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Evolution tectonique, sédimentaire et paléoenvironnementale du bassin de Boudinar et

V. DISCUSSION

2. Evolution tectonique, sédimentaire et paléoenvironnementale du bassin de Boudinar et

2.1. Serravallien supérieur?-Tortonien inférieur

Les travaux antérieurs ont assigné un rôle important pour le décrochement senestre du Nékor

(Fig. II-1B) dans la genèse du bassin de Boudinar (Houzay 1975 ; Guillemin et Houzay, 1982 ; Morel, 1988). Le bassin devrait avoir une structure en graben, en raison d'une extension E-W en association avec une compression orthogonale (Aït Brahim et Chotin, 1990). Selon nos résultats, l'ouverture du bassin de Boudinar s'est produite pendant le Tortonien inférieur avant ~10.5 Ma et le bassin apparait comme une dépression continentale ouverte sur la paléo-mer d’Alboran. À ce stade, la subsidence a été probablement contrôlée par la réactivation du décrochement du Nékor dans un contexte extensif (Houzay 1975, Guillemin et Houzay, 1982 ; Morel 1988).

La subsidence tectonique continue et la transgression marine s'est produite dans le bassin de Boudinar aux environs de 10 Ma. Les conglomérats continentaux de base seront surmontés en discordance par les formations marines clastiques puis marneuses du Tortonien inférieur (Sub-Unité IIa). Dans les marnes du Sub-(Sub-Unité IIa, l'abondance du foraminifère benthique A. beccarii s.l. et la présence d'Elphidium, Cibicides et Nonion indiquent des conditions environnementales larges allant de conditions hypersalines à des conditions marines normales (Nigam, 1987 ; Murray, 1991 ; Nigam et Chaturvedi, 2000). Un tel assemblage de foraminifères caractérise des environnements estuariens à marins peu profonds (« inner shelf ») et restreints qui peuvent être affectés par des variations de salinité en relation avec la présence de fleuves. Ces formations sont également en onlap sur la faille du Nékor (Fig. II-16 B, C), indiquant que cette dernière était inactive dans sa partie Nord-Est entre 10 et 9.6 Ma. Cependant, la tectonique extensive le long des failles normales synsédimentaires N20° (Azdimousa et al., 2006) était toujours en activité dans le bassin de Boudinar, comme marqué par le déplacement de la subsidence vers l'ouest après 9.6 Ma. Ceci est indiqué par des taux d'accumulation de sédiments plus élevés à la base de la coupe de Moulay el’Arbi par rapport à la coupe d'Irhachâmene (avant 9.6 Ma),

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comme souligné par l'épaisseur et la nature variables des dépôts et puis par l’inversion de la subsidence (Fig. II-15).

Dans le bassin d’Arbaa Taourirt, malgré l'absence de contraintes stratigraphiques précises, une évolution similaire peut être déduite de la partie basale de la coupe décrite par Frizon de la Motte (1982).

2.2. Tortonien supérieur

Pendant le Tortonien supérieur, les assemblages de foraminifères benthiques dans les marnes de Sub-Unité IIa indiquent des paléoenvironnements peu profonds (« inner-middle shelf ») à paléobathymétrie constante inférieure à 80 m (Fig. II-12, II-15). Le taux d'accumulation de sédiment égale le taux de subsidence du bassin. Ces environnements peu profonds sont également confirmés par les données palynologiques avec peu de pollens de Pinus, indiquant la proximité relative de la ligne de rivage et l'évidence d'un type de végétation ouvert dominé par les Poaceae, Asteraceae et les halophytes typiques des environnements littoraux dans cette région (Bachiri-Taoufiq et Barhoun, 2001 ; Bachiri-Taoufiq et al., 2001, 2008). Les zones couvertes de forêts étaient rares et probablement développées sur les montagnes voisines et/ou le long des fleuves. De plus, les données palynologiques indiquent un climat chaud et aride pendant le Tortonien qui est en accord avec les travaux précédents dans le Couloir Sud Rifain

(Bachiri-Taoufiq et al., 2001, 2008). L'aridité est soulignée par le rapport entre les pourcentages de pollen de Poaceae et d’Asteraceae qui est toujours en faveur d’Asteraceae, indiquant des précipitations de moins de 500 mm par an (Cour et Duzer, 1978). Il faut également noter que les plantes microthermiques (i.e. des plantes de haute latitude/altitude) sont absentes (à l’exception d’un grain de Cedrus). Ceci indique que le bassin de drainage était petit sans hautes montagnes, ou que les montagnes étaient trop loin du bassin de sédimentation (un transport sur une longue distance élimine l'enregistrement des plantes microthermiques tels que les Abies) ou bien que les montagnes du Rif était encore non surélevées et trop basses pour permettre aux arbres microthermiques de se développer. Ainsi, nous proposons que durant le Tortonien supérieur le bassin de Boudinar correspond à un golfe marin peu profond entouré par des montagnes de basses altitudes.

Des environnements d’eaux peu profondes constants (<70 m) similaires ont été mis en évidence dans le bassin d’Arbaa Taourirt, sur la base des analyses de foraminifères benthiques (Wernli, 1988) au sein de marnes maintenant attribuées au Tortonien supérieur (cette étude).

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2.3. Transition Tortonien-Messinien

Les dépôts du Sub-Unité IIa sont tronqués par une surface d’érosion marine au Tortonien terminal ou très proche de la transition de Tortono-messinienne. Par corrélation avec le bassin d’Arbaa Taourirt, on peut préciser que cette surface date entre 7.42 et 7.15 Ma. Au-dessus de cette surface, une brusque élévation du niveau relative de la mer est enregistrée au Messinien inférieur, comme indiqué par les environnements bathyaux supérieur à moyens mis en évidence sur la coupe de Moulay el’Arbi (Fig. II-12). L'approfondissement du bassin a continué jusqu’à des environnements bathyaux moyens (Fig. II-12), avec un changement bathymétrique dépassant 500 m. Cette amplitude dépasse fortement l'amplitude des changements du niveau de la mer et de l'océan mondial au cours de cette période (Miller et al., 2011), ce qui indique que le bassin a subi une subsidence tectonique importante pendant le Messinien inférieur. De plus, plusieurs failles normales ont affecté les dépôts de marnes et de diatomites du Messinien inférieur (Azdimousa et al., 2006). Ces auteurs ont identifié deux directions principales de failles : E-W et NW-SE à NNW-SSE indiquant deux directions d’extension N-S et NE-SW respectivement. Les données de pollens montrent une augmentation des pourcentages de grains de Pinus et une diminution d'Amaranthaceae (halophytes) dans les marnes du Messinien inférieur au-dessus de la surface d’érosion marine (Fig. II-15). Le comportement de ces deux taxons indique que les sources d’apports des sédiments étaient plus lointaines que pendant le Tortonien, en accord avec d'autres évidences d’approfondissement du bassin. Les données palynologiques n'indiquent aucun changement climatique crucial depuis le Tortonien inférieur, ce qui est en accord avec les résultats obtenus dans le Couloir Sud Rifain (Bachiri-Taoufiq et

al., 2008). Il semble que les changements eustatiques aient contrôlé les variations de pourcentage de pollen (i.e. Pinus) dans ce secteur. Pendant le Messinien inférieur, le bassin de Boudinar aurait évolué en un bassin marin ouvert et profond et le rivage était relativement lointain.

Dans le bassin d’Arbaa Taourirt, des fans conglomératiques localisés et des dépôts de grès et conglomérats montrant des structures de paléo-courant de grande échelle reposent sur la surface d'érosion marine tronquant les marnes marines du Tortonien supérieur (Fig. II-13). Les conglomérats grossiers de base proviennent de l'érosion des zones émergées à proximité, ils sont principalement composés d’écoulements de débris. Ces derniers sont interprétés comme des fans deltas sous-marin (Fig. II-13B),déposés dans une dépression orientée SW-NE située le long de la faille Nekor. Les grès et microconglomérats bioclastiques recouvrant, présentent des structures de « trough cross-bedding » géantes. Ces structures, qui indiquent des courants

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de haute énergie, sont le résultat de la migration des dunes sous-marines sous l’effet d’un courant unidirectionnel fort, dont le sens d’écoulement est orienté vers le N-NNE. Cette direction suggère qu'elle est liée à l'écoulement des eaux atlantiques vers la Méditerranée aux environs de 7,2 Ma. Selon Anastas et al. (1997), la hauteur des dunes (H) est liée à la profondeur de l'eau (D) par la formule H = 0,17 D. la plus épaisse dune est d'environ 15 m d'épaisseur, indiquant une profondeur d’eau de l'ordre de 90 m. Ainsi, subsidence semble être restée constante à l’Arbaa Taourirt alors qu'elle était accélérée à Boudinar durant la transition Tortonien-messinienne.

2.4. Messinien inférieur

Dans le bassin de Boudinar, les dépôts du Messinien les plus supérieurs sont caractérisés par une tendance à la diminution de la profondeur, passant d’un environnement bathyal moyen (« middle bathyal ») à bathyal supérieur-« outer shelf » (« outer shelf-upper bathyal » ; Fig. II-12). Cette tendance de diminution de profondeur a persisté durant Messinien inférieur-Messinien supérieur (6.1 à 6.5 Ma) comme indiqué par les calcaires para-récifaux progradants au-dessus du volcan de Ras Tarf et par les olistolites de récif corallien dans le bassin. Ainsi le bassin Boudinar s'est transformé de nouveau en un bassin marginal peu profond. Les dépôts de cette période sont complètement absents dans le bassin d’Arbaa Taourirt.