• Aucun résultat trouvé

B. Détection du catéchol

2. Exploitation des résultats

Pour déterminer cette constante, il est donc nécessaire d’utiliser l’équation de Michaelis-Menten présentée ci-dessous :

𝑉

𝑟

⁡ = 𝑉

𝑚𝑎𝑥

[𝑆]

𝐾

𝑀

+ [𝑆]

Où Vr représente la vitesse initiale de la réaction, Vmax la vitesse maximale de la réaction traduisant une saturation de l’enzyme[S] la concentration en substrat et KM la constante de

Michaelis-Menten de l’enzyme utilisée qui est égale à Vmax/2 et est dépendante de la température ainsi que du pH.

Cette équation est basée sur un modèle enzymatique simplifié mettant en jeu différentes étapes de réaction. La première traduit la formation d’un complexe, ES, entre l’enzyme et son substrat. Une fois ce complexe formé, l’enzyme va exprimer son activité catalytique et transformer son substrat en un produit P. Cette étape conduit également à la régénération de l’enzyme à son état initiale, E.

Les paramètres k1 (sens direct) et k-1 (sens indirect) sont les constantes cinétiques de la première étape, et k2 (non réversible), celui de la seconde étape

L’interprétation graphique de l’équation de Michaelis-Menten donne une réponse de type hyperbolique (Figure 94). En effet, lorsque la concentration en substrat est suffisante pour saturer l’enzyme, la vitesse de la réaction devient indépendante de la quantité de substrat fournie et atteint ainsi une valeur limite.

𝑉

𝑚𝑎𝑥

= ⁡ 𝑘

2

⁡[𝐸]

𝑡𝑜𝑡

A l’inverse, quand la concentration en substrat est faible devant KM, l’ordre de la réaction est directement dépendant de la concentration et la vitesse de réaction suit donc une évolution linéaire en fonction de [S]. La vitesse initiale de la réaction enzymatique s’écrit alors :

𝑉

𝑟

= ⁡ 𝑘

2

⁡[𝐸𝑆]

Et la concentration totale en enzyme est exprimée par la relation :

[𝐸]

𝑡𝑜𝑡

= [𝐸] + [𝐸𝑆]

Enfin, la constante de Michaelis-Menten, KM, s’exprime pour sa part en fonction des différentes constantes cinétiques régissant la réaction enzymatique mentionnée auparavant :

𝐾

𝑀

= ⁡𝑘

−1

+ 𝑘

2

𝑘

1

𝐸 + 𝑆 ⇄ 𝐸𝑆 → 𝑃 + 𝐸

𝑘

1

𝑘

−1

𝑘

2

Figure 94: Interprétation graphique de l’équation de Michaelis-Menten traduisant l’évolution de la vitesse de réaction enzymatique en fonction de la concentration en substrat.

En inversant cette loi, la relation de Michaelis-Menten donne lieu à l’obtention de la droite de Lineweaver-Burk d’équation suivante :

1

𝑉

𝑟

⁡ =

1

𝑉

𝑚𝑎𝑥

+

𝐾

𝑀

𝑉

𝑚𝑎𝑥

[𝑆]

En traçant la droite découlant de cette équation, il est alors possible de déterminer les paramètres Vmax et KM graphiquement. En effet, 1/Vmax correspond à l’intersection de la droite avec l’axe des ordonnées et KM peut alors être calculée à partir de la pente de la droite (Figure 95).

Figure 95: Interprétation graphique de la relation de Lineweaver-Burk traduisant l’évolution de l’inverse de la vitesse de réaction enzymatique en fonction de l’inverse de la concentration en substrat et permettant la détermination graphique des différents paramètres.

Il est également possible d’exprimer directement l’intensité du courant en fonction de la concentration en substrat en prenant en compte un facteur de correction permettant de passer de l’expression de la vitesse de réaction, exprimée dans l’équation de Michaelis-Menten, à la suivante :

𝐼 = 𝛼

𝑐𝑜𝑟𝑟

𝑧𝐹𝑉

𝑚𝑎𝑥

[𝑆]

𝐾

𝑀

+ [𝑆] = ⁡

𝐼

𝑚𝑎𝑥

[𝑆]

𝐾

𝑀

+ [𝑆]

Avec I étant l’intensité du courant en ampère, αcorr le facteur de correction, z le nombre d’électrons échangées et F la constante de Faraday (96 485 A.s.mol-1).

Ainsi, à partir des données recueillies à l’aide de la Figure 93, il est possible de tracer une courbe montrant l’évolution de la densité de courant en fonction de la concentration en substrat (Figure 96-A). Cette première courbe ne possède pas parfaitement un comportement de type Michaelis-Menten. En effet, le tracé de la courbe d’ajustement ne correspond pas exactement aux valeurs expérimentales. Cette différence semble être due à une saturation trop rapide de l’enzyme, puisque si les points obtenus à partir des concentrations les plus fortes sont retirés de la courbe, la corrélation entre les valeurs d’ajustement et expérimentales est grandement améliorée avec un R² de 0,998 (Figure 96-B). Enfin, l’utilisation de la droite de Lineweaver-Burk permet de déterminer les différents paramètres (KM, Vmax…) du système (Figure 96-C).

Le tracé de la droite de Lineweaver-Burk conduit à l’obtention de l’équation de droite suivante :

𝑦 = 0,0793 + 4,1784𝑥

De cette équation, il est possible de déterminer la constante de Michaelis-Menten apparente (KMapp) ainsi que la densité de courant maximum (Imax). Le KMapp est ici utilisé pour prendre en compte le fait que l’enzyme n’est pas en solution mais immobilisée à la surface de l’électrode. La constante déterminée ne représente donc pas exactement le KM de l’enzyme. En effet, dans le cas d’une enzyme immobilisée, il faut également considérer l’environnement de celles-ci, et donc l’accès au site actif de l’enzyme, ainsi que le transport de masse du substrat. Les valeurs suivantes ont été obtenues :

imax = 12,6 µA.cm-2 KMapp = 52,7 µmol.L-1

Par ajustement de la courbe présentée sur la Figure 96-B, une densité de courant maximum (imax) de 24 µA.cm-2 a pu être déterminé pour une valeur de KMapp de 97 µmol.L-1. Les valeurs restent donc du même ordre de grandeur pour les deux techniques, malgré une légère différence.

Figure 96: Courbe d’étalonnage montrant l’évolution de la densité de courant en fonction de la concentration en catéchol (point noir) ainsi que la courbe théorique obtenue à l’aide de l’équation de Michaelis-Menten (pointillé) de 0,3 µmol.L-1 à 300 µmol.L-1 (A)et de 0,6 µmol.L-1 à 208 µmol.L-1 (B). Les données ont été obtenues par chronoampérométrie à un potentiel E = -0,2 V / SCE dans PBS 0,1 mol.L-1 à pH 7,4. C) Droite de Lineweaver-Burk.

La valeur obtenue pour le KMapp est ainsi inférieure à celle du KM de l’enzyme libre en solution qui est de 300 µmol.L-1 pour le catéchol320, ce qui signifie que l’affinité est plus grande dans le cas des enzymes immobilisées. Or, l’affinité de l’enzyme est théoriquement plus grande lorsque celle-ci est libre en solution. Cependant, ce comportement rejoint celui observé par différents groupes auparavant321,322.

Pour expliquer ce phénomène, il faut remonter à l’étape 2 de la cinétique enzymatique :

Ecrite de cette manière, cette étape ne fait apparaître que la transformation du substrat en produit. Elle ne prend donc pas en compte le co-substrat de la réaction enzymatique, à savoir le dioxygène, qui dans le cas de cette réaction permet la régénération de l’enzyme. En ajoutant ce co-substrat dans l’expression de k2, la relation permettant le calcul du KMapp devient la suivante :

𝐸𝑆 → 𝑃 + 𝐸

𝐾

𝑀

= ⁡𝑘

−1

+ 𝑘

2

°[𝑐𝑜 − 𝑠𝑢𝑏𝑠𝑡𝑟𝑎𝑡]

𝑘

1

Ainsi, la valeur du KMapp est directement dépendante de la concentration en co-substrat et donc de la quantité d’enzymes greffées à la surface de l’électrode. En effet, l’enzyme consommant le dioxygène lors de sa régénération, elle influe sur sa concentration. Or l’utilisation de nanomatériaux augmente considérablement la quantité d’enzymes immobilisées ainsi que la quantité de co-substrat consommée.

De ce fait, durant le fonctionnement du biocapteur, le catéchol ainsi que le dioxygène vont rapidement être consommés. L’apport en dioxygène étant limité par la diffusion, un gradient de concentration peut donc s’installer entre la solution et l’enzyme. La concentration en co-substrat au niveau de l’enzyme est alors plus faible que celle en solution et entraine une diminution du KMapp.

Concernant les performances de ce biocapteur, la gamme de linéarité s’étend entre 0,6 µmol.L-1 et 78 µmol.L-1 avec un bon facteur de corrélation de 0,996 (Figure 97). La sensibilité du biocapteur pour ces concentrations est de 10,5 µA.mmol-1.L.

Figure 97: Courbe d’étalonnage montrant l’évolution de la densité de courant en fonction de la concentration en catéchol entre 0,6 µmol.L-1 et 78 µmol.L-1.

La gamme de linéarité et la limite de détection (0,3 µmol.L-1) sont similaires à celles trouvées au sein de la littérature (Tableau 11). Ceci peut s’expliquer par la présence des nano-bâtonnets de disulfure de tungstène qui permet une grande immobilisation d’enzyme à la surface de l’électrode et donc l’obtention d’un système compétitif. La densité de courant limite ainsi que la sensibilité restent cependant relativement faibles par rapport à d’autres travaux, notamment ceux de Bujduveanu et al qui obtiennent une sensibilité de 2500 µA.mmol-1.L contre 10,5

Tableau 11: Comparaison de différents biocapteurs pour la détection du catéchol par utilisation de la tyrosinase en fonction de différents paramètres (courant maximum, linéarité, sensibilité et la valeur de la constance de Michaelis-Menten apparente).

Système utilisé KMapp / µmol.L-1 Imax / µA Linéarité /

µmol.L-1 Sensibilité / µA.mmol -1.L Ce travail Nano-bâtonnet de WS2-COOH + GCE 62,5 ± 10 16,25 ± 4 0,6–78 10,5 ± 0,2 Mei et al.323 rGO–PdCu Nanocage + GCE (laccase) - 40 500–1155 12,65 Karim et al.324 Nanoparticule d’or + screen printed carbon electrode - 35 0,01–80 13720 Zhou et al.325 Mesoporous carbon nitride + GCE 11,07 - 0,0500–12,5 650 Bujduveanu et al.318 CNT + CaCO3 nanoparticules + GCE 7 39 - 2500 Sethuraman et al.326 PEDOT-rGO + GCE 30,48 92 0,04–62 -

Concernant la reproductibilité de ce biocapteur, les résultats présentés sont basés sur les valeurs obtenus à l’aide de deux différentes électrodes. Les valeurs données dans le tableau ainsi que les barres d’erreurs sont donc issues de la moyenne de ces deux systèmes. Il peut également être noté que la gamme de linéarité ainsi que la sensibilité sont identiques pour les deux électrodes.

Cependant d’autres tests doivent être menés afin de s’assurer de la fiabilité du système d’une part, mais aussi afin de déterminer la spécificité du système vis-à-vis de la cible.