2.1. Enfance
Chez l’enfant en surpoids, un retard du développement des habilités motrices (Graf et al., 2004) est à l’origine d’une baisse de la condition physique. Même si la motricité globale n’est pas significativement différente entre des enfants en surpoids et normo‐pondérés d’âge préscolaire (Bonvin et al., 2012),Williams et al. (2008) ont mis en évidence que les habiletés motrices sont moins développées chez les jeunes enfants qui présentent un faible niveau d’activité physique. Dès l’âge de 5 ans, Niederer et al. (2012) observent des divergences entre les groupes de statut pondéral différent. Le groupe normo‐pondéré obtient de meilleurs résultats sur des tests d’endurance aérobie, d'agilité et d'équilibre dynamique, alors que le groupe surpoids est en réussite sur le test d’équilibre statique. À l’âge de 7 ans, Cliff et al. (2012) démontrent que les enfants obèses présentent des carences dans 12 habilités motrices fondamentales : locomotion comme courir, cloche pied, foulée bondissante, sautiller, pas chassé, saut en longueur sans élan ou maîtriser un objet comme lancer une balle, attraper un ballon, dribbler, shooter, faire rouler, frapper une balle avec une batte.
Tokmakidis et al. (2006) ont évalué certaines qualités de la condition physique chez 709 enfants grecs scolarisés en école primaire et ont montré des différences entre les sexes et le statut pondéral.
En outre, les garçons en surpoids ont de meilleures performances que les garçons obèses en termes de force explosive, endurance musculaire et cardiorespiratoire, et les filles en surpoids obtiennent de meilleures performances que les filles obèses en termes d’agilité et d'endurance musculaire. En comparant la coordination motrice globale chez les mêmes sujets (âgés de 6 à 10 ans) à 2 ans d’intervalle, D'Hondt et al. (2013) mettent, quant à eux, en évidence une différence plus marquée avec le temps entre les performances motrices des jeunes normo‐pondérés et des jeunes en surpoids. Ils évoquent la notion de développement moteur non‐optimal chez ces derniers, particulièrement pour ceux qui n’ont pas de pratique physique encadrée extrascolaire. Par ailleurs, c’est à partir de l’âge de 9 ‐ 10 ans que l’on retrouve chez les enfants obèses une différence
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significative entre les compétences physiques perçues et réelles (Jones et al., 2010; Sung et al., 2005). L’image que garde le jeune obèse de ses propres performances semble être sous‐estimée dès la pré‐adolescence.
2.2. Adolescence
Deforche et al. (2003) ont évalué la condition physique chez 3214 adolescents belges, et ont démontré qu’il n’y avait pas de différence significative sur les tests de souplesse et d’agilité chez les jeunes obèses comparativement à leurs homologues normo‐pondérés. D’ailleurs, leur force musculaire est supérieure notamment en raison d’une masse maigre plus développée. En revanche, dès que leur poids corporel est engagé dans un test physique, les jeunes obèses montrent de moins bonnes performances : l’endurance cardiorespiratoire, l’endurance musculaire, l’équilibre, la vitesse, ou encore la coordination. Fogelholm et al. (2008) confirment ces résultats chez 2348 adolescents finlandais et indiquent que pour un même niveau d’activité physique, les jeunes obèses ont toujours une condition physique plus faible, notamment en raison de leur faible endurance cardiorespiratoire ; les autres qualités physiques pouvant être compensées par un haut niveau de pratique. De manière similaire, Aires et al. (2010) ont étudié les interactions entre niveau de condition physique, niveau d’activité physique et niveau de corpulence durant 3 ans chez des adolescents, et en ont conclu que les variations d'IMC étaient négativement associées aux changements de condition physique. Par conséquent, les adolescents qui avaient un bon niveau de condition physique au départ ont maintenu un haut niveau d‘activité et inversement. Enfin, Rodrigues et al. (2013) ont récemment étudié l'influence de la condition physique sur le développement du tissu adipeux chez des jeunes suivis sur une période de 9 ans, et ont montré qu’une condition physique médiocre dans l’enfance est associée au développement de l’obésité entre l’âge de 6 à 15 ans.
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2.3. Relation : endurance cardiorespiratoire et composition corporelle Les performances cardiorespiratoires sous‐maximales ou maximales des enfants obèses sont significativement plus faibles que celles des enfants normo‐pondérés. Pour une puissance d’exercice identique, les sollicitations cardiovasculaires et respiratoires sont plus importantes avec des fréquences cardiaques et des débits ventilatoires plus élevés chez le jeune obèse (Ferns et al., 2011).
Le seuil d’essoufflement apparait plus précocement (Mendelson et al., 2012) et la restriction pulmonaire de repos à l’origine d’un pattern ventilatoire de nature restrictive lors de l’exercice (Michallet et al., 2007) est observé en raison de l’excès de masse grasse au niveau du thorax et de la ceinture abdominale. Sur le plan énergétique, l’utilisation des glucides est prédominante lors d’exercices physiques modérés à intenses limitant l’utilisation des lipides (Perez‐Martin et al., 2001).
Chez le jeune obèse, la difficulté à réaliser un exercice physique aérobie serait principalement due à une demande métabolique très élevée pour porter sa surcharge pondérale plutôt qu’à une véritable diminution de son aptitude cardiorespiratoire. Goran et al. (2000) observent, chez l’obèse, un VO2pic supérieur en valeur absolue et inférieur en valeur relative à la masse corporelle comparé à celui d’enfant normo‐pondéré. En revanche, il est similaire lorsqu’il est rapporté à la masse maigre. Ces résultats indiquent que la capacité de transport et de consommation d’oxygène par unité de masse musculaire ne semblent pas perturbées chez l’obèse. Néanmoins, Mendelson et al. (2012) montrent, quant à eux, que la puissance développée par de jeunes obèses est moindre lors d’un exercice maximale sur bicyclette ergométrique, témoin d’une plus faible efficience mécanique (charge de travail divisée par la consommation d’oxygène). Le coût énergétique plus élevé pour une activité physique donnée explique en partie les différences entre sujet obèse et normo‐pondéré (Norman et al., 2005; Peyrot et al., 2009).
L’aptitude cardiorespiratoire est directement influencée par la composition corporelle (Nassis et al., 2005). En effet, Dao et al. (2004b), montrent qu’au cours d’une prise en charge, le VO2max d’un adolescent obèse s’améliore nettement lorsqu’il est rapporté au poids corporel. Cependant, ces auteurs précisent que le VO2max en valeur absolue reste stable et que l’amélioration superficielle du
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VO2max en valeur relative provient essentiellement d’une perte de masse grasse. Le VO2max est corrélé directement à la masse musculaire qui reste stable chez les filles ou augmente très légèrement chez les garçons en raison du développement pubertaire.
Dès la petite enfance, un faible niveau d’activité physique, associé à un développement moteur non optimal, aggravé par l’accumulation de tissus adipeux, induit progressivement une forme de déconditionnement à l’exercice chez le jeune obèse. L’enfant se trouve alors dans une situation d’échec vis‐à‐vis des activités physiques et sportives, à l’origine d’un phénomène de rejet de la pratique et une augmentation de l’inactivité entretenant la prise de poids (Figure 7). Chez l’adolescent, il semble exister une relation inverse entre la condition physique et le niveau d’IMC dans laquelle l‘endurance cardiorespiratoire a une part prépondérante (Rauner et al., 2013).
Pourtant, c’est la qualité physique la plus clairement liée au bien‐être physique et à la qualité de vie future. Elle détermine en grande partie la résistance au ralentissement de l'activité physique à l’âge adulte (OMS, 2010). Il est donc indispensable d'en évaluer le développement et le retentissement chez l’obèse pendant l'enfance et l’adolescence (Leduc, 2012).
Figure 7 : Spirale du déconditionnement chez l’enfant ou l’adolescent obèse (APOP, 2008).
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