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3 Expériences préliminaires d’exploration des domaines de prédominance

Préalablement à l’étude de l’action des additifs ioniques et afin de choisir des conditions opératoires conduisant à des phases pures de CPP, des synthèses ont été réalisées pour différents couples de pH et de températures. Les paramètres propres au procédé tels que la vitesse d’agitation du réacteur et le débit d’introduction des réactifs, ont également été explorés dans certains cas, pour améliorer la pureté des phases produites.

II-3-1 Effet du débit et de la vitesse d’agitation sur la formation de pyrophosphates de calcium hydratés

La Figure II-2 présente le diagramme température-pH d’obtention des phases pures ou de mélanges de phases de CPP dans différentes conditions de débit et de vitesse d’agitation. A titre de comparaison, les domaines d’obtention des phases de CPP obtenues précédemment avec l’utilisation du dispositif expérimental mis au point par Gras et al. sont superposés à ceux de la présente étude sur la Figure II-2. Cette figure a été réalisée à partir de résultats d’analyses semi-quantitatives faites par DRX selon la méthode PONKCS (Partial or No Known Crystal Structure) décrite par Scarlett et Madsen (Scarlett and Madsen, 2006), et Madsen et al. (Madsen et al., 2011) qui est présentée dans l’annexe n°2. Il s’agit d’une approche de quantification directe où la contribution de la phase amorphe sur les diffractogrammes RX est directement utilisée pour estimer sa proportion massique dans le mélange de phases. La précision de cette méthode est de ± 1% (m/m) sur les valeurs déterminées pour le pourcentage relatif de chacune des phases constituants les poudres de CPP synthétisées. Tous les pourcentages relatifs de CPP obtenus pour chaque essai ne sont pas répertoriés sur la Figure II-2. Seuls quelques points d’intérêt y sont reportés et les autres sont exprimés à l’aide d’un code couleur. Par rapport aux travaux antérieurs (Gras, 2014), on constate : i) un élargissement du domaine d’obtention de l’a-CPP pur vers les pH acides et les hautes températures ; ii) un élargissement du domaine d’obtention du m-CPPT β pur vers des pH légèrement moins acides ; iii) une forte réduction du domaine d’obtention du t-CPPD pur et ; iv) la disparition du domaine d’obtention du m-CPPD pur (pH 5,8 / 90°C).

95 Notons que la vitesse d’agitation utilisée (barreau aimanté à 400 tr.min-1) dans le

dispositif expérimental (erlenmeyer non thermostaté) mis au point par Gras et al. ne peut pas être comparée à celle que l’on a utilisée dans le nouveau dispositif, car dans le premier cas, un barreau aimanté associé à une plaque d’agitation est utilisé (mélange non homogène ; vortex) alors que dans ce dernier cas, la synthèse est faite en réacteur de précipitation parfaitement agité (mélange homogène). La différence entre les deux dispositifs de même volume, provient donc des conditions hydrodynamiques.

Dans les conditions débit/vitesse d’agitation (200 tr.min-1/2,25 mL.min-1(a)) la zone

d’obtention de la phase m-CPPD pure précédemment identifiée par P. Gras (Gras 2014) n’est pas produite pour notre configuration en réacteur. C’est pourquoi nous avons testé d’autres couples proches du dernier couple pH-température pour lequel la plus forte proportion de m- CPPD a été obtenue et dont les valeurs sont reportées dans le Tableau II-1.

Tableau II-1 – Couples débit et vitesse d’agitation testés pour des synthèses de CPP.

a b c d e f g h

Agitation (tr.min-1) 200 400 50 100 100 100 100 280

Débit (mL.min-1) 2,25 2,25 2,25 1,125 0,56 0,28 0,11 0,56

La Figure II-2 illustre les diagrammes des domaines d’obtention des phases de CPP en fonction du pH et de la température obtenues pour les différents couples débit et vitesse d’agitation répertoriés dans le Tableau II-1 et comparé à ceux déterminés par P. Gras (Gras 2014).

Lorsque la vitesse d’agitation augmente de 200 à 400 tr.min-1 (conditions (a) changées

en (b)) pour un couple pH / température donné (autour de 4,3 / 90°C), les proportions relatives de t-CPPD et m-CPPD diminuent au profit de l’augmentation de celle de l’a-CPP. De plus, la zone d’obtention d’un mélange de t- et m-CPPD est réduite et décalée vers les pH plus acides (Figure II-2).

Lorsque la vitesse d’agitation est diminuée de 200 à 50 tr.min-1 pour un couple pH /

température donné (autour de 4,3 / 90°C), la poudre obtenue dans les conditions (a) à 90°C et pH 4,1 est composée de 60% m-CPPD, 30% t-CPPD et 9% a-CPP et la poudre obtenue dans

96 les conditions (c) est composée de 6% m-CPPD et 94% a-CPP (Figure II-2). Une diminution de la proportion massique relative de m-CPPD et une disparition de celle de t-CPPD est observée.

Pour des vitesses d’agitation élevées (> 200 tr.min-1) et/ou de faibles débits (50 mL.min-1), les proportions massiques relatives de m-CPPD et t-CPPD diminuent fortement au

profit de l’augmentation de la proportion d’a-CPP.

Lorsque la vitesse d’agitation et le débit sont respectivement diminués de 200 à 100 tr.min-1 et de 2,25 à 1,125 mL.min-1 à 90°C et pH 4,1, la proportion massique relative de t-

CPPD passe de 30% (conditions (a)) à 50% (conditions (d)) au détriment des phases m-CPPD et a-CPP. A 90°C et pH 4,4, les proportions massiques relatives de chaque CPP sont t similaires à celles obtenues à 90°C et pH 4,1 dans la condition (a). On observe un décalage de la zone d’obtention de mélange de m-CPPD et t-CPPD vers le pH moins acides. De plus, cette zone s’agrandit.

Lorsque le débit est diminué de 1,125 à 0,56 mL.min-1 pour le couple pH 4,57 / 90°C

en changeant les conditions (d) en (e), le pourcentage relatif de m-CPPD augmente de 23% à 81% au détriment du pourcentage relatif d’a-CPP passant de 77% à 19%. La diminution du débit profite à la formation d’une plus grande proportion de m-CPPD dans les échantillons de CPP synthétisés.

Suite à cela, pour essayer obtenir une phase de m-CPPD pure le débit a été diminué de 0,56 à 0,28 et 0,11 ml.min-1 pour le couple pH 4,57 / 90°C (conditions (e) en (f) et (g), respectivement). Le pourcentage relatif de m-CPPD contenu dans les échantillons synthétisés a alors respectivement diminué de 81% à 18% et 38% au profit de l’augmentation du pourcentage relatif de phase t-CPPD passant de 0% à 74% et 45%. Il existe donc un optimum pour la valeur du débit d’ajout des solutions de réactif lors de la synthèse des CPP.

Pour former les phases de t- et m-CPPD les plus pures possible pour un grand nombre de couples pH/température, les synthèses doivent être réalisées à un faible débit (< 2,25 mL.min-1), et pour un optimum de vitesse d’agitation à 100 tr min-1.

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Figure II-2- Diagramme d’obtention des phases pures et mélanges de phases de CPP en fonction du pH et de la température à un débit de 2,25 mL.min-1 et une vitesse d’agitation de 200 tr.min-1 (a) ; un

débit de 2,25 mL.min-1 et une vitesse d’agitation de 400 tr.min-1 (b) ; un débit de 2,25 mL.min-1 et une

vitesse d’agitation de 50 tr.min-1 (c) ; un débit de 1,125 mL.min-1 et une vitesse d’agitation de 100

tr.min-1 (d) ; un débit de 0,56 mL.min-1 et une vitesse d’agitation de 100 tr.min-1 (e) ; un débit de 0,28

mL.min-1 et une vitesse d’agitation de 100 tr.min-1 (f) ; un débit de 0,11mL.min-1 et une vitesse

d’agitation de 100 tr.min-1 (g). Les expériences ont été dupliquées et les pourcentages massiques

98 On peut aussi conclure qu’un mélange nécessaire mais imparfait (vitesse et débit d’ajout suffisamment faibles ou l’utilisation d’une synthèse en erlenmeyer avec un barreau aimanté associé à une plaque d’agitation (Gras et al., 2013b)) favorise la possibilité d’obtenir des phase pures et mélange de CPPD sur une plus grande gamme de couples pH / température. Ces deux phases (t- et m-CPPD) sont les phases de CPP évoquées dans cette étude les plus difficiles à obtenir pures et qui nécessitent d’être réalisées dans des conditions de mélange pour lesquelles les ions précurseurs (P2O74- et Ca2+) ne se rencontrent pas trop rapidement

sous peine de former une phase amorphe. En effet Gras et al. (Gras et al., 2013b) indiquaient déjà qu’il fallait ajouter les réactifs dans la solution tampon au cours de la synthèse de CPP en les insérant dans le réacteur par deux embouchures diamétralement opposées.

Un rapide calcul du temps de micromélange dans notre réacteur peut être fait avec l’équation II.1, (Vicum et al., 2004)

tDM = 17,24√ υ ε. (0,030 + 17,050 Sc ) (II-2) avec :

- ε : taux de dissipation d’énergie (-),

- υ : la viscosité cinématique du fluide (m².s-1),

- Sc : Le nombre adimensionnel de Schmidt (rapport entre viscosité cinématique et coefficient de diffusion.

On a évalué pour une agitation de 100 tr.min-1 un temps de micromélange de 6 ms et

de 2 ms pour une vitesse d’agitation de 200 tr.min-1.

On peut donc penser que les temps caractéristiques de réaction tR (Equation (II-3))

entre le Ca2+ et le P

2O74− (Equation(II-4)) (dépendant d’une constante cinétique k) pour les

phases m-CPPD, t-CPPD et a-CPP sont du même ordre de grandeur que des temps caractéristiques de micromélange tDM. Plus particulièrement le postulat d’une cinétique de

réaction de la phase m-CPPD plus faible que celle de la phase a-CPP expliquerait l’existence d’un couple débit (effet de sursaturation), vitesse d’agitation (état de mélange) optimum pour favoriser la formation de phases pures monoclinique et triclinique.

99 2Ca2++ P 2O74−+ H2O k → Ca2P2O7. nH2O (II-3) tR= 1 k([Ca2+]² + [P 2O74−]) (II-4)

Intuitivement on peut donc penser qu’une sursaturation faible (débit de réactifs faible) couplée à un « mauvais » mélange permettrait, dans le cas des pyrophosphates de calcium hydratés, la croissance de phase cristalline organisée plutôt qu’une phase amorphe.

Toutes ces synthèses ont été réalisées avec un précurseur de K4P2O7 obtenu par

calcination (4 heures à 400°C) de K2HPO4 provenant du même lot que celui utilisé par Gras et

al. (Gras 2014) lors de leur synthèse. Des analyses par DRX et spectroscopie IR ont montré

que le sel précurseur K4P2O7 préparé et utilisé par Gras et al. et celui de la présente étude

étaient strictement les mêmes (résultats en annexe 4). Au cours de ce travail, le premier lot de K4P2O7 étant épuisé, nous avons été amenés à utiliser un nouveau lot. Des analyses par DRX

et spectroscopie FTIR ont montré que le K4P2O7 issu du nouveau lot était pur mais que le

spectre FTIR de ce K4P2O7 présentait des intensités de bandes de vibrationdifférentes. Cette

différence a eu des répercutions lors des synthèses de CPP qui ont suivi.

II-3-2 Effet du débit et de la vitesse d’agitation sur la formation de