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III. INTRODUCTION GENERALE

3. Le récepteur de la GnRH hors de l’hypophyse

3.3 Expression du RGnRH dans le système nerveux central

Depuis plus de 30 ans, plusieurs observations ont suggéré que la GnRH puisse jouer un rôle de neuromodulateur/neurotransmetteur dans le cerveau, rôle qui serait essentiellement lié aux comportements sexuels. Ainsi dès 1973, deux études ont montré qu’une injection sous-cutanée de GnRH facilite le comportement de lordose chez la ratte hypophysectomisée (Moss et McCann, 1973, Pfaff, 1973). Cet effet pourrait, in vivo, permettre de synchroniser le comportement sexuel des femelles avec la décharge ovulante de LH. La même observation a été reproduite en injectant la GnRH directement dans la substance grise périaqueducale du mésencéphale, où l’implication de la GnRH endogène a été suggérée par l’effet inhibiteur d’une injection de gammaglobulines anti-GnRH (Sakuma et Pfaff, 1980). Par la suite, des expériences d’hybridation in situ et de liaison de 125I-GnRH ont mis en évidence l’expression du RGnRH dans plusieurs sites du cerveau (pour revue : Jennes et

al., 1997). Des sites de liaison ont ainsi été détectés chez le rat essentiellement dans le système

olfactif, le septum latéral, l’hypothalamus, le noyau interpédonculaire, la substance grise périaqueducale, le colliculus supérieur, le complexe amygdaloïde et l’hippocampe (Badr et Pelletier, 1987, Reubi et al., 1987, Jennes et al., 1988, Leblanc et al., 1988). Les études par hybridation in situ ont mis en évidence une distribution du transcrit largement corrélée avec celle de ces sites de liaison (Jennes et Woolums, 1994). Le transcrit du Rgnrh a en effet été détecté dans le système olfactif, les noyaux arqué et ventro-médian de l’hypothalamus, l’habénula médiane, l’amygdale et l’hippocampe. Chez les modèles transgéniques exprimant la luciférase sous le contrôle du promoteur murin ou ovin du Rgnrh, des analyses in toto ont révélé une expression élevée du transgène dans le cerveau, correspondant à 10% du taux d’expression hypophysaire dans le cas du promoteur murin (McCue et

al., 1997, Duval et al., 2000). Ces données suggèrent que le même promoteur est capable de diriger

l’expression du transgène à la fois dans l’hypophyse et dans une ou plusieurs régions du cerveau. Chez le modèle transgénique Rgnrh-hPLAP créé au laboratoire, le promoteur de rat a également permis d’induire une expression du transgène dans le cerveau. En outre, les sites d’expression ont pu être précisément localisés in situ (Granger et al., 2004), recoupant partiellement les données antérieures. En particulier, un marquage intense a été observé dans l’hippocampe, l’amygdale et le septum latéral, ainsi que dans quelques corps cellulaires de l’hypothalamus ventro-médian.

3.3.1. Les neurones à GnRH

Dans l’hypothalamus, les neurones à GnRH suscitent un intérêt particulier en tant que sites potentiels de régulation autocrine par la GnRH. Dans ce contexte, plusieurs études ont suggéré une expression du RGnRH par ces neurones (pour revue : Krsmanovic et al., 2009). Ces mécanismes ont d’abord été étudiés dans une lignée immortalisée de neurones à GnRH murins (GT1-7), dans laquelle l’expression du RGnRH a été mise en évidence par liaison de 125I-GnRH et Northern-blot (Krsmanovic

et al., 1993). Ces cultures neuronales, périfusées par un agoniste de la GnRH, répondent par une

mobilisation de la signalisation calcique ainsi que des modifications doses-dépendantes de la

sécrétion de GnRH. L’expression du récepteur a par la suite été mise en évidence dans des neurones en culture provenant d’hypothalamus de rat fœtaux, où elle a été colocalisée avec la GnRH par double marquage immunologique (Krsmanovic et al., 1999), ainsi que par microdissection laser des neurones à GnRH suivie de RT-PCR sur cellule unique (Martinez-Fuentes et al., 2004). Les effets d’agonistes de la GnRH ont été observés sur ces cultures (Krsmanovic et al., 1999), mais également sur des neurones dérivés de placodes olfactives de rat, identifiés comme des neurones à GnRH sur des critères morphologiques et exprimant à la fois le transcrit de la GnRH et celui de son récepteur (Martinez-Fuentes et al., 2004). Chez le rat adulte, si l’expression du RGnRH est bien établie dans l’hypothalamus (Jennes et al., 1988, Jennes et Woolums, 1994, Jennes et al., 1997, Krsmanovic et al., 1999), sa localisation dans les neurones à GnRH n’est pas démontrée à ce jour. En revanche, chez la souris adlute, l’expression du Rgnrh a été détectée dans une sous-population de neurones à GnRH, en utilisant un modèle de souris exprimant la GFP sous le contrôle du promoteur du gène de la GnRH. Une approche de RT-PCR sur cellule unique a révélé la présence de l’ARNm du Rgnrh dans 52% des neurones positifs pour la GFP (Xu et al., 2004). Dans une proportion équivalente de neurones GFP, les enregistrements extracellulaires de la fréquence de décharge ont montré un effet dépendant de la dose de GnRH, inhibitrice à faible dose et activatrice à forte dose. Ces résultats suggèrent l’existence d’une boucle ultra-courte de régulation autocrine de la GnRH sur sa propre libération, qui pourrait notamment être impliquée dans la transition entre libération pulsatile et décharge massive. Enfin, une étude a mis en évidence l’expression du RGnRH par liaison d’agoniste marqué, immunoblot et RT- PCR dans une lignée immortalisée de neurones humains immatures (FNC-B4), présentant à la fois des caractéristiques de neurones olfactifs et de neurones à GnRH (Romanelli et al., 2004). En outre, des effets de la GnRH ont été observés sur la croissance axonale, la réorganisation du cytosquelette d’actine et la migration de ces neurones, suggérant un rôle autocrine du neuropeptide in vivo dans la migration des neurones à GnRH au cours du développement. Cependant, un tel rôle serait absent, ou non essentiel, chez la souris. En effet, dans cette espèce, l’absence de GnRH ou de son récepteur n’affectent ni la taille, ni la distribution de la population de neurones à GnRH chez l’adulte, repérés par un gène rapporteur chez les souris Gnrh-/- (Gill et al., 2008). En outre, chez les souris Rosa26-Yfp x

Rgnrh-Cre (voir § 2.5.2), la protéine YFP n’est pas exprimée dans les neurones à GnRH

hypothalamiques (Wen et al., 2010).

3.3.2. L’hippocampe

L’hippocampe est très certainement la zone du cerveau où le RGnRH et son ARNm sont les plus abondants (Reubi et al., 1987, Jennes et Woolums, 1994). L’hippocampe est une structure paire constituée de deux régions, la corne d’Ammon et le gyrus denté, jouant un rôle majeur dans les processus de mémorisation et de codage des informations spatiales. La corne d’Ammon, subdivisée en 3 régions (CA1 à CA3), contient des neurones pyramidaux dont les corps cellulaires sont situés dans le stratum pyramidale. De part et d’autre, le stratum oriens et le stratum radiatum sont enrichis en prolongements dendritiques provenant de ces neurones. Les expériences de liaison ont révélé la présence de sites de liaisons abondants dans les strata oriens et radiatum chez le rat (Leblanc et al.,

1988), alors que les transcrits ont été mis en évidence dans le stratum pyramidale (Jennes et Woolums, 1994), suggérant que les neurones pyramidaux expriment le Rgnrh, dont le produit est ensuite transporté dans les neurites. Plus récemment, une approche par immunohistochimie a révélé la présence du RGnRH dans l’hippocampe chez la souris, l’ovin et l’homme (Albertson et al., 2008a, Wilson et al., 2006). Cependant, au laboratoire, nous ne sommes pas parvenus à obtenir un marquage spécifique du récepteur avec l’anticorps utilisé chez la souris et l’ovin, confirmant les difficultés d’obtention d’un anticorps fiable contre ce récepteur et nous incitant à une certaine prudence dans l’interprétation des données obtenues par immunomarquage. Par ailleurs, la présence du RGnRH dans l’hippocampe a également été mise en évidence en observant les effets biologiques induits par son activation in vitro. En effet, l’ajout de GnRH sur tranches d’hippocampe de rat induit des réponses électriques dans des neurones pyramidaux de la région CA1 (Palovcik et Phillips 1986, Wong et al., 1990, Chen et al., 1993), ainsi que la production d’IP3 (Jennes et al., 1995). En outre, la GnRH induit une potentialisation à long terme (LTP) des courants post-synaptiques excitateurs associés aux récepteurs ionotropiques glutamatergiques (Yang et al., 1999). De façon intéressante, les stéroïdes sexuels régulent négativement l’expression du RGnRH dans l’hippocampe de rat (Badr

et al., 1988, Jennes et al., 1995) ainsi que la production d’IP3 induite par la GnRH (Jennes et al.,

1995).

D’autres observations ont démontré une implication des stéroïdes sexuels, en particulier de l’œstradiol, sur la fonction hippocampique et plus précisément sur la plasticité synaptique (pour revue : Schumacher et al., 1997, Prange-Kiel et Rune, 2006), qui constitue très probablement l’une des bases cellulaires des processus cognitifs de mémorisation et d’apprentissage (Martin et Morris, 2002). Chez la ratte, l’ovariectomie induit une diminution de la densité d’épines synaptiques dans les neurones pyramidaux de la région CA1 (Gould et al., 1990), dont le nombre fluctue naturellement au cours du cycle œstrien (Woolley et al., 1990). L’injection périphérique d’œstradiol rétablit une densité d’épines normale dans l’hippocampe des rattes ovariectomisées (Gould et al., 1990) et facilite l’induction d’une LTP dans les neurones de la région CA1 in vivo (Cordoba-Montoya et Carrer, 1997). Ces données suggèrent un mode d’action endocrine des stéroïdes gonadiques sur le cerveau. Par ailleurs, les neurones hippocampiques expriment la StAR (Steroidogenic Acute Regulatory protein) et l’aromatase (Wehrenberg et al., 2001), et l’œstradiol est synthétisé de novo par des cultures primaires et tranches d’hippocampe de rat adulte (Prange-Kiel et al., 2003). Un inhibiteur de l’aromatase diminue la synaptogenèse sur cultures dispersées ou tranches d’hippocampe de jeune rat, en réduisant le nombre de boutons pré-synaptiques et d’épines dendritiques. Ces effets morphologiques sont associés à une diminution de l’expression de la synaptophysine et de la spinophiline, marqueurs respectivement pré- et post-synaptique (Kretz et al., 2004). Ces observations, associées à la quasi- absence d’effet suite à une application d’œstradiol exogène sur les cultures, ont conduit à la conclusion que la plasticité synaptique hippocampique dépendait de la synthèse locale d’œstradiol. Cette production locale serait, par ailleurs, également impliquée dans la croissance axonale (von Schassen et al., 2006). Récemment, l’équipe de G. M. Rune, qui a publié la majeure partie des résultats cités précédemment, a démontré in vitro un rôle de la GnRH sur la synaptogenèse dans l’hippocampe de rat, dépendante de la production locale d’œstradiol (Prange-Kiel et al., 2008). Si un

rôle de la GnRH était avéré in vivo et que celle-ci provienne des neurones hypothalamiques de l’axe HHG, les variations de densité d’épines dendritiques observées au cours du cycle œstrien (Woolley et

al., 1990) pourraient découler d’un effet direct de la GnRH, qui synchroniserait ainsi la production

locale d’œstradiol dans l’ovaire et dans l’hippocampe (Prange-Kiel et al., 2009).

3.4 Autres structures du SNC : cortex, cervelet, système olfactif, moelle