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PARTIE 3. Cadre théorique : s’approprier des outils conceptuels

4 Les expériences de mobilité étudiante

Nous avons postulé que les expériences des étudiants de la PH IVP en lien avec la langue française pouvaient être constitutives de leurs représentations du français. Nous nous sommes intéressée à leur propre parcours scolaire, leurs expériences d’apprentissage donc, à leurs expériences premières d’enseignement du français. Nous nous intéressons à présent à leurs expériences en immersion dans la langue française. Certains ont été

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153 exposés plus que d’autres à la langue française : voyages, vacances, famille, proximité géographique, etc. Tous ont effectué au moins une expérience de mobilité, la mobilité obligatoire imposée par la PH IVP. Il s’agit donc du dénominateur commun de tous nos informateurs. Nous avons vu par ailleurs lors de notre étude des RS que les représentations d’une langue peuvent évoluer avec la mobilité. C’est justement ce que nous allons chercher à savoir. Pour l’heure, il nous importe de clarifier ce que nous entendons par « mobilité » et de faire le point sur les recherches actuelles (très nombreuses) portant sur la mobilité étudiante.

« Les voyages forment la jeunesse ». Mettant en avant le caractère potentiellement formatif de la mobilité, cet adage populaire ne nous dit cependant pas comment ni dans quelles circonstances et surtout à quoi formeraient les voyages. Dans le cadre de la formation universitaire, les mobilités sont à la mode, se multiplient, se banalisent, mais les compétences auxquelles elles semblent mener sont toujours aussi difficiles à appréhender. Comme nous l’avons vu, les étudiants de la PH IVP doivent effectuer une mobilité d’un minimum de quatre semaines dans une région francophone au cours de leurs trois années de formation et écrire un rapport de séjour à leur retour. Ce chapitre de notre cadre théorique présente un petit tour d’horizon de la notion de la mobilité étudiante, centrale dans nos travaux de recherche, puisque l’analyse de cette mobilité nous informe sur une expérience d’immersion linguistique dans la langue cible et sur d’éventuelles évolutions des représentations du français.

Der Aufenthalt wirkt positiv auf die jeweiligen Vorstellungen der Sprachen und auf die Lust, diese zu sprechen. (Perrefort, 2008b, p.61)188

Si nous nous penchons principalement sur des études ayant pris pour terrain les mobilités de type Erasmus, c’est pour diverses raisons. D’abord cela nous paraissait indispensable d’étudier Erasmus puisque trois de nos informateurs ont justement effectué une mobilité de ce type. C’est, de plus, le type de mobilité académique qui a été le plus étudié. Les mobilités académiques s’inscrivent dans le contexte plus large des politiques linguistiques et éducatives européennes dont Erasmus est le dispositif de mobilité le plus connu. Il y a d’ailleurs peu d’études concernant d’autres types de séjours de mobilité académique, ceux de très courte durée par exemple.

4.1 Clarifications terminologiques

La mobilité n’est pas un phénomène nouveau. Sous diverses formes, elle a toujours existé. C’est seulement à partir du 19e siècle cependant qu’elle a commencé à intéresser les

chercheurs en sciences sociales, notamment grâce aux travaux menés par l’École de

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Nous proposons la traduction personnelle suivante : « Le séjour a un effet positif sur les représentations des langues et sur l’envie de les parler ».

154 Chicago. « La réflexion sur l’étranger constitue déjà l’un des thèmes centraux de la sociologie de l’école de Chicago » (Murphy-Lejeune, 2001a, p.88). En effet, ces chercheurs américains se sont penchés sur les flux migratoires entre l’Europe et les Etats-Unis et ont tenté de comprendre la réalité de ce que vivent les populations émigrées. Ils ont ainsi mis en place une démarche scientifique centrée sur l’individu.

Dans notre cas, cependant, il n’est pas à proprement parler question de « migrations ». Etant donné l’immensité des champs que peuvent ouvrir des thèmes comme la migration, le voyage ou la formation professionnelle, il nous semble important de nous recentrer dès maintenant sur les mobilités à caractère académique qui font l’objet de notre étude, ainsi que de fixer notre terminologie. Si l’on s’en réfère au dictionnaire, la mobilité est définie comme : « Facilité à se mouvoir, à être mis en mouvement, à changer, à se déplacer » (Larousse, 2005). Être en situation de mobilité signifierait donc être capable de se déplacer, mais aussi être capable de changer. Le terme semble assez général, modulable à diverses situations :

Le terme de mobilité recouvre toutes les formes et situations possibles de déplacements : nous le préférons au terme de migrations, trop connoté idéologiquement. (Gohard-Radenkovic & Rachedi, 2009, p.5)

Dans le cas de nos informateurs, effectuant un « Sprachaufenthalt », littéralement un « séjour de langue », il serait plus correct de parler de séjour linguistique, ou de séjour « de mobilité » puisque le séjour implique un déplacement. Ainsi nous avons choisi pour notre part de parler de « séjour de mobilité ». Ces séjours peuvent amener les individus à occuper un statut officiel de / ou à se sentir « étranger »:

L’étranger est avant tout, non pas une qualité stable, un attribut définitif, mais une position relative, se définit toujours pas rapport à d’autres, selon la distance ou la familiarité qui les rapproche ou les sépare. (Papatsiba, 2003, p.187)

S’inspirant de la sociologie de l’étranger mise en place par G. Simmel, nous dirons que l’étranger a pour caractéristique spécifique, la mobilité (Burgess & Halbwachs, 2004, p.55). Ainsi, être étranger c’est être en déplacement, géographique ou métaphorique, et jouer sur le fameux paradoxe de distance et de proximité ou d’« errance et fixation » (Murphy-Lejeune, 2000, p.13), c’est-à-dire être à la fois proche et différent de « l’autre », celui par rapport auquel on cherche à se positionner. Être en situation de mobilité, c’est donc être en situation d’étrangeté, c’est-à-dire être confronté à une « autre » réalité et à de nouvelles situations.

En didactique du français langue étrangère, les chercheurs ont commencé à s’intéresser aux problématiques de la différence et de la mobilité dans les années 1970 dans de cadre de l‘accueil des travailleurs immigrés. Les dimensions linguistiques et culturelles qu’induit très souvent la mobilité, ont conduit les chercheurs à s’interroger également sur la dimension allophone dans les situations de mobilité. C’est ainsi que sont apparus les premiers standards de compétences langagières (Gohard-Radenkovic, 2009c), mais ce n’est

155 cependant que dans les années 1980 que le terme de « mobilité » apparaît dans les politiques linguistiques en tant que tel (Gohard-Radenkovic, 2006b). À l’heure d’Internet, des vols « low cost » et de la multiplication des moyens de transports, la mobilité est plus que jamais présente dans nos sociétés.

Le degré auquel des individus sont exposés à d’autres individus, et des cultures confrontées à d’autres cultures, a augmenté de manière exponentielle» (Kelly et al., 2001, p.199).

La mobilité recouvre des réalités multiples, suivant qu’elle prenne la/ les forme(s) de mobilité professionnelle, scolaire, personnelle, familiale, voulue, imposée, à court terme, à long terme, définitive, virtuelle, fantasmée, (voire même de combinaisons de plusieurs de ces types de mobilités), etc., jouant toujours sur l’axe paradigmatique du proche et du lointain. Il n’y a donc pas une mobilité, mais des mobilités, composites, chacune étant vécue comme unique.

De la même manière que nous avons renoncé plus haut à des termes trop idéologisés pour parler de la mobilité, nous devons renoncer dès à présent à des termes comme « étranger » ou « expatriés » pour parler des individus qui ont témoigné dans le cadre de nos travaux, et leur avons préféré le terme plus neutre, mais également plus ancré théoriquement dans la démarche choisie « d’acteur ». Nous avons accordé à nos informateurs la capacité de donner eux-mêmes du sens à leurs expériences. Nous avons appréhendé leur « parcours » de manière fluide, en faisant le choix de cette terminologie :

Les acteurs de la mobilité seraient donc tous ceux qui se déplacent effectivement, à savoir les élèves, étudiants, stagiaires, enseignants, chercheurs, cadres éducatifs, administratifs, cadres d’entreprise ou d’organisation internationale, coopérants, réfugiés de guerre, immigrés, exilés, etc. (Gohard-Radenkovic & Rachedi, 2009, p.6) Selon une « conception orchestrale de la communication » (Winkin, 1996 / 2001), il y a co- construction entre les individus, les acteurs donc, et leur environnement social. Les acteurs ne sont pas seuls. En situation de mobilité ils ont partie liée avec d’autres acteurs, ainsi qu’avec des « co-acteurs » :

Les acteurs de la mobilité sont aussi tous ceux qui sont sollicités, d’une manière ou d’une autre, par les individus ou groupes en situation de mobilité : soit du fait de leur profession (enseignants, formateurs, interprètes) ; soit du fait qu’ils interviennent avec d’autres fonctions dans les milieux de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’accueil, social, hospitalier, de l’administration, de l’international, de l’associatif, etc. Ce sont les co-acteurs de ces mobilités.(Gohard-Radenkovic & Rachedi, 2009, p.7)

Ainsi, les recherches actuelles menées au croisement des sciences sociales et de la didactique des langues et des cultures ont permis de repenser les rôles des acteurs de la mobilité qui se déplacent, et des co-auteurs de la mobilité qui interviennent à diverses titres dans la mobilité des acteurs.

156 Les acteurs de la mobilité interprètent les situations, mettent en place des « stratégies »189, de séduction sociale (Murphy-Lejeune, 2000, p.20), en regard de leur « parcours », de leur histoire et des enjeux sociaux ou autres. Tout individu en situation de mobilité compose avec ses propres ressources et se trouve en situation de bricolage. Il est donc très important de prendre en considération les « parcours » antérieurs à la mobilité étudiée. Par « stratégie », nous entendons que les acteurs mettent en œuvre des processus d’interprétation de leur nouvelle situation, de manière consciente ou on, ils puisent pour ce faire dans leurs « capitaux », c’est-à-dire dans des ressources acquises dans leurs groupes sociaux d’appartenances (Gohard-Radenkovic, 2006c). Nous opterons pour la terminologie suivante :

Nous préférons le terme de mobilité académique à mobilité universitaire car cela permet d’inclure toutes les institutions de l’enseignement supérieur telles que les écoles de commerce, les IUT, les écoles polytechniques, etc., qui elles aussi, font « bouger » leurs étudiants. (Dervin & Byram, 2008, p.9)

La PH IVP relève tout à fait du même ordre que les écoles (typiquement françaises) énoncées plus haut. Le terme de « mobilité académique » nous semble donc correspondre aux mobilités auxquelles nous avons à faire dans le cadre de nos travaux.

Cette étape liminaire franchie, et nos premières définitions posées, nous nous concentrons à présent sur cette mobilité académique des futurs enseignants du primaire alémaniques bernois.

4.2 L’institutionnalisation de la mobilité

Pour contextualiser les mobilités académiques, il nous faut à présent replonger dans l’histoire mais aller fouiller au-delà des frontières actuelles de la Suisse. Les séjours de mobilité au niveau universitaire en Europe rappellent l’héritage prestigieux des humanistes. Les étudiants étaient en effet conviés dès la fin du Moyen-Âge à se rendre pour des séjours prolongés dans les universités des pays voisins afin de s’imprégner des philosophies et courants de pensée des savants de leur époque. Les échanges d’idées passaient donc par des mobilités, au caractère tant académique qu’initiatique. Dès le 13e siècle avec les universités de Bologne, Paris et Oxford, le « peregrinatio academica », était courant dans la formation des élites économiquement aisées:

Les étudiants bénéficient de cette concurrence pour construire un parcours itinérant qui leur permet de cumuler les maîtres, les bibliothèques, et les diplômes les plus prestigieux. (Zarate, 1999, p.66)

Il faut par ailleurs rappeler qu’au niveau de la formation professionnelle, de nombreux métiers appelaient également à la mobilité. Selon la tradition moyenâgeuse

157 du compagnonnage (Zarate, 2005/ 2012, p.14), ou déplacement de ville en ville pour acquérir des compétences professionnelles et le savoir-faire spécifique de chaque maître, la mobilité était un rituel de passage obligatoire pour obtenir l’acceptation de ses pairs et l’habilitation à exercer la profession envisagée.

Il existe en Suisse une longue tradition d’échange de jeunes entre les différentes régions linguistiques suisses antérieure aux politiques linguistiques et éducatives européennes. La pratique du Welschjahr (Caspard, 1998), est certes moins vivace de nos jours mais elle prouve que les idées du CE ne sont pas nouvelles. La Suisse a depuis longtemps intégré de telles pratiques de mobilité. Cependant, les migrations intérieures sont en perte de vitesse (Ogay, 2000, p.130). Les échanges ne semblent plus rencontrer l’intérêt des jeunes, même sur des temps de séjour beaucoup plus courts, comme en témoigne le fait que le programme d’échanges « intersuisse » de l’American Field Service (une organisation internationale d’échanges pour les jeunes) ait été interrompu faute de participants désirant effectuer une mobilité (Ogay, 2000, p.174). Ce sont aujourd’hui sur les échanges scolaires et académiques que se sont reportées les possibilités d’échanges:

Les échanges vont-ils remplacer la désormais désuète « année au pair » des jeunes filles alémaniques en Suisse romande, le Welschlandjahr ? (Ogay, 2000, p.158)

Il semble que les politiques linguistiques des différents pays européens, puis de l’Union Européenne, aient longtemps souffert d’amnésie en la matière. En effet, si les échanges et la mobilité étaient courants jusqu’à la Renaissance, ces pratiques se sont ensuite lentement raréfiées. Après être donc longtemps resté ignoré, comme en hibernation, l’Union Européenne, cherchant à forger auprès de la jeunesse une identité européenne, redécouvre dans les années 1980 le formidable potentiel de la mobilité étudiante. J. Monnet regrettera d’ailleurs de ne pas avoir su l’exploiter plus tôt : « Si c’était à refaire, je commencerais par l’éducation » (Papatsiba, 2003, p.27). Il a donc fallu du temps au niveau des politiques linguistiques et éducatives européennes du 20e siècle pour réaliser que la mobilité universitaire pouvait jouer un rôle majeur dans la formation de cet élan européen dont on souhaitait faire la promotion, avec pour « objectif que chaque citoyen européen connaisse au moins deux langues étrangères » (Kelly et al., 2001, p.201).

Après avoir été complètement absent de tous les traités européens dans un premier temps, le terme de mobilité fait son apparition à la fin des années 1980 et les échanges universitaires sont aussitôt érigés, comme pour compenser leur longue absence, en « une priorité politique » (Papatsiba, 2003, p.66) :

La mobilité géographique est devenue un mot d’ordre des sociétés européennes. Elle touche en particulier tous les niveaux de l’enseignement, de la maternelle à l’université, et toutes les catégories, de l’enseignement technique à l’enseignement général. (Zarate, 1999, p.65)

158 Depuis la fin des années 1980, on ne compte plus les recommandations institutionnelles et les discours politiques en faveur des échanges de mobilités scolaires et universitaires. Tout à coup, la mobilité est partout, elle devient omniprésente et l’on en fait l’apologie dans les milieux éducatifs :

Dès 1988, la promotion de la « dimension européenne » dans l’éducation, afin de renforcer l’identité européenne, de préparer à la citoyenneté européenne, de prendre conscience des enjeux socio-politiques communs, de mieux acquérir des connaissances sur des aspects historiques et culturels de l’Europe, devient un

leitmotiv qui trouve un écho favorable dans le monde de l’éducation. (Papatsiba, 2004,

p.14)

Si la mobilité académique était réservée auparavant à ces corps de métier ou représentait le privilège d’une élite aisée, le fait qu’elle se démocratise et soit accessible à tous les étudiants, est relativement nouveau. Encouragée par des recommandations du CE, ces changements ne sont donc pas sans conséquence sur la nature de la mobilité académique.

La construction européenne, avec les traités de Maastricht et d’Amsterdam, impose une redéfinition du statut d’étranger puisque d’agents économiques, les citoyens des états membres accèdent à un nouveau statut politique, celui de citoyens de l’Union : « apparaît ainsi une nouvelle catégorie d’individus dont le statut se situe à mi-chemin entre le national et l’étranger ». (Murphy-Lejeune, 2001a, p.82)

Mais que nous disent au juste ces traités ? Revenons sur l’article 146 (ex. Article 149 TEC) du Traité européen de1992 dont l’objet est :

Encouraging mobility of students and teachers, inter alia by encouraging the academic recognition of diplomas and periods of study. (Zarate, 2001, p.34)

Ainsi, il s’agit de promouvoir la mobilité académique des étudiants, mais aussi celle des enseignants. Plus largement encore, il s’agit de reconnaissance mutuelle des enseignements et des diplômes venant d’autres universités européennes, donc de mettre en place un système commun de reconnaissance des enseignements et de validation d’acquis.

L’apprenant d’une langue étrangère doit être encouragé à la mobilité géographique. La pratique de la langue doit donc conduire à des situations de contacts et d’échanges avec les natifs de la langue apprise. (Byram, Zarate, & Neuner, 1997, p.11)

Il s’agit donc officiellement, au travers de la mobilité, de mettre en pratique des acquis linguistiques et de rencontrer des locuteurs natifs de la langue cible.

La mobilité n’est pas un but en soi, mais elle est censée aboutir à une meilleure mobilité professionnelle dans le contexte international, ainsi qu’à l’émergence progressive d’une citoyenneté européenne. (Commission des Communautés européennes, 1989, p.17)

Le programme d’action communautaire Erasmus, en vue de la promotion de la mobilité des étudiants et des enseignants, est lancé sous forme pilote en 1987, puis intégré dans le programme d’échanges universitaires et scolaires plus vaste, Socrates. Il a fêté ses 25 ans d’existence en 2012 et a permis à quasiment 250 000 étudiants européens d’accéder

159 pour une durée d’un ou de deux semestres à une autre université européenne que celle de rattachement (Linde, 2012). En Suisse, ces recommandations du CE sont reprises par les organes de recommandation helvètes CRUS et CDIP190:

Recommandation 10 : Tout élève doit avoir la possibilité de participer à des échanges linguistiques, qui s’inscrivent dans la cohérence pédagogique des apprentissages linguistiques. (Conférence des Directeurs de l'Instruction Publique, 1998)

Nous avons vu dans la présentation de notre contexte que notre terrain est depuis peu un terrain dit académique. Les futurs enseignants du primaire n’étaient donc pas du tout concernés dans un premier temps par ces mesures éducatives européennes, a fortiori en Suisse, pays ne faisant pas partie de l’Union Européenne. Le futur enseignant du primaire en Suisse a depuis peu le statut d’étudiant universitaire, et peine d’ailleurs parfois lui-même à se reconnaître comme tel. Les futurs enseignants du primaire ne sont pas d’ailleurs pas vraiment des « étudiants » comme ceux de l’université dans le sens où ils effectuent une formation diplômante et professionnalisante, ce qui révèle bien toute l’ambigüité de leur statut tertiaire.

L’institution PH IVP est un lieu instigateur de mobilités. Les institutions scolaires mettent elles aussi parfois en pratique les recommandations des politiques linguistiques et éducatives, et sont sources de mobilité. Ainsi, trois de nos informateurs ont effectué une première mobilité à vocation linguistique en région francophone (France ou en Suisse romande) pendant leurs études secondaires.

4.3 Les objectifs de la mobilité académique

La mobilité est souvent perçue comme un gain sur le plan personnel. D’ailleurs les études menées s’accordent pour dire qu’en général les participants y gagnent en maturité et en débrouillardise : «Les étudiants reviennent du séjour, certainement déniaisés sur le plan personnel» (Anquetil, 2008, p.233). La mobilité permettrait d’acquérir des compétences en matière de flexibilité, de faculté d’adaptation ou bien encore de « renégociation linguistique, d’ouverture et de décentration culturelles » (Gohard-Radenkovic, 2008, p.245), qualités qui ne sont pas sans rappeler la définition du dictionnaire citée plus haut. « Le changement de personnalité se réalise d’abord par un enrichissement identitaire » (Xie, 2008, p.220), c’est- à-dire qu’il s’accompagne d’une prise de conscience à posteriori de ce qui a évolué, voire de ce qui évolue, grâce à la mobilité. Il est donc communément admis que la mobilité a des vertus formatives. Elle est vue comme une plus-value, c’est-à-dire qu’elle est considérée en soi comme valorisante. On constate parfois un certain acharnement à ne vouloir la

190 Voir notre présentation du contexte macro-social, partie 2. Pour rappel, il s‘agit de la Conférence des Recteurs

160 considérer que sous cet angle positif. Nous allons voir pourtant que la mobilité peut aussi engendrer des formes d’immobilités ou même d’immobilisation.

La mobilité « formatrice » irait dans le sens du concept allemand de Bildung191, c’est-