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Car en ces 

goust

nouvelles terres descouvertes en nostre aage pures encore &  vierges au pris des nostres, l’usage en est aucunement receu par  tout: toutes leurs Idoles s’abreuvent de sang humain, non  sans divers exemples d’horrible cruauté. On les brule vifs, &  demy rotis on les retire du brasier, pour leur arracher le coeur  & les entrailles. A d’autres voire aux femmes, on les escorche 

X iij

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ESSAIS DE M. DE MONTA.

vifves, & de leur peau ainsi sanglante en revest on & masque  d’autres. Et non moins d’exemples de constance & resolution. 

Car ces pauvres gens sacrifiables, vieillars, femmes, enfans, vont  quelques jours avant, qu’estant eux mesme les aumosnes pour  l’offrande de leur sacrifice, & se presentent à la boucherie  chantans & dançans avec les assistans. Les ambassadeurs du  Roy de Mer

x

ico, faisant entendre à Fernau

n

d Cortez la gran­  deur de leur maistre, apres luy avoir dict qu’il avoit trente vas­  saux, desquels chacun pouvoit assembler cent mille comba­ tans, & qu’il se tenoit en la plus belle & forte ville qui fut soubs  le ciel,

:

 luy adjousterent, qu’il avoit à sacrifier aux Dieux cin­ quante mille hommes par an. De vray, ils disent qu’il nourris­  soit la guerre avec certains grands peuples voisins, non seule­  ment pour l’exercice de la jeunesse du païs, mais principalle­  ment pour avoir dequoy fournir à ses sacrifices, par des pri­  sonniers de guerre. Ailleurs, en certain bourg, pour la bien ve­  nue dudit Cortez, ils sacrifierent cinquante hommes tout à la  fois. Je diray encore ce compte. Aucuns de ces peuples ayants  esté batuz par luy, envoyerent le recognoistre & rechercher  d’amitié: les messagers luy presenterent trois sortes de presens,  en cette maniere. Seigneur voyla cinq esclaves: si tu és un  Dieu fier, qui te paisses de chair & de sang, mange les, & nous  t’en amerrons d’avantage: si tu és un Dieu debonnaire

,

 voyla  de l’encens & des plumes: si tu es homme, prens les oiseaux &  les fruicts que voicy.    Des Cannibales. CHAP. XXXI.   

Q

UAND le Roy Pyrrhus passa en Italie, apres qu’il eut  reconneu l’ordonnance de l’armée que les Romains  luy envoyoient au devant, je ne sçay, dit­il, quels bar­ 

bares sont ceux­ci (car les Grecs appelloyent 

ainsi

 toutes les nations  estrangieres  ) mais la disposition de cette armée, que  LIVRE PREMIER. 84 je voy, n’est aucunement barbare. Autant en dirent les Grecs  de celle que Flaminius fit passer en leur païs.

 

Et Philippus voïa

nt

 

d’un tertre la disp

osition

 

l’ordre et distributi

on

 

du camp Romein en 

son

 

royaume sous Publ

ius

 

Sulpicius Galba.

Voyla comment 

il se faut garder de s’atacher aux opinions vulgaires, & 

les

 faut 

juger les choses par la voie de la raison, non 

par

 la voix com­  mune. J’ay eu long temps avec moy un homme qui avoit de­  meuré dix ou douze ans en c’est autre monde, qui à esté des­ couvert en nostre siecle, en l’endroit ou Vilegaignon print  terre, qu’il surnomma la France Antartique. Cette descou­

verte d’un païs infini de terre ferme, semble de grande

estre de

 consi­  deration. Je ne sçay si je me puis respondre, que il ne s’en face 

à l’advenir quelqu’autre, tant de   personnages 

plus grands que nous

 ayans  barbares

de

esté trompez en cette­cy. J’ay peur que nous avons les yeux  plus grands que le ventre, comme on dict, & le dit on de  ceux, ausquels l’appetit & la faim font plus desirer de viande,  qu’ils n’en peuvent empocher: Je crains aussi que nous avons  beaucoup

et

 plus de curiosité, que nous n’avons de capacité:  n

N

ous embrassons tout, mais je crains que nous n’étreignons  rien que du vent. Platon introduit Solon racontant avoir a­  pris de

s

 Prestres de la ville de Saïs en Aegypte, que jadis & avant  le deluge, il y avoit une grande Isle nommée Athlantide, droict  à la bouche du destroit de Gibaltar, qui tenoit plus de païs  que l’Afrique & l’Asie toutes deux ensemble: & que les Roys  de cette contrée la, qui ne possedoient pas seulement cette is­  le, mais s’estoyent estendus dans la terre ferme si avant, qu’ils  tenoyent de la largeur d’Afrique, jusques en Aegypte, & de la  longueur de l’Europe, jusques en la Toscane, entreprindrent  d’enjamber jusques sur l’Asie, & subjuguer toutes les nations  qui bordent la mer Mediterranée, jusques au golfe de la mer 

Majour: & pour cet effect, traverserent les Espaignes, la Gau­  le, l’Italie jusques en la Grece, ou les Atheniens les soustin­  drent: mais que quelque temps apres, & les Atheniens & eux  & leur isle furent engloutis par le deluge. Il est bien vray­sem­ 

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ESSAIS DE M. DE MONTA.

blable, que cet extreme ravage d’eaux ait faict des changemens  estranges aux habitations de la terre: comme on tient que la  mer à retranché la Sycile d’avec l’Italie:

,

 

Haec loca vi quondam, & vasta conuulsa ruina  Dissiluisse ferunt, cùm protinus vtráque tellus  Vna foret.

,

 

Chipre d’avec la Surie, l’Isle de Negrepont de la terre ferme de  la Be

oe

oce: & joint ailleurs les terres qui estoyent divisees, com­  blant de limon & de sable les fossez

s

 d’entre­deux.

,

 

sterilisque diu palus aptáque remis  Vicinas vrbes alit, & graue sentit aratum. 

Mais il n’y à pas grande apparence, que cette Isle soit ce mon­  de nouveau, que nous venons de descouvrir: car elle touchoit  quasi l’Espaigne, & ce seroit un effect incroyable d’inunda­  tion, de l’en avoir reculée comme elle est, de plus de douze  cens lieuës: outre ce que les navigations des modernes ont  des­ja presque descouvert, que ce n’est point une isle, ains ter­  re ferme, & continente avec l’Inde orientale d’un costé, & avec  les terres, qui sont soubs les deux poles d’autre part: ou si elle  en est separée, que c’est d’un si petit destroit & intervalle, qu’el  le ne merite pas d’estre nommée isle, pour cela. Il semble qu’il 

y aye des mouvemens 

naturels les uns, les autres

 maladifs & fievreux en ces grands corps,  comme aux nostres. Quand je considere l’impression que ma 

riviere de Dordoigne faict de mon temps, vers la rive droicte  de sa descente, & qu’en vingt ans elle à tant gaigné,

:

 &

Et

 desrobé  le fondement à plusieurs bastimens,

:

 je vois bien que c’est une 

agitation extraordinaire: car si elle fut tousjours allee ce train,  ou d’eut aller à l’advenir, la figure du monde seroit renversee:  mais il leur prend des changements: tantost elles s’espendent  d’un costé, tantost d’un autre, tantost elles se contiennent. Je  ne parle pas des soudaines inondations de quoy nous manions  les causes: En Medoc, le long de la mer, mon frere Sieur d’Ar­  sac,   LIVRE PREMIER. 85 sac, voit une siene terre, ensevelie soubs les sables, que la mer  vomit devant elle: le feste d’aucuns bastimens paroist encore:  ses rentes & domaines, se sont eschangez en pasquages bien  maigres. Les habitans disent, que depuis quelque temps, la mer  se pousse si fort vers eux, qu’ils ont perdu quatre lieuës de ter­  re, & marche ainsi: c

C

es sables sont ses fourriers.