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8. Les ressources mobilisées par les élèves pour donner des explications

8.2 Explications de discours

La traduction est une ressource fréquemment utilisée dans les explica-tions de vocabulaire, mais elle n’apparait que rarement dans les expli-cations de discours, où elle n’est pas considérée par les participants comme une ressource suffisante pour expliquer.

59) SPD L2-secII-29 (audio 25m03s) > 01 02 03 04 05

P: +les seins n’abdiquaient pas. ((lisant))+ (2.6)

drôle de façon de parler. (2.2) ihr busen dankte nicht ab. (0.5) mais qu’est-ce que ça s- (0.3) qu’est-ce que ça veut dire. 60) SPD L2-secII-18 (audio 56m06s)

01 Han: je pense que: c’est fortune

02 (1.0)

03 P: qu’est-ce que vous entendez par fortune

04 (3.0)

> 05 Han: euh (0.4) also +schicks(h)al ((all.)+ (h)e(h)(h)(h)

06 (1.5)

07 P: oui mais (1.2) qu’est-ce que ça veut dire

Dans l’extrait 59, l’enseignant propose une traduction littérale (l.3) du segment de texte qu’il vient de lire (l.1), après avoir thématisé ce texte comme sortant des attentes de normalité (‘drôle de façon de parler’, l.2). La traduction est suivie d’une demande d’explication (‘qu’est-ce que ça veut dire’, l.4-5). En demandant une explication de ‘les seins n’abdiquaient pas’ alors même qu’il vient d’en donner la traduction, l’enseignant présente la traduction comme ne permettant pas de ré-soudre le problème posé par la ‘drôle de façon de parler’ du narrateur du récit. Dans l’extrait 60, suite à l’emploi par une élève du mot ‘for-tune’ (l.1, renvoyant ici de manière allégorique à la notion de destin), l’enseignante procède à une demande d’explication de discours (l.3). L’élève propose alors une traduction du terme (‘schicksal’, l.5) qui est

suivie d’une longue pause, indice d’une réaction non-préférée à venir, puis d’une évaluation mitigée et d’une relance de l’enseignante (l.7). L’enseignante manifeste à travers sa relance qu’elle ne considère pas la traduction comme une explication satisfaisante.

8.2.1 Reformulation

Les élèves ont fréquemment recours à des reformulations pour expli-quer des objets de discours. La reformulation est présentée comme équivalente, sur le plan de la signification, à la formulation initiale. En tant que ressource pour expliquer, elle peut être rapprochée de res-sources déployées par les élèves dans les noyaux d’explication de vocabulaire, où il s’agit également de présenter un terme ou un syn-tagme comme équivalent, sur le plan de sa signification, à l’objet à expliquer.

61) SPD L2-secII-31 (audio 11m36s) 01

02 Sel: l’autre c’était inutile. (0.4) alors qu’il est le chef (pour) (0.2) [(euh pour)] 03

04 P: [l’autre] qu’est-ce que tu entends [(par là)] > > > > 05 06 07 08

Sel: [oui alors] l’autre la situation d’être euh: gouverneur (0.7) et::: (1.5) et le merch- et le méchan-

le mérchand et: (le) chose (0.3) c’était inutile

On observe, dans cet exemple et dans le reste de la collection, que la reformulation constituant le noyau d’une explication de discours est toujours plus longue que le segment de discours à expliquer : elle n’est donc pas simplement une autre manière de dire, mais une manière d’en dire plus. Les séquences d’explication accomplies au moyen d’une reformulation ressemblent en cela aux séquences analytiques décrites par Krafft/Dausendschön-Gay (1993), constituées d’un ‘mou-vement initial’, d’une ‘demande de bis’ et d’un ‘bis’ reformulant le mouvement initial, plus long que le mouvement initial et souvent construit en plusieurs étapes. Le recours à la reformulation permet de clarifier des référents ambigus, de donner des précisions, de souligner l’articulation entre les constituants d’un raisonnement. Par exemple,

dans l’extrait 61, la reformulation contribue à clarifier le référent du syntagme ‘l’autre’ en précisant à quoi ce syntagme renvoie (‘la situa-tion d’être gouverneur...’, l.5-8).

Sur le plan formel, on observe des régularités dans la manière dont sont construites les reformulations explicatives. Premièrement, la reformulation tend à être de même nature sur le plan syntaxique que la formulation initiale. Dans l’extrait 61 par exemple, les deux formula-tions sont des syntagmes nominaux (‘l’autre’ ĺ ‘la situation...’) ; il en est de même avec les syntagmes verbaux (p.ex. ‘communiquer...’ ĺ ‘ne plus aller à l’école mais communiquer...’) et les propositions, qui ont alors le même sujet (‘les gens sont très familières...’ ĺ ‘ils corres-pondent pas...’, ‘c’est traditionnel’ ĺ ‘c’est quelque chose qui est toujours là...’, etc.). Deuxièmement, la reformulation est généralement construite en ‘recyclant’ plusieurs éléments de la source : par exemple, ‘communiquer seulement avec des moyens techniques’ est reformulé en ‘communiquer avec le prof seulement par moyen de téléphone’ (cf. extr.13, chapitre 6). La reprise de termes permet de renforcer le lien entre le noyau de l’explication et l’objet à expliquer et ainsi de mar-quer la pertinence de l’explication. Elle facilite également la construc-tion du noyau, qui s’ancre sur des éléments à disposiconstruc-tion dans l’environnement interactionnel.

Bien qu’on observe des régularités dans la manière dont sont structurés les noyaux d’explication de discours, ces régularités ne sont pas comparables avec celles observées dans les noyaux d’explication de vocabulaire. Pour construire des noyaux d’explication de vocabu-laire, les élèves ont recours à des constructions syntaxico-discursives récurrentes, alors que ce n’est pas le cas dans les explications de dis-cours. Cela n’est pas sans conséquence. En effet, le recours à une structure comme c’est quand + prop. ou c’est + hyperonyme +

pro-nom relatif + spécifiant a l’avantage de projeter une action langagière

dont la taille est prédéfinie, la fin du noyau de l’explication corres-pondant avec la complétude de la structure. Etant donné que les re-formulations ne reposent pas sur de telles structures et peuvent consis-ter en des tours composites (multi-unit turns), un enjeu pour les élèves est de faire reconnaître aux autres participants qu’ils considèrent le noyau de l’explication comme terminé.

Les élèves ont recours à des méthodes récurrentes qui leur per-mettent de marquer conventionnellement la fin du noyau de leur ex-plication. Par exemple, ils terminent par un syntagme général vague, comme ‘les choses’ dans l’extrait 61 (l.8). Dans cet extrait, comme ailleurs dans nos données, le syntagme général apparait en troisième position d’une liste (1 : d’être gouverneur, 2 : et le marchand, 3 : et les choses). L’utilisation d’un syntagme général témoigne d’une orienta-tion envers une structure prototypique de liste, à trois constituants. Le syntagme général permet de marquer la complétude de la liste

(gene-ralized list completer, Jefferson 1991) et la fin de l’explication.

L’utilisation d’un syntagme général peut apparaître également pour marquer la fin de noyaux qui ne sont pas construits au moyen d’une liste :

62) CODI L2-secII-JM-5 (audio 15m51s, vidéo 1ère

heure 12m08s) 01

02 Pas: c’était impressionn::: (0.5) impress:::ionn: (0.5) nistique °e(h)e°

03 P: impressionniste

04 Pas: Impressionniste

05 P: le le:: le style?

06 Pas: oui

07 P: aha. (0.1) c’est-à-dire? (1.0) dix-neuf=

> > > 08 09 10

Pas: =ça veut dire c’est c’est (1.7) c’est c’est (1.6) euh: plus moderne (0.2) que: moz(h)art

[ou(h)(h) quelque chose c(h)omme ç(h)a]

11 [((rires: 1.7))]

12

13 P: bon (0.6) oui (0.1) oké ouais (1.2) plutôt (0.4) je crois c’est dix-neuvième siècle hein=

Dans cet extrait, un élève initie une explication du terme ‘impression-niste’, qu’il a utilisé dans son tour de parole (l.1-4), suite à une de-mande de l’enseignante (l.7). Le début du noyau de l’explication se caractérise par des hésitations observables à travers la répétition de l’introducteur ‘c’est’ et les pauses intra-tour (l.8), qui sont des indices que l’élève rencontre des difficultés à procéder à l’explication deman-dée. Le caractère approximatif de la localisation du courant impres-sionniste dans le temps (‘plus moderne que mozart’, l.9) semble indi-quer que la difficulté n’est pas d’ordre langagier mais relative au fait que l’élève ne sait pas exactement ce que signifie un style ‘impres-sionniste’. L’utilisation d’une expression générale à la suite de la loca-lisation (‘ou quelque chose comme ça’, l.10) permet alors à la fois de

souligner le caractère approximatif du noyau de l’explication et d’en marquer la fin. Le rire de l’élève témoigne également de cette double orientation : il suggère une auto-interprétation du noyau de l’explication comme problématique, et permet en outre, en altérant la production sur le plan de la prononciation, de créer un effet de

fade-out qui signale régulièrement la fin d’un noyau d’explication dans nos

données.

Une autre ressource mobilisée par les élèves pour rendre recon-naissable la délimitation du noyau de leur explication est la reprise à la fin du noyau d’un segment de parole apparaissant au début :

63) CODI L2-secII-JM-4 (audio 33m00s, vidéo 1ère heure 29m32s)

01 02 03

Kai: les hommes (0.9) veut être toujours mieux (0.3) que les femmes et (0.4) avoir plus d’argent c’est (0.9) être (0.6) plus haut dans la société. 04

05 06

P: vous voulez dire i- il- il- il gagne plus? (0.3)

ou: (1.5) ou parce que à- à un moment donné la femme réduit aussi le temps de travail > 07 08 Kai: non (0.1) c’est que ((se racle la gorge)) l’homme veut être toujours mieux que la femme

09 P: aha=

10 11 12

Kai: =il ne peut pas supporter (quand; que) la femme est (0.4) mieux. (1.2)

[et:] (0.2) est plus: plus intelligent&

13 P: [aha]

> 14 15 16

Kai: &et tout ça, (1.1)

et quand il a- (0.2) quand il a (0.2) de l’argent il- il se sent mieux que la femme.

17 (1.0)

18 P: qu’est-ce que vous en dites?

Dans cet extrait, l’enseignante réagit à l’énonciation d’une opinion personnelle (l.1-3) au moyen d’une demande de confirmation (‘vous voulez dire…’, l.4-6). L’élève rejette les propositions interprétatives de l’enseignante (l.7) et enchaîne avec un noyau d’explication qui lui permet de justifier ce rejet en suggérant que l’enseignante rencontre un problème de compréhension. Le premier et le dernier constituant du noyau sont très similaires, reposant sur une répétition partielle : ‘l’homme veut être toujours mieux que la femme’ (l.8), ‘il se sent

mieux que la femme’ (l.16). La répétition remplit une fonction de

‘bornage’ (Vion 1992), permettant de projeter la clôture du noyau de l’explication. Karin a également recours à une liste à trois composants,

dont le troisième est un syntagme vague (la femme est 1 : mieux, 2 : plus intelligent, 3 : et tout ça, l.11-14). Cette construction pourrait être utilisée signaler la fin du noyau, mais le syntagme général est énoncé avec une intonation continuative qui projette une suite à venir. L’enseignante ne prend de toute façon pas la parole à ce moment-là, n’interprétant manifestement pas la fin de la liste comme coïncidant avec la fin du noyau, ce qui a pour conséquence que Karin, en faisant l’hypothèse qu’elle souhaitait s’arrêter de parler, doit poursuivre et marquer autrement la fin du noyau de l’explication, ce qu’elle fait par la reprise.

Les reformulations sont utilisées dans des séquences d’explication portant généralement sur un segment de discours oral se situant dans un tour de parole antérieur (cf. extr.61, 62, 63). On ob-serve par ailleurs dans les données une activité portant sur des pro-verbes, dans laquelle des segments de discours écrits font l’objet d’explications sous forme de reformulations (cf. extr.14, 15, 33 du chapitre 6 pour des extraits tirés de cette activité). Cette activité est intéressante en ce qu’elle permet de comparer des séquences d’explication apparaissant dans un contexte identique et d’observer des régularités dans la construction des noyaux d’explication. Le ta-bleau suivant regroupe les noyaux d’explication produits lors de cette activité.

Elève Proverbe Explication (sous forme de reformulation)

Theo

Il n’y a pas de fumée sans feu

pour (0.5) tout qui se passe il y a une raison

Paris ne s’est pas fait en un jour

tout chose euh (1.1) a besoin: du temps

Il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu

quand:: quelque chose est grave, (0.6)

on ne doit pas le faire plus grave.

Pedro

Qui vole un œuf vole un bœuf

ce ne: pas impo- euh: important si (1.0) tu voles un oeuf (0.6) euh: ou un boeuf

[…]

un grand chose ou un petit chose

Les murs ont des oreilles

c'est dangereux si tu: (0.7) si tu (0.9) euh parles (0.7) aux (0.1) murs (0.4) où tu parles

Javier

Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs

il faut mettre les choses en ordre […]

et pas à l’envers

Qui vole un œuf vole un bœuf

qui vole quelque chose vole (0.9) toujours encore une fois

quelque chose (0.4) (pire)

Diego

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de

l’avoir tué

on doit faire dans (0.4) l’ordre

Il vaut mieux parler à Dieu qu’à ses saints

c'est meilleur euh (0.3) parler avec le Ĺchef que (0.4) quand on veut euh (0.9) avoir quelque chose

André

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de

l’avoir tué

nous devons pas (0.7) euh (1.5) prom- prom- promettre (0.3) une chose (0.4) avant de: l'avoir

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras

donner une chose (0.3) une fois (0.5)

à quelqu'un (0.9) maintenant (0.6) c'est: mieux que (0.8) euh (0.7) dire que (1.0) (celui) (0.5) reçoit (0.4) la chose dans le futur

Didier

Il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu

on ne doit pas exagérer ou (1.7) euh (2.2) (dans ces;quand c’est) (0.3)

choses graves ou (1.3) je sais pas (0.4)

embra- embras:er (0.6) le (pays)

Tableau 9 : Explications de proverbes par les élèves.

On a observé dans le chapitre 6 (extr.15 et 33) que cette activité donne lieu à un processus de ‘routinisation’ rapide du déroulement des sé-quences, ce qui s’observe dans la manière dont l’enseignant sélec-tionne les élèves, dans la forme des demandes, dans l’enchaînement entre la lecture du proverbe et le noyau d’explication et dans la transi-tion entre les séquences. Ce tableau permet de voir qu’outre l’organisation globale des séquences, la manière dont les élèves cons-truisent leurs noyaux d’explication donne également lieu au dévelop-pement de ‘routines’, certains élèves ayant recours à des ressources récurrentes. Ainsi, Theo utilise deux fois le terme ‘tout’ au début de ses noyaux d’explication, une fois comme adverbe (‘pour tout qui se passe’) et une fois comme déterminant (‘toute chose’), alors que le terme n’est utilisé par aucun des autres élèves ; Pedro, quant à lui,

débute ses deux noyaux d’explication au moyen de la structure c’est +

adjectif + si + tu (‘ce n’est pas important si tu’, ‘c’est dangereux si

tu’), structure qu’il est le seul élève à employer ; Javier a recours à une autre manière d’initier ses explications, reprenant des éléments de la structure du proverbe à expliquer (‘il faut mettre... pas’ pour il ne faut

pas mettre la charrue avant les bœufs, et ‘qui vole... vole’ pour qui vole un œuf vole un bœuf) ; enfin, chez Diego, on observe une

récur-rence de structures construites avec un pronom à valeur imperson-nelle, un verbe modal et un infinitif (‘on doit faire’, ‘on veut avoir’ et, d’une certaine façon, ‘c’est meilleur parler’). Il apparait donc que la manière de construire une explication ne dépend pas uniquement de l’objet et du contexte d’apparition de la séquence, mais également de certaines ‘routines’ personnelles qui diffèrent d’un élève à l’autre. Cela ne signifie pas pour autant que chaque élève n’utilise qu’une seule manière d’expliquer. Par exemple, Theo utilise deux fois ‘tout’ mais dans sa troisième explication procède différemment. De même, on ne trouve pas chez André et Didier de récurrences aussi frappantes que chez Theo, Pedro, Javier et Diego.

Le tableau permet en outre d’observer des ressources identiques chez plusieurs élèves. On constate par exemple la présence massive du mot ‘chose’ (une chose, quelque chose, les choses, etc.). On observe également que les proverbes commençant par ‘il ne faut pas’ (mettre

la charrue..., vendre la peau de l’ours..., jeter de l’huile...) tendent à

être reformulés en utilisant le verbe ‘devoir’ : on doit, on ne doit pas,

nous ne devons pas. Enfin, le segment ‘vaut mieux’ (il vaut mieux parler à Dieu..., un tiens vaut mieux...) tend à être reformulé au moyen

de ‘c’est mieux’ ou ‘c’est meilleur’. Ces récurrences montrent que les explications de discours, si elles ne sont pas construites au moyen de structures syntaxico-discursives aussi aisément reconnaissables que les explications de vocabulaire, peuvent donner lieu à des construc-tions récurrentes et à une sorte de ‘routinisation’ dans la manière d’expliquer. La reformulation peut alors devenir une sorte de ‘traduc-tion’ où un verbe (p.ex. ‘falloir’) et toujours ‘traduit’ par un autre (p.ex. ‘devoir’).

8.2.2 Exploitation du contexte

Les explications de vocabulaire portent sur des objets de langue dé-contextualisés qui peuvent être redé-contextualisés au moyen de mises en situation (cf. point 8.1.4). Les explications de discours, quant à elles, portent sur des objets qui ne sont pas décontextualisés. Un moyen pour expliquer consiste alors à exploiter le contexte d’apparition de l’objet (ce que Gülich 1990 appelle ‘recours à la situation’).

64) SPD L2-secII-25 (audio 13m30s) 01 02 03 04 05

P: l’enfer c’est les autres

alors qu’est-ce que ça veut dire ça? (0.1) vous n’avez pas lu la pièce

mais d’après ce que vous savez maintenant? (0.4) qu’est-ce que cela (0.6) signifie?

06 (1.0) 07 P: danilo? > > > > > 08 09 10 11 12

Dan: (ils croient seul- ils croient) (0.3) croient que: ils sont (0.2) en enfer mais (0.7) ils (0.7) ils font leur (1.7) leur enfer. (0.7) ce sont (0.3) seulement les trois personnes qui sont l’enfer.

13 14 15

P: bien ils font leur enfer

est-ce que vous pouvez expliquer cela un petit peu c’est bien (0.4) ils font leur enfer.

> 16 Dan: ils se torturent 17

18 P: voilà (0.3) ils se torturent, (0.9) mutuellement, (1.6) l’un l’autre. (1.4) voilà.

Les caractéristiques de la séquence présentée dans cet extrait sont représentatives des autres séquences de la collection dont le noyau consiste en une exploitation du contexte. Premièrement, le noyau d’explication a pour but de dégager la signification de l’expression relativement à un certain contexte et non ‘en général’. L’ancrage con-textuel de la séquence s’observe notamment dans le choix des réfé-rents (p.ex. référence aux personnages d’un texte de fiction) ainsi que dans la manière dont sont accomplis les processus référentiels (p.ex. au moyen de pronoms). Au début de cet extrait, l’enseignant demande à un élève la signification de ‘l’enfer c’est les autres’. La manière dont il introduit sa demande projette un noyau d’explication directement lié à la pièce de théâtre dont est tirée la citation (‘d’après ce que vous savez maintenant’, l.4) et non un noyau dont la portée serait générale ;

le noyau proposé par l’élève est également lié au contexte de la pièce, ce qui s’observe dans les références aux personnages (cf. le pronom ‘ils’ et le syntagme ‘les trois personnes’, l.8-16).

Deuxièmement, le noyau d’explication vise à faire comprendre le segment de discours constituant son objet de manière globale, sans forcément donner la signification de chacun de ces composants. En conséquence, les mots apparaissant dans le segment de discours à expliquer peuvent être repris dans l’explication et le sont fréquemment (cf. p.ex. dans cet extrait la reprise du mot ‘enfer’, l.8-12).

Troisièmement, les noyaux d’explication accomplis par exploi-tation du contexte sont construits au moyen de reformulations mul-tiples : l’exploitation du contexte ne s’oppose pas à la ressource que nous avons appelée ‘reformulation’, mais en constitue plutôt une va-riante. Dans cet extrait, le noyau d’explication dans sa globalité se présente comme une reformulation de ‘l’enfer c’est les autres’. On observe en outre une reformulation intra-tour (‘ce sont seulement les trois personnes qui sont l’enfer’, l.11-12, reformulation de ‘ils font leur enfer’, 10) et une reformulation inter-tour, suite à la deuxième question de l’enseignant (‘ils se torturent’, l.16). Le noyau d’explication se construit à travers ces reformulations successives qui contribuent à réarranger le discours, à le préciser, à l’exemplifier ou à en faire la synthèse.

Les noyaux d’explication de discours répondant à une logique

d’analyse, de développement, sont souvent construits au moyen de

plus d’une proposition, alors que les noyaux d’explication de vocabu-laire, répondant à une logique d’économie, tendent à être accomplis au moyen d’une seule proposition (voire d’un seul mot ou syntagme). Les propositions sont articulées dans le tour au moyen de relations de successivité (X et après Y), d’opposition (ce n’est pas X, c’est Y, ou

autrefois X, aujourd’hui Y), d’implication (quand X, Y) ou de causalité

(X parce que Y). Sur le plan formel, l’articulation entre deux proposi-tion est marquée par des pauses, des répétiproposi-tions (la fin de la première clause étant répétée au début de la suivante) et/ou par un ensemble limité de connecteurs et de locutions adverbiales, souvent peut-être,

par exemple, oui, et / et après / et puis ou parce que, plus rarement mais, très rarement puisque, donc ou alors. La fonction sémantique du

acti-vée : et après peut ne pas marquer de relation de succession, par

exemple ne pas servir à introduire un exemple, comme on le voit dans

les extraits suivants :

65) SPD L2-secII-12 (audio 12m32s)

((Segment de texte à expliquer : « Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux »))

> 01 02 03 04 05 06

Han: les yeux parlent (0.4) parce que peut-être euh ils (ont) (0.2) euh: (aussi) peur que:

quelqu’un (0.1) quelqu’un dit ah toi