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Des caractérisations électrochimiques ont été menées pour chacune des étapes impliquées dans la conception de ce biocapteur.

La première série de caractérisation a été réalisée par voltampérométrie cyclique entre 0 et 0,4 V à une vitesse de balayage de 0,1 V.s-1 (conditions expérimentales similaires à celles présentées pour la détection de l’anticorps de la toxine du choléra). La tendance générale qui ressort de ces mesures est une diminution du courant de pic en fonction de l'augmentation du nombre de différentes couches à la surface de l'électrode (Figure 83). Ce phénomène traduit la difficulté croissante pour la sonde électrochimique d’atteindre la surface de l’électrode au fur et à mesure que l’épaisseur du matériel immobilisé augmente (gène stérique). Une diminution du ΔEp est également constatée lors de l’ajout successif des différentes couches.

Figure 83: Mesures électrochimiques sur GCE revêtue d'un film de CNT d’épaisseur 4,0 μm avant l'électropolymérisation, après la génération d’une couche de poly-pyrrole NHS et après l'ancrage de la toxine de la dengue. A) Voltampérogrammes cycliques utilisant du [Fe(CN)6]3- (5.10-3 mol L-1) dans une solution de 0,1 mol.L-1 PB, pH = 7,0. vb =100 mV.s-1. B) Diagrammes de Nyquist obtenus pour l'électrode modifiée avec un film de CNT d’une épaisseur de 4,0 μm (a), après polymérisation (b), après incubation de la toxine de la dengue (c) et pour l’électrode nue (d) à un potentiel de 0,2 V par rapport à SCE par utilisation de [Fe(CN)6]3-/4- (5.10-3 mol.L-1) dans une solution de 0,1 mol.L-1 PBS, pH = 7,4.

La seconde série de caractérisation a été réalisée par EIS en présence du couple [Fe(CN)6] 3-/4-et à un potentiel de 0,2 V (conditions expérimentales similaires à celles présentées pour la détection de l’anticorps de la toxine du choléra). Les diagrammes de Nyquist correspondant à chacune des étapes de la construction du biocapteur ainsi que celui de l’électrode nue sont présentés sur la Figure 83-B. La difference entre le spectre correspondant à l’électrode de carbone vitreux seule et celui de l’électrode recouverte d’un film de CNT montre que la résistance du transfert d'électrons diminue fortement lorsque celle-ci est recouverte d'un film de nanotubes de carbone.

Cette différence est également visible en CV et se traduit par l’augmentation du courant de pic (passage de -5,47.10-5 A à -4,8.10-4 A). Cela confirme que les nanotubes de carbone jouent un rôle essentiel dans le transfert d'électronique.

A l’inverse, une augmentation de l’impédance du système est observée lors des étapes de polymérisation et d’immobilisation de la toxine de la dengue. Cette augmentation vient du fait que l’épaisseur totale des différentes couches déposées à la surface de l’électrode augmente à chacune des étapes de construction. L’augmentation est d’autant plus grande lors de l’immobilisation de la toxine du fait de la forte masse molaire de celle-ci. En effet, cette glycoprotéine a un poids moléculaire de 40 kDa, ce qui peut expliquer cette augmentation de la résistance en raison de la forte contrainte stérique générée. Toutes les données expérimentales mesurées à partir de ces deux caractérisations sont rapportées dans le Tableau 7.

Tableau 7: Tableau rassemblant les valeurs des courants cathodiques obtenues par voltampérométrie cyclique (Ipcath), les valeurs du module d'impédance à 0,1 Hz (Z0,1Hz) et les valeurs du ∆Ep pour les différentes étapes de construction du biocapteur (après le dépôt de CNT, après polymérisation et après incubation de la toxine de la dengue).

Comme réalisé précédemment pour le biocapteur pour la détection de l’anticorps de la toxine du choléra, il est possible d’utiliser un circuit électrique équivalent pour représenter le comportement de ce système. Cependant, l’allure des spectres d’impédance obtenus à partir de la couche de CNT lors de ces seconds travaux est très différente de celle observée lors des travaux sur le choléra (Figure 84). Cette différence est due à un changement de lots de CNT induisant une différence de propriétés électrochimiques.

Modified electrode

GCE GCE / CNT GCE / CNT /

poly(pyrrole-NHS) GCE / CNT / poly(pyrrole-NHS) / Dengue Virus NS1 Ip,cath /A -5,47.10-5 -4,8.10-4 -3,4.10-4 -2,9.10-4 ΔEp / V 0.3 0.18 0.14 0.15 Z0,1Hz / Ohm 1232 293,5 368,5 478,2

Figure 84: A) Diagrammes de Nyquist obtenus pour l'électrode modifiée avec un film de CNT d’une épaisseur de 4,0 μm (a), après polymérisation (b) et après incubation de la toxine de la dengue (c). B) Diagrammes de Nyquist obtenus pour l'électrode modifiée avec un film de CNT d’une épaisseur de 4,0 μm (d), après polymérisation (e) et après incubation de la toxine du choléra (f). Les points mis en évidence en rouge ont été pris à des fréquences de 51,2 ; 7,4 et 1,07 Hz.

D’après ces spectres, il semblerait que le transfert électronique soit beaucoup plus rapide dans le cas des travaux sur la dengue. En effet, le premier demi-cercle normalement observable et traduisant la résistance du transfert électronique semble avoir totalement disparu devant la boucle représentant, elle, la résistance de Warburg. La déconvolution des spectres a tout de même été réalisée une première fois à l’aide du même circuit équivalent que celui utilisé dans le cadre des travaux sur le choléra. Cependant, les résultats obtenus ainsi n’ont pas été concluants. En effet, la résistance de transfert de charge était très faible et son incertitude trop grande pour avoir une réelle signification.

De plus, afin d’identifier la cause de cette différence, plusieurs caractérisations ont été menées (MEB, Raman, microscopie laser, AFM, conductivité…). La seule de ces techniques permettant d’observer une différence entre les deux lots de CNT, hormis l’électrochimie, est la conductivité.

En effet, comme le montre la Figure 85, la conductivité, mesurée à partir de la méthode 4 pointes, est de l’ordre de 1,01 S.cm-1 dans le cas des CNT utilisés pour le travail sur la dengue contre 0,43 S.cm-1 pour ceux sur le choléra. Le nouveau lot de nanotubes est donc beaucoup plus conducteur que le premier utilisé et permet ainsi un meilleur transfert électronique.

Figure 85: Courbe d’étalonnage de la conductivité en fonction du potentiel pour des films de CNT d’une épaisseur de 4 μm issus de deux lots différents avec a) le film utilisé lors du travail sur la dengue et b) le film utilisé lors du travail sur le choléra.

Comme observée sur les diagrammes de Nyquist précédents, cette différence influe donc sur l’allure des spectres obtenus par impédance. C’est pourquoi il a été choisi de modifier le circuit électrique équivalent utilisé afin d’obtenir un modèle décrivant mieux le système étudié. La résistance du transfert électronique étant très faible devant la résistance de Warburg, et la déconvolution n’étant de ce fait pas possible, cet élément a donc été retiré. Le nouveau circuit électrique équivalent utilisé pour ce biocapteur est représenté au sein de la Figure 86. Les éléments présents sont R1, la résistance de la solution, la capacité de double couche, CDC, et la résistance de Warburg, Ws. Une capacité pure est utilisée pour ce circuit car l'inhomogénéité de la surface est ici supportée par l’impédance de diffusion.

Figure 86 : représentation schématique du circuit électrique équivalent utilisé.

A l’aide de ce circuit, différents paramètres ont pu être déterminés lors des trois étapes de construction du biocapteur (formation du film de CNT, polymérisation et immobilisation de la

Tableau 8 : Tableau rassemblant les valeurs des courants cathodiques obtenues par voltampérométrie cyclique (Ipcath), les valeurs du module d'impédance à 0,2 Hz (Z0,2Hz) et les valeurs des éléments composant le circuit équivalent (R1, CDC, Rdiff) obtenues par extrapolation des courbes d’impédance et ce pour les différentes étapes de construction du biocapteur (après le dépôt de CNT, après polymérisation et après incubation de la toxine de la dengue) ainsi que pour le film de CNT utilisé lors des travaux sur le choléra.

CNT (cholera) CNT (dengue) Polymère Toxine Ipcath /A -2,90×10-4 -4,8.10-4 -3,4.10-4 -2,9.10-4 Z0.1Hz / Ohm 404 ± 2 276,6± 2 338,5 ± 2 459,6± 2

CDC / μF 92 ± 2 660 ± 20 610 ± 20 300 ± 10 Rdiff / Ohm 230 ± 4 180 ± 3 273 ± 5 366 ± 6

Les deux premières colonnes de ce tableau permettent de comparer les valeurs des composants électriques des films de CNT, obtenus par utilisation du circuit électrique équivalent, pour les deux systèmes étudiés, à savoir le capteur pour la détection de l’anticorps de la toxine du choléra et celui pour la détection de l’anticorps de la toxine de la dengue. Une forte différence au niveau des valeurs du module de l’impédance à 0,2 Hz et de la capacité de double couche peut être notée avec une capacité de 92 µF dans le cas du choléra contre 660 µF dans le cas de la dengue. Cette différence rejoint donc les observations réalisées précédemment par mesure de conductivité et montre que les CNT utilisés dans le cas de la dengue permettent l’obtention d’une surface active électrochimique bien plus grande. Cette observation est également traduite par la diminution de la résistance de diffusion (230 ohms contre 180 ohms pour les travaux sur la dengue).

Concernant le biocapteur pour la détection de l’anticorps de la dengue en lui-même, une diminution de la capacité de double couche peut être observée pour chaque étape impliquée dans la construction du biocapteur. La première a lieu lors du recouvrement des CNT par la couche de polymère de pyrrole-NHS. Cette variation (de 660 à 620 µF) est due à la diminution de la surface active de l’électrode lors de la formation du polymère.

Une seconde diminution, plus importante (de 610 à 300 µF), a lieu lors de l’ancrage de la toxine à la surface de l’électrode. Comme dans le cas des travaux sur le choléra, cette forte diminution traduit la gêne stérique engendrée par l’immobilisation d’une molécule à fort poids moléculaire (48 kDa dans le cas de la toxine de la dengue299,300) et donc la forte modification de la surface active en résultant.

Concernant la résistance de diffusion, déterminée à partir des éléments composants le Warburg, celle-ci augmente lors des différentes étapes de formation du système. La première augmentation est constatée lors de l’introduction du film de poly-pyrrole-NHS qui, en plus de diminuer la surface active des CNT, introduit une fonction ester et donc induit une répulsion entre la surface de l’électrode et le couple [Fe(CN)6]3-/4- utilisé comme sonde redox et chargé négativement.

L’immobilisation de la toxine conduit elle aussi à une augmentation de la résistance. Celle-ci, en plus de son fort poids moléculaire, possède un point isoélectrique de 5,7301. Elle est donc chargée négativement à un pH de 7,4 et crée donc une nouvelle répulsion entre la toxine et la sonde redox, augmentant de ce fait la résistance de diffusion.

C. Détection de l’anticorps du virus de la Dengue