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Nous avons voulu vérifier la représentativité d’une lave prise « au hasard » sur un volcan composite dans l’étude des déséquilibres radioactifs. Pour cela des laves d’éruptions historiques différentes ont été analysées sur les deux volcans les plus actifs (voir III.B.3.2) de la zone volcanique sud des Andes : le Llaima et le Villarrica. Les laves étudiées du Llaima couvrent une période de temps plus grande que celles du Villarrica (exception faite de l’éruption de Pucon).

Le volcan Llaima (38°42’S – 71°44’W), qui culmine à 3.125 m sous un glacier, est le

volcan le plus volumineux des volcans chiliens avec ses 400 km3. Avec le Villarrica c’est le

volcan le plus actif de la SVZ avec plus de 40 éruptions depuis le 17ème siècle. L’édifice s’est

construit par la succession des coulées de lave au centre d’une caldeira de 8 km de diamètre, formée après une éruption post-glaciale cataclysmique il y a 13.200 ans, durant laquelle

quelques 24 km3 d’ignimbrite ont été émis (Naranjo et Moreno, 1991). Il existe deux cratères,

la majorité des éruptions historiques ayant eu lieu dans le cratère sommital et seules quelques petites éruptions ont pris place dans le cratère sud-est (nommé le Pichillaima). La plupart des produits des éruptions historiques de ce volcan sont des basaltes ou des andésites. Les éruptions sont de type Strombolien et peu souvent sub-Plinien (Simkin et Siebert, 1994).

Nos échantillons proviennent de trois éruptions historiques (1620, 1751, 1957) dont la plus récente est la plus importante éruption historique recensée (Naranjo et Moreno, 1991) pour ce volcan. Les rapports isotopiques du Th mesurés sont légèrement variables (de 0,86 à 0,91), diminuant vers le présent, et laissent penser que les sources des différentes laves sont légèrement différentes (tableau III.B.3.b). Ainsi il est difficile d’imaginer une chambre magmatique de grande taille sous ce volcan, qui aurait tendance à homogénéiser les rapports

(230Th/232Th) et ce, même si une chambre magmatique devait exister avant l’effondrement de

la caldeira lors de l’éruption datant de 13.200 ans.

Toutes les laves mesurées présentent des excès en 226Ra et 238U par rapport à 230Th

(figures III.B.3.a et III.B.3.1.a). Ces excès sont assez variables dans le temps et de plus en plus prononcés vers le présent. Etant donné que les dates des éruptions étaient bien connues

nous avons calculé le rapport (226Ra/230Th)0 qui représente la valeur au moment de l’éruption,

c’est à dire la valeur mesurée corrigée de la décroissance radioactive depuis l’éruption. Le

calcul n’est pas nécessaire pour le 238U étant donné la très grande période de demi-vie de cet

isotope. Ce calcul était nécessaire en particulier pour la lave de l’éruption de 1650, la variation due à la désintégration radioactive depuis cette éruption jusqu’au présent étant plus

grande que les 2% d’erreur analytique. Les excès de 238U mesurés sur ce volcan sont les plus

élevés, avec ceux du Villarrica, de tous ceux que nous avons analysés pour cet arc (mis à part

Osorno dont la source peut être considérée comme différente). Pour les excès de 226Ra cette

constatation n’est valable que pour la lave de 1957, les deux autres laves sortant légèrement

de la corrélation générale de l’arc (excès de 226Ra moins importants en comparaison des excès

de 238U par rapport à 230Th). Cette éruption étant considérée comme la plus importante de la

période historique pour ce volcan, l’hypothèse que les excès sont liés à l’activité des différents volcans d’un arc, est valable au sein même d’un volcan, les éruptions les plus importantes semblant avoir enregistré les excès les plus grands.

0.8 0.9 1 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.05 1.1 1.15 1.2 1.25 ( 22 6 Ra / 23 0 Th) 0 (238U/230Th) Vil71 Vil85 Ll1957 Ll1751 Ll1650 P

Figure III.B.3.1.a : Comparaison des déséquilibres radioactifs des volcans Llaima et Villarrica dans le temps dans les systèmes 226Ra-230Th et 238U-230Th. Les abréviations signifient : Ll pour Llaima, Vil pour Villarrica, P pour l’éruption Pucon. La droite horizontale d’ordonnée 1 représente l’équilibre séculaire pour le système 226Ra-230Th. Les valeurs présentées pour le système 226Ra-230Th sont corrigées de la croissance radioactive depuis l’éruption, sauf l’éruption Pucon qui est considérée à l’équilibre pour ce système.

Le Villarrica (39°25’S et 71°57’O) dont le sommet, à 2847 m, est lui aussi recouvert d’un glacier, est un stratovolcan composite. On trouve vers son sommet une caldeira de 2 km de large formée par une éruption âgée de 3.500 ans environ et une autre, plus large, de 6 km formée au Pléistocène. Les laves les plus fréquentes lors des éruptions sont des basaltes et des andésites pour les termes évolués. Les éruptions sont modérément explosives et les effusions de lave sont peu fréquentes.

Les échantillons analysés pour ce volcan (Pucon, 1971, 1984 et 2004) représentent, respectivement, l’éruption cataclysmique de Pucon, deux des éruptions les plus importantes du siècle dernier et la dernière éruption en date. La lave de l’éruption de 2004 n’a pas pu, pour

le moment, être mesurée en ce qui concerne le rapport isotopique de thorium et (226Ra). Les

variations sont assez faibles du point de vue des déséquilibres avec des excès importants en

238

que les faibles variations du rapport Th/U (voir figure III.B.3.c), ainsi que le rapport

(230Th/232Th) identique pour les éruptions de 1971 et 1985 (Sigmarsson et al., 2002) laissent

supposer que la source responsable de la formation des magmas parents des trois éruptions est restée constante. Il est possible, au vu de la figure III.B.3.c, d’imaginer que la source du magmatisme du Villarrica a pu rester constante dans le temps et que la contamination crustale a pu s’effacer vers le présent.

Ces deux volcans très proches dans l’espace le sont aussi au niveau des déséquilibres. Il est probable que les déséquilibres des séries de l’uranium traduisent un contexte géodynamique particulier. Bien que cohérents dans la tendance relevée sur tout le segment en

ce qui concerne les excès de 238U et 226Ra par rapport à 230Th, ces volcans semblent décrire

une tendance qui leur est propre. Grâce à nos résultats nous pouvons affirmer que dans la période historique, même si les éruptions d’un même volcan sont différentes, les variations au sein d’un unique volcan, du point de vue des déséquilibres sont minimes à l’échelle de l’arc et que, de ce fait, une lave prise « au hasard » est représentative du volcan. Cependant on remarque tout de même qu’à l’échelle d’un seul volcan les variations des déséquilibres

(238U/230Th) ou (226Ra/230Th) peuvent refléter des conditions variables lors de la genèse des

magmas et renseigner sur l’évolution de ces conditions au cours du temps. A l’échelle de

l’arc, les volcans les plus actifs possèdent les plus forts excès de 238U par rapport à 230Th (et

dans une moindre mesure de 226Ra par rapport à 230Th). Cette activité plus importante peut

être liée à une quantité de fluide impliquée plus grande.

III.B.3.2 – La quantité de fluides reliée à la productivité ? Comparaison SVZ