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4.2 D´ efauts d’irradiation d´ etect´ es par LTPL

4.2.2 D´ efauts induits par irradiation avec des protons et des ions carbone

4.2.2.1 Introduction

Apr`es avoir observ´e les effets d’irradiation induits par des ´electrons de diff´erentes ´energies dans le 3C-SiC, on se propose maintenant de caract´eriser des ´echantillons irradi´es avec des protons H+ de 12 MeV et des ions carbone C+ de 132 MeV dont l’utilisation devrait permettre d’´etudier l’´eventuelle contribution de l’excitation ´electronique dans le processus de cr´eation de d´efauts.

En effet, contrairement aux ´electrons, ces particules ont des m´ecanismes d’interactions com- plexes avec la mati`ere de sorte qu’il faille distinguer le d´ebut de leur fin de trajectoire au cours de laquelle ils conc`edent la majeure partie de leur ´energie propre. Aussi, les calculs fournis par la simulation SRIM nous enseignent que le parcours de ces particules dans le 3C-SiC vaut, respec- tivement, 700 μm pour H+ et 200 μm pour C+ (Fig. 4.15), c’est-`a-dire bien plus que l’´epaisseur de nos monocristaux. Les d´efauts ponctuels g´en´er´es correspondent donc, dans tous les cas, `a la r´egion des traces latentes impliquant une tr`es forte ionisation des atomes de la cible.

Il existe peu d’´etudes exp´erimentales entreprises au moyen des techniques spectroscopiques de luminescence dans le 3C-SiC irradi´e avec des ions. Faisons simplement r´ef´erence aux r´esultats acquis en cathodoluminescence par Nesterov et al. [232] apr`es irradiation d’un monocristal massif avec des protons de 2 MeV. Ces auteurs ont identifi´e les raies 0-phonon A0, B0, C0 et D0, ´equi- valentes aux ZPL D1, β1, E et γ dans la nomenclature de Itoh et al. [118], comme l’avaient d´ej`a partiellement observ´ees Geiczey et al. [86] ainsi que Geitsi et al. [233] apr`es irradiation avec des ´

electrons de 3,5 MeV.

Choyke et al. [156, 170, 234] ont, pour leur part, utilis´e des ions de basse ´energie issus des ´

el´ements He, B, Al ou P pour une implantation dans des couches minces. Dans ce cas, toute- fois, l’endommagement fut syst´ematiquement suivi d’une phase de recuit `a haute temp´erature pour favoriser, d’une part, la diffusion des impuret´es dans le mat´eriau et permettre, d’autre part, l’obtention d’un spectre de LTPL exploitable malgr´e une concentration importante en d´efauts ponctuels g´en´er´es dans la r´egion des cascades.

4.2.2.2 D´etails exp´erimentaux

Deux monocristaux HOYA sont irradi´es avec des protons de 12 MeV, sous vide d’air et `a la temp´erature ambiante au CERI, `a Orl´eans. Ils sont plac´es sur un support refroidi par circulation d’eau. Toutefois, afin de mod´erer l’´echauffement du porte-´echantillon, le flux est limit´e `a environ 1012 cm−2.s−1. Une irradiation, `a 300 K, avec des ions carbone C+ de 132 MeV est r´ealis´ee au GANIL, `a Caen. Dans ce cas, l’´echantillon est coll´e avec de la laque d’argent sur un porte- ´

echantillon ne pouvant ˆetre, quant `a lui, refroidi durant l’endommagement. Pour cette raison, le flux de particules incident n’exc`ede par 109 cm−2.s−1. Les caract´eristiques importantes des irradiations sont r´esum´ees dans le Tab. 4.3.

Intitul´e Irradiation

Particule Energie Temp. Fluence Flux (M eV ) (K) (cm−2) (cm−2.s−1)

H1H12M300K1F H+ 12 300 3,66×1014 5×1011

H1H12M300K2F H+ 12 300 4,41×1016 2,5×1012

H2C132M300K C+ 132 300 2,50×1014 2×109

Tab. 4.3 – Conditions d’irradiation des ´echantillons irradi´es avec des protons et avec des ions carbone.

Les ´echantillons sont ensuite analys´es en photoluminescence, au moyen du laser Ti :Sa doubl´e en fr´equence `a 400 nm. Ils sont, pour ce faire, fix´es sur le porte-´echantillon en cuivre de notre cryog´en´erateur pour ˆetre thermalis´es `a 10 K, temp´erature `a laquelle sont acquises nos mesures.

La luminescence des mat´eriaux est dispers´ee par un r´eseau grav´e `a 600 traits/mm. Notons enfin que l’endommagement important de nos monocristaux a fortement modifi´e leur aspect ext´erieur puisque leur teinte varie du jaune translucide pour H1H12M300K1F jusqu’au noir opaque pour

H1H12M300K2F. Ainsi, contrairement au cas des irradiations ´electroniques, aucune analyse com-

parative absolue entre les spectres de photoluminescence de ces trois ´echantillons ne peut ˆetre raisonnablement envisag´ee.

4.2.2.3 R´esultats et discussion

Les spectres de photoluminescence des trois monocristaux, consign´es en Fig. 4.6, sont qualita- tivement similaires `a ceux des ´echantillons irradi´es avec des ´electrons suffisamment ´energ´etiques (Fig. 4.1). Ils se composent, en effet, des raies 0-phonon D1, α, β1, β2, E et γ associ´ees avec leurs r´epliques vibrationnelles, elles-mˆemes distribu´ees sur un fond continu s’´etendant entre 1,6 et 1,92 eV environ. Pr´ecisons que le signal de l’exciton li´e `a l’azote n’est plus d´etect´e dans aucun des cristaux analys´es.

1,6 1,65 1,7 1,75 1,8 1,85 1,9 1,95 2 Energie (eV) In te n s it é P L re la tiv e (a) (b) (c) H M ξ Energie (eV) Inte nsit é P L rel a tiv e E γ β2 β1 α D1

Fig. 4.6 – Spectres de photoluminescence, enregistr´es `a 10 K, des monocristaux HOYA irradi´es avec des protons de 12 MeV `a la fluence de (a) 3.66×1014cm−2.s−1et de (b) 4.41×1016cm−2.s−1

et (c) avec des ions carbones de 132 MeV. Le symbole ξ d´esigne la pr´esence d’un mode r´esonnant `

a 66,5 meV associ´e au centre D1 [156].

Nous remarquons toutefois que l’utilisation de protons et d’ions carbone implique une s´ev`ere diminution du rapport d’intensit´e moyen calcul´e entre la raie E et l’ensemble des autres ZPL. En ceci, le spectre de H1H12M300K2F (Fig. 4.1b) est particuli`erement repr´esentatif. Deux in-

terpr´etations antith´etiques peuvent alors ˆetre tir´ees de cette observation. La premi`ere consiste `a soutenir l’hypoth`ese de la formation privil´egi´ee des d´efauts associ´es `a D1, α, β1, β2 et γ avec des particules plus massives et tr`es ´energ´etiques, signifiant par l`a mˆeme leur nature complexe tandis que la seconde suppose la recombinaison partielle des monolacunes de silicium pendant le proces- sus d’irradiation. Bien que l’impossibilit´e d’entreprendre une ´etude comparative absolue entre les ´

echantillons ne nous permette pas de discriminer formellement l’une ou l’autre de ces propositions, ou bien encore de soutenir les deux `a la fois, l’invariance des ratios mesur´es entre les raies D1, α,

mesures de SAP effectu´ees dans ces trois monocristaux [153] montrent que la concentration et/ou la taille des d´efauts lacunaires, de type ions n´egatifs, augmente avec la fluence et l’´energie propre des particules incidentes. Ainsi, la bilacune VSiVC constitue le pi`ege principal pour les positons

dans le cas d’une irradiation avec des protons `a 4,41×1016 cm−2 et avec des ions carbone tan- dis que la monolacune VSi est majoritairement d´etect´ee lors d’une irradiation avec des ´electrons

d’´energie voisine du MeV.

Le spectre du centre D1 observ´e dans l’´echantillon H1H12M300K2F (Fig. 4.6b), irradi´e avec

des protons `a forte fluence, est diff´erent de celui des autres monocristaux. Il laisse effectivement apparaˆıtre deux raies superpos´ees qu’une d´econvolution num´erique sous Peakfit permet de localiser `

a 1,973 eV, pour la plus ´energ´etique et `a 1,971 eV, pour la plus intense. Choyke et al. [156] ont observ´e, les premiers, la structure fine associ´ee `a ce centre de luminescence constitu´ee, de plus, du mode r´esonnant ξ `a 66,5 meV responsable de l’´epaulement de la raie E `a basses ´energies. Leurs mesures de LTPL, effectu´ees `a 1,2 K, ont plus pr´ecis´ement mis en exergue l’existence de trois raies annot´ees H (high), M (medium) et L (low) selon le domaine de temp´erature dans lequel chacune prime sur les deux autres. Ainsi L domine le spectre de D1 `a 2 K, M est la plus intense jusqu’`a 10 K tandis que la transition radiative associ´ee `a H est privil´egi´ee pour des temp´eratures sup´erieures. 10K 25K 50K 75K 100K 0 10 20 30 40 50 60 1000/T (K-1) In ten s it é P L r e la ti v e Raie H (1,973 eV) Raie M (1,971 eV) EA=67meV

Fig. 4.7 – Trac´es d’Arrhenius de la d´ependance en temp´erature de l’intensit´e des raies 0-phonon

H (trac´e bleu) et M (trac´e rouge) associ´ees au centre D1. Les traits verticaux bleu et rouge

symbolisent la hauteur relative des raies H et M enregistr´ees aux temp´eratures indiqu´ees apr`es une d´econvolution du spectre de D1.

Egilsson et al. [235] ont montr´e que les positions en ´energie de ce triplet de raies s’ajustent tr`es convenablement selon une s´erie d’´etats hydrog´eno¨ıdes. De r´ecents travaux exp´erimentaux [164, 166, 236] attribuent, pour leur part, l’´emission PL du centre D1 `a la recombinaison d’un exciton li´e `a un d´efaut iso´electronique et pseudo-donneur. Cette derni`ere propri´et´e signifie que le d´efaut pr´esente un ´etat de charge neutre dans la bande interdite mais qu’il poss`ede cependant un potentiel attractif pour les trous. Aussi, une fois l’un de ces porteurs de charge capt´e par le d´efaut, un ´electron peut ˆetre attir´e puis finalement pi´eg´e par l’interm´ediaire du potentiel coulombien. L’´emission radiative de l’exciton li´e est donc associ´ee avec la recombinaison entre la particule faiblement li´ee et le trou fortement localis´e sur le d´efaut.

Dans le domaine des hautes temp´eratures, l’´electron peut alors ˆetre ´emis dans la bande de conduction. Ce m´ecanisme est pr´ecis´ement responsable de l’extinction thermique du centre D1, effective au-del`a de 150 K. Dans ce cas, l’´etat fondamental Eh,D1 du d´efaut pseudo-donneur peut

ˆ

Eh,D1= Eg− (ED1+ EA) = 360 meV (4.1)

o`u Eg=2,396 eV est la largeur de bande interdite `a 10 K donn´ee par l’Eq. (1.1), EA=67 meV

repr´esente l’´energie d’activation attach´ee au quenching de D1(Fig. refArrhenius) et ED1=1,969 eV

d´esigne l’´energie de la transition radiative de moindre ´energie attribu´ee `a la raie L [156].

Ainsi, l’´etat fondamental du d´efaut D1 doit ˆetre localis´e, dans le polytype cubique de SiC, `a 0,36 eV au-dessus du maximum de la bande de valence (EV). Cette position est tout `a fait similaire

avec celle calcul´ee dans les structures hexagonales [159,160,168]. Storasta et al. [178] ont r´ecemment mis en ´evidence, par des mesures de DLTS, la pr´esence d’un centre accepteur profond, labellis´e

HS1, situ´e pr´ecis´ement `a EV+0,343 eV dans le gap du 4H-SiC et dont la corr´elation avec D1semble

d´esormais faire l’objet d’un v´eritable consensus. Aussi, la concentration relativement importante de ce d´efaut d´etermin´ee dans les mat´eriaux bruts de croissance tend `a montrer que son ´energie de formation est comparable avec celles de VC, VSi, SiCou encore CSi(Tab. 1.8). N´eanmoins, l’antisite

de carbone peut ˆetre ´ecart´e d’embl´ee puisque les calculs de Torpoet al. [109] bas´es sur la th´eorie de la fonctionnelle de la densit´e (DFT) avec approximation de la densit´e locale (LDA) montrent qu’il ne poss`ede aucun ´etat de charge stable dans le 3C-SiC. Il ne faut cependant pas, en toute rigueur, exclure l’hypoth`ese d’un complexe impliquant des antisites de carbone. La monolacune de carbone et, par cons´equent, les complexes incluant des liaisons pendantes Si ne peuvent expliquer les r´esultats exp´erimentaux puisqu’il donnent naissance `a des niveaux d’ionisation beaucoup trop proches de la bande de conduction [113]. Il semble, par ailleurs, peu probable que l’interaction de deux monolacunes de carbone au sein d’une bilacune puisse modifier la position des niveaux d’ionisation pour la faire correspondre avec celle du d´efaut D1(Tab. 1.7). En r´ef´erence `a d’anciens calculs, formellement invalid´es depuis [120], localisant l’´etat d’ionisation (0/+) de la monolacune de silicium `a 1,96 eV au-dessus de EV [237], Fissel et al. [165] ont, un temps, propos´e que ce d´efaut

puisse ˆetre associ´e `a D1. Bockstedte et al. [120] ont, quant `a eux, pr´edit que le niveau d’ionisation de l’antisite de silicium se situe `a EV+0,37 eV ce qui est analogue avec la position du centre D1

d´etermin´ee plus haut. L’hypoth`ese de SiC sera discut´ee plus avant dans le prochain chapitre.

4.2.2.4 Conclusion

Nous avons montr´e que la nature des d´efauts g´en´er´es par une irradiation avec des protons de 12 MeV et des ions carbone de 132 MeV, dans la r´egion des traces latentes, est identique `a celle induite par des ´electrons. Cela n’a d’ailleurs rien de particuli`erement ´etonnant puisque, dans la r´egion des traces, l’effet initial de la particule est uniquement de provoquer l’ionisation des atomes de la cible en produisant des ´electrons de haute ´energie. Ce sont ces derniers qui provoqueront, par la suite, l’apparition de d´efauts ponctuels, de fa¸con tout `a fait semblable `a un faisceau ex- terne d’´electrons. La r´epartition spatiale des d´efauts peut toutefois ˆetre fortement affect´ee par le caract`ere inhomog`ene (concentration autour du parcours de l’ion) de la distribution des d´efauts. N´eanmoins, la faible intensit´e relative du signal de la monolacune de silicium engendr´ee par ce premier type de particules sugg`ere qu’elle soit impliqu´ee dans des m´ecanismes de recombinaison activ´es pendant la phase d’endommagement `a la temp´erature ambiante. Une analyse fine de ce probl`eme devrait int´egrer les effets dits de pointe thermique, c’est-`a-dire une augmentation signi- ficative de la temp´erature locale du mat´eriau autour de la trace de l’ion.

Pour ´etudier r´eellement l’incidence de l’excitation ´electronique sur la nature des d´efauts induits, il serait n´ecessaire d’utiliser des ions plus massifs tels que des ions krypton, ou des ions x´enon. Pour illustration, le Tab. (4.4) pr´esente les pertes d’´energie ´electronique, calcul´ees par SRIM, pour diff´erents ions d’´energie 12 MeV/nucl´eon. Nous observons que la perte d’´energie ´electronique augmente lorsqu’on passe des protons aux ions carbone mais elle augmente encore plus fortement pour les ions krypton ou x´enon. Avec des masses aussi ´elev´ees, les processus de g´en´eration des d´efauts pourraient d`es lors diff´erer.

Ion H+ C+ Kr+ Xe+

(dE/dx)´elec 3,2×10−2 1,1 30 57 (MeV.mg−1.cm2)

Tab. 4.4 – Rapports entre les pertes d’´energies ´electroniques et nucl´eaires pour diff´erents ions d’´energie 12 MeV/nucl´eon.

4.2.3

etermination de

E

d

(Si) et estimation de l’´energie seuil de cr´ea-