• Aucun résultat trouvé

Shlyakhter et al. (1994) dans le domaine des prédictions et des prévisions énergétiques ont développé un modèle permettant de corriger le biais cognitif de « sur-confiance » entachant les avis experts lors d’une estimation de nouvelles prévisions énergétiques. Ce modèle avait aussi comme objectif d’être appliqué à tous les domaines pour lesquels des prédictions sont disponibles.

Dans ce modèle, les experts donnent leurs estimations probabilistes sous forme d’intervalles d’incertitude, en précisant une valeur la plus vraisemblable. Shlyakhter et al. (1994) proposent de corriger le biais de sur-confiance entachant ces estimations par un facteur d’inflation 𝑍 (coefficient de correction). Ce facteur permet le cas échéant d’élargir l’intervalle d’incertitude dans le but d’avoir une enveloppe des valeurs susceptibles de contenir la vraie valeur recherchée.

Chapitre 5 : Les méthodes de traitement du jugement d’expert

Le facteur d’inflation se détermine par le pourcentage entre deux valeurs normalisées ayant une probabilité de 10% : 1) une valeur normalisée obtenue par une fonction de répartition probabiliste qui suit une loi normale avec une moyenne 𝜇 et un écart-type 𝜎, elle déterminée à partir des élicitations expertes et, 2) une valeur normalisée obtenue par une fonction de répartition probabiliste qui suit une loi normale standard (loi normale centrée réduite) avec une moyenne 𝜇 = 0 et un écart-type 𝜎 = 1.

Le principe du modèle consiste à distinguer entre deux cas: 1) un cas pour lequel on dispose de beaucoup de données à dires d’experts et, 2) un cas pour lequel on ne dispose pas de beaucoup de données à dires d’experts. Le premier cas exige de modéliser par une fonction de répartition probabiliste les élicitations expertes, le deuxième cas exige de supposer, par l’analyste même, une fonction de répartition probabiliste en supposant une moyenne convenable aux élicitations expertes.

 Le concept mathématique du modèle

Pour faciliter l’explication et rendre la présentation mathématique plus compréhensive, on présente ci-dessous les paramètres du modèle :

𝐿, 𝑅, 𝑈 : les élicitations expertes données sous une forme d’intervalle d’incertitude contenant respectivement les valeurs : L : faible (Low), R : référence (Reference) et U : élevé (Upper)

𝑇 : la vraie valeur (variable connue, variable de calibration)

𝑥 : la mesure normalisée de l'écart entre les valeurs élicitées R et la vraie valeur T 𝑥 =(𝑇 − 𝑅)

𝑢 : une fonction de répartition probabiliste des élicitations expertes qui suit une loi normale avec une moyenne 𝜇 et un écart-type 𝜎

∆ : l’écart type concernant les élicitations expertes biaisées ∆= (𝑈−𝐿

2 )

∆′ :

l’écart type concernant les élicitations expertes dé-biaisées ∆= (𝑈∗2−𝐿∗) ; où 𝑈∗

et 𝐿∗ sont respectivement les bornes inférieure et supérieure dé-biaisées de l’intervalle d’incertitude

𝑍 : le facteur d'inflation

L’application du modèle repose sur trois phases principales : 1) la phase d’élicitation des dires d’experts, 2) la phase de construction d’une fonction de répartition probabiliste et, 3) la phase de réduction des biais de sur-confiance.

a) La phase d’élicitation à dires d’experts

Cette phase consiste à éliciter par l’expert, pour une variable de calibration une série des valeurs contenant la valeur la plus vraisemblable R et son intervalle d’incertitude [L,U].

Chapitre 5 : Les méthodes de traitement du jugement d’expert

Idéalement, il faut avoir beaucoup d’élicitations expertes individuelles (au moins 100 élicitations).

b) La phase de construction d’une fonction de répartition probabiliste

Cette phase consiste à présenter les élicitations expertes de la phase précédente par une fonction de répartition probabiliste. On distingue deux cas (Tableau 5-4) :

Tableau 5-4. Les deux cas à distinguer selon le modèle de Shlyakhter et al. (1994) Cas 1

(on dispose de beaucoup de données à dires d’experts)

Cas 2

(on ne dispose pas de beaucoup de données à dires d’experts)

1- Modéliser les élicitations expertes par une fonction de répartition probabiliste en utilisant la moitié de l’intervalle d’incertitude pour déterminer l’écart-type ∆= (𝑈−𝐿2 ) 2- Calculer pour chacune des élicitations

expertes la mesure normalisée 𝑥 =(𝑇−𝑅)

3- Présenter ces mesures normalisées par une courbe d’une fonction de répartition probabiliste

Déterminer, par l’analyste, une fonction de répartition probabiliste en supposant une moyenne 𝜇 convenable aux élicitations. Par exemple :

 pour les constantes physiques 𝜇 = 1 ;  pour les projections d’énergie 𝜇 =

1 à 3.5 ;

 pour les projections démographiques 𝜇 = 3.

c) La phase de réduction du biais de sur-confiance

Cette phase consiste à calculer le facteur d’inflation 𝑍 afin de déterminer les intervalles de confiance modifiés (la borne inférieure dé-biaisée (𝐿∗) et supérieure dé-biaisée (𝑈)). La

borne inférieure dé-biaisée 𝐿∗ de l’intervalle d’incertitude se calcule par la formule suivante :

𝐿∗ = 𝑅 − 𝑍(𝑅 − 𝐿) [12]

De la même manière, la borne supérieure dé-biaisée 𝑈∗ de l’intervalle d’incertitude se calcule

par la formule suivante :

𝑈∗ = 𝑅 + 𝑍(𝑈 − 𝑅) [13]

Mathématiquement, le facteur d’inflation se détermine par le pourcentage entre deux valeurs x𝜇 𝜇 et x𝜇 0ayant une probabilité de 10% : 1) x𝜇 𝜇 est une valeur normalisée obtenue par la

fonction de répartition probabiliste des élicitations expertes et, 2) x𝜇 0 est une valeur normalisée obtenue par une fonction de répartition probabiliste qui suit une loi normale

Chapitre 5 : Les méthodes de traitement du jugement d’expert

standard (loi normale centrée réduite) avec une moyenne μ = 0 et un écart-type 𝜎 = 1. Le facteur d’inflation 𝑍 se calcul par la formule suivante :

𝑍 = 𝒙𝜇 𝜇

𝒙𝜇 𝟎

[14]

 Intérêts et limites

Le modèle permet de dé-biaiser et réduire le biais de sur-confiance susceptibles d’entacher les élicitations expertes à partir d’un seul facteur d’inflation. Ce facteur permettant d’élargir l’intervalle d’incertitude pour créer une enveloppe plus large, réduisant ainsi significativement le biais de sur-confiance. Toutefois ce modèle présente les limites suivantes :

1- Le fait de considérer que la valeur la plus vraisemblable 𝑅 est équivalente à la vraie valeur 𝑇, et par conséquent, de ne pas lui apporter de correction, constitue un point faible dans la procédure de dé-biaisage de ce modèle. En effet, la valeur 𝑅 est une valeur élicitée par l’expert même et peut être donc entachée par des biais (notamment le biais de sur-confiance ou sous-confiance).

2- le fait de dé-biaiser les deux bornes de l’intervalle d’incertitude par le même facteur de correction pourrait provoquer une erreur, car par exemple, il est possible que l’expert ait un biais de sur-confiance lié à la borne inférieure de son intervalle d’incertitude (𝐿), et, inversement ait un biais de sous-confiance lié à la borne supérieure de son intervalle d’incertitude (𝑈). Ce qui mène en final à une correction identique pour deux types de biais différents à un résultat final erroné.

3- Le fait de supposer que les incertitudes suivent nécessairement une loi normale n’est pas adaptable au contexte des ouvrages de protection contre les inondations, puisque leurs incertitudes épistémiques dépendent du comportement de plusieurs paramètres physiques qui ne suivent pas forcément un comportement linéaire.

4- Le modèle permet de traiter les élicitations consensuelles données par un panel d’expert ou individuellement par un seul expert. Il ne propose aucune procédure pour utiliser en même temps plusieurs élicitations expertes individuelles.

Modèle mathématique de dé-biaisage de biais de sur-confiance des avis

5.4.3