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Evaluation de la perception de la populiculture au Québec

5.4 Influence de l'expérience sur la perception de la populiculture

5.4.1 Expérience en populiculture

Nous nous sommes attardés à identifier les différences qui existaient entre les professionnels forestiers ayant une expérience en populiculture (58 %) et ceux n'en ayant pas (42 %) (Tableau 9).

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Les résultats démontrent que les répondants expérimentés avaient une perception plus positive de la populiculture. En effet, à la question s'ils croyaient en l'avenir de la populiculture au Québec, les populiculteurs expérimentés se sont prononcés en faveur à 71% contrairement aux inexpérimentés qui n'y croyaient qu'à 41 %. Cette différence de perception était statistiquement significative (p = 0,05). La présentation des résultats financiers a polarisé la perception des répondants inexpérimentés et tempéré l'optimisme de ceux expérimentés en populiculture (p = 0,06). De plus, l'opinion des professionnels forestiers quant à la recommandation du reboisement du peuplier hybride diffère en fonction de leur expérience populicole (p = 0,0017), les experts expérimentés étant plus favorables à recommander la sylviculture de cette essence à croissance rapide.

À la question «Selon vous, la culture du peuplier hybride est-elle rentable sans subventions?» une majorité (76 %) des répondants expérimentés en populiculture répondaient par la négative alors qu'une proportion significativement plus faible (p - 0,0071 ) de professionnels inexpérimentés exprimaient la même opinion (57 %). Toutefois, à la question «Selon vous, devrait-on subventionner la populiculture?», les experts, peu importe leur expérience en populiculture, s'accordaient pour dire qu'il faut subventionner la populiculture, et ce, dans une proportion similaire (p = 0,13).

Les questions portant sur la stratégie d'aménagement forestier (p = 0,67), le choix du peuplier hybride comme essence stratégique (p = 0,29) ainsi que l'évaluation de l'approvisionnement futur des usines de transformation de bois en peuplier hybride (p - 0,91) ne sont pas des sujets de discordance entre les répondants expérimentés en populiculture et les autres.

5.4.2 Expérience en foresterie

Tout comme l'expérience en populiculture, l'expérience en foresterie des répondants est un facteur discriminant qui influence les résultats fournis par les professionnels forestiers. L'expérience des répondants influence significativement (p - 0,0015) la projection que font ceux-ci quant aux succès de la populiculture dans l'avenir. Les forestiers cumulant moins d'expérience étant plus optimistes face à l'avenir de la populiculture avant la présentation de l'analyse financière.

41 Le point de vue de la rentabilité de la populiculture sans l'aide de subventions est partagé par tous (p = 0,051). Toutefois, il y a discordance à savoir si l'on devrait subventionner la populiculture, les experts cumulant plus d'expérience étant proportionnellement moins favorable à l'octroi d'une subvention pour la populiculture (p - 0,035).

À la suite de la présentation des résultats financiers, il existe toujours un clivage de la perception de la populiculture en fonction de l'expérience en foresterie des répondants. Les professionnels forestiers expérimentés exprimaient toujours une opinion plus tiède face à la populiculture (p = 0,039). À savoir si les professionnels recommanderaient le reboisement en populiculture à une connaissance ou à un client, les professionnels expérimentés étaient moins enclins à le faire par rapport aux professionnels cumulant moins d'expérience en foresterie (p - 0,019). Les données semblent démontrer qu'il existe un clivage entre les professionnels cumulant de 0 à 15 ans d'expérience et les professionnels cumulant plus de

15 ans d'expérience en foresterie.

Pour ce qui est de la différence entre les stratégies d'aménagement forestier à préconiser (p - 0,082) et la proportion de l'approvisionnement en matière ligneuse issue de peuplier hybride dans le futur (p - 0,101), les experts semblaient s'entendre sur ces deux sujets. Quant à savoir si le peuplier hybride est une essence qu'il faut considérer dans la stratégie d'aménagement forestier à adopter, force est de constater que l'expérience de l'expert n'est pas un facteur discriminant puisque les différents sous-groupes sont convaincus de l'utilisation du peuplier hybride dans une telle stratégie d'intensification de l'aménagement forestier (p = 0,176).

6. Discussion

Le sondage nous a permis d'infirmer l'hypothèse de départ, la présentation de résultats financiers n'a pas permis de rallier la majorité des professionnels forestiers autour d'un consensus. Les données financières ont plutôt eu l'effet contraire en polarisant les professionnels initialement neutres vers une perception négative de la populiculture. Même si une majorité de professionnels forestiers québécois semblent favorables au développement de la populiculture, le sujet demeure controversé.

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Les facteurs favorisant et nuisant à la rentabilité de la populiculture identifiés par les experts sondés correspondent aux résultats de notre étude précédente (Miville et al. 2012 accepté). Le prix du bois constitue le facteur prépondérant favorisant la rentabilité du peuplier hybride tout comme l'a démontré l'étude précédente. Les experts ont priorisé intuitivement l'octroi de subventions comme étant le deuxième facteur en importance qui augmentera la rentabilité des plantations et par conséquent stimulera le développement de la populiculture.

L'intervention étatique en milieu forestier privé pour soutenir la production de matière ligneuse est courante partout dans le monde. L'augmentation de la consommation de produits issus du bois, les contraintes de possibilité forestière, l'occupation territoriale, les bénéfices socio-économiques et environnementaux constituent des facteurs justifiant le recours à une forme d'aide financière aux producteurs forestiers privés (Linden et Leppanën 2003). De plus, les subventions au milieu forestier sont économiquement rentables pour les gouvernements. Le gel du capital à long-terme et le faible retour sur l'investissement limitent la capacité d'investissement des producteurs privés, d'où l'importance d'un accompagnement financier de la part des Etats pour soutenir le milieu forestier (Helles et al. 2003, Worrel et Irland 1975). Ceci explique sans doute pourquoi une forte majorité des professionnels sondés estiment que le développement de la populiculture doit être soutenu par une aide financière. Ces résultats concordent avec ceux d'Ependa et al. (2008) qui ont notamment constaté que les propriétaires forestiers seraient enclins à développer la ligniculture si les taxes foncières étaient remboursées en fonction des travaux effectués et si la ligniculture était subventionnée.

Il est intéressant de constater la dichotomie qui existe entre les professionnels forestiers en fonction de leur expérience de travail. Une proportion plus importante des répondants cumulant plus d'une quinzaine d'années d'expérience considèrent négativement la populiculture. Une hypothèse avancée pour expliquer ce phénomène est le fait que les professionnels plus expérimentés cumulent généralement la fonction de gestionnaire et possèdent de facto une meilleure expertise financière. Un autre résultat marquant est la divergence marquée d'opinion entre les professionnels expérimentés en populiculture et les autres. Par définition, les professionnels expérimentés sont beaucoup plus enthousiasmés par la culture du peuplier hybride que les autres. Il est donc important de diffuser de

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l'information sur la populiculture auprès de professionnels forestiers afin de susciter l'intérêt des néophytes et promouvoir le développement de la populiculture. Des initiatives tels que le Réseau Ligniculture Québec (RLQ) et le Conseil Canadien du Peuplier (PCC) constituent d'excellentes plateformes de transfert de connaissance pour permettre une diffusion adéquate de l'information et un transfert d'expérience des populiculteurs expérimentés aux forestiers inexpérimentés.

6.1 Limites méthodologiques

Nous avons éprouvé quelques problématiques lors de l'analyse statistique des questions où les répondants devaient ordonner différents facteurs. Si nous avions posé la question différemment, nous aurions pu utiliser un test statistique beaucoup plus poussé qui nous aurait permis de déceler des différences statistiques significatives beaucoup plus fines. Pour ce faire, il aurait fallu demander aux répondants d'évaluer chacun des facteurs en paire. Soit effectuer une comparaison un à un de l'ensemble des facteurs, plutôt que de demander aux répondants de tous les ordonner en même temps. Malgré tout, le test que nous avons utilisé nous permettait néanmoins de répondre à ces questions.

La deuxième limite méthodologique observée est le nombre élevé de répondants qui ont rempli partiellement le questionnaire. Puisque nous devions évaluer les réponses avant et après la présentation de données financières, il nous était impossible d'inclure les réponses partielles dans l'analyse. Il aurait sûrement fallu un questionnaire plus court, soit d'environ une dizaine de minutes puisque la majorité des répondants partiels quittaient après avoir complété les deux-tiers du questionnaire.

Nous avions comme objectif d'obtenir un maximum de répondants et pour ce faire nous avons dû raccourcir le questionnaire. Toutefois, cela a eu pour conséquence que nous n'avons pu poser autant de questions que nous le désirions. Nous avons pu obtenir des réponses à notre questionnement, mais certaines interrogations demeurent.

7. Conclusion

La populiculture continuera de compter son lot de partisans et de détracteurs, les résultats de cette étude démontrent qu'une meilleure connaissance des données financières polarise davantage les deux groupes. Ceci contredit complètement l'hypothèse de départ

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que nous avions avancé, soit que la présentation de données financières permettrait d'établir un consensus parmi les professionnels du milieu forestier.

Lorsque confronté à une analyse financière, une grande majorité des experts favorables à la populiculture le sont demeurés, toutefois une proportion importante d'experts neutres a plutôt migré vers une perception plutôt négative polarisant par le fait même d'autant plus le sujet. Contrairement à l'effet escompté, la présentation de scénarios rentables n'a pas favorisé la perception positive de la populiculture. Ceci est d'autant plus surprenant qu'en général peu de traitements sylvicoles s'avèrent rentables. La rentabilité affichée par la culture du peuplier hybride est donc moins importante qu'anticipée par les répondants. Ainsi, nous pouvons prétendre que d'autres facteurs socio-environnementaux perçus négativement par les professionnels forestiers ne permettent pas de compenser les bénéfices économiques. Parmi les facteurs évoqués, il y a notamment la production de fibre de faible qualité, l'appréhension de la culture d'essences hybrides et de la ligniculture en général. Le fait que la populiculture doit s'accompagner d'un suivi sylvicole constant pour assurer son succès peut s'avérer très contraignant pour les sylviculteurs. Pour qu'un enthousiasme se développe envers la populiculture, la rentabilité de l'investissement doit être supérieure que celle démontrée pour compenser ces problèmes.

Il n'en demeure pas moins qu'une majorité d'experts sont favorables au développement de la populiculture dans le contexte québécois. Ceux-ci s'entendent sur une stratégie d'intensification de l'aménagement forestier qui a recours à la populiculture. L'analyse du sondage nous a permis d'identifier une différence de perception face à la populiculture en fonction de l'expérience en foresterie et en populiculture. Les experts cumulant plus de 15 années d'expérience en foresterie sont en général beaucoup plus réticents par rapport à la populiculture. De plus, les professionnels possédant une expérience en populiculture sont plus enthousiastes par rapport à cette sylviculture.

Il nous apparait surprenant de constater que malgré qu'il y ait une majorité de professionnels favorable à la populiculture, celle-ci soit encore si peu développée au Québec. Il est donc important de continuer la recherche sur la populiculture, la ligniculture et l'aménagement intensif et de poursuivre les efforts de diffusion. Ceci est d'autant plus important que l'aménagement intensif est une solution préconisée dans la nouvelle stratégie

d'aménagement durable des forêts telle que préconisée par le gouvernement pour entre

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