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Chronostratigraphie du bassin de Boudinar et de l’Arbaa Taourirt

V. DISCUSSION

1. Chronostratigraphie du bassin de Boudinar et de l’Arbaa Taourirt

La combinaison des données biostratigraphiques (nannofossiles calcaires et foraminifères planctoniques) avec les datations radiométriques nous permet de calibrer le cadre chronostratigraphique du bassin de Boudinar (Fig. II-15) et de proposer des corrélations entre les dépôts affleurant dans les bassins de Boudinar et d'Arbaa Taourirt.

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Figure II-14 : Foraminifères planctoniques et nannofossiles calcaires identifiés dans le bassin d’Arbaa Taourirt. A) Coupe d’Azroû Zazîrhîne. B) Coupe Nord Arbaa.

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1.1. Bassin de Boudinar

L’âge des dépôts continentaux de la base du bassin de Boudinar est estimé être Tortonien inférieur-serravallien supérieur? Ceci est déduit de l'âge 40Ar/39Ar (10.46 ± 0.14 Ma) du niveau volcanoclastique #KET14-3, localisé 8 m au-dessous de ces dépôts sur la coupe d'Irhachâmene. Le début de la sédimentation continentale dans ce bassin (Unité I) ne peut pas être daté avec précision, mais il est estimé être Tortonien inférieur au plus jeune. Ce résultat rejette les propositions antérieures, qui proposaient un âge Tortonien supérieur à Tortonien terminal pour les dépôts continentaux les plus anciens dans ce bassin (Guillemin et Houzay,1982 ; Barhoun et Wernli, 1999 ; Azdimousa et al., 2006).

L'âge des premiers dépôts marins dans le bassin de Boudinar peut être estimé grâce à la présence de trois couches volcanoclastiques (échantillons #KET14-3, #IRA3 et #MA11) qui encadrent la surface transgressive. Sur la coupe d'Irhachâmene, le niveau volcanoclastique #KET14-3 situé 8 m au-dessous de la surface transgressive, est daté à 10.46 ± 0.14 Ma. Ce dernier âge indique que la sédimentation marine sur cette coupe a commencé après le FAD du D. brouweri. 13 m au-dessus de la surface transgressive, l’âge 40Ar/39Ar (i.e. 9.68 ± 0.08 Ma) du niveau volcanoclastique #IRA3, démontre également que la sédimentation marine s'est produit bien après le FAD de N. acostaensis. De plus, le niveau volcanoclastique #IRA3 a fourni un âge concordant avec celui du tuf volcanique #MA11 (9.57 ± 0.19 Ma) localisé 50 m au-dessus de la surface transgressive sur la coupe de Moulay el’Arbi. Par conséquent, nous proposons une corrélation de ces deux niveaux (#IRA3 et #MA11) et un calcul d’âge moyen pondéré de 9.60 ± 0.13 Ma. Ce dernier confirmé biostratigraphiquement par la présence de G. juanai et de D. hamatus, trouvés respectivement au-dessous (échantillon MA9) et au-dessus (échantillon MA13) du tuf volcanique #MA11 dans coupe de Moulay el’Arbi. Ici, nous pouvons calculer un taux de sédimentation de 13 cm/ky entre ces deux marqueurs (l'épaisseur du tuf volcanique n'est pas considérée car il correspond à un événement instantané). Ce taux de sédimentation nous permet d'estimer un âge Tortonien inférieur de 10 Ma pour les premiers dépôts marins. Cet âge, parfaitement corroboré par les datations sur la coupe d'Irhachâmene, semble sensiblement plus ancien que les âges déterminés par des travaux antérieurs (Tortonien supérieur : Barhoun et Wernli (1999) ; Messinien : Guillemin et Houzay (1982) et Azdimousa

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Figure II-15 : Corrélation des coupes étudiées dans le bassin de Boudinar et d’Arbaa Taourirt basée sur les datations

biostratigraphiques et radiométriques, comparée avec les travaux antérieurs : 1-Barhoun et Wernli (1999) ; 2-

Guillemin et Houzay (1982); 3- Azdimousa et al. (2006). *: Azdimousa et al. (2006), Cornée et al. (2016). A droite : régime tectonique dans le bassin de Boudinar d’après Morel (1989) et Azdimousa et al. (2006), évolution paléobathymétrique et diagramme pollinique.

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L'âge de la surface d’érosion marine identifiée sur la coupe d'Irhachâmene qui marque la limite entre les Sub-Unités IIa et IIb peut être également estimé. Sur la coupe de Moulay el’Arbi, cette surface est au-dessus de l'échantillon MA18 qui a fourni G. miotumida (FAD = 7.89 Ma dans la région méditerranéenne), et au-dessous du tuf volcanique #MA20 daté à 7.15 ± 0.15 Ma. Par conséquent, dans le bassin de Boudinar, cette surface d’érosion marine est d’âge Tortonien supérieur à Messinien inférieur.

Près du sommet des marnes à intercalations diatomitiques (situées au-dessus du tuf volcanique #MA20 daté à 7.15 ± 0.15 Ma), nous avons identifié le « crossover » N. amplificus-T. rugosus calibré à 6.79 Ma. Ceci indique que les plus jeunes dépôts marins miocènes préservés en place sur la section d'Irhachâmene sont d’âge Messinien inférieur au plus vieux. Ce résultat est en accord avec Barhoun et Wernli (1999). Cependant, des dépôts miocènes plus jeunes existent probablement dans le bassin de Boudinar. En effet, nous pouvons proposer un âge plus jeune pour les calcaires para-récifaux progradants vers le Nord qui affleurent au-dessus du volcan de Ras Tarf (Fig. II-16) et pour les olistolites de récifs à Porites oligospécifiques trouvés sur la « MES » dans le bassin (Fig. II-6).

1.2. Corrélation avec le bassin de l’Arbaa Taourirt

Dans le bassin d'Arbaa Taourirt, les marnes marines reposant sur le socle métamorphique se sont déposées pendant le Tortonien supérieur-Messinien inférieur. Les plus jeunes marnes, tronquées par une surface d’érosion marine (Fig. II-14), sont plus jeunes que 7.42 Ma tel qu’indiqué par la présence d'A. primus (FAD = 7.42 Ma). Comme dans le bassin de Boudinar, cette surface d’érosion marine est recouverte par des conglomérats marins riches en algues rouges. Par conséquent, nous considérons que les conglomérats marins du bassin d'Arbaa Taourirt constituent un équivalent latéral des marnes à conglomérats, calcaires riches en algues rouge et intercalations diatomitiques (Sub-Unité IIb) du bassin de Boudinar. Ainsi, les conglomérats marins du bassin de l’Arbaa Taourirt se sont probablement déposés pendant le Tortonien terminal ou le Messinien inférieur.

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Figure II-16 : A) Vue d’ensemble des dépôts de carbonates para-récifaux du Miocènes supérieur progradants sur

le massif volcanique de Ras Tarf (localisation dans la figure II-2). B, C) vue de la marge du bassin de Boudinar à proximité de la faille du Nékor (voir localisation dans Figure II-2). B) Cône de conglomérats Serravalien?-Tortonien inférieur correspondant à l’activité la plus jeune de la faille du Nékor dans le bassin de Boudinar. C) Marnes du Tortonien inférieur en onlap sur les conglomérats et scellant la faille du Nékor.

1.3. Corrélation avec d’autres bassins néogènes marginaux

Il faut souligner que dans le bassin de Boudinar, les plus anciens sédiments marins (~ 10 Ma) semblent être beaucoup plus vieux que ceux qui affleurent dans les bassins néogènes voisins (à l'exception du bassin de « Cap des Trois Fourches »). Dans le bassin du « Cap des Trois Fourches », 180 m d'épaisseur des dépôts marins peu profonds ont été déposés au Tortonien inférieur, avant 9,6 ± 0,4 Ma (Bellon, 1976 ; Azdimousa et Bourgois, 1993). Le début de la subsidence et de la sédimentation marine dans le bassin de Boudinar et du « Cap des Trois Fourches » était synchrone au Tortonien inférieur. Il faut également noter que ces deux bassins se localisent le long de décrochements sénestres orientées NE-SW qui sont devenus inactifs au Tortonien (Morel, 1988). Dans les autres bassins néogènes voisins, la sédimentation marine a

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eu lieu au Tortonien supérieur, au moins 2 Ma plus tard : à ~ 8 Ma dans le bassin de Taza-Guercif (Krijgsman et al, 1999a) et près de la transition Tortonien-Messinien dans le bassin de Melilla-Nador (Münch et al., 2001 ; Cornée et al., 2002).

Le bassin de Melilla-Nador, situé à l'embouchure du Couloir Sud Rifain, constitue l'un des bassins de références pour l'étude de la stratigraphie des bassins néogènes de la Méditerranée, puisque beaucoup de données magnétostratigraphiques, biostratigraphiques, cyclostratigraphiques et téphrochronologiques ont été publiés sur ce bassin (Cunningham et al., 1994, 1997 ; Roger et al., 2000 ; Münch et al., 2001, 2006 ; Cornée et al., 2002, 2006 ; Van Assen et al., 2006). De la base au sommet du bassin, sept unités sédimentaires ont été identifiées et datées entre ~ 6,9 Ma et ~ 5,8 Ma (Cornée et al., 2002). Les marnes à intercalations de diatomites passent latéralement à une unité bioclastique progradante (Unité 2) datée entre 6,9 Ma et 6,5 Ma, suivie d’unité oligospécifique de récifs coralliens à Porites (Unité 3) datée entre 6,5 Ma et 6,1 Ma (Roger et al., 2000 ; Münch et al., 2001 ; Cornée et al., 2002). Nous proposons une corrélation des calcaires para-récifaux progradants et des récifs oligospécifiques à Porites du bassin Boudinar avec les unités 2 et 3 du bassin de Melilla-Nador. Par conséquent, les conditions marines dans le bassin Boudinar ont persisté jusqu'aux environs de 6.5-6.1 Ma, comme dans le bassin de Melilla-Nador.

L'histoire du bassin Boudinar présente des similitudes avec celle de la succession pré-évaporites de référence des bassins marginaux de Sorbas et Nijar au SE d’Espagne (Martin et Braga, 1994, 1996 ; Fortuin et Krijgsman, 2003). Dans ces bassins, la sédimentation du Néogène supérieur a commencé par des dépôts clastiques rouges durant la transition Serravalien supérieur-Tortonien inférieur (Ott d'Estevou et Montenat, 1990), comme dans le bassin de Boudinar. Dans la plupart des bassins marginaux espagnols, un soulèvement tectonique régional au Tortonien supérieur était responsable d'une discordance majeure survenant entre le Tortonien moyen et supérieur et entre les dépôts marins du Tortonien terminal et Messinien inférieur. Nous avons identifié une telle discordance entre les sous-unités IIa et IIb près de la transition Tortonien-Messinien. En Espagne, les sédiments du Tortonien terminal-Messinien inférieur sont représentés par des dépôts mixtes carbonatés et silicoclastiques transgressifs (« Azagador membres »), recouverts par les marnes du « Abab member » qui ont été précisément datées entre 7,24 Ma et 5,97 Ma

(Krijgsman et al, 2001 ; Sierro et al, 2001 ; Manzi et al., 2013). Par conséquent, les conglomérats et calcaires de la partie inférieure de la sous-unité IIb à Boudinar (Fig. II-15)

peuvent être corrélés avec l’« Azagador member ». Les marnes sus-jacentes peuvent être corrélées avec le « lower Abad member » daté de 7,24 à 6,7 Ma (Krijgsman et al., 2001). Les

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dépôts de marnes contemporaines avec le « Upper Abad member » (6,7 à 5,97 Ma) manquent à Boudinar, car ils ont été érodés au cours de « la MSC » (Cornée et al., 2016). Cependant, des dépôts de carbonates d'eau peu profonds sont conservés au-dessus du massif de Ras Tarf et en olistolites au-dessus de la « MES ».

2. Evolution tectonique, sédimentaire et paléoenvironnementale du bassin de