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Une autre explication possible du fait que les JP ne respectent pas souvent leur limite est qu'ils en sont incapables D'après Muraven et Baumeister (2000), les

comportements d'autorégulation sont difficiles et consomment de l'énergie que nous

possédons en quantité limitée. Ainsi, plus on essaie de se contrôler, plus on utilise de notre

précieuse source d'énergie et moins il nous en reste. Des études empiriques ont démontré

que les participants devant se contrôler dans une première tâche expérimentale

performaient moins bien lors d'une deuxième tâche que ceux n'ayant pas d'abord déployé

des efforts d'autocontrôlé (Baumeister & Heatherton, 1996; Muraven et al., 1998). Étant

donné que la régulation des émotions est une tâche d'autocontrôlé (Baumeister &

Heatherton, 1996), il est possible que les joueurs qui jouent dans le but de gérer leurs états

affectifs (Ricketts & Macaskill, 2003; Thomas, Sullivan, et al., 2009) dépensent plus de

ressources d'autocontrôlé que les joueurs qui jouent principalement pour d'autres raisons.

Ainsi, ceux qui déploient beaucoup d'énergie dans la régulation des émotions pendant le

jeu auraient en principe moins d'énergie restante pour arrêter leur séance de jeu une fois

leur limite atteinte. Heureusement, il a été montré que la force du «muscle» d'autocontrôlé

peut être exercé (Baumeister et al., 2007). Pratiquer l'autocontrôlé aurait l'effet de restaurer

du moins temporairement l'énergie (Baumeister et al., 2006). Il a aussi été démontré que se

fixer un plan d'action spécifique aidait à contrer l'effet d'épuisement des ressources

d'autocontrôlé (Webb & Sheeran, 2003). Par exemple, les individus se fixant des plans

spécifiques pour réaliser leurs objectifs sont plus nombreux à atteindre ces objectifs que

ceux n'ayant pas de plans spécifiques (Gollwitzer, 1999). Gollwitzer nomme ces plans

spécifiques des intentions d'implantation. Les limites explicites des joueurs représentent

essentiellement des intentions d'implantation parce que ce sont des plans d'action spécifiques pour l'atteinte d'un but. Ici, le but du joueur est de se protéger contre les dépenses excessives. Le fait de formuler une limite explicite lui fournit ainsi une démarche à suivre conditionnelle à une règle prédéterminée (i.e. je vais arrêter de jouer si je dépense X montant d'argent). Malgré cela, les JP continuent souvent à jouer malgré avoir atteint leur limite explicite.

Une explication alternative au dépassement de la limite est que les joueurs choisissent de ne pas respecter leurs limites. D'après Skog (2000), les individus aux prises avec une dépendance ont des préférences instables et choisissent de se comporter en fonction de leurs désirs momentanés. Les résultats de cette thèse suggèrent que les joueurs négocient souvent leur limite en fonction des autres buts qu'ils poursuivent dans le jeu. Ainsi, la limite du joueur peut être modifiée en cours de jeu si le joueur croit qu'il aura bientôt un gain, ou bien s'il veut prolonger la séance de jeu. Chaque joueur aurait donc une zone de tolérance des pertes. Il pourrait dépenser de l'argent jusqu'à ce qu'il atteigne une certaine limite. La zone de tolérance perçue du joueur correspond à l'étendue des pertes qu'il croit pouvoir tolérer. Quand un joueur se fixe une limite explicite d'argent pour le jeu, il se dit être prêt à tolérer des pertes allant de zéro à x dollars pendant sa séance. La zone de tolérance réelle du joueur correspond à l'étendue entre zéro dollars et le montant qu'il a réellement dépensé pendant la séance. Souvent, la zone de tolérance réelle des joueurs est plus large que leur zone de tolérance perçue. En d'autres mots, ils étirent leur limite explicite pendant le jeu et dépensent en réalité plus qu'ils le voulaient initialement. Quand le désir de continuer le jeu est plus fort que la nécessité d'y mettre fin, le joueur peut dépenser beaucoup plus que sa limite explicite. Par contre, à un moment donné pendant la séance, le ratio approche-évitement change (Elliot, 2006). Quand le besoin d'arrêter de jouer devient plus fort que le désir de continuer, les joueurs rapportent souvent être capables de mettre fin à leur séance. Quand les joueurs terminent leur séance après avoir atteint ce type de limite non explicite, on dit qu'ils ont atteint une limite implicite.

Une limite implicite représente le montant maximum que le joueur est prêt à perdre pendant une séance de jeu mais qui n'est pas spécifié avant le début du jeu. En fait, les joueurs peuvent ne pas être conscients d'avoir cette limite. Elle prend la forme d'un sentiment ou de la réalisation spontanée que le joueur devrait arrêter de dépenser de

l'argent s'il veut éviter des conséquences négatives. Cette limite correspond au deuxième signal d'alarme du système de protection contre la catastrophe. Lorsqu'atteinte, cette limite arrête automatiquement le système afin d'éviter des dommages dus au niveau trop faible de liquide dans le réservoir. De cette façon, même si l'atteinte de leur limite explicite ne réussit pas à faire décrocher les joueurs du jeu, les joueurs rapportent être capables de mettre fin à leur séance de jeu quand ils sont suffisamment motivés. Les joueurs rapportent pouvoir terminer leur séance de jeu lorsqu'ils perçoivent l'urgence de le faire. Par exemple, s'il leur reste juste assez d'argent pour acheter du lait pour le lendemain ou bien si le dernier autobus passe bientôt, les joueurs se disaient capables d'arrêter le jeu. Ainsi, le fait de considérer leurs priorités semblent fournir suffisamment de motivation et d'énergie aux joueurs pour mettre fin à leur séance de jeu. Par contre, certains JP disent ne pas pouvoir arrêter de jouer avant d'avoir tout dépensé leurs ressources. Ces derniers ne semblent pas souvent être capables de mettre fin à leur séance de jeu par leurs propres moyens. Selon Muraven (2003), la motivation a des limites. Baumeister et Heatherton (1996) décrivent aussi que malgré que la plupart des comportements sont contrôlables, il arrive parfois que, comme pour le coureur de marathon dont l'épuisement atteint un niveau tellement haut, l'autocontrôlé devienne réellement impossible.

Lorsque les joueurs arrêtent de jouer parce qu'ils ont dépensé tout leur argent, ils ont atteint une limite externe. Une limite externe est imposée par l'environnement, c'est-à- dire que le joueur qui atteint une limite externe ne peut plus continuer à jouer même s'il le désire car il n'a plus de ressources pour le jeu (i.e. plus de temps à cause de la fermeture du bar, plus accès à de l'argent). Les JP dans cette étude ont rapporté avoir été obligés de terminer leur séance à cause du manque d'argent beaucoup plus souvent que les JNP. S'imposer une limite externe avant le début du jeu peut toutefois servir comme stratégie d'autocontrôlé. Dans cette étude, plusieurs JP disaient amener seulement l'argent qu'ils pouvaient se permettre de dépenser au jeu et laisser les cartes de débit et de crédit chez eux. En rendant l'accessibilité à des ressources additionnelles très difficile, ils ont moins tendance à trop dépenser.

Les JNP, quant à eux, terminaient le plus souvent leur séance de jeu après avoir atteint une limite interne. Contrairement à la limite externe, la limite interne n'est pas imposée par l'environnement. Le joueur qui répond à une limite interne arrête le jeu par

choix et non parce qu'il est contraint par l'environnement. Il a accès à des ressources pour