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représentations citoyennes à l’égard des tempêtes Klaus et Xynthia, quelle place donne-t-on au

3.2 Evolutions spatiales des représentations citoyennes à l’égard des évènements Klaus et Xynthia

L’information journalistique à l’égard de Klaus et Xynthia évolue dans l’espace. En comparant la répartition spatiale du nombre d’articles, il est possible de saisir les représentations à l’égard de ces évènements. Celles-ci changent d’un événement à l’autre, sur un laps de temps pourtant relativement proche (2009 à 2010). Les deux cartes suivantes montrent la répartition des 342 articles recensés dans les 3 presses.

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3.2.1.1

Carte 3 Répartition spatiale du nombre d'articles concernant Klaus par éditions, de J+1 à J+22 Nombre d’articles concernant Klaus par éditions :

Sources: Bd Géofla (IGN), Bd Carthage (IGN), Journaux

Conception et réalisation : Mathilde Verger et Kévin Petit - Unité ADBX - Irstea Bordeaux - Août 2012

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Carte 4 : Répartition spatiale du nombre d'articles concernant Xynthia par éditions de J+1 à J+22

Nombre d’articles concernant Xynthia par éditions :

Sources: Bd Géofla (IGN), Bd Carthage (IGN), Journaux

Conception et réalisation : Mathilde Verger et Kévin Petit - Unité ADBX - Irstea Bordeaux - Août 2012

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On constate pour ces deux cartes une cohérence entre la densité du nombre d’articles recensés et les lieux où les deux tempêtes ont causé le plus de dégâts.

Pour Klaus ( Carte 3) :

- Absence d’article sur toute la côte atlantique sauf pour La Rochelle. - Grande densité d’articles dans le Gers et les Comminges (65).

- Densité moyenne d’articles le long du fleuve Garonne, de Bordeaux jusqu’à Toulouse. Globalement, la majeure partie des articles concernant Klaus se situe sur la zone terrestre de l’EFE Garonne-Gironde avec une incidence très locale. La zone littorale a été beaucoup moins couverte médiatiquement.

Pour Xynthia (Carte 4), la répartition spatiale du nombre d’articles est vraiment différente. En effet, la tempête a davantage touché la partie nord de l’EFE Garonne-Gironde et la zone littorale. Cependant, bien qu’il y ait une forte corrélation entre le nombre d’articles recensés et les lieux où la tempête Xynthia a le plus fortement touché les populations, certains points méritent d’être expliqués. On peut se demander pourquoi le nombre d’articles recensés dans le Tarn (édition d’Albi- DM) et dans le Tarn et Garonne (DM) sont en nombre comparable à ceux recensés dans le Médoc (SO), ces deux départements étant relativement éloignés de la zone d’impact de Xynthia. Il est intéressant de montrer comment un événement extrême très localisé (ayant principalement touché la Charente-Maritime et la Vendée) peut influencer et réactiver les représentations de citoyens non directement touchés par cette catastrophe. Notre analyse révèle trois formes de représentations qui animent les habitants du Tarn et du Tarn et Garonne :

1. Réactivation de souvenirs dramatiques

Les témoignages ci-après montrent que la tempête Xynthia a ravivé des souvenirs noirs : les inondations de Mars 1980, le Tarn était dangereusement sorti de son lit… (DM, 3 Mars 2010) :

Terrible coïncidence, la tempête «Xynthia» a frappé la France, 80 ans jour pour jour, après

les inondations de mars 1930 qui ont fait quatorze morts à Reyniès. Ce 3 mars 1930, le Tarn sortait de son lit, semant la désolation et la mort sur son passage. Les 1er et 2 mars

1930, des pluies abondantes s'abattent sur la Montagne Noire et les Cévennes (près de 200 mm) et dans le même temps, les conditions météorologiques entraînent la fonte précipitée de l'épaisse couche de neige du massif montagneux. Ces deux phénomènes sont la cause principale de la montée subite des eaux du Thoré [...] (100 maisons écroulées, 200 inhabitables, pont emporté, victimes civiles, etc.).

Plusieurs articles traduisent l’empathie des habitants du Tarn pour ceux de Charente-Maritime et de Vendée. Expositions, études et cérémonies dans le Tarn se mettent en place pour se souvenir des inondations de 1930. Un habitant du Tarn se souvient comme si c’était hier des ravages des inondations de 1930, « l'actualité et la terrible tempête Xynthia viennent de rappeler combien l'homme est impuissant face à la nature et ses caprices dévastateurs » (La Dépêche du Midi, 3 Mars 2010).

2. Nécessité d’agir localement pour prévenir du risque inondation

Plusieurs autres articles montrent que malgré la distance qui sépare les Tarnais des lieux ravagés par Xynthia, celle-ci a réactivé la nécessité d’agir localement sur les dispositifs de prévention des inondations, (DM, 3 Mars 2010) :

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Marie-Claude Berly adjointe en charge notamment des questions environnementales souligne : « L'ensemble a été conçu pour supporter un Tarn en crue atteignant 9,50 mètres à plus ou moins 20 centimètres. » Il faut aussi dire que les événements du week-end dernier font

amplement réfléchir les élus qui se posent des questions dans l'intérêt de la sécurité des citoyens, la ville-basse étant soumise à un PPRI (plan de prévention des risques d'inondation)

révisé depuis août 2008 qui est applicable pour toute construction et reconstruction et les réglemente selon un zonage bien précis.

3. Solidarité interrégionale en termes de secours aux populations

Enfin, la tempête Xynthia a été difficile à gérer par les seuls dispositifs de secours locaux, des pompiers d’autres départements et notamment ceux du Tarn et Tarn et Garonne sont venus prêter main forte. Ces actes de solidarité montrent que des pompiers venus de loin, ont pu être fortement affectés par la tempête Xynthia, notamment face à la fragilité des victimes (DM, 3 Mars 2010) :

Les missions confiées au détachement du SDIS 81 sont essentiellement liées à l'inondation. Il s'agit d'apporter des soutiens à la population avec le déplacement de meubles, l'assèchement des locaux, l'écoute, l'aide aux opérations de nettoyage. Les pompiers tarnais, dirigés par le commandant Lamadon, participent aussi à des opérations plus lourdes de libération des chaussées, d'épuisement en aspirant l'eau à l'extérieur des locaux inondés et de mise en sécurité de certaines installations comme les cuves à fuel par exemple. « Les

sapeurs-pompiers se préparent en permanence à ce type d'opération tant par l'acquisition de matériels adaptés à la nature des risques contre lesquels nous sommes amenés à lutter que par la formation à la réalisation des gestes techniques. Mais ce n'est pas pour autant que mes collègues ne ressentent rien face à la détresse des sinistrés. Certains tombent dans les bras de mes collègues quand ils se présentent chez eux, ça ne peut pas laisser indifférent », rapporte un officier du SDIS.

On perçoit à travers ce dernier témoignage que la tempête Xynthia a été vécue douloureusement pour les locaux mais pas seulement. Les dommages causés par celle-ci vont bien au-delà de la zone touchée matériellement. La répartition spatiale des articles recensés pour Xynthia montre que l’impact d’un évènement extrême comme Xynthia sur les représentations citoyennes n’est pas uniquement local.

Enfin, la carte 4, indique une forte concentration d’article en Charente, pour l’édition de la Charente Libre. Pourtant, Xynthia n’a pas ravagé ce département. Les informations contenues dans les articles de la Charente Libre concernent les dégâts enregistrés en Charente et en Vendée, cette donnée spatiale confirme le fait que ce quotidien régional ne se cantonne pas aux informations locales, mais a des correspondants qui vont chercher l’information dans les départements limitrophes. Le témoignage ci-après illustre ce phénomène (CL, 11, 13 et 15 mars 2010) :

En 99, c'était rien!» Dans les rues des Boucholeurs, petit hameau d'ostréiculteurs et de

mytiliculteurs en Charente-Maritime, entre Châtelaillon et Yves, entre mer et marais,

l'ancien a la mine sombre sous sa casquette et les bottes dans la vase qui a recouvert la rue, qui s'est posée dans les maisons éventrées quand les flots se sont retirés. Un village dévasté, comme bombardé. Anéanti par les vagues géantes qui ont déferlé sur les petites maisons. Au bout du quai, un chaland ostréicole a rompu ses amarres. La vague l'a propulsé sur le quai. A

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l'autre bout de la digue trouée, une autre embarcation gît dans le jardin du peintre en bâtiment. Un spectacle de désolation.

Il y a une semaine, la tempête Xynthia faisait 53 morts. Les communes ont-elles attribué des

permis de construire à la légère? Une semaine après la tempête Xynthia, qui a fait 53 morts, les questions se multiplient sur les éventuelles responsabilités des communes en matière d'urbanisation en zone inondable et sur l'avenir des quartiers sinistrés, notamment sur la côte vendéenne. Parmi les deux communes les plus touchées de ce département, l'Aiguillon-sur-Mer (2.600 habitants) et La Faute-sur-Mer (2.500 habitants), la seconde est

particulièrement visée : c'est celle où ont été retrouvés la quasi-totalité des 29 décès dénombrés dans ce département. Dans cette commune, l'urbanisation était un sujet de conflit récurrent entre propriétaires et mairie d'un côté, préfecture de l'autre. Une récente étude de la direction départementale de l'Equipement précisait que cette commune était construite «sur de vastes espaces gagnés sur la mer, ne tenant pas compte de la mémoire du risque».

Deux équipes cognaçaises, chacune composée de six personnes des services techniques, cinq

des espaces verts, viennent de prêter main-forte aux sinistrés de la tempête Xynthia à

Châtelaillon, et à Yves en Charente-Maritime. Six jours durant lesquels ils ont vidé les

maisons, déblayé les rues. Onze volontaires qui partaient chaque jour à 7 heures, rentraient à 20 heures, sans compter la moindre heure supplémentaire. Leur intervention a été visiblement appréciée par les habitants. «Ils avaient besoin de parler. Mais il est difficile de comprendre véritablement leur douleur, n'ayant pas vécu le sinistre en même temps qu'eux. C'était impressionnant alors que nous sommes arrivés après le retrait de l'eau». Les onze Cognaçais sont pourtant des costauds, avec une certaine pratique des catastrophes, à titre personnel et professionnel tout à la fois, comme les inondations ou la tempête de décembre 1999. «Les inondations viennent lentement. La tempête fait des dégâts matériels, réparables. Là il n'y a plus rien, plus de choses personnelles, plus de souvenirs. Rien»

Ces trois derniers témoignages issus de La Charente Libre indiquent que les informations données concernent essentiellement les évènements qui ont marqué les habitants de Charente-Maritime et de Vendée. Les journalistes de la Charente Libre lors d’un tel évènement vont chercher l’information ailleurs.

De plus, le troisième témoignage indique que les élans de solidarités ne s’arrêtent pas aux seules frontières départementale de Charente-Maritime et de Vendée. Cette délégation de pompiers, largement affectée par les dommages causés par Xynthia fait écho aux témoignages des pompiers du Tarn (cités plus haut).

Cette analyse spatiale montre que le traitement journalistique des deux évènements extrêmes n’est pas comparable. Xynthia ayant fait des ravages dans des zones très localisées a donné lieu à une mobilisation interrégionale, en termes d’actions et de traitement journalistique, cette tempête est « l’affaire de tous » et ouvre un nouveau débat sur les mesures de gestion et de prévention à l’égard du risque de submersion (cf 3.3.3).

3.3 Evolutions temporelles des représentations citoyennes à l’égard