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Expériences d‘érosion de compacts en bac à ultrasons

Chapitre 3 : Séparations graphite / particules TRISO et kernel / gangue

4.2 Expériences d‘érosion de compacts en bac à ultrasons

Les expériences de validation de la méthode ont été effectuées avec un équipement peu puissant (peu intense), un bac à ultrasons. Le bac à ultrasons utilisé est l‘appareil 88160 de Bioblock. La fréquence des ultrasons est de 35 kHz et la puissance électrique totale de 320 W, répartie sur quatre transducteurs piézoélectriques. La faible puissance par transducteur (80 Wél) pour un diamètre de

transducteur d'environ 4 cm implique que l'intensité est très faible (équation (48)). La longueur d‘onde des ultrasons dans l‘eau vaut ici 42 mm.

Le compact (à 10 % en TRISO) est maintenu au–dessus d‘un transducteur pour être dans la zone la plus intense acoustiquement : la sonication est directe et maximale. Une perte de masse  des compacts a été plus ou moins observée, phénomène qui est lié à la présence de cavitation plus ou moins marquée, comme le rappelle Blitz [132]. Différents choix expérimentaux ont été faits : la hauteur d‘eau n‘a pas d‘influence sur cette application puisque le compact est au plus près de la source ultrasonore ; l‘étude a été menée avec de l‘eau du robinet qui est usuellement utilisée dans l‘industrie [147]. Le dégazage de l'eau et la température ont été étudiés ; les autres paramètres cités au paragraphe précédent (puissance et fréquence) sont fixes.

4.2.1 Effet du dégazage de l'eau sur l’érosion

Les mesures d'érosion pour deux compacts ont été reportées sur le graphe de la figure 50. Les cycles de traitement ultrasonore durent un quart d‘heure puis le compact est séché à 90 °C, refroidi et pesé. Le dégazage de l‘eau est effectué avec une pompe jet d‘eau pendant 15 à 20 min. Le cycle suivant commence avec de l‘eau partiellement renouvelée pour la garder dans la gamme de température souhaitée. 0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 Temps (h) Perte d e m ass e Eau dégazée Eau non dégazée

Figure 50 : Comparaison de l'érosion de compacts 10 % avec de l'eau du robinet dégazée, ou non (T = (28±4)°C)

Ce phénomène peut provenir :

 soit de l'air : la présence de gaz dissouts peut avoir un effet néfaste sur l‘intensité de la cavitation (tout du moins la cavitation due au vide créé),

 soit des carbonates dissouts dans l'eau du robinet, le dégazage les éliminant partiellement. Le seuil de cavitation est largement dépassé dans les deux séries d‘expérience. Dans l‘eau non dégazée, la cavitation doit bien exister dans le milieu mais l‘énergie dégagée par l‘implosion des bulles de gaz est trop faible (vitesse lente et pression faible) pour arracher la matière du solide immergé. Dans le cas de l‘eau dégazée, les bulles de vide possèdent donc l‘énergie requise pour l‘érosion de surface. Il faut noter que le dégazage n'est pas total et qu'un équilibre s'instaure entre l'eau et les gaz de l'air. Ainsi, de l'azote et de l'oxygène sont présents dans l'eau même pendant la sonication. Il est plus probable que la différence d'érosion observée soit liée à la présence de carbonate et notamment l'hydrogénocarbonate car ce composé, d'après Negishi repris par Chendke [133], décroit fortement la sonoluminescence qui est liée à la cavitation donc à l'érosion.

Pour la suite de l‘étude, l‘eau a tout de même été systématiquement dégazée. La température de travail a été modifiée pour avoir sa propre référence car les sources de la littérature sont quelque peu différentes voire contradictoires.

4.2.2 Effet de la température sur l’érosion

La figure 51 montre l‘effet de la température sur l‘érosion des compacts :

0% 2% 4% 6% 8% 10% 12% 14% 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Temps (h) Perte d e m ass e r elativ e 5±2 °C 15±4 °C 28±4 °C 40±2 °C

Figure 51 : Pertes de masse de compacts à 10 % pour différentes températures

La durée des cycles à 15 °C est plus courte qu‘un quart d‘heure en raison du réchauffement trop rapide de l‘eau alors qu‘à 5 et 40 °C, l‘eau reste plus longtemps dans la gamme de température. Ces quatre séries de mesures montrent que la température joue un rôle primordial dans le phénomène d‘érosion. À haute température (40 °C) la perte de masse est non seulement faible mais elle est stoppée dès deux heures de traitement. Pour les plus faibles températures, il n‘y a pas de palier limite d‘érosion. En effet, l‘érosion peut être décomposée en trois étapes :

 La première est très courte (jusqu‘à 2 % de perte de masse environ) et consiste en un décapage de surface du compact, surface qui est lisse et fragile. Pendant cette étape, la vitesse d‘érosion est très élevée. À la fin de cette étape, les premières particules apparaissent.

 Si les conditions sont favorables, la seconde étape a lieu. L‘érosion provoque une rugosité importante du compact, créant des pores cylindriques relativement larges et profonds. Les particules se détachent successivement laissant apparaître des cavités sphériques. Le graphite arraché provient principalement des parties les plus fragiles, dans les pores cylindriques d‘où sortent des jets de graphite. La vitesse globale d‘érosion est faible puis a tendance à remonter progressivement jusqu‘à l‘étape suivante.

 La troisième étape consiste en une accélération de la perte de masse avec également la cassure du compact en son centre où l‘érosion est davantage prononcée. Cette étape n'est pas encore atteinte après 17,5 h d'érosion du compact à 28 °C.

Les courbes présentées en figure 51 en sont au stade de la première étape et du début de la seconde. Le calcul des courbes dérivées de la perte de masse par rapport au temps donne les vitesses d‘érosion qui sont donc très élevées pour le premier cycle puis décroissent rapidement. La vitesse devient nulle pour la gamme autour de 40 °C et la seconde étape n‘a pas lieu. Pour les températures autour de 28 °C, la vitesse évolue entre 1 et 2 %/h suivant que la température est respectivement au- dessus ou en-dessous de 28 °C. Pour les basses températures (5 °C) la vitesse est stabilisée à 1 %/h. Enfin, pour la gamme de température autour de 15 °C la vitesse n‘est pas encore stabilisée en raison de la trop courte durée d‘expérience (fin de la première étape). La figure 52 montre cette dispersion sans prendre en compte la vitesse initiale du premier cycle, qui est très élevée.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 40 44

Température moyenne du cycle (°C)

Vite sse d 'éro sion ( %/ h)

Figure 52 : Dispersion des vitesses d'érosion en fonction de la température moyenne du cycle

Les points de la figure 52 semblent présager une courbe de tendance avec un maximum vers 22 °C. Cette tendance est proche de celle observée dans le travail de Gondrexon [131], dont la température optimale pour la dégradation de pentachlorophénol (PCP) est meilleure à 20 °C plutôt qu‘à 30 °C. Cette tendance avec un maximum laisse supposer que deux phénomènes opposés sont en

paramètres qui dépendent de la température sont la solubilité des gaz (forte à basse température et

vice versa) et la pression de vapeur de l'eau (faible à basse température et vice versa). Donc à basse

température, la faible pression de vapeur de l'eau (bénéfique) en compétition avec la forte solubilité des gaz (néfaste) perd son bienfait mais "résiste" (la vitesse d'érosion n'est pas nulle) ; à haute température, la forte pression de vapeur (néfaste) l'emporte sur la faible solubilité des gaz qui est pourtant bénéfique (la vitesse d'érosion devient nulle).

4.2.3 Effet des inclusions sur la vitesse d’érosion

Toutes les expériences précédentes ont été menées avec des compacts contenant 10 % de particules. Pour voir un effet de la fraction volumique des particules sur l‘érosion, deux compacts (0 % et 20 %) ont été traités dans des conditions exactement similaires, en même temps, selon le même protocole que précédemment (cycles d‘un quart d‘heure à environ 24 °C). Les courbes obtenues donnent : 0% 1% 2% 3% 4% 5% 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 Temps (h) Perte d e m ass e r elativ e 0% 20%

Figure 53 : Évolution des rapports des pertes de masse relatives de compacts 0 % et 20 % en fonction du temps

Le compact 20 % est un peu plus difficile à éroder que celui sans particule. Pourtant, il a été vu au chapitre 2 (au 6.5.2) que les compacts à 20 % ont un module d'Young plus faible que celui à 0 %. Ces deux résultats semblent alors en désaccord. Si la différence d'érosion n'est pas liée au module d'Young, elle est plus probablement liée à la masse volumique (le rapport entre ρ20% et ρ0% vaut 1,154). La différence peut aussi s'expliquer par la surface de graphite "vue" par les ondes ultrasonores : elle est plus faible dans les compacts contenant des inclusions dons leur érosion est aussi plus faible.

Les pertes de masse relatives sont très proche (0%/20% = 1,05) lors de la première étape de

l'érosion (jusqu‘à 15 min) mais leur rapport a une tendance nette à augmenter (0%/20% = 1,26 à

après que la première étape soit terminée et les particules apparentes, la différence d'érosion s'accentue. Comme le rapport continue à augmenter après 3,5 h, on peut supposer que leur rapport de surface continue à augmenter également. Les particules jouent donc ici un rôle d'absorbant [148- 150] des ondes ultrasonores (dû aux couches de matériaux différents et à la porosité du tampon), qui leur évitent de propager des fissures et des porosités trop profondément dans le compact.

1.00 1.05 1.10 1.15 1.20 1.25 1.30 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 Temps (h) Rapport des per te s de ma ss e re la ti ves

Figure 54 : Rapport des pertes de masse relatives de compacts 0 % et 20 %

4.2.4 Bilan des ultrasons à faible puissance

L‘ensemble de ces résultats préliminaires montrent la faisabilité de l‘érosion du graphite des compacts sans casser les particules TRISO. En effet, sur 383 billes arrachées du compact et observées à la loupe binoculaire, aucune n‘est fissurée. Le point négatif est le temps très long nécessaire à cette érosion (perte de masse de 33 % en 17 h soit seulement 0,184 g/h en moyenne). L'extrapolation de l'énergie nécessaire à l'érosion in extenso du compact à 10 % atteint 4,5 kWh, ce qui est environ 6 fois plus important que pour la méthode jet d'eau mais on a la garantie ici de ne pas briser les particules.

Les particules TRISO arrachées du compact sont donc propres avec quelques traces de graphite. Le compact érodé a été photographié tout au long de son érosion, dont quelques clichés sont représentés en figure 55.

La diminution des dimensions du compact n‘est pas uniforme : la longueur reste quasiment identique (48,6 mm initialement et 48,5 mm après 17,5 h) alors que le diamètre moyen passe de 12,48 mm à environ 11,4 mm aux extrémités et à environ 9,2 mm au centre (après 17,5 h). Le rapport L/D passe ainsi de 3,89 à 4,25 aux extrémités et à 5,27 au centre.

On se rend compte que les gros pores cylindriques évoqués précédemment ont une orientation préférentielle de part et d‘autre du centre. Ils sont globalement disposés en chevrons, orientés vers l‘extérieur, donnant ainsi une teinte noire à la moitié du compact proche de l‘observateur et grise à la moitié opposée.

 Expérimental : le compact est centré sur le transducteur. Cette hypothèse est peu probable car le transducteur est large et le compact bouge du centre.

 Mécanique : il est plus fragile au centre car lors de sa fabrication, il a été compacté uniformément des deux cotés [47] et les grains de graphite au centre ont subi une pression de compactage moins élevée. Il est également plus poreux au centre. D'ailleurs, il se déforme davantage au centre (6.5.2 du chapitre 2) sous compression uniaxiale. Cette hypothèse est la plus envisageable mais il en existe une troisième.

 Vibratoire : La fréquence des ultrasons correspond à une fréquence de résonance du compact selon les modes de compression-élongation ('breathing mode'), de torsion ou de flexion ('bending mode'), ce qui fait travailler davantage le centre.

Figure 55 : Photographies du compact à 10 % érodé après 2 ; 4 ; 9 ; 14,75 et 17,5 h