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III. INTRODUCTION GENERALE

3. Le récepteur de la GnRH hors de l’hypophyse

3.1 Expression du RGnRH dans les organes reproducteurs

Compte tenu du rôle crucial du système GnRH dans la fonction de reproduction chez les Mammifères, fonction qui est affectée de façon drastique et quasi-exclusive en cas de perte de la GnRH ou de son récepteur (voir § 1.1.3), les gonades constituent un point de départ logique pour l’étude des sites d’expression extra-hypophysaires du RGnRH. L’hypothèse de sa présence dans les gonades de Mammifères, également soutenue par le rôle direct de la GnRH sur la fonction gonadique dans d’autres groupes d’animaux (voir § 1.2.3), a été validée par de nombreuses études. Les premières investigations fonctionnelles ont eu pour objet de vérifier si l’effet « paradoxalement » inhibiteur d’une injection massive et chronique de GnRH sur la fonction de reproduction pouvait impliquer un effet direct sur les gonades. Réalisées in vitro sur des cellules en culture ou in vivo chez des animaux hypophysectomisés, pour éliminer l’effet hypophysaire de la GnRH, ces expériences ont notamment démontré un effet inhibiteur de la GnRH sur la stéroïdogenèse induite par les gonadotropines chez le rat (pour revue : Hsueh et Jones, 1983).

Dans le cas de l’ovaire, les effets biologiques de la GnRH observés in vivo (Hsueh et Erickson, 1979a) ont été reproduits in vitro sur des cultures de cellules de la granulosa (Hsueh et Erickson, 1979a) et de cellules lutéales (Clayton et al., 1979), où des sites spécifiques de liaison ont été mis en évidence dans les deux cas (Clayton et al., 1979, Jones et al., 1980). Chez l’homme, des

effets biologiques de la GnRH ont d’abord été observés sur des cellules de la granulosa en culture (Tureck et al., 1982), avant que ne soit mise en évidence pour la première fois l’expression d’un récepteur fonctionnel dans ces cellules, exclusivement dans un follicule préovulatoire dominant, par liaison sur coupe suivie d’autoradiographie (Latouche et al., 1989). Chez la ratte, des approches d’hybridation in situ et de RT-PCR quantitative ont permis d’observer une grande variabilité de l’expression du Rgnrh en fonction de la phase du cycle œstrien et du stade de maturation folliculaire. Cette expression est en effet détectée dans les follicules de De Graff, mais elle est également particulièrement élevée dans les follicules atrétiques (Bauer-Dantoin et Jameson, 1995, Kogo et al., 1995, Whitelaw et al., 1995). Ces données, associées à l’effet apoptotique de la GnRH sur les cellules de la granulosa de ratte in vitro (Billig et al., 1994), suggèrent fortement une implication du RGnRH dans l’atrésie folliculaire. Le système GnRH jouerait également un rôle dans les processus de lutéinisation/lutéolyse en stimulant l’expression de la métalloprotéase MMP-2 (Matrix metalloproteinase 2) dans le corps jaune, enzyme impliquée dans le remodelage de la matrice extracellulaire (Goto et al., 1999). Concernant la source potentielle de ligand dans l’ovaire, plusieurs études ont mis en évidence une expression locale de la GnRH (Oikawa et al., 1990, Clayton et al., 1992, Li et al., 1993), dont l’ARNm a été localisé dans les cellules de la granulosa et thécales de tous types de follicules (primaire à de De Graff) ainsi que dans le corps jaune chez le rat (Clayton et al., 1992). Cette expression, partiellement corrélée avec celle du RGnRH, suggère un rôle autocrine ou paracrine du système GnRH dans l’ovaire.

Chez le rat mâle, l’inhibition de la stéroïdogenèse par la GnRH observée in vivo (Bambino et

al., 1980, Hsueh et Erickson, 1979b) a pu être reproduite in vitro sur des cellules de Leydig (Hsueh,

1982). Des sites de liaison spécifiques pour la GnRH ont été mis en évidence sur ces cellules (Bourne

et al., 1980, Clayton et al., 1980, Lefebvre et al., 1980), contrairement aux cellules de Sertoli dans

lesquelles l’ARNm de la GnRH a, quant à lui, été détecté par hybridation in situ (Bahk et al., 1995). Ces données suggèrent donc un rôle paracrine de la GnRH dans le testicule de rat. Les effets inhibiteurs de la GnRH sur la stéroïdogenèse induite par la LH observés chez le rat adulte ont également été mis en évidence sur des cellules en culture provenant de testicules néonataux (Dufau

et al., 1984) et sur des cultures organotypiques de testicules fœtaux (Habert et al., 1991). Renforçant

l’hypothèse d’un rôle du système GnRH au cours de la vie fœtale dans les gonades, les ARNm de la GnRH et de son récepteur ont été mis en évidence au laboratoire, par RT-PCR et dot-blot, dès E14,5 dans le testicule et dès E15,5 dans l’ovaire chez le rat (Botté et al., 1998).

En outre, le transcrit du Rgnrh a été détecté par Northern blot dans des cellules germinales de testicule chez le rat et la souris (Bull et al., 2000) et l’activité du promoteur du Rgnrh y a été observée chez les souris transgéniques Rosa26-Yfp x Rgnrh-Cre (voir § 2.5.2 ; Wen et al., 2010). Ces résultats étant contradictoires avec de nombreuses études ayant mis en évidence une expression restreinte au tissu interstitiel dans le testicule, l’expression du Rgnrh dans les cellules germinales mérite de plus amples investigations. Néanmoins, plusieurs observations soutiennent cette possibilité. In vitro chez l’homme, l’adjonction de GnRH dans le milieu facilite la fixation à la zone pellucide des spermatozoïdes (Morales, 1998), où le RGnRH a été détecté par immunohistochimie dans la région

de l’acrosome (Lee et al., 2000). Chez les Rongeurs, des antagonistes de la GnRH inhibent la fécondation in vitro et in vivo après injection dans l’oviducte (Morales et al., 2002). L’expression de la GnRH a été détectée par RT-PCR et immunohistochimie dans les trompes de Fallope chez la femme (Casañ et al., 2000), suggérant son implication dans les processus de fécondation, de développement précoce du zygote et d’implantation. Allant dans le même sens, des effets stimulateurs de la GnRH ont été observés sur le taux de clivage d’oocytes bovins fécondés in vitro (Funston et Seidel, 1995) ainsi que sur le développement préimplantatoire d’embryons de souris (Raga et al., 1999) et de porc (Nam et al., 2005). Dans ces deux dernières études ainsi que chez l’homme (Casañ et al., 1999), l’expression du ligand et de son récepteur ont été détectées dans des embryons préimplantatoires à différents stades. Cependant, aucun rôle crucial du système GnRH n’a pu être mis en évidence au cours des étapes d’implantation et de développement précoce chez les souris invalidées pour le

Rgnrh (Wu et al., 2010).

Les séquences nucléotidiques des ARNm des récepteurs ovarien et testiculaire ont été établies chez le rat, révélant une séquence identique à celle du récepteur hypophysaire et confirmant l’expression d’un même gène dans ces trois organes (Moumni et al., 1994). L’expression de ce gène pourrait cependant être soumise à des mécanismes régulateurs différents en fonction du site d’expression, voire même dépendre de promoteurs distincts, à l’image du gène mammalien de l’aromatase, Cyp19, dont l’expression histospécifique semble impliquer plusieurs promoteurs alternatifs dirigeant l’expression d’une séquence codante unique (Conley et Hinshelwood, 2001). Les modèles transgéniques exprimant un gène rapporteur sous le contrôle du promoteur du Rgnrh (voir § 2.5.1) peuvent contribuer à répondre à cette question. Des analyses in toto chez les modèles exprimant le gène rapporteur de la luciférase ont révélé que le promoteur de souris induit une expression testiculaire faible et variable du transgène, alors qu'aucune expression n’est détectée dans l’ovaire (McCue et al., 1997). Des données similaires ont été obtenues avec les promoteurs ovins, conduisant à une expression de la luciférase significativement plus élevée dans le testicule que dans l’ovaire (Duval et al., 2000). D’après ces résultats, l’expression ovarienne du Rgnrh semble régulée par des régions promotrices différentes du promoteur hypophysaire, qui est en revanche capable de diriger l’expression du transgène dans le testicule. De façon plus surprenante, dans le modèle

Rosa26-Yfp x Rgnrh-Cre, on n’observe aucune expression d’YFP dans l’ovaire alors que, cette fois-ci,

c’est le promoteur endogène naturel et complet qui contrôle l’expression des transgènes (Wen et al., 2010).

Outre les gonades, le RGnRH est exprimé dans plusieurs autres tissus associés à la fonction de reproduction. Des sites de liaison de la GnRH ont ainsi été détectés dans le placenta humain (Currie et al., 1981, Belisle et al., 1984). Le transcrit du récepteur y a également été observé par hybridation in situ (Lin et al., 1995) ou RT-PCR (Kakar et Jennes, 1995, Boyle et al., 1998, Wolfahrt et

al., 1998). Dans ce tissu, cette expression est associée à une production locale de GnRH (Tan et

Rousseau, 1982, Wolfahrt et al., 1998). En outre, la GnRH stimule in vitro la synthèse et la libération de la gonadotropine chorionique humaine (hCG) (Belisle et al., 1984, Lin et al., 1995). In vivo, cette hormone stimule à son tour la sécrétion de progestérone par le corps jaune, nécessaire à

l’établissement et au maintien de la gestation dans les stades précoces. Dans ce contexte, deux études suggèrent une implication du système GnRH dans le remodelage des tissus, particulièrement important au moment de l’implantation. In vitro sur cultures primaires de cytotrophoblaste, la GnRH stimule l’expression des metalloprotéases MMP-2 et MMP-9, et diminue celle de TIMP-1 (Tissue- specific Inhibitor of MMP) (Chou et al., 2003a). Dans des cellules déciduales humaines, correspondant à la partie maternelle du placenta issue de l’endomètre utérin, la GnRH stimule in vitro l’expression de MMP-2 et MMP-9 sans modifier celle de TIMP-1 (Chou et al., 2003b). En modifiant ainsi la balance MMP/TIMP, le système GnRH pourrait in vivo jouer un rôle décisif dans les remodelages tissulaires qui s’effectuent dans les stades précoces de la grossesse. Ces données suggèrent également la présence d’un RGnRH fonctionnel dans la déciduale humaine. Soutenant cette hypothèse, le transcrit du RGnRH a été mis en évidence par RT-PCR dans l’endomètre humain (Raga et al., 1998) ainsi que dans le myomètre (Chegini et al., 1996). En outre, le récepteur a été détecté par liaison de l25I-GnRH dans l’endomètre et le myomètre de rat (Clayton et Catt, 1981). Le transcrit du RGnRH a également été mis en évidence dans la prostate et la glande mammaire humaines (Kakar et al., 1992) ainsi que chez le rat (Levi et al., 1996, Tieva et al., 1999). Chez la ratte, les ARNm de la GnRH ont été détectés dans la glande mammaire pendant la gestation et la lactation, suggérant une action autocrine ou paracrine dans cet organe (Palmon et al., 1994). En outre, la présence de GnRH dans le lait est établie depuis longtemps chez la vache et la ratte ainsi que dans l’espèce humaine (Baram et al., 1977). Cependant, il faut préciser qu’une très grande partie des résultats obtenus dans les tissus reproducteurs concernent les formes tumorales qui en dérivent (évoquées § 3.6).

3.2 Expression du RGnRH dans les tissus périphériques non reproducteurs