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II.2 ExPLoRER LE MoNDE

L’école maternelle prend le nom d’école enfantine en Suisse et de kindergarten dans les pays anglo-saxons. En France, l’entrée à l’école maternelle, bien que non obligatoire, concerne une grande majorité des enfants. Dans beaucoup d’écoles maternelles, cette expérience scolaire (souvent la première), se construit à partir d’une structure commune constituée de différents domaines d’apprentissage (motricité, langage, expression artistique, etc).

Le programme pédagogique établi par le ministre de l’éducation des domaines d’apprentissages et de compétences : « Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions; Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique;

Construire les premiers outils pour structurer sa pensée; Explorer le monde, etc »45.

Même s’il existe un rapport entre l’architecture et l’ensemble de ces domaines, dans le cadre de cette étude, nous nous intéresserons essentiellement à la dernière partie intitulée explorer le monde car c’est ici que le rapport y est le plus évident.

II.2.1

Les repères spatiaux temporels

II.2.1.1 Le temps

L’orientation dans le temps est plutôt floue et assez longue à se mettre en place chez les enfants. En effet, ce n’est que vers l’âge de quatre où cinq ans que l’enfant s’intéresse véritablement à la notion du temps, d’heure ou de durée. « Jusqu’à quatre ans, les enfants vivent le temps, mais ne le

pensent pas »46. L‘enfant commence à appréhender le temps à sa façon, en se

45. « La présentation du programme à l’école maternelle - Ministère de l’Éducation

nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche », consulté le 1 mai 2017, http://

www.education.gouv.fr/cid33/la-presentation-du-programme-a-l-ecole-maternelle.html.

46. « Les différentes facettes du temps | Cairn.info », consulté le 1 mai 2017, https://www.cairn.

info/revue-enfances-et-psy-2001-1-page-26.htm.

constituant des repères, mais ce n’est vraiment qu’à l’école primaire qu’il va en avoir une compréhension plus précise et va devenir habile avec la notion de présent de passé et de futur.

Durant la période d’âge préscolaire, les enfants structurent et organisent leur monde en s’associant à des repères physiologiques (repas, sommeil, bain, etc.). Ces premiers repères correspondent effectivement à des activités de la vie quotidienne qui sont plus facilement assimilables. Même à l’âge adulte, nous continuons de nous constituer des repères temporels assimilés à des activités précises pour prendre conscience du temps. Nous regardons plus loin sur l’échelle du temps, nous ne nous préoccupons pas seulement du temps d’une journée mais du temps d’une vie. Ainsi, nous prenons comme repère par exemple l’événement « avoir un enfant », « se marier », « mourir », etc.

À la maternelle, les mots utilisés pour figer la notion de temps et la rendre universelle comme « demain », « dans une semaine », « dans trois mois », sont encore difficiles à intégrer. En revanche, des indications comme « dans trois dodos », « l’heure d’aller au lit », associées à des événements récurrents et significatifs pour l’enfant sont de suite plus éloquents. À l’âge de trois ans, l’enfant a encore du mal à se projeter dans un futur ou un passé trop éloigné mais les notions d’avenir proche ou de passé proche comme « bientôt », « attends », deviennent de plus en plus précises. Les enfants consolident petit à petit leur appréhension du temps. En effet, à l’école les journées sont rythmées par des activités récurrentes, toujours organisées dans le même ordre et aux mêmes endroits pour aider l’enfant à se créer ses repères, ce qui le rassure et le réconforte. C’est pourquoi les espaces destinés à chacune des activités doivent être singuliers pour être plus facilement identifiables. Ces repères, de plus en plus stables et solides, l’aident également à situer d’autres événements plus ponctuels et à restituer dans une suite logique le déroulement d’une journée. C’est la notion de chronologie que les enseignants tentent de consolider. Peu à peu, la période de temps étudié s’élargit, on passe de la chronologie d’une journée à celle d’une semaine. Progressivement, l’enfant apprend à décrire le temps et à situer des actions dans un temps proche (demain, plus tard, hier…). À l’âge de quatre ans, il

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connaît son âge et puis les jours de la semaine, les saisons, les mois. En même temps que la stabilisation des premiers repères temporels, l’école maternelle a également pour objectif la sensibilisation à la notion de durée (temps court, temps long, temps très long). Celle-ci apparaît plutôt vers l’âge de quatre ans, un âge où l’on commence à apprendre à l’enfant la matérialisation du temps. À cet âge, les enfants comprennent où du moins ressentent que le temps a une influence sur le comportement de ses proches (« dépêche-toi on va être en retard », « il est l’heure d’aller se coucher», etc). Ils sont alors curieux d’apprendre ce que sont les « heures ». C’est d’ailleurs souvent vers l’âge de quatre/cinq ans que les enfants réclament leur première montre. C’est d’abord pour faire comme les grands, car ils comprendront et ressentiront plus tard le besoin de mesurer et de visualiser le temps. En grandissant, les heures vont permettre à l’enfant de clarifier ses repères temporels en les situant plus précisément dans l’espace-temps plutôt que de les assimiler de manière informelle à des événements particuliers du quotidien. Les heures, les minutes, les secondes vont affiner sa vision du temps et l’aider à nommer et quantifier la notion de la durée.

En effet, à la différence de l’espace, le temps est difficilement manipulable, donc compliqué à appréhender pour les petits. On peut facilement faire l’expérimentation physique d’un espace en le touchant, le palpant alors que le temps, nous pouvons juste se l’imaginer, se le représenter fictivement. En étant enfant, le corps ne permet pas de rendre compte du temps sur une courte durée comme il sait le faire avec l’espace, car les effets du temps sur le corps sont visibles à une plus grande échelle, sur une plus longue durée. Elles se traduit par la croissance physique du corps dans un premier temps puis par les marques de vieillesse (rides, blanchissement du cheveu, etc). Sur une courte durée, le temps s’évalue par le déplacement d’un corps dans l’espace. Par ailleurs, il se visualise plus difficilement et indirectement par des intermédiaires comme l’espace. Ainsi, nous matérialisons le temps qui passe en transposant une unité de temps en une unité de mesure (par exemple, le déplacement de l’aiguille d’une montre ou d’une horloge sur un cadran). En revanche, de la même manière qu’il existe une relation physique du corps à l’espace (un espace très grand étant enfant, nous paraît incroyablement

plus petit en grandissant) il existe une relation psychique de l’esprit à la notion du temps. La représentation que l’on se fait d’une heure à l’école maternelle est étonnamment plus longue que celle que l’on s’en fait à l’âge adulte. Pourtant, le temps qui s’écoule est invariable et universel. Cette différence de rapport au temps est une donnée essentielle qui ne doit pas être négligeable pour les adultes.

II.2.1.2 L’espace

L’espace est informel, il existe une infinité d’espaces : l’espace du corps, du temps, l’espace graphique, représentatif, construit, etc. D’après Georges Mesmin, « les premiers pas de l’enfant sont attendus avec impatience, puis fêtés avec joie, comme ses premiers mots. La tradition populaire attache ainsi à l’apprentissage de l’espace la même importance qu’à l’apprentissage du langage. L’un comme l’autre sont indispensables à la pleine maîtrise du monde extérieur

»47. Nous venons de voir que l’espace était plus facilement appropriable que

le temps car on pouvait en effet l’expérimenter. En psychologie, l’espace correspond à « une réalité physique et non à une simple représentation du

monde »48.

Il semblerait que l’apprentissage de l’espace passe d’abord par l’expérimentation. Les enfants expérimentent l’espace très tôt, dès le moment où ils commencent à se déplacer. Au début, leur espace d’expérimentation est plus restreint, au fur et à mesure qu’ils grandissent ils élargissent cet espace. L’expérimentation de l’espace est, en grande partie, rendue possible grâce à l’activité psychomotrice et sensorielle de l’enfant.

Pour appréhender et expérimenter un espace, l’enfant se laisse guider par sa perception. D’après la théorie motrice de la perception d’Alain Berthoz, la perception se construit grâce à l’interprétation des sensations que le corps ressent sur le moment et à celles qu’il a déjà emmagasinées au cours de ses derniers mouvements. Ainsi, les sens ne sont pas des capteurs passifs mais dialoguent en permanence avec le corps et l’esprit. Il est vrai qu’après chacun de nos passages dans un lieu, on enregistre des sensations, des 47. Mesmin et Balladur, L’enfant, l’architecture et l’espace, p 20.

48. Jean-François Dortier, dictionnaire des sciences sociales (Sciences Humaines, 2013).

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perturbations, des interactions qui ressurgissent inconsciemment lors de la découverte d’un nouvel espace.

La pensée (le psychisme), est à l’origine du mouvement. En effet, nous prenons la décision de marcher, de courir, de sauter, de danser, etc. Ensuite, c’est l’action (le moteur) qui provoque la sensibilité. Comme dirait Jean Pierre Roll, « nos actions conditionnent et calibrent l’ensemble de nos fonctions

sensibles »49. Enfin, la plupart des informations relatives aux mouvements

sont réceptionnées grâce au sens proprioceptif. Le sens proprioceptif est parfois considéré comme un sixième sens jouant un rôle essentiel dans les activités de repérage et de déplacement du corps. Cette sensibilité est fondamentale dans l’appréhension d’un espace quelconque puisqu’elle permet de comprendre l’espace sans avoir nécessairement besoin de le visualiser. Le sens proprioceptif, également appelé le sens du mouvement, n’est pas assimilé à un organe en particulier comme peuvent l’être les autres sens, mais concerne l’ensemble des muscles et des articulations du corps. La vue et les autres sens, l’odorat, le toucher, le goût et l’ouïe facilitent la lecture de l’espace, ils sont sollicités pour mémoriser l’espace et pour y situer le corps afin d’évaluer les distances et de pouvoir en mesurer l’échelle. À l’aide de ses cinq sens, l’enfant photographie instinctivement l’espace, ce qui lui permet d’assigner un emplacement aux choses et établir une première forme d’ordre et de stabilité. Ainsi, doté d’une grande sensibilité, le corps est un énorme capteur qui peut rendre compte de l’espace par sa position et son déplacement tout en sollicitant sa mémoire perceptive et sensorielle. Comme dans l’espace-temps, les enfants se situent dans l’espace grâce à leurs sens premiers mais également grâce à la constitution de repères, appelés repères spatiaux. Ces repères spatiaux, fixes, la plupart du temps, le rassurent et lui apportent du réconfort. En explorant l’espace, l’enfant découvre beaucoup de nouvelles choses et accumule énormément d’informations en même temps qu’il a encore du mal à synthétiser. Beaucoup de ces choses l’interpellent, même les plus petites, c’est pourquoi il éprouve des difficultés à différencier les espaces. Ces repères, une fois photographiés,

49. Agir dans l’espace (Les Editions de la MSH, s. d.).

ont une certaine importance, car ils lui permettent de se raccrocher à quelque chose de connu, de se situer puis de s’orienter.

L’espace est continue et donc indivisible mais des limites physiques ou psychiques peuvent créer d’autres sous-espaces à l’intérieur d’un même espace. Ainsi, les limites peuvent partitionner et organiser un espace pour en faciliter la compréhension globale. En effet, dans un bâtiment, ces limites physiques (par exemple les murs) sont également des repères spatiaux importants qui sécurisent et permettent de différencier les usages. Les enfants reconnaissent plus facilement les espaces qui sont délimités physiquement. Ainsi, la composition de la limite joue un rôle considérable, en fonction de sa matérialité, de sa porosité, de son opacité, elle incite ou non au franchissement (par exemple à la différence d’un mur plein, un mur percé d’une baie vitrée est une limite physique mais pas visuelle car le regard peut franchir la limite, susciter la curiosité et encourager le mouvement). Cependant dans un espace, si ces limites sont trop nombreuses et restreignent de trop l’espace en question, elles peuvent nuire à l’activité motrice de l’enfant et donc à son expérimentation.

Jusqu’à l’âge de trois ans environ, l’enfant vit l’espace à partir de ses expériences spatiales, on dit qu’à cet âge l’espace est encore « vécu » mais que l’enfant travaille à la construction d’un espace dit « perçu », perçu de manière égocentrique, par rapport à lui-même. Durant toute la période de l’école maternelle, l’enfant a acquis l’espace « perçu » et passe à un autre stade, celui que Jean Piaget appelle l’espace représentatif. Dans cet espace représentatif l’enfant est capable de se remémorer ou de s’imaginer une situation spatiale avec des objets absents (par exemple lorsqu’il joue). Progressivement, l’enfant se détache de sa vision égocentrique, en ne percevant plus uniquement l’espace par rapport à lui-même mais en intégrant le point de vue d’autrui, en acceptant que l’observateur puisse avoir un point de vue différent du sien.

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II.2.2

Le monde du vivant, des objets et de la matière

Un des objectifs de l’école maternelle est d’offrir à l’enfant le plus d’occasions possibles de communiquer, de s’exprimer pour enrichir son vocabulaire. Cet objectif est soutenu bien entendu par l’ensemble du corps enseignant, mais peut être encouragé également par l’architecture de l’école ou par le numérique, comme nous le verrons dans la suite de ce mémoire. L’expérimentation de l’espace amène les enfants à constater les phénomènes récurrents que sont les manifestations de phénomènes physiques comme l’ombre, la gravité, etc, ou de phénomènes naturels comme le cycle de vie animal et végétal dont ils étudieront la complexité bien plus tard au cours de leur scolarité. Parfois, dans la classe, les enfants sont tenu d’entretenir un aquarium, au travers duquel ils peuvent observer des poissons ou d’autres petites bêtes qu’ils regardent grandir (papillons, escargots, têtards, etc). Le rôle des éducateurs au sein de l’école maternelle, est d’accompagner les enfants dans leurs explorations du monde en leurs proposant un apport plus théorique qui leurs permettront de mettre des mots sur ce qu’ils observent et d’apporter des réponses aux questions qu’ils se posent.

Fig 17. Un enfant de l’école maternelle du Ménez essayant d’attraper un poisson.

Dans la découverte du monde vivant, les enfants sont amenés à observer les différentes phases de la vie animale et végétale comme la naissance, la croissance, la reproduction, le vieillissement et la mort. Ils apprendront petit à petit à nommer et classer les êtres vivants en fonctions de leurs pelages (plumes, écailles, etc) ou de leurs modes de déplacement. De la même manière, l’expérimentation de l’espace conduit l’enfant à découvrir de nouvelles matérialités (bois, eau, terre, sable, etc), à explorer la matière qui l’entoure. C’est pourquoi, les sorties scolaires (à la ferme pédagogique, dans les bois, etc) sont très enrichissantes et participent à l’appréhension du monde. D’autres part, à travers le jeu et les activités proposées, l’objectif pédagogique est d’abord d’intéresser l‘enfant, de lui donner envie de s’exprimer en suscitant sa curiosité. Par exemple, en observant et en manipulant la matière, l’enfant est amené à constater des transformations mécaniques sous l’effet de la chaleur ou du froid. Progressivement il découvre quelques-unes des propriétés de la matière. Enfin, même si cela reste encore timide, le numérique a véritablement sa place dans les nouveaux programmes de maternelle, « à condition que les objectifs et leurs modalités

Fig 18. Des enfants de l’école maternelle du Ménez observant du végétal à la loupe.

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d’usage soient mis au service d’une activité d’apprentissage »50.

Ainsi, les enfants sont invités à utiliser les outils numériques comme les appareils photos, les tablettes, les ordinateurs, etc.

Fig 19. Une enfant se servant d’un ordinateur.

50. « La présentation du programme à l’école maternelle - Ministère de l’Éducation natio- nale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ».

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