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5.2.1

Introduction

Force est de constater dans la litt´erature qu’un recuit `a l’ambiante succ`ede syst´ematiquement `

a une irradiation `a basse temp´erature avant chaque exp´erience de photoluminescence. L’exp´eri- mentateur se prive ainsi de toute information relative `a une ´eventuelle ´evolution du mat´eriau en-dessous de 300 K.

Ceci est, `a priori, dommageable puisque des ´etudes exp´erimentales r´ecentes utilisant la spectro- m´etrie de r´etrodiffusion Rutherford (RBS) ont r´ev´el´e l’existence de stades de recuits des d´efauts ponctuels dans les sous-r´eseaux Si et C entre 190 et 250 K apr`es une irradiation `a faible fluence avec des ions He+, Al+ et Au2+, de 1 MeV environ, dans la r´egion des cascades [83, 253, 254].

Pour tenter d’expliciter ces observations, des travaux th´eoriques simulant la production des d´efauts issus des cascades de d´eplacement dans SiC ont montr´e que 60 % des interstitiels g´en´er´es sont d´eplac´es `a des distances aux lacunes les plus proches inf´erieures `a 0,707 fois le param`etre de maille et que ceux-ci pourraient vraisemblablement se recombiner avec des d´efauts monolacunaires `

a des temp´eratures voisines de l’ambiante. Environ 60 % des interstitiels seraient par ailleurs sus- ceptibles de migrer pendant le processus d’irradiation ou lors des recuits thermiques subs´equents. Les calculs de dynamique mol´eculaire (DM) accomplis par Gao et al. [255] ont, pour leur part, confirm´e que certains types de paires de Frenkel se recombinent en de¸c`a de la temp´erature am- biante. Ces auteurs attribuent, en effet, des ´energies d’activation comprises entre 0,22 et 1,6 eV pour la recombinaison des paires de Frenkel proches du sous-r´eseau carbone et entre 0,08 et 0,9 eV pour les paires de Frenkel proches du sous-r´eseau Si. Nous constatons donc que nombre de ph´eno- m`enes li´es `a des processus de recombinaison et de migration des d´efauts ponctuels, impliquant les interstitiels en priorit´e, sont susceptibles d’ˆetre initi´es d`es les plus basses temp´eratures.

Paire de Frenkel dF P (a0) Ea (eV) R´ef´erence

VC+ Csp[100] 0,47 0,24 [255] VC+ CT Si 0,46 0,25 [255] VC+ CspSi[100] 0,66 0,38 [255] VC+ SispC[100] 0,57 0,28 [255] VC+ Csp∗ 0,7 0 - 0,34 [115] VC+ Csp[100] 0,7 0,40 [120] VC+ Sisp[100] 1,2 0,2 [120] VSi+ SispC[100] 0,57 0,28 [255] VSi+ SiT C 0,70 0,90 [255] VSi+ Sisp[110] 1,2 0,90 [120]

L’orientation dudumbbell n’a pas ´et´e pr´ecis´ee.

Tab.5.1 – Energies d’activation th´eoriques pour la recombinaison de paires de Frenkel s´epar´ees de dF P exprim´ees en fonction du param`etre de maille a0, obtenues par potentiel semi-empirique [255],

SCC-DFTB [115] et DFT-LDA [120].

Au cours d’une manipulation de RPE entreprise au chapitre pr´ec´edent, nous avons constat´e que la concentration exp´erimentale en monolacunes de silicium ´etaient tr`es inf´erieure `a son estimation th´eorique dans nos monocristaux irradi´es avec des protons et des ions carbone. Ind´ependamment du fait que SRIM surestime tr`es largement le nombre de d´efauts r´esiduels, nous avons imput´e ce ph´enom`ene `a la recombinaison des paires de Frenkel cons´ecutive `a la migration de certaines confi- gurations d’interstitiels activ´ees `a des temp´eratures inf´erieures ou ´egale `a 300 K. Nous proposons donc de v´erifier cette interpr´etation en ´etudiant l’influence des recuits en-dessous de l’ambiante sur le spectre de photoluminescence d’un ´echantillon irradi´e `a 10 K.

5.2.2

etails exp´erimentaux

Nous utilisons notre dispositif de photoluminescence in situ. Les diff´erents ´el´ements composant le syst`eme optique sont ainsi assembl´es autour du cryog´en´erateur coupl´e avec la ligne de faisceau de l’acc´el´erateur Van de Graaff d’´electrons du LSI (Fig. 2.4).

L’irradiation s’effectue donc `a 10 K, dans l’enceinte du cryog´en´erateur, `a une ´energie de 980 keV et `a la fluence de 2×1017 cm−2. Le flux d’´electrons incidents est fix´e `a 8,5×1013 cm−2.s−1 en- viron pour que la temp´erature n’exc`ede jamais 15 K durant le processus d’endommagement. Conform´ement `a la nomenclature adopt´ee dans ce m´emoire, le monocristal utilis´e porte l’intitul´e

H1e980k10K.

Une fois l’irradiation achev´ee, la tˆete du cryog´en´erateur solidaire du porte-´echantillon est tour- n´ee de 90 ˚ environ pour que la face irradi´ee du monocristal soit accessible au faisceau d’un laser NdYV03doubl´e en fr´equence `a 530 nm. Rappelons que ce dernier sonde une ´epaisseur de mat´eriau estim´ee `a 140 μm (Fig. 2.3). Les signaux de photoluminescence sont enregistr´es `a 10 K en utilisant le r´eseau grav´e `a 600 traits/mm de notre spectrom`etre. Des filtres de densit´e neutre sont dispos´es sur la trajectoire du laser pour limiter l’´eclairement `a 50 mW.cm−2.

Des recuits isochrones sont entrepris dans l’enceinte du cryog´en´erateur entre chaque mesure de photoluminescence. Tel que le montre la Fig. 5.3, le protocole retenu consiste en le chauffage de l’´echantillon pendant un temps tm

i jusqu’`a une temp´erature Ti `a un rythme de 2 ˚.mn−1. Les

paliers, espac´es de 10 ˚, sont maintenus pendant tp=20 mn. Enfin, le mat´eriau est refroidi `a 10 K

au rythme impos´e par le cryog´en´erateur. La proc´edure de recuit et d’acquisition des spectres de photoluminescence est enti`erement automatis´ee au moyen de notre programme Labview.

Mesures in situ LTPL m i t m i t+1 p t d tp i t d i t+1 i T 1 + i T 20 mn 20 mn 10 ° T t Mesures in situ LTPL 2 °/mn

Fig.5.1 – Proc´edure exp´erimentale suivie pour la r´ealisation des recuits thermiques `a basse tem- p´erature in situ.

5.2.3

esultats et discussion

Le spectre de photoluminescence de l’´echantillon H1e980k10K, enregistr´e `a 10 K avant recuit (Fig. 5.2), est qualitativement comparable avec celui du monocristal H1e980k300K (Fig. 4.1). Il r´ev`ele, en effet, un signal relativement intense entre 1,6 et 2 eV constitu´e des raies 0-phonon D1,

α, β1, β2, E et γ dans le domaine des hautes ´energies. Pr´ecisons que l’utilisation du laser NdYV03, trop peu ´energ´etique, n’autorise pas l’analyse du spectre de l’exciton li´e `a l’azote au cours de cette exp´erience. D’un point de vue quantitatif, nous constatons que l’intensit´e relative du signal de la monolacune de silicium vis `a vis de toutes les autres ZPL est bien moindre lorsque l’irradiation est r´ealis´ee `a basse temp´erature. Le ratio E/γ est ici estim´e `a 1/4 tandis qu’il est de 1/10 environ

dans le cas d’une irradiation `a 300 K (Fig. 4.1), pour une mˆeme fluence d’´electrons.

Les r´esultats bruts des recuits isochrones entrepris jusqu’`a la temp´erature ambiante sont repor- t´es en Fig. 5.2. Nous n’observons tout d’abord aucune variation significative entre les spectres de photoluminescence entre 10 et 200 K environ. Ces derniers augmentent ensuite globalement d’in- tensit´e `a un rythme soutenu jusqu’`a 245 K puis de fa¸con beaucoup plus mod´er´ee au-del`a de cette temp´erature. Un accroissement de l’intensit´e des raies de luminescence peut raisonnablement s’ex- pliquer par des concentrations plus importantes en d´efauts auxquels elles sont li´ees. Ce ph´enom`ene peut ˆetre ´egalement associ´e `a une diminution du nombre de centres de recombinaisons cons´ecutive au recuit de d´efauts ponctuels non observ´es en LTPL. Dans ce dernier cas, l’intensit´e de chacune des raies devrait ˆetre ´equitablement affect´ee par l’annihilation de ces canaux de relaxations.

1,66 1,7 1,74 1,78 1,82 1,86 1,9 1,94 1,98 Energie (eV) In tensit é P L r e lat iv e 10 K 100 K 200 K 215 K 245 K 260 K 275 K 300 K

Fig. 5.2 – Spectres de LTPL de l’´echantillon H1e980k10K, enregistr´es `a 10 K, apr`es recuits iso- chrones aux temp´eratures indiqu´ees dans la l´egende.

Pour mieux appr´ecier la contribution ´eventuelle des ZPL `a cette ´evolution des spectres, nous soustrayons, `a chacun, le fond continu de luminescence en effectuant une identification polyno- miale sur les minima principaux au moyen du logiciel Tablecurve [256]. Nous remarquons que le spectre de VSi, compos´e de sa raie 0-phonon et de ses r´epliques vibrationnelles, augmente sensi- blement d’intensit´e entre 200 et 245 K (Fig. 5.3). Il apparaˆıt cependant peu vraisemblable que la concentration en monolacunes de silicium augmente au cours des recuits thermiques `a basse temp´erature [116]. Nous proposons donc que l’accroissement de son signal soit li´e `a la modification de son environnement local. Les processus mis en jeu pourraient vraisemblablement impliquer la migration ou le r´earrangement de la configuration atomique de d´efauts intrins`eques `a SiC ou bien encore d’impuret´es telles que N ou H introduites en concentrations importantes durant la synth`ese du mat´eriau.

Bien que diff´erentes ´etudes visant `a comprendre les m´ecanismes de migration des d´efauts ponc- tuels dans le carbure de silicium aient d´ej`a ´et´e entreprises [110, 116, 249, 257–259], nombre de param`etres clefs telles que les ´energies de recombinaison spontan´ee, la diffusion `a grande ´echelle ou encore les volumes de recombinaison restent `a d´eterminer. Il semble n´eanmoins acquis que certaines configurations d’interstitiels de carbone telles que Csp[100] et CspSi[100] sont mobiles `a

des temp´eratures inf´erieures `a l’ambiante (Tab. 1.9). Bockstedte et al. [116] pr´edisent que leur migration proc`ede d’un m´ecanisme concert´e. Si l’on consid`ere Csp[100], sa diffusion pourrait s’ef-

fectuer soit par sauts vers les plus proches voisins entre les sites de carbone et de silicium selon la s´equence Csp[100]→CspSi[100]→Csp[100], soit par sauts vers les seconds voisins entre les sites de

1,66 1,7 1,74 1,78 1,82 1,86 1,9 1,94 1,98 Energie (eV) In te n s it é P L re la ti v e 10 K 100 K 215 K 260 K 300 K TA(X) LA(X) TO(Γ) LO(Γ) TA(X)+TO(Γ) E TO(X)+TO(Γ) TO(X)+TO(Γ) LA(X)+LO(X) LO(X)

Fig. 5.3 – Spectres de LTPL de l’´echantillon H1e980k10K soustraits du fond continu, acquis `a 10 K apr`es recuits isochrones aux temp´eratures pr´ecis´ees dans la l´egende.

dumbbell (Fig. 5.4a) de sorte qu’un des deux atomes de carbone approche le silicium voisin tandis

que l’autre reste fig´e dans le r´eseau cristallin (Fig. 5.4b). Au mˆeme instant, l’atome de silicium

vis´e est expuls´e de son site. L’interstitiel interm´ediaire CspSi[100] (Fig. 5.4c) est ainsi form´e. Les

barri`eres d’activation associ´ees au premier saut de Csp[100] vers CspSi[100] sont, respectivement,

de 1,7 et 0,9 eV pour les ´etats de charge 2+, 1+. Elles valent 0,7 et 0,2 eV pour le second saut de CspSi[100] vers Csp[100]. La migration de ces deux interstitiels dans leur ´etat de charge neutre,

pr´edominant dans les mat´eriaux de type n ou compens´es (Fig. 4.29), requiert toutefois des ´ener- gies bien moindres puisque estim´ees entre 0,2 et 0,5 eV. Lucas [238] a, pour sa part, estim´e que la diffusion de C0spSi[100] et C0sp[100] puisse ˆetre initi´ee entre 170 et 250 K. Aussi, cet intervalle de temp´erature co¨ıncide avec celui pour lequel nous avons constat´e une ´evolution significative du spectre de photoluminescence de notre ´echantillon.

(a) (b) (c)

Fig.5.4 – Migration des interstitiels de carbone par sauts entre plus proches voisins. (a) Configu- ration initiale Csp[100], (b) ´etat transitoire et (c) configuration finale CspSi[100] [116].

Lorsque ces interstitiels de carbone, diffusant librement dans le r´eseau cristallin, p´en`etrent le champ d’attraction d’une lacune de carbone, une paire de Frenkel peut se former puis se recombiner spontan´ement si l’´energie d’activation li´ee `a ce dernier processus est inf´erieure `a la barri`ere de migration du d´efaut isol´e (Tab. 5.1). Ceci est v´erifi´ee pour la paire VC+ Csp[100]pour laquelle Gao

et al. [255] attribuent une ´energie de recombinaison de 0,24 eV (Fig. 5.1).

Certaines configurations de paires de Frenkel du sous-r´eseau silicium sont ´egalement suscep- tibles de s’annihiler `a basse temp´erature (Tab. 5.1). N´eanmoins, leur recombinaison est davan- tage limit´ee que leurs homologues du sous-r´eseau carbone car l’interstitiel Sisp[110], configura-

tion pr´evalente dans les mat´eriaux dop´es n ou compens´es, n’est pas mobile `a basse temp´erature. Bockstedte et al. [116] lui conf`erent effectivement une ´energie de migration de 1,4 eV.

Ainsi, dans les mat´eriaux irradi´es, lorsque les interstitiels et les lacunes sont pr´esents en concen- tration similaire, on peut donc s’attendre `a ce que la recombinaison lacune-interstitiel repr´esente le premier stade de recuit majeur dans le SiC. L’augmentation sensible du spectre de photolumi- nescence de H1e980k10K, constat´ee entre 200 et 245 K, est donc vraisemblablement associ´ee `a la recombinaison des paires de Frenkel du sous-r´eseau carbone, favoris´ee par la migration des inter- stitiels Csp[100] et CSisp[100]activ´ee `a basse temp´erature. L’environnement local de la monolacune

de silicium en serait ainsi modifi´e d’o`u un accroissement cons´equent de l’intensit´e de son signal. D’autres ph´enom`enes physiques suppl´ementaires dont nous ne pouvons expliciter l’origine peuvent ˆ

etre ´egalement associ´es `a l’´evolution du signal de VSi−.

5.2.4

Conclusion

Les effets d’irradiation induits par des ´electrons de 1 MeV dans le domaine des basses temp´era- tures ont ´et´e ´etudi´es en LTPL au moyen de notre syst`eme optique de mesures in situ. Nous avons tout d’abord constat´e que les d´efauts ponctuels produits `a 10 K sont de mˆeme nature que ceux g´en´er´es `a l’ambiante t´emoignant ainsi d’une probabilit´e de cr´eation importante. L’influence des re- cuits isochrones sur le spectre de photoluminescence d’un monocristal de 3C-SiC a consist´e, d’une part, en l’augmentation globale de son intensit´e et d’autre part, en l’accroissement cons´equent du signal de la monolacune de silicium entre 200 et 245 K. Nous avons associ´e ces ph´enom`enes `

a la recombinaison des paires de Frenkel proches du sous-r´eseau carbone [110] favoris´ee par la migration des interstitiels Csp[100]CSisp[100]dans leur ´etat de charge neutre [116].

En de¸c`a de 200 K, il semble donc que le mat´eriau soit totalement fig´e. Les exp´eriences entre- prises `a basse temp´eratures pourraient ainsi se contenter d’un transfert de l’´echantillon, depuis l’enceinte d’irradiation jusqu’au dispositif de mesures, `a la temp´erature de l’azote liquide sans craindre une quelconque ´evolution de l’´etat de celui-ci.

5.3

Evolution des d´efauts d’irradiation dans le domaine des