délai dans lequel il transmet à l’Office national des forêts l’état de répartition, entre les titulaires du droit d’usage, du nombre de bestiaux admis respectivement au pâturage et au panage, ou bien encore la possibilité donnée aux conseils municipaux de fixer par une délibération le régime des redevances dues aux communes pour l’occupation provisoire de leur domaine public par les chantiers de travaux .

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La disposition a vocation à concerner le pouvoir réglementaire tel qu’il est traité dans les différents articles des codes relativement aux compétences des collectivités territoriales, ainsi, l'article L. 123-6 du code de l’action sociale et des familles, l'article L. 241-11 du code forestier et l’article L. 2333-84 du CGCT et devront être modifiés en conséquence.

4.2. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Cette disposition nouvelle permettra aux collectivités territoriales de déterminer elles-mêmes les modalités d’application de la loi chacune dans leur domaine de compétences et ainsi de les adapter aux circonstances locales.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D’APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

En application de l'article L. 1212-2 du CGCT, la disposition envisagée a été soumise au Conseil national d'évaluation des normes.

5.2. MODALITÉS DAPPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'appliquera dès le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l’espace

Cette mesure s'applique à l'ensemble du territoire de la République, à l’exception des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie.

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