HAL Id: halshs-01337873
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Bordeaux), édition numérique génétique (XML-TEI/
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Marie-Luce Demonet, Alain Legros, Mathieu Duboc, Lauranne Bertrand,
Alexei Lavrentiev
To cite this version:
Marie-Luce Demonet, Alain Legros, Mathieu Duboc, Lauranne Bertrand, Alexei Lavrentiev. Michel de
Montaigne, Essais, 1588 (Exemplaire de Bordeaux), édition numérique génétique (XML-TEI/ PDF).
Marie-Luce Demonet. 2016, Marie-Luce Demonet. �halshs-01337873�
génétique (XML-‐TEI/ PDF)
Par Marie-‐Luce Demonet (CESR), Alain Legros (CESR), Mathieu Duboc (CESR), Lauranne
Bertrand (CESR), Alexei Lavrentiev 5(ICAR)
Mon
taiygne
ESSAIS
DE
Ex libris
fulliensium
s. Anthonij
burdigalensium
.
MICHEL
SEIGNEUR
DE MONTAIGNE.
Cinquiesme edition augmen=
tée
d’
un troisiesme
li=
vre
et de six cens
additions aux
deux premiers.
Sixieme edition
Viresque acquirit eundo
A PARIS,
Chez ABEL L’ANGELIER,
au premier pillier de la grand
Salle du Palais.
Avec
Privilege
du Roy.
1588
Centre d'Études Supérieures de la Renaissance Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution Pas d’Utilisation Commerciale Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 (CC BYNCSA 4.0). Si vous utilisez ce document dans un cadre de recherche, merci de citer cette URL : http://xtf.bvh.univtours.fr/xtf/view?docId=tei/B330636101_S1238/B330636101_S1238_tei.xml;doc.view=notice Première publication : 07/12/2015 Dernière mise à jour : 17/06/2016 [a1v]montre montrer remontrer &c.
escrives
les sans /s/ a la
differance de monstre monstrueus
cet home cette fame
escrives
le sans /s/ a la
differance
de c’est c’estoit
ainsi mettes le sans /n/ aua
quand
une
voyelle
suit et
aveq
/n/ ainsin si c’est une
consonante
ainsi marcha ainsin alla
campaigne espaigne gascouigne &c. mettez un /i/
davant
le /g/ come a montaigne
non pas sans /i/ campagne espagne
Mettez mon
nom
tout du long sur chaque face Essais de mïchel de
Montaigne
liv
.1.
Ne mettez en grande lettre que les noms propres ou au moins ceus que ne
diversifies
pas la come en cet
examplere
que un mesme mot soit
tantost
en grande
lettre tantost en petite
la prose Latine grecque ou autre
estrangiere
il la faut mettre parmi la prose
françoise en caractere differant Les
vers
a part et les placer selon leur nature
pentamettres saphiques Les demi
vers
Les
comancemans
au bout de la ligne la fin sur la fin
en cet examplere il y a mille fautes en cela tout cela
mettes regles regler non pas reigles reigler
suivès
l’orthografe
antiene
outre les corrections qui sont en cet
examplaire
il y a infinies autres a faire de quoi
2 4 6 7 8 9 9 10 12 12 14 15 16 23
stile de grande importance
s’il
treuve
un’
allegation
une mesme chose en mesme sens deus fois qu’il en oste l’une ou il uerra qu’elle sert le
moins
c’est un langage coupé / qu’il n’y espargne les
pouincts
& lettres
majuscules
. Moimesme ai failli
souvant
a les oster & a mettre des comma ou il faloit un poinct.
qu’il
voie
en
plusieurs lieus ou il y a des
parantheses
s’il ne suffira de distinguer
le sens
aveq
des poincts.
qu’il mette tout au long les dates & sans chiffre
qu’il serre les mots
autrement
qu’icy les uns aus autres.
de la Bibliothéque Centrale de Bordeaux.
Departement
de la gironde.
M
[a2]Au Lecteur.
C
’EST icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t’advertit dés l’en trée, que je ne m’y suis proposé aucune fin, que domestique &privée: j
J
e n’y ay eu nulle consideration de ton service, ny dema gloire: m
M
es forces ne sont pas capables d’un tel dessein. Je l’ay voué à la commodité particuliere de mes parens & amis: à ce que m’ayant perdu (ce qu’ils ont à faire bien tost) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes conditions & humeurs, & que par ce moyen ils nourris sent plus entiere & plus vifve, la connoissance qu’ils ont eu de moy. Si c’eust esté pour rechercher la faveur du monde: je me fusse paré de beau tez empruntées, ou me fusse tendu en ma meilleure démarchemieus paré
et me presanterois en une marche estudiee
. Jeveus qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle & ordinaire, sans estu de
contantion
& artifice: car c’est moy que je peins. Mes defauts s’y liront au vif. mes imperfections & ma forme naïfve, autant que la reverence publique me l’a permis. Que si j’eusse esté parmy
entre
ces nations qu’on dict vivre encore sous la douce liberté des premieres loix de nature, je t’asseure que je m’y fusse tresvolontiers peint tout entiér, & tout nud. Ainsi, le cteur, je suis moymesmes la matiere de mon livre: ce n’est pas raison que tu employes ton loisir en un subject si frivole & si vain. A Dieu donq, de Montaigne, cepremier de Mars
mille cinq cens quattre
vins
.
ā ij [a2v]LES CHAPITRES
DU
PREMIER LIVRE.P
AR divers moyens l’on arrive à pareille fin. Chapitre 12 De la tristesse
3 Nos affections s’emportent au delà de nous
4 Comme l’ame descharge les passions sur des objects faux, quand les vrais luy deffaillent
5 Si le chef d’une place assiegée doit sortir pour parlementer 6 L’heure des parlements dangereuse
7 Que l’intention juge nos actions 8 De l’oisiveté
9 Des menteurs
10 Du parler prompt ou tardif 11 Des prognostications 12 De la constance
13 Cerimonie de l’entreveue des Roys
14 Que le goust des biens & des maux depend en bonne partie de l’o pinion que nous en avons
15 On est puny pour s’opiniastrer a une place sans raison [Main de Montbalon]
& bandé
24 24 26 25 27 34 37 37 43 49 53 67 69 74 81 83 92 93 94 94 96 97 98 103 106 107 112 113 114 115 117 121 123 125 126 128 128 129 130 131 134 137 140 145 148 149 151 156 158 167 168 176 183 258 261 262 264 270 284 286 289 16 De la punition de la couardise 17 Un traict de quelques Ambassadeurs 18 De la peur
19 Qu’il ne faut juger de nostre heur qu’apres la mort 20 Que philosopher c’est aprendre à mourir
21 De la force de l’imagination
22 Le profit de l’un est dommage de l’autre
23 De la coustume, & de ne changer aisément une loy receue 24 Divers evenemens de mesme conseil
25 Du pedantisme 26 De l’institution des enfans [a3] 27 C’est folie de rapporter le vray & le faux à nostre suffisance 28 De l’amitié 29 Vint neuf sonnets d’Estienne de la Boetie 30 De la moderation 31 Des Cannibales
32 Qu’il faut sobrement se mesler de juger des ordonnances divines 91
33 De fuir les voluptez au pris de la vie
34 La fortune se rencontre souvent au train de la raison 35 D’un defaut de nos polices
36 De l’usage de se vestir 37 Du jeune Caton
38 Comme nous pleurons & rions d’une mesme chose 30 De la solitude 40 Consideration sur Ciceron 41 De ne communiquer sa gloire 42 De l’inegalité qui est entre nous 43 Des lois somptuaires 44 Du dormir 45 De la bataille de dreux 46 Des noms 47 De l’incertitude de nostre jugement 48 Des destriers 49 Des coustumes anciennes 50 De Democritus & Heraclitus 51 De la vanité des parolles 52 De la parsimonie des anciens 53 D’un mot de Caesar 54 Des vaines subtilitez 55 Des senteurs 56 Des prieres 57 De l’aage aā iij [a3v]
LES CHAPITRES
DU
LIVRE
SECOND. 1D
E l’inconstance de nos actions 2 De l’Ivrognerie 3 Coustume de l’isle de Cea 4 A demain les affaires 5 De la conscience 6 De l’exercitation 7 Des recompences d’honneur 8 De l’affection des peres aux enfans 9 Des armes des Parthes 10 Des livres 11 De la cruauté 12 Apologie de Raimond Sebond 13 De juger de la mort d’autruy14 Comme nostre esprit s’empesche soymesme 15 Que nostre desir s’accroit par la malaysance 16 De la gloire 17 De la presumption 18 Du démentir 19 De la liberté de conscience 20 Nous ne goustons rien de pur
290 290 291 293 293 295 295 299 299 302 303 307 311 319 324 327 344 350 356 362 367 393 402 405 416 443 453 459 470 21 Contre la faineantise 22 Des postes
23 Des mauvais moyens employez à bonne fin 24 De la grandeur Romaine 25 De ne contrefaire le malade 26 Des pouces 27 Couardise mere de cruauté 28 Toutes choses ont leur saison 29 De la vertu [a4] 30 D’un enfant monstrueux 31 De la colere 32 Deffence de Seneque & de Plutarque 33 L’Histoire de Spurina
34 Observations sur les moyens de faire la guerre de Julius Caesar, 314 35 De trois bonnes femmes 36 Des plus excellens bommes 37 De la ressemblance des enfans aux peres TABLE DU TROISIESME LIVRE.
1
D
E l’utile & de l’honneste 2 Du repentir 3 Des trois commerces 4 De la diversion 5 Sur des Vers de Virgille 6 Des coches 7 De l’incommodité de la grandeur 8 De l’art de conferer 9 De la vanité 10 De mesnager àsa
volonté 11 Des Boiteux 12 De la phisionomie 13 De l’experience. [a4v]de la Bibliotheque Centrale de
Bordeaux
Departement
de la gironde
M
1ESSAIS DE MICHEL
DE MONTAIGNE. LIVRE PREMIER.Par divers moyens on arrive à pareille fin. CHAP. I.
L
A plus commune façon d’amollir les coeurs de ceux qu’on a offensez, lors qu’ayant la ven geance en main, ils nous tiennent à leur mercy:,
c’est de les esmouuoirpar summission
à commiseration & à pi
tié: t
T
outesfois la braverie,et
la constance, & laresolution, moyens tous contraires, ont quelquefois servi à ce
sa
[Main de Montbalon]
[No t e (M o nt a i g ne ) : p ] [No t e (M o nt a i g ne ) : p ] [No t e (M o nt a i g ne ) : p ] [No t e (M o nt a i g ne ) : d ] [No t e (M o nt a i g ne ) : ul t d e a b s o l ut a ] mesme effect. Edouard P rince de Galles, celuy qui regenta si long temps nostre Guienne,
:
personnage, duquel les conditions & la fortune ont beaucoup de notables parties de grandeur, ayant esté bien fort offencé par les Limosins, & prenant leur ville par force, ne peut estre arresté par les cris du peuple, & des femmes, & enfans abandonnez à la boucherie, luy criants mercy, & se jettans à ses pieds, iusqu’à ce que passant tousjours outre dans la ville, il apperceut trois gentilshommes Fran çois, qui d’une hardiesse incroyable soustenoyent seuls l’effort de son armee victorieuse. La consideration & le respect d’une si notable vertu, reboucha premierement la pointe de sa cho lere,:
&Et
commença par ces trois,
à faire misericorde à tous les autres habitans de la ville. Scanderberch, P rince de l’Epire, suy vant un soldat des siens pour le tuer,:
& ce soldat ayant essayé parA [1v] ESSAIS DE M. DE MONTA.
MICHEL DE
toute espeçe d’humilité & de supplication, de l’appaiser, se re solut à toute extremité de l’attendre l’espee au poing:.
cC
ette sienne resolution arresta sus bout la furie de son maistre, qui pour luy avoir veu prendre un si honorable party, le receut en grace. Cet exemple pourra souffrir autre interpretation deceux, qui n’auront leu la monstrueuse
prodigieuse
force & vaillance de ce P rince là. L’Empereur Conrad troisiesme, ayant assiegé Guelphe D uc de Bavières, ne voulut condescendre à plus dou ces conditions, quelques viles & laches satisfactions qu’on luy offrit, que de permettre seulement aux gentilsfemmes qui estoyent assiegées avec le Duc, de sortir leur honneur sauve à pied, avec ce qu’elles pourroyent emporter sur elles. Elles d’un coeur magnanime s’avisèrent de charger sur leurs espaules leurs maris, leurs enfans & le Duc mesme. L’Empereur print si grand plaisir à voir la gentillesse de leur courage, qu’il en pleura d’ai se,
:
&Et
amortit toute cette aigreur d’inimitié mortelle & capi tale, qu’il avoit portée contre ce Duc: &Et
dés lors en avant le traita humainement luy & les siens. L’vn & l’autre de ces deux moyens m’emporteroit aysement,.
cC
ar j’ay une merveilleuse lascheté vers la misericorde & le pardon
la mansuetude
: tT
ant y a qu’à mon ad vis, je serois pour me rendre plus naturellement à la compassion, qu’à l’estimation: s
S
i est la pitié, passion vitieuse aux Stoi ques: iI
ls veulent qu’on secoure les affligez,:
mM
ais non pas qu’on flechisse & compatisse auec eux. Or ces exemples me semblent plus à propos,:
dD
’autant qu’on voit ces ames assaillies & essayées par ces deux moyens, en soustenir l’un sans s’esbranler, & flechir
courber
sous l’autre. Il se peut dire, que de se laisser allerrompre son ceur
à la com passion & à la pitiécommiseration
, c’est l’effect de la facilité, debonnaireté, &mollesse: d
D
’où il advient que les natures plus foibles, comme celles des femmes, des enfans, & du vulgaire y sont plus subjettes,
:
mM
ais ayant eu à desdaing les larmes & les pleursprieres
, de se ren dre à la seule reverence & respect de la saincte image de la verLIVRE PREMIER.
MONTAIGNE LIV. I
2 tu, que c’est l’effect d’une ame forte & imployable, ayant en affection & en honneur une vertu vive
vigeur
, masle, & obstinée. Toutesfois és ames moins genereuses, l’estonnement & l’ad miration,
peuvent faire naistre un pareil effect: tT
esmoin le peu ple Thebain,:
lequel ayant mis en justice d’accusation capitale ses capitaines, pour avoir continué leur charge outre le temps, qui leur avoit esté prescript & preordonné, absolut àlut a
toutes peines Pelopidas, qui plioit sous le faix de telles objections,
& n’employoit à se garantir que requestes & supplications: &Et
au contraire Epaminondas, qui vint à raconter magnifique ment les choses par luy faites, & à les reprocher au peuple,
d’une façon fiere & asseurée
et arrogante
, il n’eut pas le coeur de prendre seule ment les balotes en main; &Et
se departit l’assemblée,
louantgrandement la hautesse du courage de ce personnage.
p
p
p
d
Dionisius le
vieil
apres grandes
longurs et difficultez extremes aïant
pris la
ville
de Rege et en
icelle le capitene Phyton
grand home de bien qui l’
avo
itsi obstineemant defandue
vol
uten tirer un tragique exemple
de
vanjance
. Il luy dict
premieremant comant le
jou
ravant
il
avoit
faict noyer so
nfilx & tous ceus de sa parant
é.A quoi Phyton respondit
sulemant, qu’ils en estoint d
’unjour
plus hureus que luy Il
ordona Apres il le fit
depouiller et sesir a des
bourreaus et le trainer
par la
ville
en le fessant et
foitant tresignominieusem
entet cruellement: et en outr
ele chargeant de brocarsfelones
et paroles et contumelieuses.
Maisil eut le corage
tousjours
constant sans se perdre: eEt
d’un
visage
ferme, alloit a
ucontrere
ramantevant
a
haute
voix
l’honorable &
glorieuse cause de sa mort:
pour n’
avoir
volu
rendre
son païs entre les mains d
utirant: le menaçant d’une
procheine punition des Dieus
Dionisius lisant dans les yeus
de ses soldats quelque coman
cemant d’alteration et que
cet example de rare
vertu
flechissoit leur corage a
pitie: de maniere qu’ils luy
pourroit arracher par force
estoint a mesmela commune de son armee q
uequelque au lieu de s’animer de
sbravades
de cet enemi
veincu
a
umespris de leur chef et de son
triomfe ell’aloit s’
amollissant
par l’estonement d’une si rare
v
ertuet marchandoit de se mutine
r& d’aller par forceestant a mesmes d’arrache
rPython d’entre les mains de ses serge
nsfit cesser ce martyre et a cachetes
l’
envoia
noyer en la mer.
Certesc’est un subject merveilleusement vain, divers, & ondoyant, que l’homme: i
I
l est malaisé d’y fonder & establir jugement constant & uniforme. Voyla Pompeius qui pardonna à toute la ville des Mamertins, contre laquelle il estoit fort animé, en consideration de la vertu & magnanimité du citoyen Zenon, qui se chargeoit seul de la faute publique, & ne requeroit au tre grace que d’en porter seul la peine. Et l’hoste de Sylla ayantusé en la V
v
ille de Peruse de semblable vertu, n’y gaigna rien, ny pour soy ny pour les autres. Et directement contre mes pre miers exemples, le plus courageuxhardi des
hommes
qui fut onques,
& le pluset si
gratieux aux vaincus, Alexandre, forçant apres beau coup de grandes difficultez,
la Ville de Gaza, rencontra Betis qui y commandoit, de la valeur duquel il avoit, pendant ce sie ge, senty des preuves merveilleuses,:
lors seul, abandonné des siens, ses armes despecées, tout couuert de sang & de playes,[No t e (M o nt a i g ne ) : t t ]
combatant encores au milieu de plusieurs Macedoniens, qui le chamailloient de toutes parts: &
Et
luy dict, tout piqué d’une si chere victoire: car entre autres dommages, il y avoit receu deuxA ij
[2v]
ESSAIS DE M. DE MONTA.
fresches blessures sur sa personne: t
T
u ne mourras pas comme tu as voulu, Betis: fF
ais estat qu’il te faut souffrir toutes les sortes de tourmens qui se pourront inventer contre un captif. L’au tre,
d’une mine non seulement asseuree, mais rogue & altiere,se tint sans mot dire à ces menaces. Lors Alexandre
,
voyant l’obson fier et
stination à se taire
obstiné et fier silence
: aA
il flechy un genouil? luy estil eschappé quelque voix suppliante? Vrayment je vainqueray ce silence,ta taciturnité :
&
Et
si je n’en puis arracher parole, j’en arracheray au moins dugemissement: &
Et
tournant sa choleresonsa despit cholere
en rage, commanda qu’on luy perçast les talons, & qu’on y traversast une corde: & le fitainsi trainer tout vif, deschirer & desmembrer au cul d’une
charrete. Seroitce
,
que la force de couragehardiesse
luy fut si naturelle & commune, que pour ne l’admirer point, il l’estimast &la
respectast moins?
ouet Ou qu’il l’
enviat
en un autre. Ou qu’il fit besouin une trop forte
opposition pour arreter l’impetuosite de sa naturelle cholere.
Ou qu’il l’estimat si
proprement
sien
e qu’en cette hautur
il n
e peut souffrir de la
voir
en un
au
tre sans le despit d’une passion
env
ieuse
. Ou que l’impetuosite
na
turelle de sa cholere fut incapable
d’o
pposition De
vrai
si ell’eut receu
la
bride qu’en la prinse et desolation
de Thebes elle l’eut receue il est a croire
qu’elle qu’en la prinse et desolation de
la
ville
de Thebes elle l’eut receue a
voi
r cruellemant mettre au fil de
l’esp
ee six mill’ho tant de
vaillans
ho
mes perdus & n’aiant plus moien
dedesfance publique car il en fut
tue bien six mille des quels nul ne fut
veuny fuiant ny demandant merci
aurebours cherchans qui ça qui la
parleurss rues a affronter les enemis
vi
ctorieus les
provoquant
a les
fai
re mourir d’une mort honorable
nu
l ne fut
veu
si abatu de blessures
qu
i n’essaiat aen son dernier soupir de
se v
anger encores. Et a tout les
ar
mes du desespoir companserconsoler sa
mo
rt paren la mort de quelque enemi.
Si n
e
trouva
l’affliction de leur
vertu
aucune pitie et ne
suf
fit la longur d’un
jour
a
assouvir
sa
vanjance
Dura cette
boucheriecarnage
jusques
a la derniere goutte de sang qui se
trouva
espandable
que d’espandre et
jus
et ne s’arreta ques aus persones desarmees
vieillars
fames et enfans pour en tirer
enfans de quoi il s’en fit trante mille
esclaves
.
De la Tristesse. CHAP. II.
J
E suis des plus exempts de cest e passion:Et ne l’aime ny l’estime.
Q
uoi que les homes monde
⁁
tt
[No t e (M o nt a i g ne ) : t t ] [No t e (M o nt a i g ne ) : t t ] [No t e (M o nt a i g ne ) : t t ] [No t e (M o nt a i g ne ) : p ] a
ÿent prins come a
pris faict de l’honorer
d
e
faveur
particuliere
I
ls en habillent la sagesse
lavertu
la consciance.
Sot et monstrueus ornem
ment. Les Italiens ont
plus sortablement bab=
tisé de son nom la malig=
nité. Car c’est une qualitè
to
usjours
nuisible,
tousjours
fo
le. Mais Et come
tou
sjours
couarde et basse les Stoiciens
en
defandent
le
sentimant
a
leu
r sage. Mais
le con
te dit
,
que Psammenitus Roy d’Egypte, ayant esté deffait & pris par Cambisesz
Roy de Perse, voyant passer devant luy sa fille prisonniere habillée en ser vante, qu’on envoyoit puiser de l’eau, tous ses amis pleurans & lamentans autour de luy, se tint coy sans mot dire, les yeux fichez en terre: &Et
voyant encore tantost qu’on menoit son fils à la mort, se maintint en cest e mesme contenance: mM
ais qu’ayant apperçeu un de ses domestiques conduit entre les captifs, il se mit à battre sa teste, & mener un dueil extreme. Cecy se pour roit apparier à ce qu’on vid dernierement d’un Prince des no stres, qQ
ui ayant ouy à Trante, où il estoit, nouvelles de la mort de son frere aisné, mais un frere en qui consistoit l’appuy & l’honneur de toute sa maison, &Et
bien tost apres d’un puisné, saLIVRE PREMIER.
3 seconde esperance, &
Et
ayant soustenu ces deux charges d’une constance exemplaire, cC
omme quelques jours apres un de ses gens vint à mourir, il se laissa emporter à ce dernier accident, &Et
quittant sa resolution,
s’abandonna au dueil & aux regrets, eE
n maniere qu’aucuns en prindrent argument, qu’il n’avoit esté touché au vif que de cest e derniere secousse: mM
ais à la verité ce fut, qu’estant d’ailleurs plein & comblé de tristesse, la moindre surcharge brisa les barrieres de la patience. Il s’en pourroit (dije) autant juger de nostre histoire, n
N
’estoit qu’elle adjouste, que Cambises s’enquerant à Psammenitus, pourquoy ne s’e stant esmeu au malheur de son fils & de sa fille, il portoit si impatiemment celuy d’un de ses amis,:
cC
’est, respondit il, que ce seul dernier desplaisir se peut signifier par larmes, les deux pre miers surpassans de bien loin tout moyen de se pouvoir expri mer. A l’aventure reviendroit à ce propos l’invention de cet ancien peintre, lequel ayant à representer au sacrifice de Iphi genia,
le dueil des assistans, selon les degrez de l’interest que chacun apportoit à la mort de cest e belle fille innocente,:
ayant espuisé les derniers efforts de son art,:
quand se vint au pere de la fille, il le peignit le visage couvert, cC
omme si nulle contenance ne pouvoit representer ce degré de dueil. Voyla pourquoy les P oëtes feignent cette miserable mere Niobé, ayant perdu premierement sept fils, & puis de suite autant de filles, surchar gée de pertes, avoir esté en fin transmuée en rochier,Diriguisse malis:
diriguisse malis:p
P
our exprimer cette morne, muette & sourde stupidité, qui nous transit, lors que les accidens nous accablent surpassans no stre portée. De vray, l’effort d’ un desplaisir, pour estre extre me, doit estonner toute l’ame, & luy empescher la liberté de ses actions: cC
omme il nous advient à la chaude alarme d’une bienmauvaise nouvelle, de nous sentir saisis, transis, & comme per clus de tous mouvemens, d
D
e façon que l’ame se relaschant apresA iij
⁁
maistt
tt
tt
p
[No t e (M o nt a i g ne ) : t t ] [3v] ESSAIS DE M. DE MONTA. aux larmes & aux plaintes, semble se desprendre, se demesler & se mettre plus au large, & à son aise,
.
Et via vix tandem voci laxata dolore est. En la guerre que le Roy
Ferdinand fit contre la
v
eufve
de
Jan
Roy de
H
ongrie autour de Bude
R
aïsciac capiteine Alemand
vo
iant raporter le corps
d’
un home de
cheval
a qui
c
hacun
avoit
veus
ex
cessivement
bien faire
en
la meslee cur
[unclear]le pleignoit
d’u
ne pleinte commune mais
cu
rieus
aveq
les autres de
re
conoistre qui il estoit
ap
res qu’on l’eut desarme
tr
ouva
que c’estoit son filx
et
parmi les larmes publiques
lu
y sul se tint sans mot dire
esp
andre ny
vois
ny pleurs
de
bout sur ses pieds ses yeus
im
mobiles le regardant
fi
xement
jusques
a ce que
l’e
ffort de la tristesse
venant
a
glacer ses esprits
vitaus
le p
orta en cet estat roide
mo
rt par terre
Chi puo dir com’ egli arde é in picciol fuoco
disent les amoureux, qui veulent representer une passion in supportable.
:
misero quod omnes Eripit sensus mihi. Nam simul te Lesbia aspexi, nihil est super mi Quod loquar amens. Lingua sed torpet, tenuis sub artus Flamma dimanat, sonitu suopte Tinniunt aures, gemina teguntur Lumina nocte.De vray, ce
Aussi
n’estce
pas en la vive & plus cuysante chaleur de l’ac cés que nous sommes propres à desployer nos plaintes & nospersuasions: l
L
’ame est lors aggravee de profondes pensees, & le corps abbatu & languissant d’amour:.
&Et
de là s’engendre par fois la defaillance fortuite, qui surprent les amoureux si hors de saison, &Et
cest e glace qui les saisit par la force d’une ardeur extreme,
au giron mesme de la joüyssance: accident qui ne m’est pas incogneu. Toutes passions qui se laissent gouster & dige rer, ne sont que mediocres, Curae leues loquuntur, ingentes stupent. La surprise d’ un plaisir inesperé nous estonne de mesme.,
Vt me conspexit venientem, & Troïa circum Arma amens vidit,
magnis exterrita monstris, Diriguit visu in medio, calor ossa reliquit, Labitur, & longo vix tandem tempore satur. Outre la femme Romaine, qui mourut surprise d’aise de voir son fils revenu de la route de Cannes: Sophocles & Denis le Tyran, qui trespasserent d’aise: &Et
Talua qui mourut en CorLIVRE PREMIER.
4 segue, lisant les nouvelles des honneurs que le Senat de Rome luy avoit decernez; n
N
ous tenons en nostre siecle que le Pape Leon dixiesme ayant esté adverty de la prinse de Milan, qu’ilavoit extremement souhaitée, entra en tel excez de joye, que la
fievre l’en print & en mourut. Et pour un plus notable tes
⁁
tt
[No t e (M a ri e Luc e De mo ne t ) : A no t e r l a ra t ure . Vi l l e y d a ns l ’ é d i t i o n muni c i p a l e t o ut c o mme l ’ é d i t i o n d e l a P l é i a d e no t e nt q ue c e t t e re ma rq ue a v a i t é t é a jo ut é e e n 1588. Il y a d o nc une ré t ra c t a t i o n s ur c e t t e c o nfe s s i o n a p rè s 1588.][No t e (M o nt a i g ne ) : p ]
moignage de l’imbecilité naturelle
humaine
, il a esté remarqué par les anciens, que Diodorus le Dialecticien mourut sur le champ, es pris d’une extreme passion de honte, pour en son eschole & en public ne se pouvoit desvelopper d’un argument qu’on luyavoit faict. Je suis peu en prise de ces violentes passions: J’ay l’apprehension naturellement dure; &
Et
l’encrouste & espessis tous les jours par discours.Nos affections s’emportent au delà de nous. CHAP. III.
C
EUX qui accusent les hommes d’aller tousjours beant apres les choses futures, &Et
nous aprennent à nous saisir des biens presens, & nous rassoir en ceux là, comme n’ayant aucune prise sur ce qui est à venir,:
voire assez moins que nous n’avons sur ce qui est passé, tou chent la plus commune des humaines erreurs: sS
’ils osent appel ler erreur, chose à quoy nature mesme nous achemine, pour leservice de la continuation de son ouvrage.
: nous imprimant come
asses d’autres cete imag
i=
nation fauce: plus
jalouse
de nostre profitaction que de no
nostre sciance.
Nous ne sommesjamais chez nous, nous sommes tousjours au delà. La crainte, le desir, l’esperance nous eslancent vers l’advenir,
:
& nous des robent le sentiment & la consideration de ce qui est, pour nous amuser à ce qui sera, voire quand nous ne serons plus.Calamitosus est
animus futuri anxi
us.Ce grand praecepte est
souva
ntallegueé paren Platon Faicts ton
faict & te conois. Chacun de
ses deus membres
envelope
generalement tout nostre
devoir
: et semblablement
envelope
son p compaignon
Qui aroit a faire son faict
il faudroit en premier lieu
qu’ils s’instruisit de soi et de
ses droits pour ne prendre
l’estrangier pour le sien
n’
extravaguer
en occupations
superflues et en pensees et propositions inutiles. Et qui aroit
apris a se conoitre aroit apris a
s’aimer
a se
cultiver
verroit
q
uesa premiere leçon seroitc’est conestre ce qu’il est et ce qui luy est propre.
Et qui en seroit lase conoit, ne prendroit plus
l’estrangier
faict pour le sien:
s’aimeroit
et se
cultiveroit
avant
toute autre chose: refuseroit les
occupations superflues et les pensees et propositions inutiles. Vt
stultitia et si adepta est quod concupiuit nunquam se tam
ensatis consecutam putat: sic sapientia semper eo contenta e
stquod adest, neque eam unquam sui paenitet. Epicurus
dispense son sage de la
prevoiance
et sollicitude de l’
avenir
Entre
les loix qui regardent les trespassez, celle icy me semble autant solide, qui oblige les actions des Princes à estre examinees apres leur mort: i
I
ls sont compaignons, si non maistres des loix: cC
e que la Justice n’a peu sur leurs testes, c’est raison qu’elle l’ayt sur leur reputation, & biens de leurs successeurs,:
qui sont cC
hoses que souvent nous preferons à la vie. C’est une usance qui ap[4v]
ESSAIS DE M. DE MONTA.
porte des commoditez singulieres aux nations où elle est ob servee, & desirable à tous bons P rinces.
⁁
⁁
⁁
qui ont à se plaindre de ce, qu’on traitte la memoire des meschants comme la leur. Nous devons la
subjection
et
l’obeissance
esgalemant a tous Roys, car elle regarde leur office: mais
l’estimation
no
np
lus que
l’affection
nous ne la
devons
qu’a leur merite
vertu
. Donons a
l’ordre
politique de les souff
rirp
atiammant indignes, de celer leurs
vices
, d’aider de nostre recomandation leurs actions indiffer
entesp
endant que leur authorite ha besoin de nostre appui. Mais nostre commerce fini, ce n’est pas raison d
er
efuser a la
justice
& a nostre
li
berté l’expression de nos
vrais
r
essentimans. Et
n
omeemant de refuser
a
us bons
subjets
la glo
g
loire d’
avoir
reverammant
e
t fidelemant
servi
un maistre
le
s imperfections du quel luy
le
ur estoint si bien conues:,
f
rustrant la posterite d’un
si
utille exemple. Et ceus
q
ui par respect de quelque
o
bligation
privee
espousent
in
iquement la memoire
d
’un prince meslouable,
f
ont
justice
particuliere
a
us despens de la
justice
pu
blique. Un antienTite
Live
dict
v
rai, que le langage des
h
omes nourris sous la
R
oyauté est
tousjours
p
lein de folles
ostentations
&
veingsvains
tesmouignages:
c
hacun
esleveant
indiffe=
re
mment son roy a
e
xtreme ligne de
valur
&
grandur
souvereine
.
On
peut
reprouver
la
m
agnanimité de ces
deus soldats qui
respondirent a l’emperurNeron
asa barbe: l’un enquis,
deluy pourquoi il luy
vouloit mal.
Je
t’eimois
qu
and tu le
valies
[sic]: mais
d
espuis que tu es
venu
pa
rricide boutefu
batelur cochier
je
te
hai come tu merites.
L’autre, pourquoi il le
vouloit tuer: Parce que
je
ne
treuve
autre remede
a c
es continuelles meschan=
ce
tez. Mais les
pu
bliques et
universels
te
smouignages qui apres
sa
mort furentont este randus
&
le seront a tout
jamais
de
saes m tiranniques et
vi
lains desportemants
qu
i de sain
entandemant
les
peut
reprouver
?
Il
me desplait qu’en une
si
saincte police que la
La
cedemoniene se soitfut misemesle
u
ne
si sottefeinte ceremonie. A
la
mort des Roys tous les
con
federez &
voisins
eto
& t
ous les Ilottes homes femmes
pes
le mesle et des spar naturels
spa
rtiates encore se descou=
poie
nt
le
front pour tesmouig=
nage de deuil et disaoint en
leurs cris et lamentations quel qu’il ayeeut este queque celuy la quel qu’il eut este c’estc’estoit le meillur Roy de tous les leurs:
quel qu’il eut este.
qu’ils eurent onques attribuants au dernier ranc. Ce los qui se doit au
premier merite apartenoit au merite & qui apartenoit au premier merite
aupostreme et dernier ranc Aristote qui tasteremue toutes choses: s’enquiert sur le mot de Solon
qu
e nul
avant
sa mort ne peut estre dict hureus, si celuy la mesmes qui a
vescu
et qui est mort selon ordre peut
es
tre dict hureus veu quesi sa renomee peutva mal aler si sa posterite est re miserable si ses amis haïssent sa memoire
P
andant que nous nous remuons nous nous portonts par praeoccupations ou il nous plait: mais n’estans plusestant hors de
l’estre
n
ous n’
avons
aucune communautecommunication
aveq
ce qui est. Et seroit meillur de dire a Solon que
jamais
home n’est donq
hureus s’ilpuis qu’il ne l’est que quand apres qu’il n’est plus
quisquam Vix radicitus è vita se tollit, & eiicit: Sed facit esse sui quiddam super inscius ipse, Nec remouet satis à proiecto corpore sese, & Vindicat. Bertrand du Glesquin mourut au siege du chasteau de Ran con, pres du Puy en Auvergne: lL
es assiegez s’estant rendus apres, furent obligez de porter les clefs de la place sur le corps du trespassé. Barthelemy d’Aluiane, General de l’armée des Venitiens, estant mort au service de leurs guerres en la Bresse, & son corps ayant a estre raporté à Venise par le Veronois, ter re ennemie: la pluspart de ceux de l’armée estoient d’advis, qu’on demandast saufconduit pour le passage à ceux de Ve rone: mM
ais Theodore Trivolce y contredit; & choisit plustost de le passer par vive force, au hazard du combat: nN
’estant conve nable, disoitil, que celuy qui en sa vie n’avoit jamais eu peur de ses ennemis, estant mort fist demonstration de les crain dre. De vray, en chose voisine, par les loix Grecques, celuy qui demandoit à l’ennemy un corps pour l’inhumer, renonçoit à la victoire, & ne luy estoit plus loisible d’en dresser trophee:.
àA
celuy qui en estoit requis, c’estoit tiltre de gain. Ainsi perdit Nicias l’avantage qu’il avoit nettement gaigné sur les Corin thiens: &Et
au rebours, Agesilaus asseura celuy qui luy estoit biendoubteusement acquis sur les Baeotiens. Ces traits se pourroient
trouver estranges, s’il n’estoit receu de tout temps, non seule ment d’estendre le soing que nous avons de nous au delà cet te vie,
:
mais encore de croire que bien souvent les faveurs ce lestes nous accompaignent au tombeau, & continuent à nos reliques. Dequoy il y a tant d’exemples anciens, laissant à part les nostres, qu’il n’est besoing que je m’y estende. Edouard premier LIVRE PREMIER. 5 premier Roy d’Angleterre, ayant essayé aux longues guerres d’entre luy & Robert Roy d’Escosse, combien sa presence don noit d’advantage à ses affaires, rapportant tousjours la victoire de ce qu’il entreprenoit en personne; mourant,
obligea son fils par solennel serment, à ce qu’estant trespassé, il fist bouillir son corps pour desprendre sa chair d’avec les os, laquelle il fit enter rer: & quant aux os, qu’il les reservast pour les porter avec luy & en son armée, toutes les fois qu’il luy adviendroit d’avoir guer re contre les Escossois,.
cC
omme si la destinée avoit fatalement attaché la victoire à ses membres. Jean Vischa qui troubla la Boheme pour la deffence des erreurs de Wiclef, voulut qu’on l’escorchast apres sa mort, & de sa peau qu’on fist un tabourin à porter à la guerre contre ses ennemis: eE
stimant que cela ayde roit à continuer les avantages qu’il avoit eus aux guerres, qu’ilavoit
par luy
conduites contre eux. Certains Indiens portoient ainsin au combat contre les Espagnols, les ossemens de l’un de leurs Capitaines; en consideration de l’heur qu’il avoit eu en vivant. Et d’autres peuples en ce mesme monde, trainent à la guerre les corps des vaillans hommes, qui sont morts en leurs batailles, pour leur servir de bonne fortune & d’encouragement. Les premiers exemples ne reservent au tombeau, que la reputation acquise par leurs actions passées: mM
ais ceuxcy y veulent encore[No t e (M o nt a i g ne ) : c ] [No t e (M o nt a i g ne ) : t t ] [No t e (M o nt a i g ne ) : t t ] [No t e (M o nt a i g ne ) : l a ] [No t e (M o nt a i g ne ) : t t ] mesler la puissance d’agir. Le fait du C apitaine Bayard est de meilleure composition, lequel se sentant blessé à mort d’une harquebusade dans le corps, conseillé de se retirer de la meslée, respondit
,
qu’il ne commenceroit point sur sa fin à tourner le dos à l’ennemy: &Et
ayant combatu autant qu’il eut de force, sesentant defaillir & eschapper du cheval, commanda à son maistre d’hostel, de le coucher au pied d’un arbre:
,
mM
ais que ce fut en façon qu’il mourut le visage tourné vers l’ennemy, comme il fit. Il me faut adjouster cet autre exemple aussi remarquable pour cest e consideration, que nul des precedens. L’EmpereurB
[5v]
ESSAIS DE M. DE MONTA.
Maximilian bisayeul du Roy Philippes, qui est à present, estoit Prince garny
doué
de tout plein de grandes qualitez, & entre autres d’une beauté de corps singuliere: mM
ais parmy ces humeurs, ilavoit ces
t
tecy bien contraire à celle des princes, qui pour des pecher les plus importants affaires font leur throsne de leur chaire percée: cC
’est qu’il n’eust jamais valet de chambre, si pri vé, à qui il permit de le voir en sa garderobbe: iI
l se desroboit pour tomber de l’eau, aussi religieux qu’une fillepucelle
à ne descou vrir ny à medecin ny à qui que ce fut,
les parties qu’on a accou stumé de tenir cachées. Moy,
qui ay la bouche si effrontee, suis pourtant par complexion touché de cest e honte:.
sS
i ce n’est àune grande suasion de la necessité ou de
la
volupté,
je ne communi que guiere aux yeux de personne les membres & actions, que nostre coustume ordonne estre couvertes: jJ
’y souffre plus decontrainte
,
que je n’estime bien seant à un homme,:
&Et
sur tout,
à un homme de ma profession: mM
ais luy, en vint à telle supersti tion, qu’il ordonna par paroles expresses de son testament, qu’on luy attachast des calessons, quand il seroit mort. Il de voit adjouster par codicille, que celuy qui les luy monteroit eut les yeux bandez.J
’attribue a quelque
devotion
come d’un
Prince entre ses autres
perfections admirables
singulierement relli=
gieus: lL’ordonance que
Cyrus faict a ses
enfans
qu
e ny eus ny autre
n
e
vid
son cors apres
qu
’il seroit decedé ne
voie
et touche son cors
ap
res que l’ame en sera
se
paree.
je
l’attribue a quelque
sie
ne
devotion
. Car et son
His
torien & luy entre leurs
gr
andes qualites ont seme
par
tout le cours de leur
vie
un singulier soins &
reve=
rence
a la relligion.
Ce conte me despleut qu’un grand Prin
ce me fit d’un mien allié,
:
homme assez cogneu & en paix & en guerre. C’est que mourant bien vieil en sa court, tourmenté de douleurs extremes de la pierre, il amusa toutes ses heures dernieres avec un soing vehement, à disposer l’honneur & la ceremonie de son enterrement, &somma
toute la noblesse qui le visitoit,
de luy donner parole d’assister à son convoy. A ce prince mesme, qui le vid sur ces derniers traits, il fit une instan te supplication que sa maison fut commandee de s’y trouver, eE
mployant plusieurs exemples & raisons à prouver que c’e stoit chose, qui appartenoit à un homme de sa sorte,:
&Et
sem bla expirer content,
ayant retiré cest e promesse, & ordonné à son gré la distribution, & ordre de sa monstre. Je n’ay guierec
tt
tt
⁁
⁁
pressatt
[No t e (M o nt a i g ne ) : t t ]
[No t e (M o nt a i g ne ) : v]
[No t e (M o nt a i g ne ) : t t ]
LIVRE PREMIER.
6 veu de vanité si perseverante. Cette autre curiosité contraire, en laquelle je n’ay point aussi faute d’exemple domestique, me semble germaine à cest ecy, d
D
’aller se soignant & passionnant à ce dernier poinct a regler son convoy, à quelque particulie re & inusitee parsimonie, à un serviteur & une lanterne. Je voy louer cett’ humeur, & l’ordonnance de Marcus AEmilius Lepidus, qui deffendit à ses heritiers d’employer pour luy les cerimonies qu’on avoit accoustumé en telles choses. Estce en core temperance & frugalité, d’eviter la despence & la volup té, desquelles l’usage & la cognoissance nous est inperceptible? VV
oilaun’ aisee reformation & de peu de coust.S’il estoit besouin
d’en ordoner
je
serois
d
’
avis
qu’en celela
c
ome en
toutes
actions
de la
vie
chacun en
raportat la regle
en la forme de sa
fortune. Et le philo=
sophe Lycon praescrit
sagement
a ses amis
de l’enterrer ny
superfluement
ny
mecaniquement.
mettre son corps ou ils
aviseront
pour le mieus
et quand aus fune=
railles qu’ilsde les facentire
ny superflues ny
mecaniques
Je lairroa
isplustost
puremant
la coustume ordonner de cesttt
e cerimonie, &Et
sauf les cho ses requises au service de ma religion, si c’est en lieu où il soitbesoing de l’enjoindre, m’en remettray volontiers à la discre tion des premiers à qui cette sollicitude
je
tomberai
encharge
.Totus hic locus est conte
m=
nendus in nobis non negl
i=
gendus in nostris. Et
⁁
et est sainctemant dict a
unsainct: Curatio funeris condi
tiosepulturae pompa exequiar
ummagis sunt uiuorum solati
aquam subsidia mortuorum
.Pourtant Socrates
aCrito qui sur l’heure de
safin q luy demande com
antil
veut
estre enterre. Co
mevous
voudrez
respontd i
lMais s’il en faut dire
Si j’avois à m’en empescher plus avant, je trouverois plus ga
land, d’imiter ceux
,
qui veulententreprenent
vivans & respirans,
jouyr de l’or dre & honneur de leur sepulture, &Et
qui se plaisent de voir enmarbre
,
leur morte contenance. Heureux,
qui sçachent resjouyr & gratifier leur sens,
par l’insensibilité,
& vivre de leur mort.Quaeris quo
iaceas post obitum
loco
Quo non nata iacen
tA peu que
je
n’entre en haine ir
re=
conciliable contre toute domina
tiontt
u
⁁
[No t e (M a ri e Luc e De mo ne t ) : C e t t e c o rre c t i o n d e "l a i rro i s " e n "l a i rra i " t é mo i g ne d e l a ré d uc t i o n d e l a d i p ht o ng ue ] [No t e (Al a i n Le g ro s ) : C ’ e s t a us s i un p a s s a g e d u c o nd i t i o nne l (é v e nt ue l ) a u fut ur (d é c i s i o n, p ro c he )] partage⁁
⁁
populere quoi qu’elle me semble la
plusnaturelle et aequitable: quan
d ilme
souvient
de cette inhumai
neinjustice
du peuple Athenien, d
efaire mourir sans remission
&sans les
vouloir
sulement
ouïren leurs defances, ses
brave
scapitenes,
venans
de gaigne
rcontre les Lacedemoniens la
bataille
navale
pres des is
lesArginuses: la plus
difficible
la
plus gran contestee la plus fo
rtebataille que les grecs aïaent
onques doné en mer de leur
sforces: parce qu’apres la
victo
ireils
avoint
plus tost
suivi
le
soccasions que la loi de la gue
rreleur presantoint, plus tost, qu
ede s’arreter a receuillir et
inhumer leurs morts. Et ren
dcete execution plus odieuse l
efaict de Diomedon. Cetuicy est
l’un
des
condamnès, home de notable
vertu
, e
tmilitere et politique,: lLequel se tirant
avant
pour parler, apres
avoir
oui l’ar
restde leur condemnation: et
trouvant
sulem
antlors, lieutemps de paisible audiance: au lieu d
es’en
servir
au bien de sa cause et a
descouv
rirl’
evidante
injustice
d’une si cruelle conclus
ionne representa qu’un souin de la
conserva
tionde ses
juges
: priant les dieus de tourner a leur
ce
jugement
a leur bien: et affin qu’a faute de rendre les
veu
squ’ils
avoint
que luy et ses compaignons
avoint
voue
aus dieus en reconnoissance d
’unesi illustre fortune, ils n’attirassent
l’ire
de
sdieus
sur eus les
advertissant
quels
veus
c’es
toient.Et sans dire autre chose, & sans marchander, s’achemina de ce pas courageusement au supplice.
La peine
suivit
fortune quelques années apres cette inique superstition.les punit de mesme pain souppe.
Car Chabrias capitene general de l’armee de mer des Atheniens, aïant
eu le dessus du combat contre Pollis admiral de Sparte en
l’isle
de
Naxe, perdit le fruit tout net et contant de sa
victoire
, tresimportant
a leurs affaires: pour n’encourir le malheur de cet example. eEt pour ne
perdre peu des corps mors de ses amis qui flotoint en mer, laissa se retirer
voguer
en
sauvete
un monde d’enemis
vivans
qui bien tostdespuis leur firent bien acheter cete importune
superstition
Quaeris quo iacentas post
obitum
loco
Quo non nata iacent.
Cet autre redone le sentimant du repos a un corps sans ame:
Neque sepulc
hrum quo recipiat, habeat portum corporis,
Vbi, remissa humana vita, corpus requiescat
a malis.
Comme l’ame descharge ses passions sur des objects faux, quand les vrais luy defaillent.
CHAP. IIII.