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III. Principes de modélisation en futaie irrégulière

III.3 Extension de l’indice de densité en futaie irrégulière

Le rôle de la concurrence (mesurée en général par la densité) a tendance à augmenter, d’autant plus que l’hétérogénéité du peuplement augmente. Par exemple, dans les modèles d'accroissement en diamètre des peuplements hétérogènes, le rôle de l'âge, comme repère naturel, ou même le rôle de la dimension initiale, diminue alors que le rôle de la concurrence a tendance à augmenter (Gourlet-Fleury et Houllier, 1998). Les indices de densité peuvent, en général, être groupés en deux classes comme suit : les indices absolus et les indices relatifs. Les indices absolus de densité comme le nombre de tiges, la surface terrière ou le volume par hectare ne sont pas des indices satisfaisants de densité, car ils sont dépendants de l’âge et de la fertilité du peuplement. Cependant, ce sont ces types d'indice qui ont été souvent utilisé dans les peuplements irréguliers (Buongiorno, et al. 1995). En revanche, les indices relatifs de densité sont plus pertinents car ils sont indépendants de l’âge et de la fertilité. Cependant, la plupart des indices relatifs de densité ont été proposée pour les peuplements homogènes (réguliers).

Les indices relatifs de densité les plus connus sont les suivants : - Indice de densité de Reineke ("Relative Density Index" ; RDI) - Indice de densité de Curtis ("Curtis’s Relative Density" ; RD)

- Indice de compétition des houppiers ("Crown Competition Factor" ; CCF) - Indice d’espacement relatif de Hart et Becking ("Relaive Spacing Index" ; RSI)

Par la suite, nous présentons la possibilité et la difficulté d’application des indices nommés ci- dessus dans les peuplements irréguliers.

Indice de densité de Reineke ("Relative Density Index" ; RDI)

L’indice de densité de Reineke (1933) se définit comme le rapport entre le nombre de tiges observées dans un peuplement et le nombre de tiges maximales des peuplements de même diamètre obtenues par la courbe d’auto-éclaircie :

β α Dg

N

RDI = . (Rappel, 1.19)

Dans les peuplements réguliers, l’indice de densité de Reineke (1933) basé sur la loi d’auto- éclaircie, semble le candidat le plus légitime et le plus souvent utilisé par les chercheurs. Si à la lumière de la loi d’auto-éclaircie, le choix d’un indice pertinent de densité est bien clair pour les peuplements réguliers, le choix d’un indice de densité dans les peuplements irréguliers constitue encore une problématique de la théorie dendrométrique de la production ligneuse. En effet, cette loi est une caractéristique des peuplements équiennes et monospécifiques (Dhôte, 2002). Premièrement parce que le caractère équienne est une condition importante qui permet de définir de manière plus pertinente le diamètre moyen du peuplement. Deuxièmement, le caractère monospécifique s’impose parce que le niveau de la droite d’auto-éclaircie varie en fonction de l’espèce. En général, il est plus haut pour les espèces d’ombre. Par conséquent, les caractéristiques inhérentes des peuplements hétérogènes complexifient l’application de la loi d’auto-éclaircie. Cependant, depuis les années 60, les auteurs ont essayé de définir un indice de densité basé sur la loi d’auto-éclaircie pour les peuplements inéquiennes. La première approche utilisée par les chercheurs consiste en une justification mathématique de l’application de la loi d’auto-éclaircie et

de l’indice de densité dans les peuplements irréguliers. Stage (1968) a proposé la méthode d’addition qui permet de contourner les problèmes liés à la non-pertinence du diamètre moyen dans les peuplements inéquiennes. Méthode d'addition consiste à calculer et additionner l’indice de densité de toutes les classes de diamètre présentes dans le peuplement. En effet, elle additionne la contribution relative de chaque classe de diamètre à la densité du peuplement. Cette méthode, initialement proposée par Stage (1968), a été ensuite vérifiée et approuvée par Long et Daniel (1990), Long et Smith (1984), Long (1985), Long (1995), Fiedler et Cully (1995), Shaw (2000) et Woodall et al. (2003). L'équation (1.23) présente la forme mathématique de l’indice de densité selon la méthode d'addition (Stage, 1968, Long, 1995, Shaw, 2000).

β

α

i n i D N N N RDI i n i i i . ) max ( 1 1

= = = = (1.23) avec

Ni : Nombre de tiges de la classe de diamètre i d’une espèce donnée

Di : Diamètre médian de la classe de diamètre i

α

et

β

: Paramètres du modèle

Le paramètre

β

montre la pente de la droite d’auto-éclaircie. Selon Curtis (1982), Stage (1986), Long (1995) et Shaw (2000), le paramètre

β

prend une valeur moyenne de 1.605 qui semble raisonnable pour toutes les essences.

Woodall et al. (2003) ont aussi confirmé la possibilité d’application de l’indice RDI pour les peuplements irréguliers mais ils ont souligné qu’une justification mathématique n’était pas suffisante et qu’il fallait la compléter par une interprétation biologique. En outre, ils ont montré que la méthode d’addition attribue une part plus importante aux faibles classes qu’aux autres classes. Par conséquent, l’application de l’indice RDI dans les peuplements irréguliers peut sous- ou surestimer l’occupation réelle du peuplement. Ceci peut être du fait que l’hypothèse sous- jacente consiste à assimiler les surfaces occupées des différentes classes de diamètre, ce qui n’est sans doute pas le cas. Ainsi, il suffirait de corriger ceci par un coefficient adéquat. En plus, cette approche ne tient pas compte les difficultés liées à la diversité spécifique du peuplement.

La deuxième approche utilisée par les chercheurs porte sur la justification biologique de l’application de la loi d’auto-éclaircie et de l’indice de densité dans les peuplements irréguliers. Par exemple, Sterba et Monserud (1993) et Day (1997), en étudiant les peuplements inéquiennes de douglas (Pseudotsuga menziensii) ont montré que la loi d’auto-éclaircie s’applique également aux peuplements inéquiennes. L’idée consiste à penser que, malgré certaines difficultés d'application, la présence d’une limite naturelle de croissance, telle qu’elle est expliquée par la loi d’auto- éclaircie, devrait s’appliquer également aux peuplements irréguliers. Sterba et Monserud (1993) ont abordé le problème d’application de la loi d’auto-éclaircie dans les peuplements inéquiennes et plurispécifiques. Ils ont comparé la pente de la droite d’auto éclaircie (en coordonnées logarithmiques) prise normalement –3/2 dans les peuplements équiennes et monospécifiques avec celle des peuplements inéquiennes et plurispécifiques. Selon eux, cette pente est une fonction de la répartition du nombre de tiges par classe de diamètre. Ainsi, ils ont donc montré que les peuplements réguliers ont une densité maximale supérieure à celle des peuplements irréguliers.

Day (1997) a également appliqué la loi d’auto-éclaircie dans les peuplements inéquiennes de douglas. A l'inverse du résultat obtenu par Sterba et Monserud (1993), Day (1997) a obtenu le même paramètre

β

aussi bien pour les peuplements équiennes que pour les peuplements inéquiennes. Ainsi, cela confirme la validité de la méthode d’addition de Stage dans laquelle le même paramètre

β

s’applique pour les différentes structures des peuplements. Ainsi, si on néglige la variation de ce paramètre selon la structure du peuplement (Day, 1997), l’indice de densité peut facilement être estimé dans les peuplements irréguliers.

Indice de densité de Curtis ("Curtis’s Relative Density" ; RD)

L’indice de densité relative de Curtis (1982) n’est qu’une transformation simplificatrice de l’indice de densité de Reineke (1933). L’idée de Curtis (1982) consiste à utiliser la courbe d’auto- éclaircie en remplaçant le nombre de tiges par la surface terrière. Par conséquent, il a défini son indice de la même façon que Reineke (1933) en divisant la surface terrière du peuplement par la surface terrière maximale. Cette définition à partir de la surface terrière, nous dispense de définir un diamètre moyen pour le peuplement, ce qui peut faciliter l’application de cet indice dans les peuplements irréguliers où le diamètre moyen n’est pas une variable pertinente.

β

α

− = Dg Nmax . (1.24) 4 . 2 . max max N Dg π G = (1.25) En remplaçant l'équation (1.24) dans l'équation (1.25), on obtient :

4 . 2 . . max α Dg β Dg π G = − (1.26) Si 4 .

π

α

α

′= et β′=2−β, on obtient : ' max

α'.Dg

β

G

=

(1.27) Et alors : ' max

α'.Dg

β

G

G

G

RD=

obs

=

obs (1.28)

Où α’ et βsont les nouveaux paramètres.

En effet, comme le paramètre α est un paramètre constant pour une essence donnée, le rang relatif attribué par cet indice ne change pas si on remplace α par 1 (Curtis, 1982). Nous obtenons donc l’équation suivante :

' β

Dg

G

RD=

obs (1.29)

Curtis (1982) a initialement développé son indice pour le douglas pour lequel les paramètres β et

β’ (β′=2−β) ont été estimés respectivement à –1,5 et 0,5. Par conséquent, il a obtenu l’indice de densité relative comme suit :

Dg

G

RD=

obs (1.30) avec

RD : Indice de relatif de Curtis

Gobs : Surface terrière

Dg : Diamètre moyen

Day (1997) a appliqué cet indice dans les peuplements inéquiennes et mélangés dominés par le douglas. Il a soutenu le fait que cet indice est applicable, avec le même paramètre, dans les peuplements réguliers et irréguliers. Ceci revient à accepter que la densité maximale ne dépende pas de la structure du peuplement. Selon Curtis (1982), β prend une valeur moyenne de 1,605 qui semble raisonnable pour toutes les espèces. Par conséquent, Curtis a proposé que la valeur moyenne de paramètre β' soit 0.4 (β′=2−β). Plus précisément, le paramètre β' prend en général une valeur comprise entre 0,3 et 0,5.

Les avantages majeurs de cet indice résident dans son indépendance vis-à-vis de l’âge et de la station, dans sa précision acceptable, sa relation étroite avec les autres indices relatifs de densité comme l’indice de densité (RDI) et dans sa facilité d’application aux diverses structures forestières. Il est d’ailleurs à noter que les données nécessaires pour calculer cet indice sont, la surface terrière et le diamètre quadratique moyen qui sont quasiment toujours fournis.

Indice de compétition en houppier ("Crown Competition Factor" ; CCF)

Idéalement, un indice de densité devrait être applicable à toute structure forestière. De ce fait, Monserud et Streba (1996) ont cherché un tel indice de densité. Les indices comme RDI et Curtis ne remplissent pas parfaitement cette condition car le paramètre de β n'est forcément pas indépendant de la structure du peuplement. En revanche, Monserud et Streba (1996) ont montré que l’indice de compétition en houppiers (CCF) remplit cette condition. Cet indice est fondé sur les surfaces des cimes dans le peuplement par rapport aux surfaces maximales des cimes en croissance libre. Cependant, le calcul de cet indice exige les données de la croissance des houppiers dans le peuplement et en croissance libre, lesquels sont rarement disponibles. Ceci limite l’emploi de cette approche dans la pratique de la gestion courante. De la même façon, les autres indices qui sont basés sur la mesure du houppier ne sont pas adaptés dans la mesure où leur application nécessite des données souvent non disponibles.

Indice d’espacement relatif de Hart et Becking ("Relaive Spacing Index" ; RSI)

L’indice de Hart-Becking se définit par le rapport de l’espacement moyen entre les arbres et le produit de la racine carrée du nombre de tiges à l'hectare par la hauteur dominante du peuplement22. Cependant, le calcul de cet indice exige l’estimation de la hauteur dominante du

22 N H RSI 0 5 , 107

peuplement. C’est pourquoi l’application de cet indice dans les peuplements irréguliers semble très limitée.

Actuellement, il nous semble que le choix d’un indice de densité simple et applicable dans les variétés des peuplements forestiers n’est pas parfaitement possible. Cependant, Froese et al. (2002) en étudiant une base importante de données couvrant la variété des structures forestières en Colombie Britannique ont conclu que la corrélation linéaire entre les indices relatifs de densité, comme l’indice de densité Reineke (1933), l’indice de densité de Curtis (1982) et l’indice de compétition en houppiers (CCF), dépasse souvent 0.95 mais reste significativement différent de zéro. Par conséquent, le choix de ces indices ne changera pas, de manière importante, la précision du modèle. Dans ce contexte, à défaut d’un indice simple et adapté de densité (indépendant de l’âge et de la station et applicable à la variété des structures forestières), l’utilisation des indices relatifs de densité qui se basent sur la loi d’auto-éclaircie comme l’indice de densité (RDI) semble plus justifié que les indices comme la surface terrière du peuplement ou les indices, difficile à calculer comme l’indice de compétition en houppiers (CCF). Cependant, plus on s'éloigne du peuplement équienne et monospécifique, plus la précision du calcul de l’indice de densité, basé sur la loi d’auto-éclaircie, est susceptible de diminuer.