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PARTIE 4. Cadre méthodologique: une boîte à outils sur mesure

2 Le choix des types de récits et les méthodes de recueil

La démarche conceptuelle dite compréhensive que nous avons adoptée devait se traduire au niveau méthodologique sur le terrain, par l’élaboration d’instruments adaptés au recueil des récits des acteurs au niveau micro-sociologique. Nous avons cherché à pénétrer la logique de nos informateurs en croisant plusieurs types de récits d’expériences. Nous avons abordé les récits d’expériences par différents canaux afin de nous prémunir contre « le travers du « tout autobiographique », et pour ce, envisager de croiser cette approche avec d’autres démarches » (Gohard-Radenkovic, 2009b, p.160). Nous avons ainsi fait appel à divers types de récits d’expériences que nous avons ensuite croisés. Certains d’entre eux sont inspirés d’ateliers sur les pratiques réflexives (Gohard-Radenkovic, 2009a). D’autres recherches ont montré qu’il est possible de combiner différents types de corpus : dessins, entretiens, exercices langagiers, etc. dans le cadre de travaux portant sur les représentations des langues (Castellotti et al., 2001), (Gohard-Radenkovic, 2013), etc. Le

197 chercheur est libre de construire ses outils de recherche qualitative en fonction de ses questionnements et des particularités de son terrain : les méthodes et les combinaisons sont multiples.

Nous avons fait le choix d’une « triangulation des sources » (Allemann-Ghionda et al., 1999, p.10), c'est-à-dire que nous avons cherché puis croisé plusieurs sources d’informations. Nous avons donc répondu à la multiplicité des questionnements par la multiplicité des corpus (Robin, 2011, Quand la...). Si l’on considère avec A. Blanchet et A. Gotman qu’il y a « quatre grands types de méthodes dont on dispose en sciences humaines : recherche documentaire, observation, questionnaire, entretien (Blanchet & Gotman, 2007, p.36), alors nos récits d’expériences ont quasiment recouru à toutes ces méthodes.

1) le rapport institutionnel du séjour de mobilité s’apparentant à la recherche documentaire 2) observation et rapport institutionnel de stages pratiques d’enseignement du français s’apparentant à l’observation

3) une fiche de données biographiques s’apparentant au questionnaire 4) une « carte » de langue(s) et de mobilité(s)

5) un entretien semi-directif du domaine de l’entretien

Nous avons choisi de travailler avec les deux types de corpus Deux types de documents peuvent être soumis à l’analyse : - documents naturels produits spontanément dans la réalité

- documents suscités pour les besoins de l’étude (Bardin, 1980, p.39)

Deux de nos récits d’expériences sont produits dans le cadre institutionnel de la formation à la PH IVP, trois d’entre eux ont été créés pour les besoins de notre enquête.

2.1 Les types de récits d’expériences institutionnels existants

Les corpus institutionnels, sources primaires d’informations, ne sont que rarement analysés dans le cadre de travaux scientifiques. Nous avons jugé pertinent d’analyser deux types de récits écrits : d’une part, les rapports de séjour de mobilité225, d’autre part, les

rapports de stages pratiques d’enseignement du français226.

2.1.1 Les rapports de séjour de mobilité

Nous cherchons à savoir si le séjour de mobilité est constitutif ou non d’une construction / déconstruction/ reconstruction des représentations sur la langue. Ce rapport constitue une forme de récits écrits des expériences de mobilité. Certes, cette forme de récit

225 Nous avons une grande expérience des rapports de séjour. Dans le cadre de notre travail d’enseignante de

français, nous avons lu et travaillé avec. C’est justement à la lecture de ces rapports que nous avons réalisé en 2009 que nous avions entre les mains des documents qui n’avaient jamais été exploités et qui nous semblaient contenir une richesse scientifique potentielle. Cette idée première, véritablement à la base de tous nos travaux, a ensuite fait son chemin, s’est étoffée, et a donné lieu au travail présent.

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198 est d’une certaine façon biaisée par le cadre institutionnel mais si l’on prend garde de le replacer dans son contexte de production, il devient un instrument précieux puisqu’il restitue au niveau factuel le cadre du séjour et peut, dans le meilleur des cas, même nous renseigner sur les évènements constitutifs du processus de formation des représentations. Nous nous sommes inspirée des différents travaux du chapitre « Mobilités et parcours » du Précis du

plurilinguisme et du pluriculturalisme/ Handbook of Multilingualism and Multiculturalism

(Zarate, Lévy, & Kramsch, 2008/ 2011) pour mettre en lumière les processus de construction identitaire et professionnelle en immersion en langue(s) et culture(s) étrangère(s).

À la PH IVP, le séjour de mobilité est validé, mais non évalué, sur présentation d’un certificat de l’employeur ou de l’école de langues, d’un certificat de logement prouvant que l’étudiant a résidé quatre semaines durant en région francophone et du rapport de séjour écrit selon des consignes institutionnelles. Le rapport de nos informateurs constitue une demande institutionnelle à laquelle nous avons accès de par notre statut émique.

Ayant postulé que la mobilité institutionnelle pouvait être un lieu constitutif des représentations du français. Ce rapport constitue une source primaire d’informations, dont nous attendons qu’il nous renseigne sur cette étape du parcours de nos informateurs. Ce rapport peut avoir la double fonction de nous donner à voir une expérience de formation et une expérience de mobilité.

Répondant à une demande institutionnelle, nous étions consciente que la valeur scientifique de ces rapports pouvait être cependant très aléatoire. Une chose que tous ont en commun est de relever de l’ exercice scolaire: « L’un des points communs à ces écrits concerne leur nature d’objet de « commande » car tous ont été réalisés non pour soi mais pour une instance extérieure » (Pungier, 2009, p.51).

L’analyse de ces rapports prend tout son sens, lorsqu’on la croise avec l’analyse d’une deuxième forme de récits de ce séjour de mobilité : les récits oraux que nous recueillons lors de l’entretien semi-directif. Le plus souvent ces deux formes de récits se sont complétées, mais elles se sont aussi parfois contredites. Ce sont justement ces divergences : contradictions, omissions, révélations, accentuations, évitements, mensonges, etc. que nous cherchons à débusquer puisqu’elles sont révélatrices de processus qui ne se révèlent pas toujours de prime abord.

2.1.2 Les rapports de stage pratique d’enseignement du français

Le stage est intimement lié aux institutions d’enseignement supérieur qui les proposent, de façon plus ou moins cadrée, et aux étudiants enregistrés chez elles. (Escourrou, 2013, p.169)

Nous avons pu rendre visite à certains de nos informateurs lors de leur stage pratique d’enseignement du français. Nous avons documenté cette visite par la prise de notes. Cependant, cette phase de notre recueil a eu lieu avant la sélection de nos informateurs. Les

199 étudiants observés dans ce cadre ne savaient pas encore qu’ils étaient de potentiels informateurs, et nous non plus. En tant qu’enseignante de français à la PH IVP, nous sommes amenée à rendre visite aux étudiants en formation lors de leur stage pratique d’enseignement du français. Il s’agit pour la plupart d’entre eux de leur première expérience d’enseignement du français. Il est également de notre devoir d’enseignante d’avoir une discussion sur cette expérience d’enseignement avec l’étudiant à la suite de notre visite. Au moment de ces visites, bien avant le début de notre travail de recherche, cette discussion n’était pour nous qu’une simple discussion formative avec l’étudiant. C’est pourquoi nous n’épiloguerons pas trop sur la nature scientifique de la manière dont la visite et l’entretien ont été documentés, la prise de notes.

Figure 8 Extrait des notes prises lors de l'observation de Tim

Ce corpus n’est pas complet. Il ne nous a pas été possible de rendre visite à tous nos informateurs227. Nous sommes en possession de six notes d’observation de stage pratique sur onze. Pour combler cette lacune, nous avons pu nous procurer, en accord de nos informateurs, le document Beurteilung – Praktikum 3 de chacun d’entre eux. Il s’agit de l’évaluation notée du stage pratique d’enseignement de la part du maître de stage et du rapport d’auto-évaluation. Ce rapport institutionnel, répondant à des consignes préétablies228, est divisé en deux parties : l’une écrite par le maître de stage qui évalue, l’autre écrite par l’informateur qui auto-évalue son propre enseignement du français.

Il (le rapport de stage) fait partie intégrante des écrits exigés par la formation qui propose ou impose le stage. Il est en principe noté et validé dans le cursus académique. (…) Ces écrits sont des discours adressés, y compris à soi-même (le stagiaire écrit aussi pour lui, s’incluant lui-même). Généralement, c’est un exercice obligatoire, imposé par l’établissement de l’enseignement supérieur ( …). Il s’agit d’un écrit de commande. (Escourrou, 2013, p.48-49)

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En effet, ce stage a lieu pour nos informateurs, soit à l’été 2009 (en 1ère année de formation), soit en janvier 2010 (au début de la 2e année de formation). Notre sélection définitive d’informateurs n’ayant eu lieu qu’en mai 2010, il n’était plus possible d’aller voir nos futurs informateurs enseigner le français en stage.

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200 Ce corpus constitue donc une entrée de première importante pour notre travail, elle nous permet de questionner le rôle de médiateur de langue et de culture de nos informateurs et de voir que quelle manière ils investissent ce rôle.

2.2 Les types de récits d’expériences provoqués:

En septembre 2010229, neuf de nos onze informateurs sont venus participer à la constitution d’un autre corpus, la « carte de langue(s) et de mobilité(s) ». Il s’agissait en fait d’un pique-nique que nous avons organisé pour remercier ces étudiants d’avoir répondu de manière positive à notre proposition. Cette réunion d’information avait plusieurs objectifs : - nous présenter en tant que chercheur et étudiante de l’Université de Fribourg, sous un autre jour que celui sous lequel ils nous connaissaient déjà

- présenter aux étudiants les objectifs et les grandes lignes de notre recherche - faire signer aux étudiants le formulaire bilingue de consentement

- faire remplir aux informateurs une fiche de données biographiques

- faire dessiner aux informateurs leur « carte » de langue(s) et de mobilité(s) - passer un bon moment informel tous ensemble à boire et à manger

C’est à partir du moment où les étudiants ont signé le formulaire de consentement qu’ils sont devenus pour nous des « informateurs ». Nous nous référerons dorénavant à eux uniquement sous cette appellation.

2.2.1 Les fiches de données biographiques

Ces données sont complétées par des questionnaires distribués au début du cycle et destinés avant tout à recueillir des informations biographiques sur les participants (milieu social, langues parlées dans les familles, cursus, but professionnel, contact avec l’étranger, etc.). (Perrefort, 2001, p.47)

L’utilisation des données biographiques permet de mieux cerner l’apprenant dans le cadre d’une analyse de ses besoins. Ces fiches de données biographiques révèlent certaines informations concernant leur origine sociale. Ce corpus nous renseigne par conséquent en partie sur les capitaux230 de départ de nos informateurs, dont nous avons

postulé qu’ils pouvaient jouer un rôle dans la construction de leurs représentations du français.

Pour établir notre fiche de données biographiques, nous nous sommes basée sur les questionnaires que propose D. Bertaux (Bertaux, 1997) et sur l’ouvrage Médiation

culturelle et didactique des langues/ Cultural Mediation in Language Learning and Teaching:

229 Deux informateurs ne pouvaient se joindre à nous en septembre 2010, l’une étant encore en séjour de mobilité institutionnelle en Afrique, et l’autre étant en semestre d’échange Erasmus à Carcassonne. Nous avons organisé une deuxième réunion d’information / pique-nique avec elles en mars 2011.